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Analyse des Manuscrits des Trois contes: la transcendance des ...

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disparition du mot « diable », <strong>la</strong> citation <strong>des</strong> « deux cornes » devient moins apparente, et le<br />

diabolisme du ma<strong>la</strong>de s’estompe. Quant aux couleurs, F<strong>la</strong>ubert ne parle plus que de lèvres<br />

« bleuâtres », et l’allusion à <strong>la</strong> peinture du vitrail devient moins évidente.<br />

F<strong>la</strong>ubert continue ensuite ses corrections jusque dans le texte définitif :<br />

et ses épaules, sa poitrine, ses bras maigres disparaissaient sous <strong>des</strong> p<strong>la</strong>ques de pustules<br />

écailleuses. Des ri<strong>des</strong> énormes <strong>la</strong>bouraient son front. Tel qu’un squelette, il avait un trou à <strong>la</strong><br />

p<strong>la</strong>ce du nez ; et ses lèvres bleuâtres dégageaient une haleine épaisse comme du brouil<strong>la</strong>rd, et<br />

nauséabonde. [TC, p.106]<br />

tel-00790321, version 1 - 19 Feb 2013<br />

Après que l’auteur a supprimé le passage sur <strong>la</strong> peau enf<strong>la</strong>mmée et décrit de manière plus<br />

concrète le caractère de <strong>la</strong> lèpre avec ces p<strong>la</strong>ques sur les différentes parties du corps du<br />

ma<strong>la</strong>de, le personnage finit par devenir proche <strong>des</strong> hommes, il devient humain. Par <strong>la</strong> suite<br />

F<strong>la</strong>ubert efface aussi les mots « deux cornes » et élimine complètement l’existence du<br />

diable qui apparaît sur le vitrail.<br />

En fait, au fur et à mesure du processus <strong>des</strong> brouillons, F<strong>la</strong>ubert a changé ainsi son texte<br />

et donne un caractère réel à <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die du lépreux. Cette existence sinistre et diabolique se<br />

transforme en simple ma<strong>la</strong>de. En utilisant une <strong>des</strong>cription réaliste qui exclut presque tous<br />

les adjectifs liés à l’enfer, F<strong>la</strong>ubert détruit donc complètement l’idée du vitrail du Moyen<br />

Âge, qui est structurée sur le dualisme affrontant <strong>la</strong> justice et le mal, Jésus Christ et le<br />

Diable 451 .<br />

451 Dans Mes parents, écrit en 1986, en citant <strong>la</strong> scène du conte de F<strong>la</strong>ubert, où à sa demande Julien<br />

porte secours au lépreux en lui faisant du bouche à bouche, poitrine contre poitrine, dans le même lit,<br />

Hervé Guibert écrit qu’« au lycée on nous fait étudier La Légende de Saint Julien l’Hospitalier de<br />

F<strong>la</strong>ubert » (Hervé Guibert, Mes parents, Gallimard, coll. « Folio », p. 75). De plus, on trouve deux<br />

particu<strong>la</strong>rités dans <strong>la</strong> façon dont Hervé Guibert traite l’histoire de Saint Julien dans À L’ami qui ne<br />

m’a pas sauvé <strong>la</strong> vie, Gallimard, coll. « Folio », p. 21). L’une réside dans ses attirances sexuelles,<br />

l’autre dans sa re<strong>la</strong>tion avec <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die. Dans cette œuvre, un ami, Muzil, qui est homosexuel et<br />

finira par décéder du virus, veut être publié sous le nom de Julien de l’hôpital : « Son nom était<br />

devenu une hantise pour Muzil. Il vou<strong>la</strong>it l’effacer. [...], je lui suggérai enfin de publier cet article<br />

sous un nom d’emprunt, [...]. Il proposa comme surnom Julien de l’Hôpital, et, chaque fois que je<br />

lui rendis visite, deux ou trois ans plus tard, à l’hôpital où il agonisait, je repensai à ce pseudonyme<br />

funeste qui ne vit jamais le jour » (ibid., p. 26). Hervé Guibert a cru que les premiers symptômes du<br />

SIDA se confondent avec ceux de <strong>la</strong> lèpre. Du Moyen-Âge jusqu’au XIX e siècle, le ma<strong>la</strong>de que<br />

Julien essaya de sauver fut toujours un lépreux.Au XX e siècle Julien aime les hommes et n’a pas du<br />

tout besoin de <strong>la</strong> femme. Julien s’éloigne peu à peu du Saint et il ne s’occupe plus <strong>des</strong> ma<strong>la</strong><strong>des</strong>,<br />

mais devient lui-même un ma<strong>la</strong>de faible et son corps mortel est empli de douleurs 451 . Autrement dit,<br />

il est <strong>la</strong> personnalité qui continue de vivre parmi nous, comme le héros pur de <strong>la</strong> légende, qui aide<br />

les gens spirituellement. C’est un médecin de l’âme.<br />

213<br />

Ohashi, Eri. <strong>Analyse</strong> <strong>des</strong> <strong>Manuscrits</strong> <strong>des</strong> <strong>Trois</strong> <strong>contes</strong> : <strong>la</strong> <strong>transcendance</strong> <strong>des</strong> hommes, <strong>des</strong> lieux et <strong>des</strong> choses chez F<strong>la</strong>ubert - 2013

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