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LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

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402<br />

bien immanente à la vie, et non imposée de l’extérieur. Mieux : en mettant au jour dans la vie<br />

de telles coupures, césures ou décrochements, ils rendent manifeste que la vie produit de la<br />

continuité à partir d’eux – donc que les vivants peuvent se compter comme vivants, ce qui est,<br />

comme on l’a vu, l’effet même de la bordure.<br />

tel-00846655, version 1 - 19 Jul 2013<br />

De la vitesse<br />

La question est maintenant de savoir pourquoi les monstres ont un tel effet de coupure.<br />

Précisons quelque peu les choses. En soulignant l’idée que les monstruosités sont des vivants<br />

de la limite et à la bordure, nous avons abouti à l’idée qu’elles permettent à la vie de se<br />

donner dans chaque vivant de telle sorte que chacun puisse se compter comme un vivant.<br />

Autrement dit, nous avons mis l’accent sur le fait que les monstres ne sont, au final, que la<br />

mesure de la vie – la conséquence étant que la question d’un transcendantal de la vie a pu être,<br />

du moins, posée. Néanmoins, pour justifier qu’ils occupent une telle position – la bordure –<br />

nous nous sommes arrêtés sur leur altérité, altérité que nous avons appréhendée en terme de<br />

coupure. En un mot, c’est parce que le monstre a un tel effet de coupure qu’il peut donner la<br />

mesure de la puissance de la vie en chaque vivant. Il nous reste donc bien à examiner d’où<br />

provient un tel effet en lui.<br />

Du point de vue de la tératologie, le monstre est un arrêt de formation ou de<br />

développement aboutissant à une organisation autre de l’organisme – mais autre ne veut pas<br />

dire ici qu’il est un organisme désordonné. Cet arrêt conduit la loi d’unité de composition à<br />

livrer un agencement d’organes divergent de celui auquel on est en droit de s’attendre étant<br />

donné l’espèce. Mais la tératologie met l’accent sur l’application fidèle des lois de la nature<br />

aux monstruosités, qui apparaissent plutôt comme un des lieux heuristiques où ces lois<br />

peuvent être mises en évidence 1 . Si elles affligent la lignée d’une interruption, elles ne sont<br />

toutefois pas une exception à ses lois. Anomales, elles le sont, non pas par leur position de<br />

bordure, mais par leur caractère de rareté. L’anomal est, pour la tératologie, un degré de<br />

fréquence, non une limite 2 . Néanmoins, il est envisageable de comprendre autrement les<br />

leçons de la tératologie. En effet, nous pouvons porter l’accent, non plus sur les éléments<br />

extensifs auxquels aboutissent la formation et le développement, mais sur la formation et le<br />

développement eux-mêmes. Or, qu’est-ce qu’une formation ou un développement, sinon un<br />

devenir ayant un rythme et une vitesse particulière, sinon un agencement qui ne se fait que par<br />

et en fonction du degré de vitesse par lequel les éléments s’agencent ? On peut donc choisir de<br />

1 Cf. chapitre II supra p. 104 sq. La tératologie du XX ème siècle continuera à assumer cette position : « La<br />

tératogenèse expérimentale, qui consiste à produire par des interventions diverses les différentes catégories de<br />

monstruosités, éclaire d’un jour nouveau les phénomènes embryologiques en général ; elle permet, en apportant<br />

un trouble ou un obstacle dans le développement, de démonter en quelque sorte certaines pièces de la mécanique<br />

complexe qu’est le développement. En enlevant des rouages dans l’ensemble des pièces qui concourent à ce<br />

mécanisme, en provoquant des déraillements, on arrive à mieux connaître le jeu des autres pièces du<br />

mécanisme », E. Wolff, « La genèse des monstres », Biologie. Encyclopédie de la Pléiade, op. cit., p. 578.<br />

2 C’est pourquoi l’anomal en général, et la monstruosité en particulier, passent pour être, pour la tératologie, des<br />

concepts descriptifs : cf. chapitre IV supra p. 213 sq.

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