Analyse des Manuscrits des Trois contes: la transcendance des ...

Nous pouvons également mentionner un fil indispensable qui connecte les trois contes.
Au fur et à mesure que l’on étudie La Légende de saint Julien l’Hospitalier, Un cœur
simple et Hérodias, on trouve une augmentation du nombre des noms propres au fil des
contes, et un changement de leurs fonctions. Flaubert n’ignora jamais la signification des
noms propres, qu’il trouvait indispensable à ses romans :
tel-00790321, version 1 - 19 Feb 2013
Je ne puis me soumettre à son désir 670 , qui est de changer le nom du héros de mon roman.
Tu dois te souvenir, cher ami, qu’il y a quatre ans je t’ai demandé s’il y avait encore à Nogent
des personnes du nom de Moreau ? Tu m’as répondu qu’il n’y en avait pas, et tu m’as fourni
plusieurs noms du pays que je pouvais employer sans inconvénient. Fort de tes renseignements
je me suis embarqué naïvement. Il n’est plus temps pour moi de revenir là-dessus. Un nom
propre est une chose extrêmement importante dans un roman, une chose capitale. On ne peut
pas plus changer un personnage de nom que de peau. C’est vouloir blanchir un nègre. 671 [Corr.
III, p. 788]
Flaubert unit étroitement les personnages et leurs noms et pense que ces noms propres
représentent les particularités spirituelles et physiques inchangeables de ses protagonistes 672 .
En lisant La Légende de saint Julien l’Hospitalier, on s’aperçoit que les noms propres
ne sont vraiment pas nombreux comparés aux deux autres contes. Flaubert n’y nomme pas
les terres, malgré les grandes distances que parcourt le héros. Dans ce conte, toutes les
670 Émilie Roux, née Bonenfant qui habitait à Nogent-sur-Seine a écrit ceci à Flaubert ; « j’ai un
vague souvenir de t’avoir entendu parler du nom de Moreau pour un de tes personnages. Si ce sont
des Nogentais, je te serais obligée de le changer. Nous avons ici des amis qui portent ce nom » (voir
Corr. III, p 1557-1558).
671 Lettre à Louis Bonenfant, le 13 août 1868.
672 Dans la première Éducation sentimentale, les noms sont indispensables à l’amour dans l’œuvre.
Ainsi, c’est lorsque Madame Renaud s’approche d’Henry afin d’écrire son nom sur le dessin qu’il
exécutait, que commença leur attirance profonde l’un pour l’autre : L’acte d’écrire son nom est
comparable à l’action physique de se toucher, tout en étant l’occasion d’avouer son amour sans
l’usage de paroles concrètes. Flaubert traite les noms propres non seulement comme des indices,
mais comme des expressions métaphoriques de l’amour. Ce passage est ainsi remarquable dans le
sens où les noms prennent une importance, une signification immense sans être même prononcés.
Après avoir écrit leurs noms, les deux héros transmettent ensuite leurs sentiments par des vers de
poèmes célèbres, acte qui sera suivi directement par l’échange de lettres d’amour : Henry et
Madame Renaud ressentent le bonheur et l’amour grâce aux mots écrits dans leurs poèmes et lettres.
Dans les romans de Flaubert, les noms représentent facilement le monde sémantique des poèmes et
se lient directement aux sentiments des personnages.
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Ohashi, Eri. Analyse des Manuscrits des Trois contes : la transcendance des hommes, des lieux et des choses chez Flaubert - 2013