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LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

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189<br />

spontanéité, à une lutte, alors qu’elle nous paraît davantage un nœud de relations – un réseau –<br />

et qu’elle s’étale en un nombre prévisible de variations compossibles ? 1<br />

tel-00846655, version 1 - 19 Jul 2013<br />

Des genres et des espèces tératologiques ?<br />

Si des caractères communs peuvent être décelés dans les monstruosités comme parmi<br />

les êtres vivants normaux, alors il est possible de faire des catégories. L’analogie entre les<br />

classifications des êtres anomaux et normaux fondées sur l’idée de la présence de caractères<br />

communs doit conduire à l’usage des mêmes catégories dans l’une et dans l’autre : on doit<br />

donc retrouver les espèces, les genres, les familles, les tribus, les ordres, les classes. Toutefois<br />

l’extension de ces différentes catégories n’est pas la même, et cela parce que la<br />

compréhension de l’espèce n’est pas la même. Au XIX ème siècle, les biologistes sont encore<br />

tributaires de la définition que Buffon propose de l’espèce : appartiennent à une même espèce<br />

des individus interféconds. L’espèce zoologique ainsi définie se retrouve-t-elle dans la<br />

tératologie ? De nombreuses monstruosités interdisent la reproduction, ce qui interdit que l’on<br />

puisse alors parler d’espèce dans son sens zoologique. Les individus monstrueux peuvent bien<br />

présenter des ressemblances, partager des traits communs, mais qui ne peuvent en aucun cas<br />

découler d’un lignage. Dès lors, l’analogie juste ne peut pas se situer au niveau des espèces<br />

mais au niveau des genres. Les rapports de ressemblance entre les monstres sont les mêmes<br />

que ceux entre espèces appartenant à un même genre.<br />

Or on reconnaît, en examinant comparativement un certain nombre de monstres choisis<br />

parmi ceux qui se ressemblent le plus, qu’il existe entre eux des rapports de même valeur que<br />

ceux qui existent généralement parmi les animaux ou les plantes, entre les diverses espèces<br />

d’un même genre, et non entre les divers individus d’une même espèce. 2<br />

Aussi si l’on veut conserver l’idée d’espèce en tératologie, elle correspond à<br />

l’individu. En zoologie, nous avons le genre, les espèces, et les individus, tandis qu’en<br />

tératologie le niveau spécifique est porté par les individus : « il suit de là que chaque monstre<br />

doit être considéré comme une espèce particulière (…) ; où, en d’autres termes, que l’espèce<br />

ne peut être distinguée en tératologie de l’individu » 3 . C’est la raison pour laquelle dans le<br />

tableau général et méthodique des monstruosités, la dernière catégorie taxinomique est le<br />

genre, et non l’espèce.<br />

Toutefois, comment peut-on encore parler d’espèce si elle se confond avec l’individu ?<br />

On pourrait dire que, en tératologie, l’espèce représente une catégorie purement potentielle, au<br />

cas où des monstruosités pourraient se reproduire, mais cela signifierait alors qu’elles sortent<br />

du giron d’une causalité purement accidentelle. Les individus monstrueux portent en eux<br />

potentiellement l’espèce – une potentialité dont l’ambiguïté porte sur sa nature : potentialité<br />

logique, ou potentialité naturelle ?<br />

En effet, en supposant que plusieurs monstres d’un même genre devinssent les souches<br />

d’autant de races d’êtres semblables à leurs types primitifs (et il n’est nullement impossible,<br />

1 François Dagognet, Le catalogue de la vie, Paris, Quadrige / PUF, 2004, pp. 22-23, nous soulignons.<br />

2 Traité de tératologie, I, p. 125.<br />

3 Ibid., I, p. 125.

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