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LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

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différence en tant que telle ; si nous avons une réaction face au monstre, c’est parce qu’il<br />

montre la nature en personne ; c’est parce que sous l’ordre nous apercevons le désordre<br />

permanent et l’aléatoire. Le monstre n’est rien d’autre que la nature naturante au travail, c’està-dire<br />

très précisément la visibilité de l’errance vitale.<br />

tel-00846655, version 1 - 19 Jul 2013<br />

d) Le monstre : un être contradictoire ?<br />

De ce point de vue, il ne représente évidemment ni une imperfection ni un raté. Sa<br />

figure, aussi difforme qu’elle puisse être, n’exprime rien d’autre que la métamorphose de la<br />

forme. Il ne fait que rendre visible l’être de la forme comme métamorphose. Mais la<br />

métamorphose des formes n’est possible que par la plasticité extrême de la vie. Aussi le<br />

monstre est-il le résultat quasi logique de la labilité de la vie ; il témoigne de la souplesse des<br />

éléments. Mais cette puissance créatrice de la vie dépose en son propre sein un monde comme<br />

un tout unifié.<br />

Toutefois, la vie au travail, indifférente au tout qu’elle a fait surgir, continue à<br />

produire aveuglément des êtres, continue à se métamorphoser dans un flux continuel, si bien<br />

qu’il lui arrive de produire des êtres en contradiction avec l’ordre existant. Le monstre n’est<br />

pas une imperfection à ce titre, mais plutôt caractérisé par la contradiction. Seuls sont<br />

finalement des monstres sans aucun effet de style ou de discours les êtres qui sont<br />

immédiatement éliminés parce qu’ils entrent en contradiction avec le tout, bref qui subissent<br />

ce que Diderot appelle la dépuration de l’univers. Rappelons ceci :<br />

On appelle êtres contradictoires ceux, dont l’organisation ne s’arrange pas avec le reste de<br />

l’univers. La nature aveugle qui les produit, les extermine. Elle ne laisse subsister que ceux qui<br />

peuvent coexister supportablement avec l’ordre général.<br />

Qu’est-ce qu’un monstre ? Un être, dont la durée est incompatible avec l’ordre subsistant. 1<br />

Mais que signifie au juste pour un être que d’être en contradiction avec l’ordre général ?<br />

En entrant en contradiction avec l’ordre existant, le monstre entre en contradiction<br />

avec la vie organisée, mais non avec la vie en elle-même. Il est ce qui de la vie est le non<br />

viable pour un organisme donné. Par rapport à l’ordre du monde, il représente le désordre en<br />

ceci qu’il empêche l’expression et l’organisation de la vie organique, par l’instauration d’une<br />

sympathie entre les éléments et les organes en fonction de leurs propriétés intrinsèques.<br />

Puisque « naître, vivre et passer c’est changer de forme » 2 , il présente une forme<br />

immédiatement difforme, c’est-à-dire une forme en train de se recomposer dès l’instant où<br />

elle accède à elle-même. La tare du monstre est que, dans ce monde où les combinaisons se<br />

font et se défont sans cesse, il est dans l’incapacité de maintenir sa forme dans le temps, c’està-dire<br />

dans l’incapacité de s’adapter et d’avoir la souplesse nécessaire pour durer. Cette<br />

incapacité de la forme monstrueuse de se modifier, de varier, d’évoluer, recouvre et signe<br />

l’incohérence du monstre en tant qu’être vivant. Ce qu’il rate dans l’ordre de l’existant c’est<br />

sa propre cohérence. Son élimination n’est au fond que la conséquence de sa propre<br />

1 Eléments de physiologie, op. cit., respectivement p. 5 et p. 209.<br />

2 Le rêve de d’Alembert, p. 637.

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