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LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

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tel-00846655, version 1 - 19 Jul 2013<br />

ouverts à et sur un monde, bref c’est par leur capacité à exprimer une vie transitive. Il s’agit<br />

de se demander désormais quelle est au juste la nature de cette capacité. Si nous la ramenons à<br />

l’exercice d’une force, la conséquence fâcheuse est de revenir à une compréhension de la vie<br />

comme simple survie, et de considérer la présence des vivants comme une simple tolérance,<br />

dans la mesure où la force ne peut que rencontrer une résistance. Si maintenant nous rabattons<br />

cette ouverture des vivants sur une capacité, cette dernière a le désavantage d’impliquer la<br />

possibilité de n’être pas toujours employée sans pour autant disparaître en tant que capacité.<br />

Elle se tient comme en réserve de sa propre actualisation, bref elle est, non une puissance,<br />

mais en puissance. Or les vivants sont condamnés à l’ouvert ; ils ne peuvent tenir en réserve<br />

une telle capacité sans se nier en tant que vivants. La vie des vivants doit donc passer par une<br />

affirmation sans cesse actuelle d’elle-même dans l’ouverture à un monde extérieur. La<br />

puissance est ainsi un principe énergétique, non du maintien d’une identité individuelle, mais<br />

d’abord d’un ouvert par quoi la création vitale peut se manifester. Cependant, cette création<br />

n’est en rien commandée par une quelconque fin ni une quelconque valeur ; elle est<br />

absolument indifférente ; ce sont les vivants qui lui conféreront une valeur dès lors que<br />

l’extériorité se donnera comme un milieu et aura sens de milieu. C’est pourquoi il n’y a ici<br />

puissance que parce qu’elle est errante, nomade, disparate – autrement dit : c’est l’errance qui<br />

donne sens d’être à la puissance de la vie. Aussi, lorsque nous disons que ce qui erre est la<br />

puissance, nous disons une tautologie du genre : la puissance est la puissance.<br />

Mais si telle est la puissance de la vie, alors nous rencontrons à nouveau deux<br />

problèmes cruciaux, que nous avons déjà entraperçus. Premier problème : si la vie est<br />

puissance errante, nomade, disparate, il n’est pas anodin – et il n’y a pas à le déplorer – que le<br />

concept de vie ait été si peu défini 1 . C’est peut-être justement parce qu’on a voulu la définir<br />

comme un concept, qui a pour fonction d’enserrer une identité et rendre possible une<br />

représentation. Si la définition renvoie, soit à un élément substantiel, soit à un élément<br />

identifiant, alors la vie est proprement indéfinissable. La question de la définition de la vie – à<br />

laquelle reconduit en dernier ressort celle sur l’entité qui errerait – n’est peut-être pas la<br />

question si l’on veut rester au plus près de ce qu’elle est. Il n’empêche que cela ne veut pas<br />

dire qu’il faille abandonner l’ambition de la penser. Mais, dès lors, la réflexion sur la vie<br />

engage sans doute une refonte de ce qu’est penser. Ce problème sera abordé en conclusion de<br />

ce travail.<br />

Le second problème est autrement plus grave, car il atteint la légitimité de la<br />

démarche. Si le sens de la vie est d’être errance vitale, alors nous ne comprenons pas très bien<br />

en quoi cette vie ainsi définie peut être la vie des vivants. D’une part, en effet, il est difficile<br />

de refuser le constat que les vivants tendent à la répétition de la forme : le semblable engendre<br />

le semblable ; et cette habitude à voir un tel engendrement 2 ne nous renseigne pas seulement<br />

1 Comme le souligne, par exemple, Giorgio Agamben dans L’Ouvert. De l’homme à l’animal, Paris, Editions<br />

Payot & Rivages, 2006, début chap. 4, p. 26.<br />

2 Cf. Canguilhem, La connaissance de la vie, op. cit., p. 171.

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