28.02.2014 Views

LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

440<br />

tel-00846655, version 1 - 19 Jul 2013<br />

la question : comment le monstrueux pourrait-il donner lieu à du conceptuel quand il désigne<br />

précisément un rapport d’inadéquation au conceptuel ? Comment même pourrait-il être luimême<br />

un concept ? Pour examiner cette difficulté, il convient de faire toute une série de mises<br />

au point.<br />

Tout d’abord, le monstrueux, tel qu’il est défini par Granger, ne nomme pas un<br />

concept, mais qualifie un type d’objet. Plus précisément encore, il qualifie un certain rapport<br />

de l’objet au concept. Ensuite, ce rapport est celui d’une réalisation : l’objet réalise un<br />

concept, c’est-à-dire présente dans l’actualité de sa forme un ensemble de caractéristiques<br />

conformes à la connaissance du concept qu’on a de lui. Il se peut certes que, parfois, l’objet<br />

s’écarte de son concept ; il reste néanmoins en adéquation avec lui dès lors qu’il réalise une<br />

variante contenue virtuellement en lui. C’est dire que les concepts ont comme une réserve de<br />

virtualités qui leur permet de subsumer sous eux des objets qui, tout en s’écartant, restent dans<br />

leur « faisceau de virtualités » 1 . Dans ce contexte, est dit monstrueux un objet qui réalise<br />

inadéquatement son concept, c’est-à-dire qui est « l’actualisation d’une virtualité non prévue<br />

ou reconnue » 2 . Relevons donc qu’il n’est pas tant question ici d’une impossibilité pour le<br />

monstrueux d’atteindre au concept, que de la description d’un rapport d’inadéquation entre un<br />

objet actuel et le concept qui faisait attendre tout autre chose.<br />

Que le monstrueux ne soit pas, en soi, étranger au concept, nous en voulons pour<br />

preuve que le conflit entre un concept « et une actualité qui devrait pourtant s’y conformer » 3<br />

peut provenir de « l’insuffisante connaissance du concept de l’objet, qui ne ferait pas droit à<br />

toutes ses virtualités » 4 , de sorte que le monstrueux peut très bien se résorber dans le concept<br />

après qu’un supplément de connaissance révèle que l’objet est l’une de ses réalisations<br />

adéquates. Bien sûr, il n’y a alors plus lieu de considérer l’objet comme monstrueux. Aussi ce<br />

terme désigne-t-il en dernier ressort, non pas tant le rapport de l’objet au concept, qu’un<br />

certain état de connaissance de ce rapport, nécessairement incomplet. C’est pourquoi il est<br />

inévitable que la réalité déborde l’état de nos connaissances, et que la raison s’installe<br />

justement aux limites de ses connaissances pour les étendre.<br />

Une dernière mise au point s’impose : jusqu’à présent, il a été question du monstrueux.<br />

Mais qu’en est-il au juste du monstre ? Si le monstrueux qualifie un certain rapport déterminé<br />

comme inadéquation entre l’objet et son concept, le monstre désigne quant à lui une classe<br />

d’objets précise faisant l’objet d’une reconnaissance et pouvant donner lieu à un véritable<br />

travail de classification. C’est bien dans cette optique qu’en use I. Geoffroy Saint-Hilaire. Or,<br />

dès le moment où les monstres biologiques actualisent adéquatement le concept, ils ne<br />

peuvent et ne doivent pas être compris comme monstrueux. Le gain ici est que la<br />

détermination du rapport entre le monstre et le concept comme adéquation exclut toute<br />

1 Ibid., p. 213.<br />

2 Ibid., p. 213.<br />

3 Ibid., p. 213.<br />

4 Ibid., p. 214.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!