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LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

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comme nous l’avons vu au chapitre précédent, une science, et d’autre part ce qu’il en est de sa<br />

prétention à être générale.<br />

tel-00846655, version 1 - 19 Jul 2013<br />

Cause et histoire<br />

L’histoire est à renvoyer ici à son sens naturaliste, à savoir le relevé minutieux de tous<br />

les cas, une enquête et une description des causes. Mais de l’ambition d’une histoire générale,<br />

Geoffroy Saint-Hilaire n’en conserve que le geste, parce qu’il avertit très clairement qu’il ne<br />

sera question que d’« un simple résumé » 1 . En effet, les insuffisances de la théorie ne<br />

permettent pas de faire une histoire générale des causes des anomalies. En fait, cela est un peu<br />

plus complexe, car c’est plutôt parce que la théorie embryologique est encore en grande partie<br />

à constituer que la tératologie est amenée à être une histoire. La puissance d’une théorie, nous<br />

l’avons vu, réside dans sa capacité à prévoir. Dès lors, peu importe la connaissance des causes<br />

concrètes des cas particuliers si ces causes ont été indiquées comme étant possibles par la<br />

théorie et si celle-ci a finalement déjà circonscrit leurs effets. Mais tant qu’elle n’est pas<br />

complètement constituée et que donc la rationalité scientifique se trouve encore en défaut,<br />

sans doute faut-il en passer par le long et lent relevé des causes réelles des monstruosités.<br />

C’est pourquoi il n’est pas certain qu’il faille condamner sans autre forme de procès les traités<br />

sur les prodiges et les monstres qui ont fleuri à la fin de la Renaissance et qui se sont<br />

poursuivis. Certes, ils ne remplissent nullement les exigences de la rationalité, faisant trop de<br />

part au merveilleux et ne proposant pas un ordre systématique, mais, avec une certaine sûreté<br />

de méthode, ils cherchaient déjà à relever les causes possibles – même si la frontière entre les<br />

causes possibles réelles et les causes possibles irréelles étaient minces pour ne pas dire<br />

inexistantes 2 .<br />

Pour mettre de l’ordre dans cette enquête sur les causes des anomalies, Geoffroy Saint-<br />

Hilaire établit une distinction, qui relève plus de la convention que d’une distinction réelle,<br />

entre les causes prochaines et les causes efficientes. Les causes prochaines désignent plutôt<br />

l’ensemble des conditions propres à l’état embryonnaire : environnement immédiat qu’est<br />

l’enveloppe ou l’utérus, nourriture, position de l’embryon par rapport au placenta, etc. 3 Les<br />

1 Traité de tératologie, III, p. 509.<br />

2 « C’est principalement sur les causes efficientes des anomalies que les auteurs du seizième et du dix-septième<br />

siècle ont exercé leur imagination et accumulé des hypothèses bizarres et souvent absurdes, dont la conception, il<br />

faut bien le remarquer, n’est d’ailleurs pas entièrement dénuée d’une certaine logique. Les monstres étant, aux<br />

yeux des auteurs anciens, des êtres placés entièrement hors du plan général et des règles ordinaires de la nature,<br />

il y avait pour eux nécessité de recourir à l’action de causes merveilleuses, ou, pour le moins, étrangères à l’ordre<br />

naturel des choses. De là ces naissances anomales attribuées à des unions adultérines entre l’homme et la brute,<br />

par de déplorables préjugés que des malheureux ont plus d’une fois payés de leur liberté, ou même expiés dans<br />

les supplices. De là aussi l’intervention supposée de la divinité, créant des monstres pour l’étonnement ou la<br />

terreur des hommes, et celle du démon, ce principe du mal, presque partout placé après Dieu, par un accord<br />

singulier de la superstition grossière des peuples, de la plupart des religions, et de la philosophie de plusieurs<br />

sectes », ibid., III, p. 532.<br />

3 « Toute inégalité dans la nutrition de l’embryon, toute différence en plus ou en moins par rapport à ses<br />

conditions ordinaires et moyennes ; toute altération dans son état de santé ; toute déviation un peu importante<br />

dans sa situation au sein de l’utérus, dans la disposition de ses membranes, dans la quantité des eaux de<br />

l’amnios ; toutes ces modifications et une foule d’autres, ou déjà observées, ou inobservées, mais indiquées par

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