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LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

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tel-00846655, version 1 - 19 Jul 2013<br />

empêchant les vices de conformation d’être regroupés dans une méthode est double. Il est<br />

d’abord pour ainsi dire méthodologique. En effet, les monstruosités sont des complexes<br />

d’anomalies simples, de sorte que les vices de conformation sont les constituants des<br />

monstruosités autant que leurs symptômes. Il serait alors peu rationnel de regrouper dans le<br />

même cadre classificatoire les monstruosités et leurs signes qui sont tout autant leurs<br />

éléments. Cela serait, sinon confondre, du moins mettre sur le même plan la monstruosité et<br />

ce qui la signale, la chose même et ses signes, l’être et son caractère. Ensuite et plus<br />

fondamentalement encore, les vices de conformation ne modifient l’organisme que<br />

localement, si bien qu’il conserve toutes les ressemblances et toute la structure avec les autres<br />

organismes de son espèce : les vices de conformation n’appellent nullement une autre<br />

méthode que celle de la zoologie 1 . Ce qu’il s’agit de classer, ce sont des êtres et nullement des<br />

parties ; les monstruosités, en modifiant tant la structure interne de l’organisme que sa forme<br />

extérieure, donnent lieu à de tout autres organismes qui, dès lors, ne peuvent plus se référer<br />

seulement à ce qu’ils sont à l’origine – un homme, une poule, un porc, un mouton, etc. – et<br />

réclament de nouvelles catégories. En d’autres termes, les vices de conformation n’attentent<br />

pas à l’identité spécifique de l’organisme – quand bien même ils représentent des déviations<br />

par rapport au type spécifique –, de sorte que les identités mises en avant par les zoologistes et<br />

les botanistes peuvent être conservées, ce qui n’est pas le cas des monstruosités.<br />

Sous un point de vue général, et abstraction faite de leur origine, les monstres ne sauraient<br />

être rapportés à aucune des espèces de la série zoologique : ce sont des êtres dont<br />

l’organisation est véritablement sui generis. Les individus qui sont affectés seulement d’une<br />

variété ou d’un vice de conformation, ne présentant au contraire qu’une anomalie simple, peu<br />

grave, toute locale, la somme des ressemblances avec l’être dont ils tirent leur origine,<br />

l’emporte tellement sur celle des dissemblances, que l’identité spécifique résulte<br />

nécessairement du seul emploi des règles ordinairement suivies par les zoologistes et les<br />

botanistes. 2<br />

Deux remarques peuvent être formulées à partir de ce constat que les monstruosités<br />

offrent toutes les conditions pour qu’une méthode puisse être établie tandis que les vices de<br />

conformation ne donnent lieu qu’à un système. Premièrement, il est bien évident que le<br />

monstre se rattache quant à ses origines, c’est-à-dire quant à ses parents, à une espèce<br />

précise ; mais, en tant que monstre, il ne présente pas la même organisation. Etant tout autres,<br />

les monstres ne peuvent entrer dans les catégories et les divisions de la classification<br />

zoologique. Autrement dit, parce que nous n’avons plus affaire aux mêmes êtres organisés,<br />

nous devons construire une autre classification. Mais parce qu’aussi les monstres sont<br />

organisés, parce qu’ils suivent un ordre, la classification à laquelle ils donnent lieu peut avoir<br />

pour modèle celle de la série zoologique. Affirmer une méthode tératologique, c’est affirmer<br />

que les monstres ne sortent pas de la rationalité. Aussi, point d’homme ici, point de poule,<br />

mouton, reptile, etc., mais des anencéphaliens, des acéphaliens, des zoomyliens, des<br />

1 Sur le problème des rapports entre la classification zoologique et la classification tératologique, cf. supra p. 189<br />

sq.<br />

2 Ibid., I, p. 107.

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