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LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

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tel-00846655, version 1 - 19 Jul 2013<br />

gnoséologique : non plus vraiment atteindre son essence et, à partir d’elle, résoudre la<br />

question de la nature de la nature, mais savoir le connaître pour le classer dans l’ordre naturel.<br />

Dans ce contexte, la méthode analytique présente au moins deux avantages. D’une part, elle<br />

ramène cet inconnu qu’est le monstre à des éléments connus. Le premier pas de la<br />

connaissance tératologique est de repérer les éléments qui composent la monstruosité,<br />

éléments qui sont plus simples à saisir pour et par la raison.<br />

Par l’analyse, par la décomposition d’une monstruosité en ses éléments tératologiques, il<br />

nous sera presque toujours, sinon aisé, du moins rigoureusement possible, de réduire la<br />

solution d’un problème difficile et compliqué à celles de plusieurs questions simples et déjà<br />

résolues à l’avance. 1<br />

En procédant ainsi, nous rencontrons un deuxième avantage, celui d’expliquer un très<br />

grand nombre d’anomalies complexes à partir d’un nombre restreint de principes de base. La<br />

connaissance se simplifie dans sa démarche, et, réciproquement, ne se simplifie que parce<br />

qu’elle accède au statut d’une connaissance véritable. L’analyse éjecte le merveilleux, le<br />

prodigieux, le miraculeux du monstre ; il est à la main de la raison, et le constat que Geoffroy<br />

Saint-Hilaire énonce au final après l’étude des hermaphrodismes s’applique au mot près aux<br />

monstres qui ne sont plus les enfants de la nuit de l’ignorance.<br />

Il en est donc des hermaphrodismes comme de toutes les autres anomalies : à mesure que<br />

l’on se rapproche d’elles, le merveilleux disparaît ; mais leur intérêt scientifique s’accroît, et<br />

tous les faits spéciaux, liés par la théorie, expliqués par des considérations simples, se<br />

montrent à l’observateur comme des conséquences diverses, mais concordantes, d’un petit<br />

nombre de principes qui régissent l’ensemble tout entier de la tératologie. 2<br />

La méthode analytique rencontre cependant deux difficultés. S’il est clair que<br />

connaître les éléments composant les monstruosités permet de pénétrer leur structure et, par<br />

voie de conséquence, de les classer, cela ne nous dit rien sur la manière dont ces éléments<br />

s’agencent. L’analyse ne paraît pas adéquate pour pénétrer les causes produisant les<br />

monstruosités ; elle part du fait d’une complexité, mais elle n’explique pas les raisons de sa<br />

présence ; elle est une coupe pour ainsi dire spatiale, ou encore structurelle du monstre, en<br />

faisant complètement abstraction de sa dimension temporelle. Or, dès l’instant où la question<br />

n’est plus celle des éléments de la monstruosité mais de sa constitution, il est nécessaire de<br />

prendre en considération la dimension du temps. Mieux, les éléments de la monstruosité<br />

n’auront un sens véritablement tératologique qu’en ne mettant pas de côté l’interrogation des<br />

causes. Mais il est vrai que la question de la causalité des monstres ne peut se poser qu’une<br />

fois la délimitation des monstruosités bien établies 3 . Sous l’aspect discontinuiste d’une<br />

présentation taxinomique où des noms succèdent à des noms, il importe de révéler les<br />

passages, les liens, les rapports, les glissements qui font basculer d’un être à un autre, et par<br />

conséquent passer d’un nom à un autre. Si, par le nom qui le nomme, le monstre est rendu à<br />

1 Ibid., II, p. 175.<br />

2 Ibid., II, p. 46.<br />

3 On constate donc que l’étude de la classification des monstres et celle de leurs causes sont intrinsèquement<br />

liées ; si nous avons choisi ici de présenter d’abord dans le chapitre précédent le problème de la causalité des<br />

monstres, c’est parce que se joue l’ambition pour la tératologie d’être une science.

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