Analyse des Manuscrits des Trois contes: la transcendance des ...

Il y avait dans son feuillage un choucas monstrueux, qui regardait Julien et, ça et là,
parurent entre les branches quantité de larges étincelles comme si le firmament eût fait pleuvoir
dans la forêt toutes ses étoiles. [TC, p. 98].
tel-00790321, version 1 - 19 Feb 2013
Deux mots se révèlent alors importants dans ce passage « étoiles » et « monstrueux ». Les
animaux évoquent cet aspect monstrueux, morbide, mais leurs yeux, essence profonde de
leur être, s’apparentent à l’univers. La forêt et les animaux ne résident pas alors uniquement
dans un monde de morts, mais appartiennent également à l’univers qui domine tout 615 .
Et étrangement la voix du cerf que Julien entend dans le plan avant de se lancer dans la
forêt, apparaît cette fois après que le jeune homme a tué ses parents, au retour de la
deuxième chasse : « Incertaine d’abord, cette voix plaintive longuement poussé, se
rapprochait, s’enfla, devint cruelle, et il reconnut, terrifié, le bramement du grand cerf
noir » [TC, p. 100]. Dans le texte définitif, la voix du cerf est donc le signal de la fin de la
période des crimes de Julien. Autrement dit, le cerf n’apparaît plus comme l’animal
poussant Julien à commettre des crimes, mais plutôt comme la voix qui annonce la fin
complète de la chasse.
La deuxième chasse n’est pas une chasse réelle. Elle est plutôt une répétition de la
première chasse, mais cette fois ci du point de vue des victimes. Ce n’est plus Julien qui
chasse, mais les animaux. Les bêtes déjà mortes renaissent alors, tandis que Julien toujours
vivant, pénètre dans le monde des ténèbres, et Julien semble ainsi mené au parricide.
Cependant, les animaux de la deuxième chasse ne blessent jamais Julien de la même
manière que celui-ci les avait pourchassés. Cette attitude a le même caractère que la voix du
cerf, entendue par Julien, car sa soif de tuer inassouvie le pousse au parricide, qui l’amènera
vers la sainteté. Les animaux acculent ainsi Julien vers le désespoir et la douleur, mais en
même temps pardonnent au chasseur et ont véritablement la volonté de le sauver.
En fait la première chasse se termine par le massacre de la famille des cerfs, alors que la
deuxième aboutit à l’acte parricide de Julien. Malgré la différence entre les animaux et les
hommes ces deux chasses ont pour point commun de provoquer le meurtre de deux familles.
615 Florence Vatan indique que Flaubert est influencé par Essai sur les légendes pieuses du Moyen
Âge d’Alfred Maury : « Il est intéressant de noter que Flaubert – comme par un clin d’œil ironique
aux débats de l’époque sur le magnétisme – associe indirectement le somnambulisme de Julien à la
multiplication des regards fixés sur lui, regards dont Maury a souligné l’importance dans le
déclenchement de l’état somnambulique » (Florence Vatan, « Lectures du merveilleux médiéval :
Flaubert et Alfred Maury » in Savoirs en récits I, Flaubert : la politique, l’art, l’histoire, Saint-
Denis, Presses Universitaires de Vincennes, 2010, p. 98).
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Ohashi, Eri. Analyse des Manuscrits des Trois contes : la transcendance des hommes, des lieux et des choses chez Flaubert - 2013