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Sports et pratiques corporelles chez les déportes, prisonniers de ...

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Face à l’ignominie <strong>de</strong>s traitements réservés aux hommes, <strong>les</strong> Françaises ont le sentiment<br />

<strong>de</strong> plonger dans un autre univers. Après-guerre, el<strong>les</strong> réinterprètent c<strong>et</strong>te phase <strong>de</strong> leur<br />

captivité comme celle <strong>de</strong> l’annonce <strong>de</strong> ce qui <strong>les</strong> attendait dans leur périple à travers <strong>les</strong><br />

camps, à l’instar <strong>de</strong> Raymon<strong>de</strong> Guyon-Belot 1411 .<br />

Entre <strong>les</strong> baraques, <strong>de</strong>s espaces vi<strong>de</strong>s où <strong>de</strong>s SS munis <strong>de</strong> grands fou<strong>et</strong>s hurlaient comme<br />

<strong>de</strong>s fous <strong>de</strong>s ordres à <strong>de</strong>s <strong>prisonniers</strong> se déplaçant en rond : « courez, mains sur la nuque.<br />

Cou<strong>chez</strong>. A genoux. Debout. », à un rythme endiablé. Celui qui ne suivait pas la ca<strong>de</strong>nce<br />

était fou<strong>et</strong>té, relevé à coup <strong>de</strong> bottes ou j<strong>et</strong>é à terre. Nous assistâmes, bouleversées, à ce<br />

spectacle qui nous faisait entrer brutalement dans l’univers concentrationnaire qui nous<br />

attendait 1412 .<br />

L’Amicale <strong>de</strong> Ravensbrück r<strong>et</strong>ient un passage particulièrement significatif <strong>de</strong>s émotions<br />

pluriel<strong>les</strong> (peur, haine, dégoût, révolte, pitié) ressenties par <strong>les</strong> femmes en assistant à ces<br />

tortures.<br />

tel-00872295, version 1 - 14 Oct 2013<br />

Nous étions pâ<strong>les</strong> <strong>et</strong> plusieurs pleuraient. C’était le début. L’une crie : « On te vengera,<br />

on leur en fera autant » […]. Nous nous regardons, atterrées. […]. Hélas, nous préférons<br />

savoir <strong>les</strong> nôtres victimes plutôt que tortionnaires 1413 .<br />

Ne subissant pas el<strong>les</strong>-mêmes ce registre <strong>de</strong> châtiment, <strong>les</strong> femmes sont confrontées à la<br />

violence du système concentrationnaire par procuration à travers <strong>les</strong> scènes auxquel<strong>les</strong> el<strong>les</strong><br />

assistent, sur ordre <strong>de</strong> leurs gardiennes, dans le camp <strong>de</strong>s hommes. Les exercices corporels<br />

n’atteignent pas leur chair, mais bien leur résistance morale.<br />

Les sévices terrib<strong>les</strong> succédaient aux tortures raffinées. Pour nous, <strong>les</strong> femmes, la torture<br />

consistait à assister à ce Grand Guignol : là était le supplice. On faisait courir, sauter,<br />

ramper nos camara<strong>de</strong>s hommes, mains liées dans le dos, autour d’un étang, sous <strong>les</strong><br />

coups, dans la boue, <strong>et</strong> quand ils étaient épuisés <strong>et</strong> ne pouvaient se relever, enlisés dans<br />

une boue noire, <strong>les</strong> soldats <strong>de</strong> Hitler <strong>les</strong> j<strong>et</strong>aient dans ce bassin puant 1414 !<br />

Il ne saurait ici être question d’oublier leurs propres souffrances, <strong>et</strong> parmi el<strong>les</strong>, cel<strong>les</strong><br />

provoquées par <strong>les</strong> longs appels qu’el<strong>les</strong> subissent dès leur arrivée, puis matin <strong>et</strong> soir, à<br />

l’intérieur du camp.<br />

Nous fûmes toutes mises au piqu<strong>et</strong>. Sous un soleil <strong>de</strong> plomb, que coupaient, <strong>de</strong> temps à<br />

autre, <strong>de</strong>s averses d’orages, nous restâmes trois heures durant, prenant ainsi contact avec<br />

le camp pénitencier <strong>de</strong> Sarrebrück 1415 .<br />

1411 Raymon<strong>de</strong> Valla-Belot quitte Paris pour Neue Bremm par le transport du 11 juill<strong>et</strong> 1944 avant d’être<br />

transférée à Helmstedt-Beensdorf (Livre-Mémorial, Fiche n° I. 244).<br />

1412 Raymon<strong>de</strong> Guyon-Belot, Le sel <strong>de</strong> la mine, op. cit., p. 147.<br />

1413 Amicale <strong>de</strong> Ravensbrück <strong>et</strong> Association <strong>de</strong>s déportées <strong>et</strong> internées <strong>de</strong> la résistance, Les Françaises à<br />

Ravensbrück, op.cit., p. 72.<br />

1414 Lise Lesèvre, Face à Barbie. Souvenirs-cauchemars <strong>de</strong> Montluc à Ravensbrück, Paris, Les Nouvel<strong>les</strong><br />

Editions du Pavillon, 1987, p. 83.<br />

1415 Simone Saint-Clair, Ravensbrück, L’enfer <strong>de</strong>s femmes, op.cit., p. 48.<br />

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