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Sports et pratiques corporelles chez les déportes, prisonniers de ...

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Selon <strong>les</strong> recherches menées par <strong>les</strong> historiens du Musée d’Auschwitz, « la pipe » est le<br />

surnom donné au SS-Oberscharführer Ludwig Plagge. Dans le camp, il est considéré comme<br />

« le spécialiste dans l’invention <strong>de</strong> ce genre d’exercices 271 ». Feliks Mylyk 272 arrive lui aussi à<br />

Auschwitz en juin 1940. Au procès d’Auschwitz, il livre à la cour <strong>de</strong>s souvenirs analogues à<br />

ceux <strong>de</strong> Kielar : le Sportmachen occupe la majeure partie <strong>de</strong> la journée <strong>et</strong> constitue une vraie<br />

torture 273 . Dans <strong>les</strong> faits, il est indéniable que <strong>les</strong> gardiens SS appliquent, voire peaufinent, <strong>les</strong><br />

métho<strong>de</strong>s créées à Dachau. Les propos <strong>de</strong> Rudolph Höss méritent d’être à ce titre évoqués 274 :<br />

J’avais beau leur indiquer que <strong>les</strong> conceptions d’Eicke étaient dépassées <strong>de</strong>puis<br />

longtemps, <strong>de</strong>venues inapplicab<strong>les</strong> à partir du moment où <strong>les</strong> camps <strong>de</strong> concentration<br />

étaient appelés à <strong>de</strong> nouvel<strong>les</strong> tâches : ils se refusaient simplement à me croire. La<br />

métho<strong>de</strong> « Eicke » convenait mieux à leurs cerveaux obtus, il n’y avait aucun moyen <strong>de</strong><br />

leur faire oublier ses enseignements 275 .<br />

tel-00872295, version 1 - 14 Oct 2013<br />

Les sévices que Wieslaw Kielar nomme « sport » se reproduisent chaque jour, infligés certes<br />

par <strong>les</strong> SS, mais aussi par <strong>les</strong> Kapos formés aux métho<strong>de</strong>s <strong>de</strong> leurs maîtres :<br />

Notre programme était très varié ; <strong>les</strong> SS <strong>et</strong> nos Kapos y veillaient. Ils rivalisaient<br />

d’ingéniosité pour inventer <strong>de</strong> nouvel<strong>les</strong> tortures, en apparence anodines. Toute la<br />

journée, nous faisions du « sport » : sauter, se rouler par terre, danser, faire <strong>de</strong>s flexions…<br />

Pour sauter à cloche-pied, par exemple, il fallait traverser toute l’esplana<strong>de</strong> <strong>et</strong> r<strong>et</strong>our, <strong>de</strong>s<br />

dizaines <strong>de</strong> mètres. Si l’on se roulait par terre, c’était aux endroits où la poussière était la<br />

plus épaisse. Danser pour se détendre <strong>et</strong> donner un peu <strong>de</strong> gai<strong>et</strong>é, puis faire <strong>de</strong>s flexions<br />

en trois temps, se redresser entièrement, plier <strong>de</strong> nouveau <strong>les</strong> genoux…Les jambes<br />

vacillaient comme du flan. Le crâne rasé sur lequel tapait le soleil <strong>de</strong>venait lourd comme<br />

du plan 276 .<br />

Alors que très rapi<strong>de</strong>ment, <strong>les</strong> détenus sont mis au travail dans le camp <strong>et</strong> échappent ainsi aux<br />

séances <strong>de</strong> sport, <strong>les</strong> punis, eux, sont chaque jour confiés à un Kapo spécialiste <strong>de</strong> ce registre<br />

<strong>de</strong> séances. Wieslaw Kielar relate <strong>les</strong> effroyab<strong>les</strong> journées que lui fait vivre un certain « Léo »<br />

<strong>et</strong> l’acharnement dont il fait preuve vis-à-vis <strong>de</strong>s détenus <strong>les</strong> plus faib<strong>les</strong> physiquement.<br />

Après quelques journées <strong>de</strong> « sport », j’étais si affaibli que je ne pouvais plus suivre le<br />

rythme. Léo n’aimait pas <strong>les</strong> faib<strong>les</strong> […]. Il me prenait souvent à part pour me faire faire<br />

<strong>de</strong>s exercices supplémentaires pendant que <strong>les</strong> autres avaient le droit <strong>de</strong> se reposer. Quand<br />

271 Collectif, Auschwitz, camp hitlérien d’extermination, Varsovie, Editions Interpress, 1978, p. 108.<br />

272 Feliks Mylyk est déporté à Auschwitz le 14 juin 1944 <strong>et</strong> y est maintenu jusqu’en octobre 1944. Il porte au<br />

camp Häftlingsnummer (numéro matricule du détenu) 92. Der 1. Frankfurter Auschwitz-Prozeß (DVD, op. cit.).<br />

Personenregister: . S. 45304<br />

(vgl. APP001097, S. 1).<br />

273 „In <strong>de</strong>r ersten Zeit <strong>de</strong>s Lageraufenthaltes wur<strong>de</strong> uns die Zeit mit sogenanntem Sportmachen vertrieben“. Der<br />

1. Frankfurter Auschwitz-Prozeß (DVD, op. cit.). Das Verfahren: 84. Verhandlungstag. Témoignage <strong>de</strong> Feliks<br />

Mylyk, daté du 31.08.1964, S. 16733.<br />

(vgl. Blatt Boger-155, S. 96).<br />

274 Et ce, même si l’on peut douter <strong>de</strong> son propre avis sur la question.<br />

275 Rudolph Höss, Le commandant d’Auschwitz parle, op. cit., p. 140-141.<br />

276 Ibid., p. 27.<br />

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