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LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

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tel-00846655, version 1 - 19 Jul 2013<br />

vivant est tel qu’il est, s’il est avant tout et principalement vivant, c’est-à-dire sommé de<br />

vivre, c’est parce qu’il remplit certaines conditions d’existence, qui sont un système interne de<br />

corrélations de fonctions permettant de répondre aux sollicitations, parfois menaçantes, du<br />

milieu extérieur 1 . Pour le second, c’est la structure morphologique qui détermine la fonction<br />

et qui est donc la plus fondamentale. Le débat porte donc sur l’objet d’étude qui doit être<br />

prioritaire : la fonction ou la structure, qui, à ce titre, sont exclusives l’une de l’autre.<br />

[La théorie des analogues] est nécessairement exclusive à cet égard. Elle ne peut être à la fois<br />

anatomique et physiologique. Avant de demander ce que fera ce corps, il faut d’abord qu’il<br />

soit lui-même établi, qu’il le soit, indépendamment de sa forme et de ses usages. Tous les<br />

avantages de la nouvelle théorie lui sont procurés par cela, qu’au début de ses travaux, elle<br />

s’en tient à être anatomique, qu’elle porte son examen d’abord et uniquement sur l’objet en<br />

considération, sur lui comme existant, et qu’elle remet pour une autre étude la recherche de ses<br />

propriétés. Ainsi cet unique élément étant pris seul en considération, on le détermine avec<br />

rigueur ; on le suit dans toutes ses métamorphoses, et, après qu’on l’a opposé à lui-même dans<br />

tous les êtres, on arrive à le connaître analogiquement ; c’est-à-dire, à le comprendre dans<br />

l’unité philosophique, sans mélange d’aucune considération accessoire. 2<br />

S’il est donc vrai que l’objet du débat porte sur la priorité à accorder aux fonctions ou<br />

à la structure, il nous paraît qu’on n’en comprendrait pas toute la portée si nous sousestimions<br />

la conséquence philosophique que recèle en germe la théorie de l’unité de<br />

composition. Si Cuvier la bat en brèche, c’est parce qu’il s’oppose à l’idée d’une série<br />

animale, d’une marche progressive et continue de la nature qu’assume au final la théorie d’E.<br />

Geoffroy Saint-Hilaire et qu’il s’aperçoit qu’elle mène tout droit à la transformation des<br />

espèces, ou, pour être tout à fait exact, qu’elle rend possible cette idée d’un point de vue qui<br />

se veut scientifique 3 . C’est pourquoi il ne veut pas céder et rappelle ses propres principes. A<br />

ce titre, nous nous écartons en partie de l’interprétation de Gould qui défend l’idée que la<br />

question du transformisme « n’a joué qu’un rôle très mineure dans le débat de 1830 » 4 . Mais<br />

1 Sur ce point, cf. M. Foucault : « En revanche, la notion de condition d’existence concerne l’impossibilité<br />

éventuelle où se trouverait un organisme de continuer à vivre s’il n’était pas tel qu’il est et là où il est : elle se<br />

réfère à ce qui constitue la limite entre la vie et la mort. (…) Cette idée que le vivant est lié à la possibilité de<br />

mourir renvoie à deux systèmes possibles de conditions d’existence : - conditions d’existence entendues comme<br />

un système interne, c’est-à-dire les corrélations. Si vous en retirez les griffes, ou si vous ne lui mettez pas de<br />

dents broyeuses, il mourra nécessairement. C’est la condition d’existence interne, et cela implique une biologie<br />

qui s’articule directement sur l’anatomo-physiologie ; - conditions d’existence entendues comme menace venant<br />

du milieu ou menace pour l’individu de ne plus pouvoir vivre si ce milieu change. On articule la biologie sur<br />

l’analyse des rapports qu’il y a entre le milieu et le vivant, c’est-à-dire sur l’écologie », La situation de Cuvier<br />

dans l’histoire de la biologie, op. cit., pp. 923-924. Cf. aussi S. J. Gould, La structure de la théorie de<br />

l’évolution, op. cit.,p. 414.<br />

2 E. Geoffroy Saint-Hilaire, Principes de philosophie zoologique, op. cit., pp. 181-182.<br />

3 I. Geoffroy Saint-Hilaire insiste, dans Vie, travaux, op. cit., p. 355, sur ce point : le transformisme ne serait<br />

qu’une hypothèse, mais rendue très probable du fait qu’elle est « déduite d’une théorie vraie, infiniment plus<br />

simple, et confirmée bien plutôt que démentie par les arguments mêmes de ses adversaires ». D’aucuns ont pu se<br />

demander si les expériences de tératogenèse ne visaient pas, aux yeux d’E. Geoffroy Saint-Hilaire, à apporter les<br />

preuves expérimentales d’un tel transformisme. Pour cette interprétation de la tératogenèse d’E. Geoffroy Saint-<br />

Hilaire, cf. Jean Rostand, « Etienne Geoffroy Saint-Hilaire et la tératogenèse expérimentale » dans Revue<br />

d’histoire des sciences et de leurs applications, 1964, vol. 17, n°1, Franck Bourdier, « Lamarck et Geoffroy<br />

Saint-Hilaire face au problème de l’évolution biologique », Revue d’histoire des sciences, 1972, vol. 25, n°4.<br />

4 La structure de la théorie de l’évolution, op. cit., pp. 426-427, note. Nous nous écartons également de la lecture<br />

de Jean Piveteau « Le débat entre Cuvier et G. Saint-Hilaire sur l’unité de plan et de composition », Revue

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