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LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

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tel-00846655, version 1 - 19 Jul 2013<br />

sans partage de la théorie de la préformation des germes. Rappelons que cette théorie stipule<br />

que tout être est en fait déjà préformé dans la matrice du parent, et que le processus<br />

embryonnaire n’est rien d’autre qu’un développement de ses parties déjà organisées qui le fait<br />

passer de l’invisibilité à la visibilité, du germe à l’être complètement apparent. Le<br />

développement consiste donc en un agrandissement. S’il y a des êtres monstrueux, c’est qu’ils<br />

sont le fruit d’un développement d’un germe en lui-même déjà monstrueux. Les anomalies<br />

sont originelles et préexistent à la fécondation. Lémery ne rejette pas la théorie de la<br />

préformation des germes, mais il refuse qu’il puisse y avoir des germes monstrueux. Tout<br />

germe est bien formé, et s’il peut donner lieu à une anomalie ou une monstruosité, c’est que<br />

son développement a été victime d’une cause perturbatrice, d’un accident 1 . Le monstre est de<br />

l’imprévu. A vrai dire, le renvoi de la présence du monstre à un trouble du cours régulier du<br />

développement, voire même à celui qui opère lors de la fécondation, n’est pas une idée<br />

nouvelle, elle est même la plus ancienne, puisque Geoffroy Saint-Hilaire la voit en œuvre dès<br />

Empédocle et poursuivie ensuite avec Aristote et à la Renaissance jusqu’à Licetus dont il<br />

résume la position dans les termes suivants :<br />

Toutes ces causes, vraies ou fausses, rationnelles ou absurdes, peuvent, si différentes qu’elles<br />

soient, se ramener toutes à une action exercée sur le produit de la génération au moment même<br />

où s’opère la conception. En voici maintenant plusieurs autres que Licetus indiquent plus ou<br />

moins explicitement comme agissant dans le cours de la gestation, et venant troubler le cours<br />

d’abord régulier des développements. 2<br />

Ce qui est nouveau avec Lémery, c’est d’une part la nature de la cause perturbatrice,<br />

qui est purement mécanique : il s’agit essentiellement d’un jeu de pression et de compression<br />

sur les germes normaux 3<br />

– et non pas de cet entremêlement de causes plus ou moins<br />

rationnelles ou franchement irrationnelles, comme l’intervention du démon, ou l’imagination<br />

de la mère, ou encore l’union entre une bête et une femme. Il est manifeste que, pour lui,<br />

1 « Quoique les deux sentiments dans l’examen desquels nous allons entrer, ayant pour base, ainsi qu’il a été dit,<br />

le système de la génération des Animaux par les œufs, l’un des deux n’en suppose que d’une sorte, & l’autre en<br />

suppose de deux. Suivant le dernier, il y a des germes essentiellement monstrueux, comme il y en a de naturels ;<br />

les parties monstrueuses sont en petit dans leur germe, comme les naturels dans le leur, & les unes & les autres<br />

n’ont besoin que de développement, & d’un développement produit par les mêmes causes, pour paraître telles<br />

qu’on les voit ensuite.<br />

Suivant le premier, qui n’admet qu’une sorte d’œufs, toutes les parties qu’ils contiennent sont originairement<br />

selon l’ordre naturel, & elles ne deviennent monstrueuses qu’après coup & par une espèce de hasard, c’est-àdire,<br />

par le concours fortuit de causes accidentelles, qui trouvent d’autant mieux à agir sur le germe de l’œuf, que<br />

ce germe n’est qu’une espèce de glaire dont toutes les petites parties molles, délicates & flexibles, reçoivent &<br />

prennent avec la dernière facilité toutes les impressions extraordinaires qui leur arrivent (…) », Lémery, « Sur les<br />

monstres. Premier mémoire dans lequel on examine quelle est la cause immédiate des monstres » (1738),<br />

Mémoires de l’Académie Royale des Sciences, Paris, 1740, pp. 262-263.<br />

2 Traité de tératologie, III, p. 478.<br />

3 « Enfin si dans les cas simples qui ont été proposés, le système des germes originairement monstrueux est<br />

inutile, il n’a pas plus de lieu dans les cas plus composés, où l’union des deux Fœtus a passé jusqu’à leurs parties<br />

internes, car la même supposition qui a suffi pour les uns, doit suffire pour les autres. Si une pression modérée<br />

n’a uni que les parties externes des deux Fœtus, une pression plus forte, en forçant les obstacles, ira jusqu’aux<br />

parties internes, qu’elle confondra les unes avec les autres, & produira des arrangements monstrueux qui<br />

différeront suivant les endroits où se sera fait la pression, & suivant la force de cette pression », Lémery, « Sur<br />

un fœtus monstrueux », (1724) Mémoire de l’Académie Royale des Sciences, Paris, 1726, p. 53. Cf. aussi<br />

« Second mémoire sur les monstres » (1738), ibid., 1740, p. 315.

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