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Analyse des Manuscrits des Trois contes: la transcendance des ...

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tel-00790321, version 1 - 19 Feb 2013<br />

subitement comparée à « <strong>la</strong> douceur <strong>des</strong> roses ». On rappelle que ce mot « rose » se<br />

retrouve souvent dans <strong>la</strong> <strong>des</strong>cription de <strong>la</strong> femme de Julien.<br />

Par <strong>la</strong> suite, F<strong>la</strong>ubert choisit aussi les mots « une douceur de colombe » dans sa<br />

<strong>des</strong>cription, cette « colombe » qui au XIX e siècle évoquait souvent les jeunes filles. En<br />

prenant tous ses détails en compte, on en arrive à douter de <strong>la</strong> sexualité du ma<strong>la</strong>de, ne ce<br />

serait-il pas transformé en corps féminin ? C’est pour ce<strong>la</strong>, que Julien se sent comme un<br />

bébé qui est bercé tendrement dans les bras de sa mère. Ce changement a une re<strong>la</strong>tion avec<br />

<strong>la</strong> suppression du mot « diable » dans le f o 446 v o . Afin de déterminer <strong>la</strong> féminité du lépreux,<br />

F<strong>la</strong>ubert change son texte de telle manière qu’à <strong>la</strong> fin, Julien ne doute plus de l’identité du<br />

ma<strong>la</strong>de.<br />

Après ces nombreuses corrections, F<strong>la</strong>ubert présente cette scène dans le texte définitif<br />

de <strong>la</strong> manière suivante :<br />

Julien ôta ses vêtements ; puis, nu comme au jour de sa naissance, se rep<strong>la</strong>ça dans le lit ; et il<br />

sentait contre sa cuisse <strong>la</strong> peau du Lépreux, plus froide qu’un serpent et rude comme une lime.<br />

Il tâchait de l’encourager ; et l’autre répondait, en haletant :<br />

– « Ah ! je vais mourir !… Rapproche-toi, réchauffe-moi ! Pas avec les mains ! non ! toute<br />

ta personne. » [TC, p. 107]<br />

L’expression « toute <strong>la</strong> personne » apparaît, et le ma<strong>la</strong>de demande à Julien de le toucher<br />

encore plus qu’au f o 447 v o . Le mot « personne » ne fait plus alors allusion au physique,<br />

mais aussi à <strong>la</strong> personnalité 454 . Par ce<strong>la</strong>, il désire et cherche à se rapprocher non pas<br />

seulement du corps, mais aussi de <strong>la</strong> mentalité du héros. De plus, les deux personnages<br />

échangent leurs p<strong>la</strong>ces. Ici c’est Julien qui sent <strong>la</strong> peau du lépreux contre sa cuisse, les<br />

sensations sont inversées. Ainsi, par cette possibilité d’échange, on ne peut plus vraiment<br />

les distinguer, et on peut constater une union entre les deux personnes. 455<br />

454 E.-H. Langlois a écrit <strong>la</strong> même scène ainsi : « déjà son cœur ne bat plus ; c’en est fait, il va<br />

mourir....... O sainte, ô ingénieuse pitié ! Que font les deux époux ? S’aveug<strong>la</strong>nt sur le terrible<br />

danger auquel ils s’exposent, ils étendent au milieu d’eux, dans leur propre lit, leur affreux hôte, et<br />

se pressent à ses côtés pour lui communiquer leur chaleur naturelle ; » (Essais de E.-H. Langlois, op.<br />

cit., p. 37). Julien et sa femme entrent dans le lit du ma<strong>la</strong>de de leur propre volonté. Mais dans La<br />

Légende de Saint Julien l’Hospitalier, le lépreux demande avec insistance à ce que Julien le<br />

rejoigne dans son lit.<br />

455 Cécile Matthey met l’hospitalité en c<strong>la</strong>ir dans ce conte : « C’est bien en effet <strong>la</strong> vocation de<br />

l’hospitalité de ménager un espace à ceux qui en sont privés. La peau en <strong>la</strong>mbeaux du Lépreux se<br />

transforme et se régénère au contact du corps de Julien. Cette logique de l’hospitalité, qui entraîne<br />

Julien à offrir sa propre chair en guise de terre d’accueil à sa chair informe, diffère de celle de <strong>la</strong><br />

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Ohashi, Eri. <strong>Analyse</strong> <strong>des</strong> <strong>Manuscrits</strong> <strong>des</strong> <strong>Trois</strong> <strong>contes</strong> : <strong>la</strong> <strong>transcendance</strong> <strong>des</strong> hommes, <strong>des</strong> lieux et <strong>des</strong> choses chez F<strong>la</strong>ubert - 2013

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