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LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

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tel-00846655, version 1 - 19 Jul 2013<br />

l’amputation d’une partie accessoire 1 . Cette différenciation hiérarchique entre les parties<br />

conduit Buffon à supposer que le temps de leur développement est lui aussi différencié, les<br />

parties fondamentales se développant logiquement en premier. Dès lors, « le premier<br />

développement qui succède immédiatement à la formation du fœtus n’est pas un<br />

accroissement proportionnel de toutes les parties qui le composent » 2 .<br />

On peut inférer deux conséquences pour la formation du monstre. La distinction entre<br />

parties essentielles et parties accessoires permet de distinguer des degrés dans la monstruosité,<br />

c’est-à-dire des degrés dans la contradiction des parties organiques 3 . Si l’altération du<br />

développement atteint des parties fondamentales, il y a alors de très fortes chances que l’être<br />

vivant ne soit qu’une simple ébauche d’un être organisé, qui n’a ni forme ni figure bien<br />

déterminées. Si cette altération concerne des parties plus accessoires, alors la monstruosité<br />

touche plutôt la figure que la configuration interne, et le monstre a plus de chance de survivre,<br />

même si, en altérant la figure, son emprise sur le monde extérieur et son insertion se trouvent<br />

altérées. La deuxième conséquence est que Buffon n’est pas loin de penser que le monstre<br />

peut être produit pas un arrêt du développement dû à un accident extérieur 4 . Qu’une partie<br />

arrête de se développer n’entraîne pas nécessairement l’arrêt du développement des autres<br />

parties, mais est rompue la possibilité d’un développement proportionnel ; le dépliage de la<br />

forme aboutit à des difformités.<br />

Cette explication de la formation monstrueuse se limite au niveau du développement<br />

du fœtus. Mais il y a des monstres – ceux par défaut ou par excès 5 – dont la production<br />

s’explique au niveau de la formation du fœtus, et non de son développement, au moment où<br />

les molécules organiques se joignent. Leur apparition trouve leur raison dans les liqueurs<br />

séminales trop abondantes en molécules organiques. Au lieu de s’organiser autour d’un<br />

centre, par l’abondance, « il se forme différentes petites sphères d’attraction ou de réunion en<br />

différents endroits de la liqueur » 6 à partir desquelles se forment plusieurs fœtus par le<br />

processus normal que nous avons mis en évidence. Ainsi s’expliquent les jumeaux. Mais il<br />

peut arriver que dans une sphère d’attraction se forment deux centres, qui ne peuvent avoir<br />

une force égale d’attraction – sinon nous aurions deux embryons sans placenta et enveloppes,<br />

1 IR, ibid., p. 368 : « Il me paraît que pour reconnaître les parties fondamentales et essentielles du corps de<br />

l’animal, il faut faire attention au nombre, à la situation et à la nature de toutes les parties ; celles qui sont<br />

simples, celles dont la position est invariable, celles dont la nature est telle que l’animal ne peut exister sans<br />

elles, seront certainement les parties essentielles ; celles au contraire qui sont doubles, ou en plus grand nombre,<br />

celles dont la grandeur et la position varient, et enfin celles qu’on peut retrancher de l’animal sans le blesser, ou<br />

même sans le faire périr peuvent être regardées comme moins nécessaires et plus accessoires à la machine<br />

animale ».<br />

2 IR, ibid., p. 366.<br />

3 Ce point sera mis en évidence et entériné par la tératologie.<br />

4 L’idée d’arrêt de développement sera la grande théorie de la tératologie, comme nous le verrons aux chapitres II<br />

à IV.<br />

5 C’est-à-dire des organismes à qui « il manque quelque partie » ou ceux qui « ont plus de parties qu’il n’en<br />

faut », IR, ibid., chap. 10 : De la formation du fœtus, p. 350.<br />

6 IR, ibid., p. 349.

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