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LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

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tel-00846655, version 1 - 19 Jul 2013<br />

premier être de chaque lignée contient en lui la totalité des êtres futurs déjà tout formés qui<br />

attendent seulement leur développement, c’est-à-dire dans ce contexte leur agrandissement.<br />

Alors, rétorque Buffon,<br />

Lorsque nous demandons comment on peut concevoir que se fait la reproduction des êtres, et<br />

qu’on nous répond que dans le premier être cette reproduction était toute faite, c’est non<br />

seulement avouer qu’on ignore comment elle se fait, mais encore renoncer à la volonté de le<br />

concevoir. On demande comment un être produit son semblable, on répond c’est qu’il était<br />

tout produit ; peut-on recevoir cette solution ? car qu’il n’y ait qu’une génération de l’un à<br />

l’autre, ou qu’il y en ait un million, la chose est égale, la même difficulté reste, et bien loin de<br />

la résoudre, en l’éloignant on y joint une nouvelle obscurité par la supposition qu’on est obligé<br />

de faire du nombre indéfini de germes tous contenus dans un seul. 1<br />

La seconde critique porte précisément sur la supposition qu’il faille, pour rendre<br />

cohérent le préformationnisme, un progrès à l’infini dans l’emboîtement des germes. En effet,<br />

le germe (ver spermatique ou œuf), quoique tout formé, est déjà extrêmement petit. Faisons<br />

maintenant la supposition du préformationnisme : ce germe contient en lui le germe de la<br />

seconde génération, encore plus petit, qui lui-même contient le germe de la troisième<br />

génération, encore plus petit, et ceci à l’infini, c’est-à-dire indéfiniment 2 . Buffon s’amuse à<br />

donner des grandeurs en partant de l’hypothèse que le premier germe dans le premier homme<br />

est un milliard de fois plus petit que lui. Le germe de la sixième génération emboîté dans les<br />

germes précédents aurait une taille exprimée par un nombre de cinquante-cinq chiffres. Pour<br />

Buffon, le préformationnisme fait tout simplement disparaître son objet ! Dès lors, « il me<br />

semble que la vraisemblance de cette opinion disparaît à mesure que l’objet s’évanouit » 3 . La<br />

critique est bien celle d’un physicien ; elle revient à montrer l’impossibilité de fait d’une<br />

possibilité théorique entrevue par l’esprit : la division de la matière à l’infini. Il n’y aurait pas<br />

à poser l’existence du plus petit atome possible, ce que pourtant font les physiciens. Le<br />

préformationnisme faisant intervenir le progrès à l’infini ne peut prétendre être une<br />

explication physique de la génération. S’il n’est pas une explication physique, il est donc –<br />

pas autre alternative – « une illusion de l’esprit » 4 .<br />

La troisième et la quatrième critique portent toutes les deux sur l’idée que le<br />

préformationnisme fait reposer la génération sur un seul sexe, la femelle si on est oviste, le<br />

1 HN, Histoire des animaux, chap. 2 : De la reproduction en général, pp. 149-150. Cette ligne argumentative<br />

s’inspire toujours de Maupertuis : « Quant à la seconde question, si le système du développement rend la<br />

Physique plus lumineuse qu’elle ne serait en admettant de nouvelles productions ; il est vrai qu’on ne comprend<br />

point comment à chaque génération, un corps organisé, un animal se peut former : mais comprend-on mieux<br />

comment cette suite infinie d’animaux contenus les uns dans les autres, aurait été formée tout à la fois ? Il me<br />

semble qu’on se fait ici une illusion ; et qu’on croit résoudre la difficulté en l’éloignant. Mais la difficulté<br />

demeure la même, à moins qu’on en trouve une plus grande à concevoir comment tous ces corps organisés<br />

auraient été formés les uns dans les autres, et tous dans un seul, qu’à croire qu’ils ne sont formés que<br />

successivement », Vénus physique, dans Vénus physique suivie de La lettre sur le progrès de la science, Paris,<br />

Aubier Montaigne, 1980, première partie, chapitre XII, p. 109.<br />

2 Buffon critique l’idée que l’infini géométrique ou arithmétique puisse avoir une existence actuelle. L’idée<br />

d’infini ne peut provenir que de l’idée du fini, et consiste en une succession indéfinie d’unités. Sur ce point cf.<br />

HN, ibid., p. 149.<br />

3 IR, II, Histoire des animaux, chap. 5 : Exposition des systèmes sur la génération, p. 156.<br />

4 Ibid., p. 155.

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