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Sports et pratiques corporelles chez les déportes, prisonniers de ...

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[…] en quelques mots, il nous avertit qu’il va nous faire faire <strong>de</strong> l’exercice, une nouvelle<br />

gymnastique rythmée selon ses coups <strong>de</strong> siffl<strong>et</strong> : nous <strong>de</strong>vons nous coucher à plat ventre,<br />

sauter <strong>les</strong> bras tendus en avant, puis courir à quatre pattes comme <strong>de</strong>s lapins, enfin nous<br />

coucher <strong>et</strong> nous rouler sur place, tantôt à gauche, tantôt à droite […]. La torture dure une<br />

heure : Terrey mécontent, ne trouvant pas la ca<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> nos mouvements assez rapi<strong>de</strong>,<br />

nous dépêche <strong>de</strong>ux « ai<strong>de</strong>s »qui accélèrent la manœuvre à coups <strong>de</strong> pied <strong>et</strong> <strong>de</strong> trique… 265<br />

tel-00872295, version 1 - 14 Oct 2013<br />

Avec le temps, <strong>de</strong> tel<strong>les</strong> exactions ne disparaissent pas, au contraire. Que ce soit à<br />

Dachau ou dans d’autres camps <strong>de</strong> concentration, il est possible <strong>de</strong> repérer <strong>de</strong>s <strong>pratiques</strong><br />

analogues au début du second conflit mondial. A en croire Stanislav Zamecnik, <strong>les</strong> sauts,<br />

courses, flexions restent une <strong>de</strong>s sanctions <strong>les</strong> plus communément infligées à Dachau 266 . E.<br />

Kupfer-Koberwitz précise dans son témoignage qu’à son arrivée dans ce même camp <strong>et</strong> alors<br />

qu’il ne parvient pas encore à chanter correctement <strong>les</strong> airs imposés par <strong>les</strong> SS, <strong>les</strong> autres<br />

détenus le conjurent <strong>de</strong> faire un effort, faute <strong>de</strong> quoi tout le Block risque <strong>de</strong> faire <strong>de</strong>s exercices<br />

punitifs 267 . Quelques pages plus loin, il relate le sort particulièrement difficile réservé aux<br />

personnes qui ne sont pas affectées en Kommando <strong>et</strong> qui sont obligées <strong>de</strong> faire du « sport »,<br />

nom dont il souligne par ailleurs la perversité : courses, sauts, génuflexions, sautillements en<br />

ca<strong>de</strong>nce, tels sont <strong>les</strong> exercices auxquels ils doivent faire face 268 . A Auschwitz, dont <strong>les</strong><br />

fondations sont posées au printemps 1940, <strong>les</strong> exercices corporels font immédiatement partie<br />

<strong>de</strong> la vie quotidienne <strong>de</strong>s détenus. Wieslaw Kielar en témoigne. Arrivé parmi <strong>les</strong> premiers le<br />

14 juin 1940, il décrit <strong>les</strong> séances <strong>de</strong> « sport 269 » qu’il subit immédiatement.<br />

La « pipe » ôte son brûle-gueule <strong>de</strong> sa bouche. On voit luire une rangée <strong>de</strong> <strong>de</strong>nts blanches<br />

entre <strong>les</strong> lèvres épaisses. D’une voix calme, presque douce, il ordonne : « couchés ».<br />

Lentement, <strong>et</strong> pas tous ensemble, nous nous rallongeons. Les <strong>de</strong>rniers ne sont pas encore<br />

allongés qu’un nouvel ordre r<strong>et</strong>entit, plus énergique : « <strong>de</strong>bout ! ». Il y a <strong>de</strong> nouveau un<br />

r<strong>et</strong>ardataire, mais la « pipe » ne semble pas le remarquer. Tranquillement, il vi<strong>de</strong> la<br />

cendre en tapant rythmiquement sa pipe contre la porte. Soudain, il hurle : « couchés ! ».<br />

Nous nous laissons tomber au sol. « Debout ! Couchés ! Debout ! Couchés !…. »Cela<br />

n’en finit pas. La chemise colle au corps, la sueur dans <strong>les</strong> yeux. « Couchés ! Debout ! »<br />

Nous étouffons. Depuis longtemps, il ne reste plus <strong>de</strong> paille par terre ; <strong>les</strong> débris <strong>et</strong> <strong>de</strong> la<br />

poussière volent partout, s’introduisent dans <strong>les</strong> yeux, le nez, le cou. Le kapo <strong>et</strong> la<br />

« pipe » sont cachés par le nuage <strong>de</strong> poussière, on n’entend plus que la voix du SS<br />

ordonnant inlassablement : « <strong>de</strong>bout !couchés !<strong>de</strong>bout !couchés ! » Quand cela va-t-il<br />

finir ? Les jambes sont en coton, le corps <strong>de</strong>vient <strong>de</strong> plomb. On n’y voit plus rien. Et<br />

bientôt, on n’entend plus rien. Ils sont partis 270 .<br />

265 Ibid., p. 78-79.<br />

266 Stanislav Zamecnik, C’était ça, Dachau, op. cit., p. 156.<br />

267 Edgar Kupfer Koperwitz, Die Mächtigen und Hilflosen. Ein Häftling in Dachau (Band 1 : Wie es begann),<br />

Friedrich Vorwerk Verlag, Stuttgart, 1957, p. 77.<br />

268 Ibid., p. 100-101.<br />

269 « On se remit donc à faire du sport à un rythme effréné » Ibid., p. 28.<br />

270 Wieslaw Kielar, Anus Mundi, cinq ans à Auschwitz, Paris, Editions Robert Lafond, 1980, p. 26.<br />

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