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Sports et pratiques corporelles chez les déportes, prisonniers de ...

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Kommandos <strong>de</strong> travail à Auschwitz II. Leurs témoignages laissent transparaître leur<br />

effarement <strong>et</strong> leur colère. Ils révèlent le dégoût qu’ils ressentent à la vue <strong>de</strong> leurs consœurs.<br />

Dans l’esprit <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rniers, la déportation <strong>de</strong>s femmes est jugée encore bien plus dure que la<br />

leur, <strong>et</strong> ce pour <strong>de</strong>ux raisons majeures : leur féminité leur a été ôté d’une part, el<strong>les</strong> sont<br />

soumises à <strong>de</strong>s tâches, <strong>de</strong>s travaux, <strong>de</strong>s punitions semblab<strong>les</strong> à cel<strong>les</strong> <strong>de</strong>s hommes, donc ne<br />

pouvant convenir à leur constitution.<br />

Leur aspect extérieur est l’obj<strong>et</strong> <strong>de</strong> nombreux souvenirs-commentaires <strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s anciens<br />

déportés. Ces <strong>de</strong>rniers insistent sur la disparition <strong>de</strong> toute forme <strong>de</strong> co<strong>de</strong> social <strong>de</strong> féminité, en<br />

l’occurrence <strong>les</strong> vêtements, l’hygiène, <strong>les</strong> formes physiques <strong>et</strong> <strong>les</strong> cheveux. René P<strong>et</strong>itjean 2421<br />

écrit à ce suj<strong>et</strong> :<br />

tel-00872295, version 1 - 14 Oct 2013<br />

Le camp <strong>de</strong>s femmes se trouve <strong>de</strong> l’autre côté <strong>de</strong> la route. Il est encore plus tragique que<br />

le notre, car sans eau, el<strong>les</strong> ne peuvent se n<strong>et</strong>toyer ; el<strong>les</strong> sont sans chaussures, couvertes<br />

d’une p<strong>et</strong>ite jupe <strong>et</strong> d’un corsage, ou d’une culotte d’hommes, la tête rasée <strong>et</strong> nue 2422 .<br />

Raymond Montégut rend compte en quelques mots d’une discussion qu’il se souvient avoir eu<br />

à son arrivée à Auschwitz alors qu’il croise un Kommando <strong>de</strong> femmes :<br />

Oh, regar<strong>de</strong>, ne dirait-on pas <strong>de</strong>s femmes. Dis-je à mon voisin.<br />

-Des femmes, tu es fou, tu vois bien que ces ouvriers n’ont pas <strong>de</strong> cheveux, <strong>et</strong> leurs<br />

habits ? Ce sont bien <strong>de</strong>s hommes.<br />

-Pourtant, leurs tail<strong>les</strong>, leurs visages, je t’assure, ce sont <strong>de</strong>s femmes.<br />

- c’est impossible, <strong>et</strong> pourtant je finis par croire que tu as raison 2423 .<br />

Désiré Hafner s’indigne aussi <strong>de</strong> leur tenue : « Les voir abruties, négligées, avec pour tout<br />

vêtement une robe légère, en loques […] ». Les co<strong>de</strong>s sociaux <strong>de</strong> la féminité apparaissent ici<br />

avec acuité. Il emploie <strong>de</strong>s termes très durs pour décrire <strong>les</strong> femmes déportées <strong>de</strong> Birkenau :<br />

Mais, à Birkenau, existait quelque chose <strong>de</strong> plus horrible encore, il existait un camp <strong>de</strong><br />

femmes. Des femmes ? Mais qu’est-ce qu’el<strong>les</strong> avaient encore <strong>de</strong> féminin, d’humain, ces<br />

spectres affreux à voir ? Ces crânes rasés, ces peaux craquées par <strong>les</strong> intempéries, ces<br />

corps squel<strong>et</strong>tiques portant partout <strong>les</strong> traces <strong>de</strong>s atrocités commises par <strong>les</strong> femmes SS,<br />

ces bras tatoués, ses mains gelées, ses jambes gonflées, c’étaient ça <strong>de</strong>s femmes ? 2424<br />

Pour Raymond Montégut aussi, <strong>les</strong> souffrances <strong>et</strong> traitements endurés par <strong>les</strong> femmes<br />

transforment ces <strong>de</strong>rnières au point qu’il n’est plus possible <strong>de</strong> leur donner <strong>de</strong> sexe :<br />

2421 René P<strong>et</strong>itjean est déporté par le convoi du 6 juill<strong>et</strong> 1942 en direction d’Auschwitz. (Livre-Mémorial, fiche<br />

n° I. 42).<br />

2422 René P<strong>et</strong>itjean, « 1942. Les hommes à Auschwitz », in Amicale <strong>de</strong>s déportés d’Auschwitz, Témoignages sur<br />

Auschwitz, op. cit., p. 28.<br />

2423 Raymond Montegut, Arbeit macht frei, op.cit., p. 50.<br />

2424 Dr Désiré Hafner, « Birkenau », in Amicale <strong>de</strong>s déportés d’Auschwitz, Témoignages sur Auschwitz, op.cit.,<br />

p. 67.<br />

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