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Sports et pratiques corporelles chez les déportes, prisonniers de ...

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Francis Rohmer quitte Compiègne le 2 juill<strong>et</strong> 1944 1514 . Enfermé avec cent autres camara<strong>de</strong>s<br />

<strong>de</strong> résistance dans un wagon « plus p<strong>et</strong>it que <strong>les</strong> autres », il ressent très vite <strong>les</strong> affres <strong>de</strong><br />

l’immobilité :<br />

Il n’y a pas une <strong>de</strong>mi-heure que nous avons quitté Compiègne <strong>et</strong> déjà <strong>les</strong> jambes<br />

s’endorment, la courbature nous prend, on voudrait pouvoir se dégourdir <strong>les</strong> membres, la<br />

position recroquevillée <strong>de</strong>vient intolérable 1515 .<br />

Associée au manque chronique d’eau, d’air <strong>et</strong> à la chaleur, l’immobilité provoque <strong>de</strong>s cas<br />

d’hyperthermie, <strong>et</strong> <strong>les</strong> syncopes comme <strong>les</strong> crises <strong>de</strong> délire se multiplient durant le traj<strong>et</strong>.<br />

Jacques-Christian Bailly a lui aussi connu <strong>les</strong> souffrances du transport. Du voyage qui le mène<br />

à Buchenwald, il se souvient <strong>de</strong>s o<strong>de</strong>urs nauséabon<strong>de</strong>s, <strong>de</strong> l’absence d’air, <strong>de</strong> la soif <strong>et</strong> <strong>de</strong> son<br />

corps comprimé. Refoulée, ignorée jusque là, l’idée <strong>de</strong> la mort l’envahit.<br />

tel-00872295, version 1 - 14 Oct 2013<br />

Les hommes épuisés sont entassés, le corps douloureux, <strong>les</strong> membres tordus par <strong>les</strong><br />

crampes. L’angoisse me saisit, je comprends que j’abor<strong>de</strong> un autre mon<strong>de</strong>. […] nous ne<br />

sommes plus qu’un chargement <strong>de</strong> condamnés à mort 1516 .<br />

Les conditions <strong>de</strong> transport <strong>de</strong>s femmes vers Ravensbrück paraissent bien plus variées.<br />

Certaines n’échappent pas aux transports surpeuplés en wagons plombés, tandis que d’autres<br />

bénéficient <strong>de</strong> train <strong>de</strong> voyageurs. Lise London, qui a transité par Neue Bremm, fournit une<br />

<strong>de</strong>scription <strong>de</strong>s conditions du traj<strong>et</strong> qui la conduit à Ravensbrück i<strong>de</strong>ntique à cel<strong>les</strong> <strong>de</strong>s<br />

hommes : « 12 chevaux, 40 hommes. Pour y entrer à plus <strong>de</strong> 100, il faut nous serrer, nous<br />

serrer encore <strong>et</strong> davantage, afin <strong>de</strong> perm<strong>et</strong>tre aux <strong>de</strong>rnières d’y accé<strong>de</strong>r <strong>et</strong> aux portes <strong>de</strong> se<br />

refermer 1517 ». Denise Dufournier 1518 quitte Compiègne pour Ravensbrück le 31 janvier 1944<br />

avec 958 autres femmes. Elle passe plusieurs jours dans <strong>les</strong> wagons plombés où s’entassent<br />

environ soixante personnes. Si, selon elle, « il y avait un peu d’air <strong>et</strong> d’espace 1519 », elle<br />

souffre par contre du froid <strong>et</strong> ne peut trouver le sommeil, si bien qu’à l’arrivée, elle-même<br />

1514 Le convoi du 2 juill<strong>et</strong> 1944 à <strong>de</strong>stination <strong>de</strong> Dachau est passé à postérité sous le tragique nom <strong>de</strong> « Convoi <strong>de</strong><br />

la mort » en raison du nombre très élevé <strong>de</strong> décès qui surviennent avant d’arriver au KL. Le groupe <strong>de</strong> recherche<br />

i<strong>de</strong>ntifie en eff<strong>et</strong> formellement 519 noms <strong>de</strong> personnes décédées <strong>et</strong> le Livre-Mémorial précise : La conjonction<br />

<strong>de</strong> plusieurs facteurs perm<strong>et</strong> d'expliquer c<strong>et</strong>te hécatombe. La chaleur <strong>et</strong> l'absence <strong>de</strong> vent, l'entassement dans <strong>les</strong><br />

wagons, une aération insuffisante, <strong>et</strong> <strong>de</strong> longues haltes en plein soleil, ont entraîné toute une série <strong>de</strong><br />

phénomènes <strong>et</strong>, en premier lieu, l'asphyxie <strong>de</strong>s détenus. Dans <strong>les</strong> wagons, <strong>les</strong> discussions, <strong>les</strong> gesticulations <strong>et</strong><br />

<strong>les</strong> bagarres, notamment au suj<strong>et</strong> du manque d'eau, n'ont fait qu'aggraver une situation déjà mal engagée.<br />

L'hyperthermie provoquée par c<strong>et</strong>te atmosphère viciée a déclenché <strong>chez</strong> certains <strong>de</strong>s crises <strong>de</strong> folie sanguinaires<br />

<strong>et</strong> <strong>de</strong> violentes bagarres entraînant la mort <strong>de</strong> dizaines <strong>de</strong> personnes dans <strong>de</strong>s conditions insoutenab<strong>les</strong> ». (Livre-<br />

Mémorial, fiche I. 240).<br />

1515 Francis Rohmer, « Le convoi <strong>de</strong> la mort », in Collectif, De l’Université aux Camps <strong>de</strong> Concentration,<br />

Témoignages strasbourgeois, op.cit., p. 59.<br />

1516 Jacques-Christian Bailly, Un lycéen à Buchenwald, op.cit., p. 62.<br />

1517 Lise London, La mégère <strong>de</strong> la rue Daguerre, op.cit., p. 313.<br />

1518 Denise Dufournier quitte Compiègne le 31 janvier 1944 pour Ravensbrück (Livre-Mémorial, fiche n° I. 175).<br />

1519 Denise Dufournier, La maison <strong>de</strong>s mortes, Ravensbrück, Paris, Hach<strong>et</strong>te, 1945, p. 18.<br />

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