28.02.2014 Views

LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

441<br />

tel-00846655, version 1 - 19 Jul 2013<br />

métaphorisation du terme « monstre » 1 . Le problème reste cependant entier de savoir<br />

comment construire le concept du monstre. Autrement dit, maintenant que nous avons établi<br />

que les métaphores, dans le discours spéculatif, étaient une demande de concepts, il s’agit de<br />

savoir comment il est possible de répondre à cette demande. Bref, la question porte, et sur la<br />

manière dont on peut construire le concept de monstre, et sur la nature d’un tel concept. Car<br />

il est possible que le monstrueux comme rapport d’inadéquation remonte pour ainsi dire d’un<br />

rang et que ce soit, non plus l’objet, mais le concept de monstre qui actualise de façon<br />

inadéquate le concept du concept. Le concept de monstre serait-il alors un concept<br />

monstrueux ? La pensée, cherchant à sortir de la métaphore à propos du monstre, ne serait-elle<br />

pas dans la plus grande confusion ? En d’autres termes, il nous paraît inévitable qu’une<br />

réflexion telle que nous l’avons menée, sur la nature du monstre, sa portée ontologique et<br />

métaphysique, entraîne concomitamment une réflexion sur ce que penser le monstre veut dire,<br />

sur la façon dont le monstre se dit dans la pensée, et, par conséquent, d’une manière plus<br />

générale, à cette occasion, ce que penser veut dire, ce que penser aux limites du pensable veut<br />

dire.<br />

Devant ce problème, il semblerait que la seule voie qui se dessine à nous soit<br />

finalement, dans un premier temps seulement, une voie kantienne. S’assurer de la rationalité,<br />

ou plus exactement encore de l’objectivité, de nos connaissances, c’est se confronter à la<br />

limite de la raison. Par la notion de limite, Kant ne veut pas rappeler la finitude de la raison –<br />

évidemment notre savoir est borné en ceci qu’il fait l’épreuve de ses ignorances et<br />

manquements 2 – mais, d’une part, souligner que l’ignorance est ce qui provoque la<br />

recherche 3 , d’autre part et surtout, que la détermination de la limite de la raison est en ellemême<br />

un acte positif puisque, par lui, elle circonscrit avec exactitude, c’est-à-dire de façon a<br />

priori, le champ de son pouvoir au-delà duquel il ne lui est plus donné la possibilité de penser<br />

les choses mêmes, autrement dit qu’il y a bien une ignorance nécessaire pour que la pensée<br />

puisse déployer l’effectivité de son savoir 4 . C’est parce qu’elle sait la limite de son pouvoir de<br />

connaître qu’elle peut a priori postuler que les bornes de ses connaissances seront repoussées<br />

avec les progrès du savoir. La question est donc de déterminer si le monstre est un objet qui<br />

1 Mais cela n’empêche pas, comme nous l’avons vu, que le monstre fasse l’objet lui-même de métaphores.<br />

2 Sur la distinction entre l’idée de borne et l’idée de limite, cf. Critique de la raison pure, op. cit., p. 518 et<br />

Prolégomènes à toute métaphysique future qui pourra se présenter comme science, trad. Louis Guillermit, Paris,<br />

Vrin, 1993, § 57 et § 59.<br />

3 « La conscience de mon ignorance (si cette ignorance n’est pas en même temps reconnue comme nécessaire),<br />

au lieu de mettre fin à mes recherches, est, au contraire, la vraie cause qui les provoque », Critique de la raison<br />

pure, op. cit., p. 518.<br />

4 « Mais comme une limite est elle-même quelque chose de positif, qui appartient aussi bien à ce qu’elle enclôt<br />

qu’à l’espace situé à l’extérieur d’un ensemble donné, il y a donc bien une connaissance positive réelle à laquelle<br />

la raison ne prend part qu’en s’étendant jusqu’à cette limite, pourvu toutefois qu’elle ne tente pas de la<br />

transgresser, puisque, au-delà, elle trouve devant elle un espace vide dans lequel elle peut assurément penser des<br />

formes pour les choses, mais nullement les choses mêmes. Or la limitation du champ de l’expérience par quelque<br />

chose qui lui est au demeurant inconnu est bien une connaissance qui de ce point de vue reste acquise pour la<br />

raison ; par cette connaissance, la raison, sans être bornée au monde sensible et sans non plus s’égarer au-delà,<br />

s’en tient strictement, comme le permet une connaissance des limites, au rapport entre ce qui se situe à<br />

l’extérieur de ces limites et ce qui est contenu à l’intérieur », Prolégomènes, op. cit., § 59, p. 141.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!