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LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

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tel-00846655, version 1 - 19 Jul 2013<br />

Il faut alors bien remarquer deux ordres de fait dans la formation des monstruosités.<br />

En premier lieu intervient ce qu’on pourrait nommer la cause occasionnelle, c’est-à-dire des<br />

« circonstances insolites » qui provoquent une certaine déviation du cours des lois<br />

embryogéniques vers une direction imprévue. Dans le monstre réside une part d’accidentalité.<br />

Toutefois, l’accident survenu ne suspend pas les lois embryogéniques, il ne fait que modifier<br />

ce sur quoi elles agissent, de telle sorte qu’elles continuent à produire ce qu’elles doivent<br />

produire de toute nécessité. Il appert que la connaissance de ces lois permettrait au tératologue<br />

de prévoir à partir de la cause occasionnelle ce qu’il en serait de la forme finale de l’être<br />

vivant. Mais leur connaissance manque, ou du moins reste tout à fait incomplète. Et cela pour<br />

une raison assez simple : c’est qu’elles échappent à l’observation. Certes leur effet final est<br />

éminemment visible puisqu’il est l’être vivant lui-même, mais la manière dont s’agence la<br />

matière vivante, les relations que les éléments organiques tissent entre eux, l’ordre temporel,<br />

tout cela est dissimulé à l’observation directe, de telle sorte que l’embryologie se confronte<br />

frontalement au problème de remonter des effets aux causes, étant entendu que les effets<br />

mêmes lui sont en très grande partie cachés.<br />

Or non seulement cette connaissance nous manque encore presque entièrement, mais<br />

l’observation directe est encore loin de nous avoir fourni toutes les lumières que l’on peut<br />

attendre d’elle sur les premiers phénomènes de la gestation, sur les conditions organiques du<br />

très-jeune embryon, et sur les développements initiaux. 1<br />

A bien lire Geoffroy Saint-Hilaire cependant, il ne semble pas que l’observation ne<br />

puisse pas surmonter les difficultés ; si les lois embryogéniques nous restent encore en grande<br />

partie obscures malgré des progrès considérables dans ce domaine 2 , c’est parce que nous<br />

n’avons pas tout tiré des possibilités de l’observation directe. Mais le problème est de savoir<br />

ce qu’est, en ce qui concerne l’embryon, une observation directe. L’embryon se forme et se<br />

développe dans la profondeur du corps maternel, ou d’une enveloppe protectrice, qui le rend<br />

inaccessible au regard de l’homme ; et s’il se découvre à celui-ci, alors c’est le processus<br />

même de la formation, ou le développement, qui est stoppé de telle sorte que le regard<br />

manque encore le spectacle de l’embryon se faisant. Or si le monstre n’est rien d’autre qu’un<br />

arrêt de formation ou de développement, ne revient-il pas à être un témoin visible du passé<br />

embryonnaire ? « A l’idée d’êtres bizarres, irréguliers, elle [la théorie de l’arrêt de formation]<br />

substitue celle, plus vraie et plus philosophique, d’êtres entravés dans leurs développements,<br />

et où des organes de l’âge embryonnaire conservés jusqu’à la naissance, sont venus<br />

s’associer aux organes de l’âge fœtale » 3 . Le monstre peut lever en partie l’obstacle<br />

1 Ibid., III, p. 473.<br />

2 A notre connaissance, ni Etienne ni Isidore Geoffroy Saint-Hilaire ne mentionnent la thèse embryogénique de<br />

Milnes-Edwards sur la différenciation histo-morphologique de l’homogène à l’hétérogène, qui s’inspire de<br />

l’embryologie de von Baer, mais qui ajoute l’idée d’une division physiologique du travail. En revanche, ils<br />

intègrent et tiennent compte des positions de Serres, principalement de son idée d’un développement centripète<br />

du fœtus et surtout, comme nous l’avons vu, de celle d’une progression dans son développement « dont tous les<br />

degrés sont en rapport avec ceux de l’échelle animale » (E. Geoffroy Saint-Hilaire, art. « Monstre » dans<br />

Dictionnaire classique d’histoire naturelle, op. cit., p. 124).<br />

3 Ibid., I, p. 18, nous soulignons.

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