Analyse des Manuscrits des Trois contes: la transcendance des ...

mutilés
dans le ciel avec leurs bras informes comme des signaux de détresse.
[NAF23663, f o 465 v o (extrait)]
tel-00790321, version 1 - 19 Feb 2013
Ici, la phrase où les croix sont décrites avec des angles a disparu. Au lieu de cela, Flaubert
raye les mots « tombées » et « à demi » et ajoute l’expression « toutes pourries ». La
disparition des angles, qui symbolisent la relation entre les parents et Julien, et l’état des
croix toutes pourries renvoient au profond désespoir de Julien. L’expression « dans le ciel
avec leurs bras informes, mutilés, comme des signaux de détresse » accentue ce malheur.
Toute la famille de Julien sombre dans la détresse et ne peut que prier le Seigneur de leur
venir en aide. Dans le texte définitif : « des pierres plates étaient clairsemées entre des
caveaux en ruine. On trébuchait sur des ossements de morts ; de place en place, des croix
vermoulues se penchaient d’un air lamentable » [TC, p. 97]. Flaubert a donc effacé les
expressions tragiques qui figuraient dans le brouillon, mais la description réaliste et
dépourvue de sentiments met en relief la douleur profonde des parents et de Julien.
Cependant, leur relation ne reste pas marquée par le désespoir. En apparence, la scène
qui suit celle du cimetière, celle où Julien tue ses parents dans le lit de sa femme, est
semblable à la précédente car l’ombre de la mort y plane. Pourtant, et de façon surprenante,
les deux scènes sont très différentes. La misère et la laideur des croix à demi pourries
s’oppose aux visages de ses parents après leur mort, tels qu’ils sont décrits dans la marge
du f o 457 r o :
Leur visage tourné vers ciel
avait une expression hautaine – et impassible
majestueuse douceur un commencemt d’éternité
l’impassibilité des choses
éternelles secret. et presque souriants
immobiles.
[NAF23663, f o 457 r o (extrait)]
Tout d’abord, il faut remarquer les mots « impassibilité », « majestueuse douceur »,
« hautaine » et « éternel secret ». Malgré leur mort provoquée par leur fils bien aimé, leurs
visages restent sereins au lieu d’être déformés par la peur. Leur expression « hautaine »
reste mystérieuse, et évoque l’idée qu’ils se défont de toute douleur et de tout désespoir. La
prière de ses parents au Seigneur tout puissant, symbolisée par les bras levés vers le ciel
dans le cimetière, s’est donc réalisée. Comme s’ils connaissaient « l’éternel secret », ils ont
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Ohashi, Eri. Analyse des Manuscrits des Trois contes : la transcendance des hommes, des lieux et des choses chez Flaubert - 2013