Analyse des Manuscrits des Trois contes: la transcendance des ...

tel-00790321, version 1 - 19 Feb 2013
intermédiaire. À partir du moment où Salomé devient l’apparition centrale de la fête, tous
les événements s’enchaînent par son intermédiaire 410 . Tous les actes sont indirects et
Salomé domine cette situation.
Ainsi, la relation entre Hérode et Iaokanann devient très ambiguë et indirecte. C’est
Salomé qui fait mollir le jugement d’Hérode, qui tient à épargner Iaokanann. Finalement
Hérode est obligé de couper la tête de Iaokanann, après qu’il a promis à la jeune fille de lui
accorder ce qu’elle voulait devant la foule des invités. Autrement dit, le rôle de Salomé est
de renverser la situation à l’avantage d’Hérodias, par manipulation.
Dans le texte définitif, le sentiment de peur d’Hérode et son intimidation avant que
Salomé ne se mette à danser disparaissent. Mais la phrase suivante nous montre plus
clairement la signification de l’existence de Salomé : « C’était Hérodias, comme autrefois
dans sa jeunesse » [TC, p. 138]. Flaubert efface le verbe ambigu « ressembler », souvent
utilisé dans les manuscrits, et le remplace par le verbe « être », au caractère plus absolu.
Salomé n’est plus l’intermédiaire envoyé par sa mère, mais devient Hérodias ellemême.
Bien qu’Hérode soit ravi par la danse de Salomé, il y reconnaît tout de même
Hérodias : « Le tétrarque se perdait dans un rêve, et ne songeait plus à Hérodias. Il crut la
voir près des Sadducéens. La vision s'éloigna » [TC, p. 138]. Hérodias devient une
« vision », mot utilisé également pour décrire Salomé au f o 657 r o , « comme un météore ou
une vision ». Dans le texte définitif Hérodias qui est substantielle devient donc une vision
comme l’était Salomé auparavant et au contraire Salomé devient substantielle ; on observe
donc un changement des rôles, les deux personnages se confondent 411 .
En fait, Salomé qui était voilée, anonyme, joue un rôle très passif en tant que séductrice,
mais lorsqu’elle se dévoile, elle se change en Hérodias, personnage actif qui est à l’origine
du meurtre cruel.
410 Raymonde Debray-Genette remarque des rapports de force dans Hérodias : « L’action, chez
Flaubert, figure des forces contradictoires, qui aboutissent, par un système de déplacements et de
substitutions, à la dépossession successive. L’introduction du personnage de Vitellius, qui n’est
conforme à la vérité historique qu’en esprit, non en fait, répond à ce système de médiatisation
triangulaire : Vitellius détient de l’empereur un pouvoir qu’il ne peut cependant garder que grâce à
Aulus. Hérode détient de Vitellius un pouvoir qu’il ne peut garder que grâce à Hérodias. Hérodias
détient à la fois de l’empereur et d’Hérode un pouvoir qu’elle ne peut garder que grâce à Salomé »
(Raymonde Debray-Genette, « Re-présentation d’Hérodias », Métamorphoses du récit, op. cit.,
p. 195).
411 Au f o 705 v o , non seulement Hérode mais aussi tous les invités dans la salle du festin ont compris
que Salomé dévoilée, était la fille d’Hérodias :
Salomé salue, parcourt l'assemblée – qui est-ce ? […] Quand
on sait qu'elle est la fille du Tétrarque, le murmure est plus flatteur.
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Ohashi, Eri. Analyse des Manuscrits des Trois contes : la transcendance des hommes, des lieux et des choses chez Flaubert - 2013