Analyse des Manuscrits des Trois contes: la transcendance des ...

on voyait très bien ses pleurs.
Julien
trait
Voix
profonde
profonde lamentable
déchirante – humaine –
la flèche
mais le dard mal dirigé parce qu’il tremblait & il put pourtant
en sautillant
au genou. & Elle boitait sautillant sur trios pattes Julien exaspéré la tue lui lance
l’atteignit
Julien [NAF23663 f o 429 r o (extrait)]
tel-00790321, version 1 - 19 Feb 2013
Julien remarqua alors non pas seulement le cri humain, mais aussi ses larmes. Il ne fut ainsi
pas tellement surpris lorsque l’animal se mit à parler, mais les larmes qui rendaient presque
humaine la biche furent pour lui fort choquantes. À cause de ses pleurs, Julien perd de son
assurance et lance ses flèches en tremblant. On peut penser que la raison qui fit perdre ses
moyens à Julien, fut qu’il superpose l’image de sa mère à celle de la biche. Mais son
tremblement causa bien pire. Visant mal, ses flèches atteignent la biche au genou, ce qui lui
infligea des douleurs bien plus grandes. Dans la première chasse, il n’y a que cette biche
que Julien ne parvient pas à abattre, alors qu’il n’avait jusqu’ici jamais échoué. Ceci
représente donc la première fois où Julien ressentit de l’embarras et de l’hésitation durant
une chasse.
Cependant, dans le texte définitif, cette scène se retrouve décrite : « sa mère, en
regardant le ciel, brama d’une voix profonde, déchirante, humaine. Julien, exaspéré, d’un
coup en plein poitrail, l’étendit par terre » [TC, p. 89]. Ici les pleurs de la biche et l’échec de
Julien disparaissent. Par l’effacement de cette description, on ne voit plus les sentiments
profonds et particuliers, de même que la réaction de Julien lors de cette scène. Son attitude
et son acte sont empreints de froideur. Cela montre que le refus potentiel de ses intentions
meurtrières et l’affection pour sa mère, disparaissent eux aussi.
Le cerf, en harmonie avec la nature, apparaît dans ce conte comme le symbole de la
famille, et suggère une noblesse et une affection non seulement animales mais humaines.
Par conséquent le meurtre de la famille de cervidés est l’acte qui transforme Julien et le fait
exclure du monde d’harmonie dont il faisait partie, grâce à son innocence. Il s’exile de luimême
en abandonnant et détruisant tous les sentiments de crainte et de compassion qu’ils
325
Ohashi, Eri. Analyse des Manuscrits des Trois contes : la transcendance des hommes, des lieux et des choses chez Flaubert - 2013