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LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

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tel-00846655, version 1 - 19 Jul 2013<br />

matériaux rassemblés [et] d’actions pour en avoir l’emploi ! Si tant de parties agissent de<br />

concert distinctement et fructueusement, que d’ordre par conséquent, que de faits à expliquer<br />

par les règles générales ! » 1 Mais alors, deuxième formulation : si les monstres sont<br />

explicables par les règles générales, comment celles-ci peuvent-elles produire et les animaux<br />

réguliers et les monstruosités ? Comment peut-on avoir affaire à des mêmes lois alors que les<br />

résultats qui peuvent en découler paraissent aussi dissemblables ? « Ne serait-ce pas s’exposer<br />

à une contradiction manifeste, que de faire dépendre des mêmes causes tous les<br />

développements organiques, et ceux qui donnent des animaux réguliers, et ceux qui<br />

dégénèrent en monstruosités ? » 2 Si les monstres obéissent aux lois de la nature, comment des<br />

mêmes lois peuvent-elles produire autant d’altérité, autant d’ordres qui, pour n’en être pas<br />

moins des ordres, sont différents ? En d’autres termes, comment le Même peut-il produire de<br />

l’Autre ? Comprendre la production d’un autre ordre, c’est comprendre le fonctionnement de<br />

la nature, donc s’assurer que les lois élaborées par la science sont bien des lois de la nature.<br />

Ainsi le problème de la nature des anomalies, et des monstruosités en particulier,<br />

rejoint-il bien le problème gnoséologique du statut des lois de la nature. Il n’y a lois de la<br />

nature que dans la mesure où elles permettent d’asseoir un ordre naturel. La tératologie<br />

cherche à découvrir un schème d’ordonnancement qui insère parfaitement les monstruosités<br />

dans cet ordre de la nature, voire le renforce en le montrant par les monstres. Elle pose donc<br />

le problème de la variation et de sa compréhension dès lors qu’on pose comme postulat<br />

rationnel un ordre de la nature. C’est la raison pour laquelle il est nécessaire d’examiner<br />

quelles sont les lois que la tératologie met en jeu et que, par cette mise en jeu, elle élève<br />

précisément au statut de lois de la nature, qui fondent l’ordre naturel 3 .<br />

La tératologie, l’unité de composition organique et la théorie des arrêts de formation<br />

ou de développement<br />

Pour être plus précis encore, nous allons rapidement examiner quels sont les principes<br />

ou lois sur lesquels Isidore Geoffroy Saint-Hilaire s’appuie pour construire, ou du moins<br />

compléter et systématiser la tératologie. Car, en matière de construction, son père, Etienne<br />

Geoffroy Saint-Hilaire, fut le premier bâtisseur. Sa grande idée, celle qui commande et oriente<br />

toutes ses recherches en anatomie comparée, c’est celle qu’il résume sous le nom de principe<br />

d’unité de composition 4 . Que recouvre-t-elle ? Elle stipule que l’ensemble des animaux est<br />

1 Ibid., p. 105.<br />

2 Ibid., p. 105.<br />

3 De ce point de vue, les Geoffroy Saint-Hilaire appartiendraient pleinement à leur temps, s’il est vrai, comme<br />

l’avance Henri Daudin, dans Les classes zoologiques et l’idée de série animale en France à l’époque de<br />

Lamarck et de Cuvier (1790-1830), Paris, Librairie Félix Alcan, 1926, t. II (noté ultérieurement Les classes<br />

zoologiques et l’idée de série animale), p. 251, que la croyance rationnelle en un ordre naturel (qui se traduit<br />

aussi dans l’affirmation d’une marche de la nature) caractérise la pensée du vivant du XVIII ème siècle et du<br />

premier tiers du XIX ème siècle. Nous aurons sans doute à nuancer quelque peu cette position.<br />

4 Il n’est pas question pour nous d’examiner dans le détail si E. Geoffroy Saint-Hilaire varie, ou non, dans<br />

l’interprétation de ce principe. Dans un article remarquable, Laurent Goulven montre que la question du<br />

transformisme des espèces a pu modifier, dans un sens beaucoup moins statique et géométrique, la

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