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LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

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tel-00846655, version 1 - 19 Jul 2013<br />

Nous avons mis en évidence l’idée que la vitalité de la vie n’était rien d’autre que<br />

l’écart, que chaque production de la vie n’était au final qu’un degré d’écart de la vie même, et<br />

les monstres ne sont monstres à nos yeux que par notre oubli de la vie comme écart. Le<br />

problème est le suivant : faut-il aller jusqu’à prêter à la vie le pouvoir de sortir d’elle-même ;<br />

l’errance vitale peut-elle faire en sorte que la vie erre jusqu’à l’inerte ; peut-elle faire que la<br />

vie s’écarte à ce point d’elle-même qu’elle donne du mort ? « La vie est immanence » signifie<br />

que la vie erre dans son propre plan d’immanence. Dès lors qu’il y a errance vitale, il faut<br />

justifier que chaque production est une vie ; il faut pouvoir rendre compte que l’errance, en<br />

quoi consiste la vitalité, ne permet cependant pas à la vie de sortir de la vie : l’errance vitale<br />

ne donne pas du mort, même si la mort sera évidemment un fait des organismes vivants, ni du<br />

divin – le monstre n’est pas du mort, encore moins un signe d’une puissance transcendante.<br />

Cette impossibilité au cœur de la puissance de la vie ne traduit nullement son impuissance,<br />

mais bien encore sa puissance. Il n’y a de vitalité que par ce que la vie ne peut pas. En effet,<br />

cette impossibilité – qui marque donc l’immanence de la vie – assure à la puissance de la vie<br />

d’être tout ce qu’elle peut en tant que vie ; et elle peut, comme nous l’avons vu, l’impuissance<br />

avec les monstres non viables. Ceux-ci ne sont que la vie allant au bout de ce qu’elle peut,<br />

puisque pouvant l’impuissance. Le défini comme tel – LA vie – ne peut laisser place au<br />

soupçon d’une transcendance larvée ; il indique, au contraire, que tout ce que peut la vie<br />

relève de la vie : aucune vie singulière comme événement n’est l’événement d’autre chose<br />

que de la vie. Bref, en chaque vivant se dit toujours la vie ; mais ce dont elle se dit diffère :<br />

elle se dit de la différence, de l’écart, de la non coïncidence.<br />

La question du vitalisme<br />

L’idée d’errance vitale engage donc à tenir la vie comme immanence et à se tenir dans<br />

l’immanence de la vie. Or, ce point précis permet d’aborder la seconde conséquence<br />

d’importance : celle du vitalisme. Nous sommes vitalistes si nous entendons par là la<br />

reconnaissance d’« une exigence permanente de la vie dans le vivant, l’identité avec soimême<br />

de la vie immanente au vivant » 1 . Le vitalisme n’est rien d’autre que le mouvement de<br />

saisie de la vie dans son immanence et, dès lors, le refus de la rattacher au fonctionnement de<br />

la matière. C’est très loin d’être une position « mystique », mais simplement la volonté de<br />

circonscrire le sens d’être de la vie, ou encore son essence. Cependant, garder le défini LA vie<br />

et la qualifier d’errance vitale comporte le risque de postuler une entité obscure qui ferait<br />

retomber dans un mysticisme. En effet, dès lors qu’il y a errance, la question se pose de savoir<br />

ce qui erre, ce qu’est la vie qui erre. Il doit bien y avoir une entité qui erre… Or, l’idée<br />

d’errance vitale, bien comprise, a pour fonction stratégique de bloquer précisément ce type de<br />

question, ou plus exactement de mettre en lumière qu’il s’agit là d’un faux problème.<br />

1 Canguilhem, La connaissance de la vie, op. cit., p. 86.

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