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LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

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tel-00846655, version 1 - 19 Jul 2013<br />

tant que partie, elle a la même figure (il n’est pas question que l’orme, par exemple, soit<br />

composé de parties qui sont autant de petits ormes avec leurs feuilles, leur tronc, leurs racines,<br />

malgré ce que pourrait laisser croire une certaine naïveté d’expression), mais parce qu’elle a<br />

la même forme, c’est-à-dire le même moule intérieur. Mais qu’en est-il du mécanisme de la<br />

génération lorsque les organismes sont complexes, composés « de parties, à la vérité, toute<br />

organiques, mais différemment organisées (…) différentes du tout, et différentes entre<br />

elles » 1 ? Si la nature use du même fond, pourquoi, pour les organismes complexes, « chaque<br />

individu mâle ou femelle ne produit pas tout seul son semblable » 2 ?<br />

Buffon est clairement un tenant de l’épigenèse : il met en avant l’idée que dans le mâle<br />

comme dans la femelle les germes ne sont que des ébauches de l’être vivant, si bien que pour<br />

former un être vivant complet commençant à se développer ils doivent entrer en contact avec<br />

la liqueur séminale de l’autre sexe qui porte si l’on ose dire l’ébauche complémentaire. Ce<br />

n’est que dans cette rencontre que les deux ébauches mêlées deviennent un petit être<br />

organisé :<br />

Les prétendus animaux spermatiques dont nous venons de parler, pourraient bien n’être que<br />

très peu organisés ; qu’ils ne sont, tout au plus, que l’ébauche d’un être vivant ; ou, pour le<br />

dire plus clairement, ces prétendus animaux ne sont que les parties organiques vivantes dont<br />

nous avons parlé, qui sont communes aux animaux et aux végétaux, ou tout au plus, ils ne sont<br />

que la première réunion de ces parties organiques. 3<br />

Les deux liqueurs séminales apportant chacune des molécules organiques (à la fois<br />

semblables lorsque ces molécules proviennent des parties du corps communes aux deux sexes<br />

et dissemblables lorsqu’elles proviennent de parties qui sont propres à chaque sexe) vont<br />

réagir l’une sur l’autre et l’une par rapport à l’autre.<br />

Reste un dernier problème : comment s’effectue cette organisation qui est une mise en<br />

ordre autant qu’une mise en forme une fois le mélange des deux liqueurs séminales<br />

accompli ? Si l’on fait de la vie une propriété de la matière, l’esprit de conséquence veut que<br />

l’on se tourne vers les seules lois de la matière pour expliquer l’organisation des vivants. Or<br />

une loi domine, celle de l’attraction. Mais comment l’attraction pourra-t-elle produire, à partir<br />

de sa nécessité uniforme, la différence entre un être brut et un être organisé ? Il revient sans<br />

doute à Maupertuis d’avoir formulé de la manière la plus claire qui soit ce problème, dans un<br />

texte cependant postérieur aux écrits où Buffon traite de la génération :<br />

Une attraction uniforme et aveugle répandue dans toutes les parties de la matière, ne saurait<br />

servir à expliquer comment ces parties s’arrangent pour former le corps dont l’organisation est<br />

la plus simple. Si toutes ont la même tendance, la même force pour s’unir les unes aux autres,<br />

pourquoi celles-ci vont-elles former l’œil, pourquoi celles-là l’oreille ? Pourquoi ce<br />

merveilleux arrangement ? Pourquoi ne s’unissent-elles pas toutes pêle-mêle ? 4<br />

1 HN, ibid., p. 162.<br />

2 IR, II, Histoire des animaux, chap. 10 : De la formation du foetus, p. 331.<br />

3 HN, ibid., chap. 4 : De la génération des animaux, pp. 169-170.<br />

4 Maupertuis, Essai sur la formation des corps organisés, Berlin, 1754, édition moderne donnée en annexe de<br />

celle de l’œuvre de Diderot, Pensées sur l’interprétation de la nature, Paris, GF Flammarion, 2005, XIV, p. 205.

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