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Sports et pratiques corporelles chez les déportes, prisonniers de ...

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Le chef <strong>de</strong> camp Plaul […] avait pour coutume d’introduire ce qu’il appelait le « sport<br />

matinal ». Plaul était l’un <strong>de</strong>s pires bourreaux qu’aient connus <strong>les</strong> détenus. […]. Une<br />

<strong>de</strong>mi-heure avant l’heure normale du réveil, tous <strong>les</strong> <strong>prisonniers</strong> <strong>de</strong>vaient sortir <strong>de</strong> leur<br />

Block <strong>et</strong> faire vingt à trente minutes <strong>de</strong> gymnastique, menées sur un rythme d’enfer, <strong>et</strong> qui<br />

comportaient entre autres d’interminab<strong>les</strong> exercices d’assouplissement dans la neige <strong>et</strong> la<br />

boue. Nulle part on ne put continuer longtemps à pratiquer ce « sport matinal » en raison<br />

<strong>de</strong> nombreux cas <strong>de</strong> mort <strong>et</strong> <strong>de</strong> congestions pulmonaires 1782 .<br />

Pierre <strong>de</strong> Froment subit lui aussi c<strong>et</strong>te brima<strong>de</strong> dans <strong>les</strong> Kommandos dans <strong>les</strong>quels il est<br />

affecté à l’automne 1943 :<br />

Après l’appel, on subissait dans le froid d’interminab<strong>les</strong> séries <strong>de</strong> « Mützen-ab », on<br />

faisait <strong>de</strong>s « appuis avant », on restait jusqu’à quinze ou vingt minutes accroupis sur la<br />

pointe <strong>de</strong>s pieds, bras horizontaux, enfin, on exécutait <strong>de</strong>s bonds au siffl<strong>et</strong> : plat-ventre,<br />

bon en avant, plat-ventre… 1783<br />

tel-00872295, version 1 - 14 Oct 2013<br />

A partir <strong>de</strong> 1944, <strong>les</strong> exercices corporels semblent cependant être moins<br />

systématiquement utilisés à l’encontre <strong>de</strong>s détenus français par mesure <strong>de</strong> répression. Si <strong>les</strong><br />

nouveaux arrivants découvrent <strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> vie qui <strong>les</strong> glacent, si, comme Robert<br />

Antelme, ils sont amenés à penser que rien ne peut être pire que ce qu’ils supportent 1784 , leur<br />

témoignage fait aussi parfois état d’une sorte <strong>de</strong> « mémoire collective <strong>de</strong> camp » dominée par<br />

l’idée d’une baisse <strong>de</strong> cruauté au sein <strong>de</strong>s structures concentrationnaires. Edmond Michel<strong>et</strong>, à<br />

qui un député sarrois avait décrit Dachau comme un « sanatorium », juge qu’il n’est plus la<br />

« terrifiante cité <strong>de</strong>s années précé<strong>de</strong>ntes 1785 ». Il est difficile <strong>de</strong> circonscrire avec certitu<strong>de</strong> la<br />

pério<strong>de</strong> durant laquelle <strong>les</strong> pires exactions connaissent un infléchissement à Mauthausen. Jean<br />

Ecole, déporté en avril 1944, signale toutefois qu’à son arrivée, « la pério<strong>de</strong> la plus dure était<br />

terminée 1786 ». La moindre utilisation <strong>de</strong>s exercices corporels punitifs participe<br />

indéniablement <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te amélioration <strong>de</strong>s conditions d’existence <strong>de</strong>s déportés. Ces <strong>de</strong>rniers<br />

sont davantage protégés d’une perte substantielle d’énergie <strong>et</strong> <strong>de</strong>s coups toujours associés à<br />

ces punitions. Toutefois, cela ne signifie pas leur disparition, loin <strong>de</strong> là. Ils restent une<br />

punition très utilisée, infligée pour <strong>de</strong>s motifs plus ou moins fantaisistes. Envoyé en transport<br />

à Ellrich, Serge Miller narre l’accueil que leur réserve le commandant SS du camp à l’arrivée<br />

du convoi :<br />

C’est fini tout ça, ici, c’est moi qui comman<strong>de</strong> <strong>et</strong> pour commencer, tas <strong>de</strong> vauriens, vous<br />

allez me faire une <strong>de</strong>mi-heure d’exercices […]. A peine eut-il terminé sa harangue qu’un<br />

1782 Eugen Kogon, L’Etat SS, op.cit., p. 81.<br />

1783 Pierre <strong>de</strong> Froment, Un volontaire <strong>de</strong> la nuit dans l’enfer <strong>de</strong>s camps nazis, op. cit., p. 104.<br />

1784 Robert Antelme, L’espèce humaine, op.cit., p. 18.<br />

1785 Edmond Michel<strong>et</strong>, Rue <strong>de</strong> la liberté, op.cit., p. 70.<br />

1786 AN, 72aj/330. Déclaration tapuscrite <strong>de</strong> l’Abbé Jean Ecole, p. 4.<br />

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