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LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

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tel-00846655, version 1 - 19 Jul 2013<br />

nombre de cas particuliers, le plus souvent de faits, des conséquences générales » 1 . Cette<br />

définition est tout à fait classique, mais, dans le passage que nous citions plus haut, il n’est<br />

nulle question de cas particuliers, mais de causes et d’effets, ni non plus de généralisation. A<br />

le lire de près, on peut même constater que l’induction semble différer de la généralisation.<br />

Elle semble qualifier tout raisonnement scientifique qui ne s’appuie ni sur l’observation des<br />

faits ni sur leur généralisation. Ce raisonnement peut aller dans deux sens lorsqu’il s’applique<br />

aux phénomènes naturels. Soit il va des effets aux causes : il va ainsi du visible à l’invisible,<br />

de la surface à la profondeur, des résultats aux processus eux-mêmes. Soit il descend des<br />

causes aux effets. En termes logiques, Geoffroy Saint-Hilaire nous dit que, dans un cas, il<br />

s’agit de deviner les prémisses à partir des conséquences, et dans l’autre cas de déduire les<br />

conséquences des prémisses. Mais il semble bien que les deux constituent des genres de<br />

l’induction, même si le premier est d’un genre plus difficile. On aboutit donc à l’idée que la<br />

déduction est un genre d’induction ! Dans l’un on descendrait des causes aux effets, et dans<br />

l’autre on remonterait des effets aux causes. Mais on se tromperait si l’on pensait qu’ils sont<br />

symétriques. Car la nature du raisonnement, ou si l’on y tient la nature de l’induction, n’induit<br />

pas la même opération mentale : dans l’un, il s’agit de déduire, dans l’autre il s’agit de<br />

deviner. Déduire revient à déployer explicitement la conséquence contenue implicitement<br />

dans la prémisse 2 . Pour employer un autre vocabulaire, on est là dans le jugement analytique.<br />

Il en va tout autrement lorsqu’on devine. Deviner ne consiste pas à faire émerger ce qui était<br />

déjà là, il s’agit bien de faire apparaître une conclusion nouvelle, de faire un saut, de produire<br />

donc un résultat. L’analyse logique des conséquences n’induit pas la nécessité formelle des<br />

prémisses ; le résultat n’est pas contenu dans les données de départ ; bref nous avons affaire à<br />

un jugement synthétique.<br />

Alors même que la nature de ces deux jugements diffère logiquement, pourquoi<br />

Geoffroy Saint-Hilaire use-t-il du concept d’induction de telle manière qu’il en efface la<br />

différence ? La raison, nous semble-t-il, est double. Premièrement, la différence entre les deux<br />

types de jugement vaut en logique, où il est question de prémisses et de conséquences. Or<br />

Geoffroy Saint-Hilaire cherche à préciser le raisonnement scientifique dans les sciences<br />

naturelles, où il n’est pas question de prémisses et de conséquences, mais de causes et<br />

d’effets. Que l’on cherche à déterminer l’effet d’une cause ou la cause d’un effet, on n’est<br />

jamais certain du résultat, même si cette incertitude est plus grande lorsque l’on remonte d’un<br />

effet à une cause. Car on ne peut s’appuyer ni sur l’observation des faits ni sur leur<br />

généralisation. Ni sur l’observation, parce que l’on vise à déterminer ce qui produit les faits et<br />

leur visibilité, ni sur la généralisation, parce que la cause dépasse en puissance les faits qu’elle<br />

produit. Or généraliser un fait, c’est étendre ses caractéristiques particulières, ou certaines, à<br />

1 HGRO, op. cit., p. 369.<br />

2 « Le raisonnement est déductif, lorsque, des notions déjà acquises, on passe à des notions qui en sont les<br />

conséquences logiques ; c’est-à-dire, telles que, les premières étant admises, les nouvelles notions sont, pour<br />

ainsi dire, elles aussi, virtuellement admises », ibid., p. 368.

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