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LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

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tel-00846655, version 1 - 19 Jul 2013<br />

parfois viables, souvent non viables, qui n’accomplissent pas, ou mal, les fonctions adéquates.<br />

Mais en ramenant leur organisation aux lois de la nature et en montrant une certaine régularité<br />

dans leur structure morphologique, c’est-à-dire une constance dans leur organisation par<br />

rapport aux êtres normaux, ils dévoilent le rôle majeur des contraintes structurales. Les<br />

fonctions adaptatives sont en fait des masques dissimulant les caractéristiques fondamentales<br />

que sont les relations structurales entre les éléments organiques. Elles sont « une sorte de<br />

placage sur l’archétype » 1 permettant l’adaptation aux différentes circonstances extérieures et<br />

expliquant du même coup la diversité des organismes réels. Les monstres permettent de lever<br />

ce voile de l’adaptation pour toucher le fondamental. Ils présentent ainsi une sorte d’épure du<br />

principe de l’unité de composition. Mais si tel est le cas, nous retombons à nouveau sur ce<br />

paradoxe déjà formulé à maintes reprises : si le monstre est comme une épure du principe de<br />

l’unité de composition, comment se fait-il que cette épure se présente sous une forme<br />

anomale, comment se fait-il que le monstre, s’il suit bien un ordre et une régularité qui le<br />

rattachent aux êtres normaux et ne le sortent pas de la nature, soit précisément un monstre ?<br />

Faut-il dire qu’est monstrueux l’organisme qui n’est pas adapté à son milieu ? Ce serait, dans<br />

le cas des monstruosités, réinvestir l’adaptation d’un poids causal de première importance au<br />

sein d’une théorie qui cherche au contraire à mettre en lumière des lois morphologiques<br />

indépendantes de l’adaptation. En toute rigueur, s’il y a des monstruosités, il convient de<br />

rechercher leurs causes du côté des lois morphologiques, du côté du principe de l’unité de<br />

composition. Ce que fera E. Geoffroy Saint-Hilaire avec la théorie de l’arrêt de formation ou<br />

de développement.<br />

La seconde chose que la tératologie apporte est, comme on l’a déjà vu, qu’elle se veut<br />

le lieu de l’épreuve décisive de toutes les lois qui se prétendent naturelles, et cela parce que la<br />

monstruosité n’est précisément pas soumise à d’autres lois que celles-ci :<br />

Admettez-vous, au contraire, que les Monstruosités ont aussi leurs lois ? Considérez-vous<br />

ces lois comme réductibles aux lois de l’ordre normal ? Par cela même, vous faites tomber la<br />

barrière qui s’élevait devant la tératologie : la connaissance des derniers peut et, dès lors, elle<br />

doit devenir le complément de celle des premiers. Dans la discussion de tous les problèmes de<br />

la science, désormais unique, de l’organisation animale, les faits anomaux interviennent avec<br />

une autorité égale à celle des faits de l’anatomie et de la physiologie ordinaires ; et la<br />

tératologie acquiert le droit de déclarer douteuse toute loi, en dehors de laquelle resteraient les<br />

Monstruosités, et fausse toute conséquence prétendue générale que l’étude de celle-ci<br />

contredirait formellement. 2<br />

1 S. J. Gould, La structure de la théorie de l’évolution, op. cit., p. 451.<br />

2 I. Geoffroy Saint-Hilaire, Vie, travaux, op. cit., pp. 276-277. Voir aussi E. Geoffroy Saint-Hilaire : « Un autre<br />

secours inespéré, qui est aussi venu également assurer ma marche, m’a été fourni par mes études sur les<br />

monstruosités. Tous les faits de variation que la série des êtres m’avait offerts, la monstruosité me les a aussi<br />

donnés dans une correspondance suivie et en quelque sorte régulière, au moyen de ses anomalies qui se répètent<br />

sous tant de formes diverses dans le cercle des développements d’une seule espèce », Principes de philosophie<br />

zoologique, op. cit., p. 218.

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