Analyse des Manuscrits des Trois contes: la transcendance des ...

En quoi consiste donc la volonté des animaux ? Il est essentiel de remarquer que tous
les animaux présents dans la deuxième chasse sont à la fois durs et inébranlables tels des
métaux, comme les lièvres apparentés aux cailloux, ou encore le taureau à l’image du
bronze. Cependant et paradoxalement, les bêtes gardent en même temps un aspect
évanescent et fugitif, presque irréel. Dans la marge du f o 465 v o « voilés par de poussière
lointaine. nuage », les hyènes qui entourent Julien dans le cimetière en friche semblent être
à la frontière de l’existence, tel le nuage à la frontière entre deux mondes. Elles sont
l’intermédiaire entre Julien, seul être vivant dans le cimetière, et les morts. Comme
l’évoque le mot nuage, un rapport est établi entre les hyènes et le ciel.
Dans le même folio :
tel-00790321, version 1 - 19 Feb 2013
la lumière passait entre les poils
elles hérissaient le poil de leur ventre leur dos
la lumière passait entre les poils de leur de [NAF23663 f o 476 v o extrait]
Ce n’est pas comme si la lune éclairait leur pelage, mais plutôt comme si leur corps
devenait lui-même lumineux, et la lumière semble être émise des poils mêmes. Les hyènes
en général font partie du monde des ténèbres, des morts, du fait de leur rôle de charognards,
cependant ici elles sont assimilées à la lumière et semblent essayer, d’une certaine manière,
d’aider Julien.
Mené grâce à elles, comme on l’a déjà vu, Julien trouve ainsi trois croix dans le
cimetière en friche qui symbolisent la famille de Julien, destinée au parricide. L’image
lumineuse des hyènes qui amènent Julien à cet endroit se superpose alors à la vision du
vieillard qui apparut et prédit à la clarté de la lune que Julien deviendrait un Saint.
En fait, la nature et les animaux de la deuxième chasse 614 correspondent et convergent
vers la phrase notée dans la marge du f o 475 r o , « les étoiles de l’univers ». Dans le texte
définitif cette note deviendra :
614 Raymonde Debray-Genette indique le manichéisme de ce conte : « on peut dire que Saint Julien
est fondé sur une structure binaire, qui trouve sa résolution en une unique valeur finale qui intègre
son opposé. L’ordre divin est présent dès le début, mais n’est pas bien compris. L’ordre purement
humain est négatif et ne peut, sans un saut qualitatif, rejoindre l’ordre divin. C’est l’ordre animal qui
servira d’intercesseur, bien qu’il soit récessif . [...] on le remarquera, dans le troisième temps,
Julien fait une sorte d’impasse sur son humanité et saute directement de l’abjection à la gloire »
(Raymonde Debray-Genette, « La Légende de Saint Julien l’Hospitalier : forme simple et forme
savant » in Essai sur Flaubert, op. cit., p. 246-247).
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Ohashi, Eri. Analyse des Manuscrits des Trois contes : la transcendance des hommes, des lieux et des choses chez Flaubert - 2013