Analyse des Manuscrits des Trois contes: la transcendance des ...

tel-00790321, version 1 - 19 Feb 2013
On se rappelle la variété des couleurs des faucons dans les carnets : « faucon hagard
[ bec ] yeux et pattes jaunes, bec bleu, ailes brunes, corps blanc tacheté de brun » 607 . Mais
aussi celles qui évoquent que Félicité est charmée par le perroquet venu d’Amérique dans
Un cœur simple : « Il s’appelait Loulou. Son corps était vert, le bout de ses ailes rose, son
front bleu, et sa gorge dorée » [TC, p. 67] 608 . On a déjà vu que les couleurs des faucons
ressemblent à celles des vêtements de Félicité dans les brouillons. On constate aussi que les
couleurs de ce perroquet arrivé d’un pays lointain coïncident avec celles des rapaces utilisés
au cours des chasses. Après sa mort, Loulou se change en Saint, idée que Félicité croit au
plus profond d’elle-même. Il l’accompagne ainsi au ciel à sa mort.
Il faut donc faire attention aux mots « faucons pèlerins », dans la chasse de Julien. Le
faucon pèlerin joue un rôle très important dans ce conte. Il est bien sûr une espèce d’oiseau,
mais la double signification du mot « pèlerin » est elle aussi à prendre en compte. Après le
parricide, Julien devient pèlerin lui-même. Les faucons sont donc en fait le double de Julien
qui commet deux actes contradictoires, l’un cruel et l’autre saint. On retrouve ainsi les
couleurs des faucons qui se reflètent dans les scènes de mort, comme la chasse aux cerfs ou
le parricide. Cependant le parricide est l’événement clé qui va modifier la destinée de Julien
et l’amener à la Sainteté.
Ensuite nous allons observer un autre élément des carnets, les notes sur les cerfs, qui
occupent six folios. Dans le Carnet 17 Flaubert note surtout le mode de vie de ces animaux
et la manière dont on les chasse : « Le bois du cerf pousse, croît et se compose comme le
bois d’un arbre. […] c’est pour ainsi dire un végétal greffé sur un animal et qui participe de
la nature des deux » [f o 83 v o ] 609 . Flaubert compare ici les bois des cerfs au bois d’un arbre,
le considérant ainsi comme un animal né de la nature. Le cerf considéré comme une partie
de la nature, apporte l’harmonie au monde.
Flaubert s’intéresse pourtant encore plus à un autre aspect du cerf. À la fin du même
folio, Flaubert note « Le roi [Louis XV] mange actuellement les daintiers et même dans le
temps du rat, par régal ». Flaubert pense par là que le cerf est un animal à part au sein de la
forêt. À l’époque le roi était plus proche de Dieu que des hommes, ainsi lorsque le cerf est
mangé par le roi, l’animal s’assimile au corps du monarque et se change en existence
sublime.
607 Flaubert, Carnets de Travail, op. cit., p. 734 (f o 75).
608 Dans la note du f o 75 v o des Carnets de travail, Pierre-Marc de Biasi remarque que les couleurs
des faucons ressemblent peu à peu à celles des perroquets.
609 Flaubert, Carnets de Travail, op. cit., p. 728.
323
Ohashi, Eri. Analyse des Manuscrits des Trois contes : la transcendance des hommes, des lieux et des choses chez Flaubert - 2013