28.02.2014 Views

LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

240<br />

tel-00846655, version 1 - 19 Jul 2013<br />

n’est pas la nature elle-même qui exige le passage de l’un à l’autre, puisque les anomalies sont<br />

le résultat de causes accidentelles. C’est donc plutôt la raison. Dès lors, la question est de<br />

savoir pourquoi l’ordre de la raison correspondrait à l’ordre de la nature 1 . Il faut exiger de<br />

Geoffroy Saint-Hilaire qu’il justifie plus qu’il ne le fait son affirmation selon laquelle<br />

« l’ordre logique (…), quoi qu’on en ait dit, concorde toujours avec l’ordre naturel » et plus<br />

précisément l’idée que cette concordance se fasse toujours, comme s’il y avait un<br />

recouvrement nécessaire de l’ordre naturel par l’ordre logique et vice versa. En effet, ce<br />

« toujours » concorde plutôt mal avec l’idée que la production des monstruosités est<br />

accidentelle. Il faut toutefois immédiatement ajouter que cette production suit les lois de la<br />

nature – ce « toujours » désigne cette puissance jamais mise en défaut des lois de la nature.<br />

Mais renferment-elles et fixent-elles une tendance de la nature à la complexification, comme<br />

on la trouve chez un Lamarck ? Dans ce cas, la raison allant du simple au composé ne fait que<br />

suivre la propre démarche de la nature. Mais cette tendance à la complexification n’est jamais<br />

invoquée par Geoffroy Saint-Hilaire, même s’il avait par ailleurs des sympathies pour<br />

Lamarck. Force est de constater que la simplicité des divisions de la classification n’est<br />

qu’apparente. En fait, cette dernière mêle pour ainsi dire plusieurs « lignes de force » qui la<br />

structurent.<br />

Les différents sens de la « descente » des autosites aux parasites<br />

Tout d’abord, la « descente » des autosites aux parasites ne semble pas respecter le<br />

passage de la simplicité à la complexité, mais celui du plus parfait au moins parfait. Mais s’il<br />

est vrai que le monstre viable, soit dans un milieu extérieur, soit dans le sein de sa mère,<br />

présente de ce fait une organisation harmonieuse qui n’est nullement laissée au hasard, peuton<br />

encore parler d’imperfection ? La perfection et l’imperfection signalent le plus ou moins<br />

grand éloignement ou écart avec le type normal. Ce sont donc des notions relatives qui<br />

qualifient moins l’état d’organisation d’un être que le rapport qu’il entretient avec les autres<br />

êtres de son taxon. Est donc dit plus parfait un monstre qui est dans un rapport plus proche,<br />

dans un écart moindre avec le type normal, qu’un autre type de monstre qui s’en éloigne<br />

davantage. La question se pose en ces termes : l’imperfection représente-t-elle plus de<br />

complexité que la perfection ? On peut légitimement en douter. En quoi un parasite serait-il<br />

plus complexe qu’un autosite ?<br />

Or, de tels êtres, si l’on adopte les idées qui servent de base à ma classification des<br />

anomalies, et je dirai même, si l’on ne veut rompre tous les rapports naturels, doivent être<br />

nécessairement considérés comme des êtres anomaux au plus haut degré, comme de véritables<br />

monstres, sinon plus simples, au moins plus imparfaits encore que tous les précédents, et<br />

devant se placer après eux comme un dernier terme de la longue série que je viens d’étudier. 2<br />

1 Il s’agit bien, autrement dit, de justifier en quoi la classification recouvre en fait une histoire, qui est une genèse<br />

des monstruosités, genèse qui repose sur l’identification de processus de formation communs à certaines<br />

monstruosités, en sorte qu’on puisse les regrouper en taxons. Sur le rapport entre la classification tératologique et<br />

la tératogenèse, cf. P. Tort, La raison classificatoire, op. cit., pp. 148-150.<br />

2 Traité de tératologie, II, p. 537, nous soulignons.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!