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Sports et pratiques corporelles chez les déportes, prisonniers de ...

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promena<strong>de</strong>s 2094 . Les anciens déportés français en témoignent. Jean Puissant évoque <strong>les</strong> heures<br />

qu’il passe en compagnie <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux autres Français à déambuler dans le camp <strong>de</strong> Buchenwald :<br />

[…] <strong>et</strong> le dimanche, nous nous r<strong>et</strong>rouvions tous <strong>les</strong> trois, lui, Marcel <strong>et</strong> moi, <strong>et</strong> nous<br />

allions faire une promena<strong>de</strong>. C’était toujours la même. Elle nous conduisait au p<strong>et</strong>it bois<br />

du Holzhof. C’était à la corne du P<strong>et</strong>it Camp, tout contre l’hôpital, un p<strong>et</strong>it parc ou <strong>de</strong>s<br />

hêtres répandaient un doux ombrage sur un sol sableux couvert d’une herbe clairsemée<br />

[…]. Le p<strong>et</strong>it bois était couvert le dimanche d’une foule compacte. Les groupes d’amis,<br />

assis ou allongés au pied <strong>de</strong>s arbres, formaient une mer <strong>de</strong> corps 2095 ».<br />

En <strong>les</strong> nommant « promena<strong>de</strong> hygiénique 2096 », Jorge Semprun insiste sur la fonction<br />

prophylactique <strong>de</strong> ces marches, tant sur le plan physique que moral. Loin d’être spontanées, il<br />

indique que leur itinéraire se réfléchit :<br />

tel-00872295, version 1 - 14 Oct 2013<br />

Il y avait <strong>de</strong>s itinéraires à préférer. Ainsi, le p<strong>et</strong>it bois autour <strong>de</strong>s baraquements du Revier.<br />

Ou la vaste esplana<strong>de</strong> entre <strong>les</strong> cuisines <strong>et</strong> l’Effektenkammer qui offrait en prime la<br />

possibilité <strong>de</strong> contempler l’arbre <strong>de</strong> Go<strong>et</strong>he […]. Pour ces promena<strong>de</strong>s, il fallait surtout<br />

éviter <strong>les</strong> endroits, pour vastes <strong>et</strong> agréab<strong>les</strong> qu’ils fussent, trop directement exposés au<br />

regard <strong>de</strong>s sentinel<strong>les</strong> SS postées dans <strong>les</strong> miradors qui jalonnaient le pourtour <strong>de</strong><br />

l’enceinte électrifiée. Il fallait aussi fuir l’allée, pourtant bien abritée du regard nazi, qui<br />

longeait le crématoire : en ce lieu, il était quasiment inévitable d’être distrait du bonheur<br />

éphémère <strong>de</strong> la solitu<strong>de</strong>, du r<strong>et</strong>our sur soi-même par l’arrivée d’une charr<strong>et</strong>te transportant<br />

vers <strong>les</strong> fours un lot <strong>de</strong> cadavres du jour 2097 .<br />

A Dachau aussi, <strong>les</strong> déportés font état <strong>de</strong> tel<strong>les</strong> <strong>pratiques</strong>. Lucien Delance décrit sa journée du<br />

dimanche, durant laquelle, outre le fait <strong>de</strong> se laver, <strong>de</strong> passer <strong>chez</strong> le « coiffeur », <strong>de</strong><br />

s’épouiller, il profite <strong>de</strong> quelques minutes pour se promener entre <strong>les</strong> Blocks <strong>et</strong> aller à la<br />

rencontre <strong>de</strong>s autres détenus 2098 .<br />

Comme <strong>les</strong> hommes, <strong>les</strong> femmes cherchent aussi à marcher à Ravensbrück. Toutefois, <strong>les</strong><br />

conditions sont encore plus précaires en raison <strong>de</strong> la fréquence <strong>et</strong> <strong>de</strong> la répétition <strong>de</strong>s appels<br />

<strong>de</strong> différentes natures. Simone Saint-Clair mentionne leur bienfait durant l’été 1944 :<br />

Après la claustration, c<strong>et</strong>te semi-liberté semble bonne. Les promena<strong>de</strong>s, bien qu’on ne<br />

puisse jamais s’asseoir en plein-air, puisqu’il n’y a aucun banc, font du bien 2099 .<br />

Pour autant, <strong>et</strong> comme le souligne Eugen Kogon, il convient <strong>de</strong> s’interroger sur le sens<br />

même du terme employé par <strong>les</strong> détenus : « En songeant au camp, tandis que je l’écris, ce<br />

2094 CHRD Lyon, Fonds musée Boileau, AR 88. « Renseignements sur le camp <strong>de</strong> Weimar datant du mois <strong>de</strong><br />

mars 1944 ».<br />

2095 Jean Puissant, La colline sans oiseaux. 14 mois à Buchenwald, Paris, Editions du Rond-Point, 1945, p. 131.<br />

2096 JorgeSemprun, Le mort qu’il faut, op. cit., p. 222.<br />

2097 Ibid., p. 220-221.<br />

2098 AN, 72aj/325. Lucien Delance, De Nevers à Compiègne, témoignage manuscrit remis au Comité d’histoire<br />

<strong>de</strong> la Secon<strong>de</strong> Guerre mondiale <strong>et</strong> remis au colonel G. Roche, sd, p. 12.<br />

2099 Simone Saint-Clair, Ravensbrück, op.cit., p. 90.<br />

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