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LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

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tel-00846655, version 1 - 19 Jul 2013<br />

du tout, mais fonctionnent en et pour eux-mêmes. La maladie, c’est lorsque les parties<br />

prennent le pas sur le tout, lorsque l’organisme tend précisément à se réduire à la somme de<br />

ses parties et perd ainsi la capacité de les transcender. Autrement dit, être malade pour un<br />

organisme, c’est agir et fonctionner comme un agrégat d’organes pour qui plus aucune<br />

« transcendance » ne joue afin de les intégrer dans une totalité. La maladie élève ou déchoie<br />

l’organe au statut de partie par le surgissement d’une altération – il n’a plus avec les autres<br />

qu’un rapport extérieur et étranger présageant ainsi la mort qui n’est rien d’autre que la<br />

scission de l’unité organique. Or, le monstre, comme tout être en bonne santé, n’est que le<br />

produit des « effets nécessaires du jeu libre d’organes entièrement sains, mais étrangers par<br />

leur conformation à l’espèce qui les présente » 1 . On pourrait cependant rétorquer que<br />

beaucoup de monstruosités conduisent promptement à la mort. Ne serait-ce pas là le signe<br />

même de l’impossibilité pour le monstre d’être un organisme ? Il n’y aurait organisme<br />

monstrueux que par le manquement de l’organisme à lui-même : il se déferait dans la mesure<br />

même où il se ferait et tenterait d’asseoir sa propre cohérence. Mais conclure ainsi serait<br />

conclure trop vite : d’une part c’est remonter illégitimement d’un état de fait à un état de droit,<br />

d’autre part cela est méconnaître les différences qui existent entre les monstruosités quant à<br />

leur rapport à la mort. Sous ce rapport, I. Geoffroy Saint-Hilaire distingue trois ordres. Le<br />

premier est l’ordre des autosites, qui sont « capables de se vivre et de se nourrir par le jeu de<br />

leurs propres organes. Tous peuvent subsister plus ou moins longtemps hors du sein de leur<br />

mère. Les premiers genres sont mêmes complètement viables » 2 . Le second ordre est celui des<br />

omphalosites, qui ne peuvent vivre qu’imparfaitement, seulement dans l’utérus grâce à la<br />

communication avec la mère. Enfin le dernier ordre est celui des parasitaires, qui « sont des<br />

masses inertes, irrégulières, composées principalement d’os, de dents, de poils et de graisse<br />

(…) implantées directement sur les organes générateurs de la mère, aux dépens de laquelle ils<br />

vivent d’une vie obscure, végétative et toute parasitique » 3 . On constate ainsi que la mort n’est<br />

1 Ibid., III, p. 446. E. Geoffroy Saint-Hilaire insiste sur ce point : « un Monstre, dans le cas de nos précédentes<br />

explications, et un être régulier, ne diffèrent que pour être établis avec ou sans entraves du côté des membranes<br />

ambiantes et placentaires : ce sont donc deux œuvres parfaites, si l’on en juge d’elles en elles-mêmes et par ellesmêmes,<br />

et conformément à leurs données premières ; car ces constructions organiques se sont développées<br />

depuis la première molécule, jusqu’à l’être des dernières journées de la gestation, avec aisance et méthode, dans<br />

un cadre admirable sans doute, puisque le principe des formations a vaincu souverainement toutes les difficultés<br />

que fait naître une complication infinie. Ce n’est que quand les deux fœtus quittent le domicile maternel que la<br />

scène change de l’un à l’égard de l’autre », art. « Monstre », Dictionnaire classique d’histoire naturelle, Paris,<br />

Rey et Gravier, Libraires-Editeurs, 1827, t. 11, p. 123.<br />

2 Traité de tératologie, ibid., II, p. 184.<br />

3 Ibid., II, pp. 184-185. Camille Dareste, qui fonda la tératogénie, critique cette tripartition. Il refuse de<br />

considérer les monstres parasites comme des monstres, car ils n’ont plus rien d’un corps organisé ; et il juge que<br />

cette tripartition a un fondement pour les monstruosités survenant dans la classe des oiseaux, mais non dans la<br />

classe des mammifères. Or, c’est essentiellement aux monstruosités de cette classe qu’I. Geoffroy Saint-Hilaire<br />

se réfère : « Les monstres simples autosites provenant de la classe des mammifères ne sont point de véritables<br />

autosites dans le sens qu’Is. Geoffroy Saint-Hilaire attachait à ce mot. Sans doute ils se produisent et se<br />

constituent isolément ; mais ils ne tardent pas, à une certaine époque, par suite de la formation du placenta, à se<br />

greffer aux parois de la cavité utérine. Et alors ils vivent jusqu’à la naissance en véritables parasites. C’est la<br />

mère qui les nourrit ; c’est elle qui respire pour eux. (…) Les monstres autosites qui se produisent dans la classe<br />

des oiseaux sont, au contraire, de véritables autosites dans toute l’acception de ce mot. Enfermés dans la coquille

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