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LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

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tel-00846655, version 1 - 19 Jul 2013<br />

Dire du monstre qu’il est un vivant de valeur négative n’est donc pas dire que la vie,<br />

avec lui, échoue. Toutefois, entre la démarche des Geoffroy Saint-Hilaire et la nôtre subsiste<br />

une différence de taille : l’intuition première n’est pas, pour ainsi dire, tournée dans la même<br />

direction, ce qui aboutit à ne pas dégager les mêmes problèmes. Pour eux, l’ordre des vivants<br />

a à se retrouver dans l’ordre des monstres, si bien que le problème est de savoir comment il<br />

est possible de reconnaître un monstre dès lors qu’il suit l’ordre de la nature : qu’est-ce qui<br />

finalement détermine l’élection d’un vivant au rang de monstre ? Est-ce sa forme<br />

phénoménale, de sorte qu’il se ramène à une simple affaire de perception ? Le problème du<br />

monstre, dans notre optique, n’est pas tant celui de l’ordre que celui du sens d’être de la vie<br />

dès lors que les vivants introduisent précisément la dimension du sens et de la valeur de la vie.<br />

La problématique se renverse : c’est au monstre de nous enseigner ce qu’il en est de la vie en<br />

tout vivant ; tout le problème est de savoir comment reconnaître les vivants normaux,<br />

comment saisir leurs caractéristiques à partir d’un sens de la vie délivré par les monstres :<br />

l’errance vitale. Finalement, notre position conserve de l’approche classique des monstres l’un<br />

de ses traits principaux : ils font voir. De même que la Cité platonicienne fait voir en grandes<br />

lettres les rapports de justice qui se jouent dans l’âme, de même les monstres grossissent ce<br />

qui fait la vie et ce que fait la vie en chaque vivant. S’il est de valeur négative aux yeux d’une<br />

conscience vivante, c’est sans doute dû à cet effet grossissant. Une caricature est souvent mal<br />

prise par celui qui en est le sujet, car, tout en la jugeant non imitative par l’accentuation des<br />

traits caractéristiques, il n’en perçoit pas moins, sous cette dissemblance, une certaine<br />

ressemblance. Voilà donc la question : non pas celle de reconnaître que le monstre est un<br />

vivant, mais celle de savoir comment les vivants ont à se reconnaître en tant que vivants dans<br />

les monstres.<br />

1. L’obstacle Bergson<br />

Or, rien n’est moins évident que ce dernier point. En effet, on pourrait de prime abord<br />

s’interroger sur la pertinence épistémologique du monstre quant à son pouvoir de nous<br />

enseigner l’ordre et la vérité sur le mouvement engendrant le semblable à partir du semblable,<br />

lui qui semble manquer un tel mouvement. Comment les vivants pourraient-ils nous dévoiler<br />

l’errance vitale à partir de la leçon que nous offrent les monstres, eux qui trahissent le<br />

mouvement même des vivants d’engendrer leurs semblables? Le problème est le suivant : que<br />

les monstres nous dévoilent l’errance vitale, c’est une chose ; mais qu’ils nous dévoilent tout<br />

autant les vivants comme manifestant aussi une telle errance, c’en est une autre. A moins,<br />

bien sûr, d’élargir l’idée même de monstre à l’ensemble des vivants et affirmer, comme le fera<br />

Diderot 1 , que tout individu vivant est d’une certaine façon un monstre, ce qui va poser un<br />

1 Notamment et principalement dans Le rêve de d’Alembert dans Œuvres, I, Paris, Bouquins, 1994.

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