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LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

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127<br />

tel-00846655, version 1 - 19 Jul 2013<br />

encore faut-il s’entendre sur la question de la transformation des espèces qu’il s’agit de poser.<br />

C’est celle-ci :<br />

Les animaux qui peuplent notre globe, s’offrent-ils à nos yeux, tels qu’ils ont été créés ? ou<br />

bien se sont-ils modifiés depuis leur création ? Les espèces sont-elles immuables ? ou bien des<br />

races, transportées sous l’influence de circonstances différentes, peuvent-elles, à la longue,<br />

s’écarter du type originel, et constituer, à leur tour, des races ou espèces distinctes par de<br />

nouveaux caractères ? 1<br />

Cette question réclame d’être décomposée. Si par transformation, nous comprenons<br />

une influence des circonstances extérieures sur les individus et les espèces qui donnent lieu à<br />

des variations, alors Cuvier et E. Geoffroy Saint-Hilaire s’accordent. Mais jusqu’à quel degré<br />

les animaux peuvent-ils varier ? Varier n’est pas transformer pour Cuvier : les variations ne<br />

conduisent pas à l’émergence de nouvelles espèces 2 . Mais pour E. Geoffroy Saint-Hilaire, la<br />

variation peut aller jusqu’à la transformation et donner naissance à de nouvelles espèces. Mais<br />

alors, à quel titre la défense de l’unité de composition organique impliquerait-elle une position<br />

transformiste ? Quel lien y a-t-il entre la thèse selon laquelle il y a une structure constante et<br />

permanente qui laisse supposer un type commun et la thèse que les espèces peuvent se<br />

transformer ? Comment celui qui écrit en 1807 :<br />

On sait que la nature travaille constamment avec les mêmes matériaux ; elle n’est ingénieuse<br />

qu’à en varier les formes. Comme si, en effet, elle était soumise à de premières données, on la<br />

voit tendre toujours à faire reparaître les mêmes éléments, en même nombre, dans les mêmes<br />

circonstances, et avec les mêmes connexions 3<br />

peut-il par ailleurs penser une transformation possible des espèces ? La théorie de l’unité de<br />

composition n’engage-t-elle pas plutôt sur la voie du fixisme ?<br />

Cuvier attaque E. Geoffroy Saint-Hilaire sur deux fronts. Dans ses premières<br />

objections, par un travail de définition du vocabulaire, il veut réduire la théorie de l’unité de<br />

composition à une simple recherche des ressemblances entre les êtres. Car de deux choses<br />

l’une : ou bien l’unité de composition, dans le sens ordinaire des mots, signifie « que tous les<br />

animaux se composent des mêmes organes arrangés de la même manière » 4 et qu’ils sont donc<br />

tous identiques, ce qui très manifestement n’est pas le cas, ou bien, si l’unité ne peut renvoyer<br />

à l’identité sans contredire la réalité, elle signifie « ressemblance, analogie » 5 , ce qui n’a rien<br />

d’une affirmation nouvelle qui inaugurerait, selon les dires d’E. Geoffroy Saint-Hilaire, « une<br />

nouvelle époque, dont la publication de ce livre fixe la date » 6 . Au pire, l’idée d’unité de<br />

d’histoire des sciences et leurs applications, 1950, t. 3, n°4. En revanche, nous nous accordons avec Pietro Corsi,<br />

Lamarck. Genèse et enjeux du transformisme. 1770-1830, op. cit., p. 285, note 1.<br />

1 I. Geoffroy Saint-Hilaire, Vie, travaux, op. cit., p. 346.<br />

2 « Les variétés, dit Cuvier, sont différenciées par des caractères tout à fait accessoires, et d’un ordre inférieur à<br />

ceux qui distinguent les espèces. », I. Geoffroy Saint-Hilaire, Vie, travaux, p. 348.<br />

3 E. Geoffroy Saint-Hilaire, Considérations sur les pièces de la tête osseuse des animaux vertébrés, et<br />

particulièrement sur celles du crâne des Oiseaux, cité dans I. Geoffroy Saint-Hilaire, Vie, travaux, op. cit., p.<br />

156.<br />

4<br />

Cuvier, « Première argumentation ou considérations sur les mollusques, en en particulier sur les<br />

céphalopodes », dans Principes de philosophie zoologique, op. cit., p. 162.<br />

5 Ibid., p. 162.<br />

6 Philosophie anatomique. Des organes respiratoires, op. cit., discours préliminaire, p. XXXI.

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