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LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

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tel-00846655, version 1 - 19 Jul 2013<br />

embryonnaire est long, et plus les occasions d’accidents sont nombreuses 1 . L’étonnant n’est<br />

pas le monstre finalement, l’étonnant ce sont les êtres normaux, c’est la nature qui réussit.<br />

La classification des monstruosités s’ordonnent donc autour d’un triple axe : (1) elles<br />

sont classées selon leur degré d’éloignement par rapport au type commun – (2) mais leurs<br />

imperfections d’organisation correspondent aux stades embryonnaires (3) qui eux-mêmes<br />

reprennent la série animale des êtres les plus simples aux plus complexes. Cette concordance<br />

de ce que nous avons appelé l’ordre spatial et l’ordre temporel est un fil d’Ariane qui guide la<br />

raison à travers la multiplicité des phénomènes monstrueux. Elle est ce qui légitime la<br />

classification à être et une méthode et un système. Méthode, parce qu’elle suit bien l’ordre<br />

temporel de la nature, parce qu’elle classe les monstruosités selon leurs rapports avec le type<br />

commun qui représente la norme et en fonction de la marche de la nature. Qu’il y ait<br />

correspondance entre les trois ordres des monstruosités et les grandes divisions de la série<br />

animale montre s’il en est que les premières ne sortent pas de l’ordre naturel, ne représentent<br />

pas dans la nature ce qui est contre nature, mais au contraire mettent en évidence ses<br />

mécanismes secrets. Mais la classification est aussi un système, parce que l’ordre de la nature<br />

est un ordre rationnel – ordre rationnel qui permet ainsi à la raison d’être chez elle en<br />

prévoyant et en devançant les découvertes : la classification indique la possibilité de<br />

monstruosités qui n’ont pas encore été découvertes mais qui, d’après l’ordonnancement de la<br />

classification, peuvent être. En effet, dans la mesure où l’échelle des monstruosités suit, par<br />

analogie, l’échelle des espèces animales ainsi que la formation du fœtus, il est alors possible<br />

de réserver des genres tératologiques non encore découverts, des cases vides en attente d’être<br />

remplies par les faits.<br />

Les nombreuses analogies que la série des monstruosités nous a déjà présentées avec les<br />

divers types de la série animale comme avec la série des âges de l’embryon et du fœtus ; cette<br />

concordance, et je dirai presque ce parallélisme que nous avons aperçu si généralement entre<br />

ces trois séries, indiquent donc la possibilité, parmi les monstres unitaires, de types<br />

tératologiques inférieurs encore à tous les précédents. 2<br />

La classification des monstruosités accomplit ce que toute classification doit être : elle<br />

est naturelle d’une part parce qu’elle correspond à l’ordre de la nature, et d’autre part parce<br />

qu’elle est en adéquation avec la raison. La tératologie peut dès lors devancer l’observation.<br />

1 « En comparant entre elles les diverses classes du règne animal, on trouve aussi que les trois quarts au moins<br />

des monstruosités connues appartiennent aux mammifères, et le dernier quart presque tout entier aux oiseaux. On<br />

ne connaît, en effet, qu’un petit nombre de monstruosités, et même, d’une manière plus générale, d’anomalies<br />

parmi les reptiles ; moins encore parmi les poissons ; moins encore parmi les articulés ; moins encore parmi les<br />

mollusques et les vers intestinaux ; enfin à peine quelques-unes dans les radiaires. Le nombre des anomalies<br />

décroît donc à mesure qu’on descend dans la série animale ; en d’autres termes, à mesure que le nombre et la<br />

complication des organes diminuent. Or il est facile de voir qu’il devait en être ainsi. En effet, avec le nombre et<br />

la complication des organes d’un être, s’accroît manifestement le nombre des actes de formation et de<br />

développement, par lesquels il doit s’élever, de sa simplicité originelle, à son état définitif, et en même temps le<br />

nombre des anomalies dont il peut être atteint dans le cours de son évolution », ibid., III, pp. 354-355. Précisons<br />

que l’évolution ici renvoie au développement de l’individu, comme le sens rigoureux du terme « évolution »<br />

l’exige : sur cette mise au point du sens du terme « évolution », cf. Etienne Gilson, D’Aristote à Darwin et<br />

retour, op. cit., pp. 82-101.<br />

2 Traité de tératologie, II, p. 529.

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