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LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

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tel-00846655, version 1 - 19 Jul 2013<br />

les organes frappés d’anomalie, et fonde sa détermination sur ceux seulement qui ont conservé<br />

les caractères du type spécifique. Or, pourquoi le tératologue ne pourrait-il pas faire l’inverse,<br />

et, détournant son attention de tous les organes bien conformés, ne voir dans tel individu né<br />

dans l’espèce humaine ou dans celle du chien, du cheval, du mouton, qu’un être monstrueux,<br />

par exemple un Hétéradelphe, un Polyopse, un Synote ? Et de même qu’ensuite, dans son<br />

espèce une fois établie, le zoologiste distingue, sous un point de vue secondaire et spécial, des<br />

individus normaux et d’autres anomaux, qui empêche le tératologue de distinguer à son tour<br />

secondairement, dans son genre une fois établi, l’Hétéradelphe, le Polyopse, le Synote fourni<br />

par l’espèce humaine de celui qui l’est par celle du chien ou du mouton ?<br />

Ainsi on peut, dans un premier degré d’observation, réunir et confondre abstractivement tous<br />

les êtres qui sont monstrueux de la même manière, indépendamment de l’espèce d’où ils tirent<br />

leur origine, et de la conformation de ceux des organes qui sont restés dans l’état normal. Sous<br />

ce point de vue général, il n’y a pour tous les êtres qu’une seule et même série de monstres. 1<br />

La classification tératologique est parfaitement analogue à la classification zoologique<br />

en ceci que les principes qui commandent la seconde commandent aussi la première. On verra<br />

dès lors que les problèmes sont aussi exactement les mêmes. Toutefois, cette discussion<br />

méthodologique sur la classification donne lieu à une conclusion qui dépasse largement ce<br />

cadre pour porter sur l’idée de nature. Si les êtres normaux et anomaux peuvent être regroupés<br />

chacun dans leurs catégories propres, c’est que les êtres normaux entre eux et les êtres<br />

anomaux entre eux partagent des traits communs, des structures, des rapports qui fondent des<br />

« analogies » (c’est-à-dire ce qu’on appellerait aujourd’hui des homologies) et qui autorisent<br />

les rapprochements et les appartenances. Mais si désormais les monstres peuvent être classés<br />

comme les êtres normaux, n’est-ce pas alors le signe qu’ils partagent aussi avec ceux-ci des<br />

rapports et un fond commun ? La possibilité méthodologique d’une classification<br />

tératologique renvoie à une réalité de la nature, qui est l’unité de composition organique.<br />

L’analogie des classifications employées en histoire naturelle et en tératologie, n’est-elle pas<br />

en effet une haute conséquence de l’analogie générale qui existe entre les êtres eux-mêmes que<br />

doivent comprendre ces classifications ? N’est-elle pas un corollaire de ce fait primordial, que<br />

toutes les variations normales ou anomales des organes et des appareils, ne sont que des<br />

modifications d’un fonds commun et identique, soumises à l’empire de lois communes ? 2<br />

Geoffroy Saint-Hilaire estime qu’entre l’unité de composition organique et la<br />

classification tératologique il y a un rapport de conséquence. C’est parce qu’il y a unité de<br />

composition organique qu’il y a classification aussi bien des êtres normaux que des êtres<br />

anomaux – et que ces deux classifications, loin d’être indépendante l’une de l’autre, partent<br />

« d’un même tronc » 3 . Mais le rapport n’est pas aussi simple dès lors que l’on se penche sur la<br />

pratique scientifique. En effet, il est assez clair que le principe d’unité de composition<br />

organique est la condition de possibilité de la classification tératologique – on pourrait<br />

avancer à ce titre qu’il est sa ratio essendi. Toutefois, n’est-ce pas aussi dans un certain sens<br />

parce que les monstres peuvent se classer sur les principes de la classification zoologiques que<br />

l’on peut déduire la réalité du principe d’unité de composition – ainsi la classification<br />

tératologique serait sa ratio cognoscendi ?<br />

1 Ibid., I, pp. 120-121, nous soulignons.<br />

2 Ibid., I, p. 124.<br />

3 Ibid., I, p. 123.

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