28.02.2014 Views

LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

206<br />

tel-00846655, version 1 - 19 Jul 2013<br />

vivant peut induire en erreur quant à la nature du fond. Comment dans ces conditions le<br />

caractère peut-il faire voir ? Ce que le caractère doit saisir et résumer tout à la fois, c’est la<br />

composition interne du vivant. Le problème est que l’on ne peut savoir a priori si le caractère<br />

sélectionné est pertinent ; sa pertinence se mesurera à sa capacité à faire fonctionner la<br />

classification. D’où, lorsqu’on se penche sur l’histoire des classifications, la succession d’une<br />

multiplicité de versions, qui ne font que corriger et améliorer la méthode au fur et à mesure de<br />

son élaboration. La question à poser à une classification est donc celle-ci : est-ce que ça<br />

marche ?<br />

L’interrogation sur la pertinence du critère se complique dès lors qu’on la pose à<br />

propos des monstres. Il s’agit d’abord de saisir le monstre dans sa différence avec les êtres<br />

normaux. Or la différence est avant tout phénoménale : le monstre se donne à voir comme<br />

monstre. Le caractère du monstre semble être contenu dans la forme visible et sensible. Mais,<br />

dès que l’on veut passer à une classification des monstres, et que l’on entame un travail de<br />

comparaison à la fois entre les monstres et les autres êtres vivants et surtout entre les monstres<br />

eux-mêmes, il faut en revenir à l’unité de composition, par conséquent à la structure interne et<br />

anatomique qui tend à faire disparaître la différence phénoménale entre les monstres et les<br />

autres êtres vivants, ce qui conduit justement Geoffroy Saint-Hilaire à sa thèse maintes fois<br />

répétée que les monstres présentent, non pas un désordre, mais un autre ordre. Ce passage du<br />

phénoménal au structurel n’est possible que parce que Geoffroy Saint-Hilaire part du visible<br />

du monstre. Or nous verrons que l’impensé chez lui, c’est justement ce point de départ – le<br />

phénomène du monstre. Mais nous n’en sommes pas encore là ; pour le moment nous devons<br />

examiner comment la classification tératologique marche. Pour qu’elle marche, il faut poser<br />

des définitions et établir une méthode de raisonnement. La définition va concerner l’anomalie<br />

et la monstruosité et interrogera la pertinence du choix des caractères discriminants; la<br />

méthode de raisonnement sera celle de l’analyse, parce que le monstre est un objet complexe<br />

et parce que le passage de la forme aux rapports et agencements internes nécessite de saisir les<br />

composants.<br />

2. L’enjeu de la définition dans la classification tératologique<br />

La définition de l’anomalie<br />

Pour pouvoir établir une classification des monstres, le préalable nécessaire est de<br />

reconnaître parmi l’ensemble des êtres vivants ceux qui sont monstrueux et ceux qui sont<br />

normaux. On pourrait penser que cette reconnaissance va de soi tant le monstre est ce qui<br />

détonne, ce qui choque dans son raté morphologique, tant il est le Différent. Si cela est vrai<br />

phénoménologiquement parlant, il est en revanche plus difficile de fonder cette différence. En<br />

effet, tous les vivants sont sujets à des variations et l’appartenance à une même espèce<br />

autorise des modifications de forme, de volume, de couleur – « le même individu, observé à<br />

deux âges ou même dans deux saisons différentes, présente souvent de nombreuses et

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!