Analyse des Manuscrits des Trois contes: la transcendance des ...

entre
elle crut voir, parmi des nuages d’or, [ à la droite du fils, à
monstrueux
perroquet
les
la gauche, du père ], un gigantesque perroquet 〔 qui était le S t -Esprit
démesuré
gigantesque
[NAF23363 f o 352 r o (extrait)]
tel-00790321, version 1 - 19 Feb 2013
Cette image est la peinture de la Trinité. Ainsi, Flaubert définit clairement que le perroquet
est le Saint-Esprit, et il achève son conte 519 .
Cependant le texte définitif finit par la phrase : « elle crut voir, dans les cieux
entrouverts, – un perroquet gigantesque – planant au dessus de sa tête » [TC, p. 78].
Flaubert supprime les éléments religieux, le Père et le Fils, et aussi l’expression que le
perroquet est le Saint-Esprit. L’existence « gigantesque » a pour effet de relier
naturellement ce conte avec La Légende de Saint Julien l’Hospitalier, où on voit le lépreux
qui « grandissait, grandissait, touchant de sa tête et de ses pieds les deux murs de la
cabane » [TC, p. 108]. Brigitte Le Juez indique que « chez Flaubert, le gigantesque qualifie
l’exagération de la vision mythique quelle qu’elle soit » 520 et en même temps que
« Flaubert se servait aussi de l’adjectif pour ridiculiser l’objet de son propos » 521 . « Le mot
devient synonyme de démesuré, d’absurde » 522 . On peut supposer que Flaubert tente
d’effacer un ton religieux clair et de rendre la signification de l’existence du perroquet
ambiguë entre le mythe et le réel, en ajoutant les mots « elle crut voir », c’est-à-dire
l’incertitude de la vision de l’héroïne.
N’apparaît que l’oiseau gigantesque et, en même temps, l’image de Félicité comme une
statue sur un tombeau disparaît. Cela signifie que jusqu’à la fin Félicité meurt comme un
être humain, et que le perroquet reste un oiseau. Flaubert raconte dans sa correspondance :
« L’Histoire d’un cœur simple est tout bonnement le récit d’une vie obscure, celle d’une
519 Barbara Vinken trouve une figure du mythe grecque dans ce perroquet « monstrueux » : « cet
oiseau est gigantesque, voire « monstrueux », dans les versions manuscrits. Les proportions – petit
oiseau de la grande Marie dans l’Annonciation – signalent inversion, et dans cette inversion
l’irruption de l’antiquité dans les tableaux de l’Annonciation. L’oiseau gigantesque est l’aigle de
Zeus, l’oiseau géant qui souleva Ganymède comme un agneau dans les airs, et qui descend ou se
précipite sur les objets de son désir, généralement allongés comme Félicité, et non droite, debout ou
agenouillée, comme Marie dans l’attente du Verbe » (Barbara Vinken, « L’abandon de Félicité : Un
cœur simple de Flaubert » in Le Flaubert réel, op. cit., p. 162).
520 Brigitte Le Juez, Le Papegai et le papelard, op. cit., p. 54.
521 Ibid.
522 Ibid.
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Ohashi, Eri. Analyse des Manuscrits des Trois contes : la transcendance des hommes, des lieux et des choses chez Flaubert - 2013