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LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

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tel-00846655, version 1 - 19 Jul 2013<br />

n’est pas seulement la marque ontologique du devenir, mais ce qui, au sein même du devenir,<br />

ou de la contingence, rend possible la visée de soi de la nature. Alors que la matière n’est rien<br />

d’autre que cette pure disponibilité à tout écart possible, et, à ce titre, comme pure<br />

disponibilité, l’actualité de toute possibilité de l’accident ; alors qu’elle est ce par quoi les<br />

étants peuvent ne pas advenir comme ils ont à être et donc s’écarter de ce pour quoi ils sont ;<br />

elle est le moyen grâce auquel la nature atteint sa fin : ce qui constitue pour les étants ce par<br />

quoi ils peuvent se manquer est pour la nature ce par quoi elle se rejoint. Nous avons donc ici<br />

le même renversement que celui que nous présentions plus haut, lorsque nous soupçonnions<br />

que la non vitalité, par laquelle nous avons caractérisé d’abord la pure indétermination,<br />

pouvait être nécessaire à la vitalité même.<br />

Mais qu’en est-il des monstres à proprement parler ? Ne sont-ils pas ce qu’il y a de<br />

plus vain dans la nature puisqu’ils ne sont pas nécessaires à la génération et ainsi inutiles ?<br />

Tandis que l’on pouvait soutenir que la nature se visait elle-même à travers et par les écarts de<br />

la non ressemblance, il semble plus problématique de le dire des monstres, qui paraissent, au<br />

contraire, induire que la nature peut échouer à se viser elle-même. De même donc que les<br />

étants peuvent ne pas advenir comme ils auraient dû advenir, de même la nature, à travers les<br />

étants, peut ne pas advenir comme elle aurait dû advenir. La nécessité de viser ce qui a à être<br />

par et à travers la matière constitue pour les étants comme pour la nature elle-même le risque<br />

de ne pouvoir se rejoindre dans leur être même, et ainsi d’advenir par accident. Et cependant,<br />

la matière en tant que telle fait bien partie de la nature ! En s’écartant de sa propre visée par<br />

les monstres, la nature ne sort pourtant pas d’elle-même, puisque les monstres adviennent par<br />

la puissance matérielle de la nature. C’est pourquoi « le monstre, lui, n’est pas nécessaire en<br />

vertu de la cause “ en vue de quoi ”, c’est-à-dire de la cause finale, mais d’après une nécessité<br />

accidentelle » 1 . S’il aurait pu ne pas être, il découle nécessairement de la cause efficiente qui<br />

l’a fait être, de sorte qu’il appartient doublement à la nature : comme le résultat d’une<br />

efficience, et comme une possibilité de la nature elle-même en tant qu’elle se caractérise par<br />

la contingence. Dès lors, « ce qui est contre nature est d’une certaine façon conforme à la<br />

nature, lorsque la nature formelle ne réussit pas à dominer la nature matérielle» 2 .<br />

Cette phrase n’est malgré tout pas simple à comprendre, même après les remarques<br />

que nous venons de faire. En effet, il est possible de déceler un jeu sur le sens du terme<br />

« nature » : Aristote ne le prendrait pas dans le même sens, d’où son « d’une certaine façon ».<br />

Contre nature, le monstre l’est d’une certaine façon puisqu’il manque le « ce en vue de<br />

quoi ». Mais, après tout, tous les accidents sont ce qui arrive sans qu’ils aient été visés en et<br />

pour eux-mêmes. Ce que le monstre ajoute à l’accident, c’est qu’il est « spontané », à savoir<br />

vain, de sorte qu’il fait se manquer la nature à elle-même à travers le processus même par<br />

lequel elle se vise, à savoir la génération. D’une autre façon cependant, il est bien conforme à<br />

elle, car il est conforme à la nature de la nature, à savoir à sa contingence liée à son statut<br />

1 De la génération des animaux, op. cit., IV, 3, 767 b 13-15, p. 146.<br />

2 Ibid., IV, 4, 770 b 16-17, p. 155.

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