Analyse des Manuscrits des Trois contes: la transcendance des ...

petit candélabres
Sur la cheminée,
style du Consulat
pendule à pyramides, avec guirlandes
et entourée de bornes reliées par des chaînes . [NAF2336 f o 382 r o extrait]
tel-00790321, version 1 - 19 Feb 2013
La combinaison de la pendule qui marque les secondes et des pyramides qui symbolisent la
frontière entre la vie et la mort suggère la vie de Félicité, qui est confrontée à la mort tout
au long de son existence. Au f o 273 v o , « un entassemt pyramidal de boîtes et de cartons »
se trouve devant « la pendule d’albâtre représentant une pyramide » 461 . La pyramide
signifie plus largement « énorme », pas toujours en forme de pyramide. Mais on a
l’impression que la maison de Madame Aubain est remplie de petites pyramides.
Finalement, dans le texte définitif, Flaubert efface « la pendule d’albâtre » représentant
une pyramide, et laisse seulement « un tas pyramidal de boîtes et de cartons » [TC, p. 44].
On peut penser que cette correction 462 accentue le fait que la maison Aubain n’est pas
solide, ou qu’elle est la pyramide qui est formée par des boîtes et des cartons, c'est-à-dire
des choses très fragiles. De fait, après les morts de Virginie et de Madame Aubain, alors
que la maison n’est plus réparée et que le fils Paul vend tout le mobilier, la demeure Aubain
devient comme la boîte de carton abîmée, et Félicité meurt toute seule dans cette boîte.
Quand Félicité arriva chez Madame Aubain, elle vécut ses premiers mois dans un état
de fébrilité, d’effroi au f o 283 v o :
D’abord elle y vécut dans une espèce de tremblement, que lui causaient la
461 Maria Francesca Davì Trimarchi analyse la description de la maison de Madame Aubain : « La
pendule qui marque les heures sur la cheminée en marbre de la salle, doit sa forme définitive à de
longues et soigneuses tentatives : dans le f o 273 v o la recherche « visuelle » oscille entre la matière
dont elle est construite (d’albâtre, avec milieu une enceinte en or), et sa géométrie (« représentant
une pyramide »), cette dernière reflétant la même image qu’offrent, quelques lignes au-dessus, les
boîtes et les cartons « formant pyramide » sur le clavecin. S’étant peut-être aperçu de la réitération
de l’image (un souvenir d’Orient ?), Flaubert prépare, déjà dans le même brouillon, la substitution :
« une sphère d’or tournant sur des colonnes », tout en essayant, dans le même folio, des variantes
assez semblables : globe, mappemonde, boule d’or, « qui tournait sur des colonnes p r marquer les
heures » » (Maria Francesca Davì Trimarchi, « La « pyramide » » in Corpus Flaubertianum.I, op.
cit., p. 60).
462 Au f o 277 v o , « La pendule au milieu représentait un temple de Vesta ». Le mot pyramide a été
effacé dans la phrase de la pendule. A la place, la pendule apparaît sous la forme d’un temple de
Vesta, une idée que l’on retrouve jusque dans le texte définitif. Isabelle Daunais remarque la
signification de la pendule dans les œuvres de Flaubert : « [...] en mesurant le temps, elle rappelle
aux personnages les contingences du réel. Cet « affranchissement » prend souvent la forme du tictac
qui perturbe le personnage dans ses actions ou ses rêveries et le confronte à la réalité
momentanément oubliée de son existence » (Isabelle Daunais, Flaubert et la scénographie
romanesque, Paris, Nizet, 1993, p. 172).
222
Ohashi, Eri. Analyse des Manuscrits des Trois contes : la transcendance des hommes, des lieux et des choses chez Flaubert - 2013