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LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

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tel-00846655, version 1 - 19 Jul 2013<br />

surtout de déterminer quelle est la nature exacte de ces relations. Pour cela, Aristote va devoir<br />

définir avec précision quel rôle jouent le père et la mère dans la génération sexuée, c’est-àdire<br />

quel type de causalité l’un et l’autre mettent en oeuvre.<br />

L’observation apprend que le mâle possède la semence ; mais Aristote veut savoir<br />

pourquoi seul le mâle la possède. Il va alors proposer l’idée que celui-ci possède, pour opérer<br />

une certaine coction de la nourriture pour produire le sang, une puissance d’une telle intensité,<br />

que le résidu de cette opération forme la semence. Or, « n’importe quoi ne naît pas de chaque<br />

semence – mais tel être de telle semence – et n’importe quelle semence ne provient pas de<br />

n’importe quel corps » 1 . Il faut ainsi reconnaître à la semence une causalité efficiente – de<br />

telle semence provenant de tel corps naît tel être, autrement dit la semence est bien l’agent par<br />

lequel se produit ce changement qu’est la génération 2 , c’est-à-dire l’impulsion grâce à laquelle<br />

l’embryon va pouvoir se développer lui-même. Mais, par ailleurs, comme n’importe quoi ne<br />

naît pas de chaque semence, il faut supposer qu’elle a le pouvoir de conférer la forme à<br />

l’embryon, ou plutôt de faire qu’il se développe selon une forme déterminée. Dès lors, la<br />

semence est aussi cause formelle. Maintenant, il faut encore se rappeler que la semence ne<br />

provient pas de n’importe quel corps, mais de tel corps, de sorte que « l’être de qui provient la<br />

semence est encore antérieur » 3 , et de la semence elle-même, et du rejeton produit par celleci<br />

: cette antériorité explique la détermination de la forme qui est, dès lors, également<br />

considérée comme ce en vue de quoi le rejeton est produit. Le père, à travers la semence, est<br />

cause finale de la génération : il est ce qui est visé par le développement de l’embryon.<br />

Il faut néanmoins encore préciser que la causalité de la semence s’effectue sur le mode<br />

de la puissance : « Ajoutons que la semence est en puissance » 4 . Pour qu’il y ait passage à<br />

l’actualisation, il est nécessaire qu’il y ait une matière apportée par la femelle. Formulée ainsi,<br />

l’idée est des plus curieuses, car apparemment une des moins aristotéliciennes qui soient. En<br />

effet, voilà que nous semblons doter la matière du pouvoir d’actualiser ce qui est seulement en<br />

puissance dans la semence, alors que la matière en général est comprise par Aristote comme<br />

le substrat accueillant toute actualisation possible, c’est-à-dire donc comme l’une des<br />

conditions par lesquelles il y a du mouvement 5 et ainsi du devenir. C’est pourquoi la matière<br />

ne peut être que puissance, ne peut s’actualiser qu’en tant qu’elle est en puissance, ne peut<br />

s’actualiser que comme puissance. Comment ce qui n’est que puissance et ce qui ne<br />

s’actualise que comme puissance peut-il faire passer de la puissance à l’acte ? Le problème<br />

s’éclaircit si on ne perd pas de vue qu’Aristote discute de la génération et que, pour ce faire, il<br />

1 Parties des animaux, op. cit., I, 1, 641 b 27-28, p. 44.<br />

2 Aristote, en Métaphysique, op. cit., Δ, 2, 1013 a 31, p. 162, prend justement l’exemple du père pour illustrer<br />

l’idée de la causalité efficiente : « La cause est encore le principe premier du changement ou du repos : (…) le<br />

père est la cause de l’enfant ».<br />

3 Parties des animaux, op. cit, I, 1, 641 b 30, p. 45.<br />

4 Ibid., 642 a 1, p. 45.<br />

5 Rappelons la première définition qu’Aristote donne du mouvement en La Physique, III, 1, 201 a 10-11, pp.<br />

126-127 : « Puisqu’on a distingué dans chaque genre ce qui est en entéléchie et ce qui est en puissance,<br />

l’entéléchie de l’étant en puissance, en tant que tel, c’est le mouvement ».

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