24.01.2014 Views

Sports et pratiques corporelles chez les déportes, prisonniers de ...

Sports et pratiques corporelles chez les déportes, prisonniers de ...

Sports et pratiques corporelles chez les déportes, prisonniers de ...

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

jusqu’à la taille. Puis <strong>de</strong>hors pour l’appel. Moyenne : <strong>de</strong>ux heures <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>-à-vous. 1357 ».<br />

Pour <strong>les</strong> détenus « politiques », le calvaire <strong>de</strong> Neue Bremm ne débute véritablement qu’après<br />

le départ <strong>de</strong>s requis : dès lors, commence une journée entièrement consacrée aux exercices<br />

corporels, seulement interrompus par une pause au moment du repas <strong>de</strong> midi. Les <strong>de</strong>scriptions<br />

foisonnent dans <strong>les</strong> témoignages, <strong>les</strong> mêmes mots reviennent, systématiquement : marcher,<br />

courir, ramper, sauter. D’aucuns utilisent <strong>de</strong>s terminologies plus militaires, d’autres emploient<br />

un vocabulaire emprunté au champ sportif, ceux qui n’avaient jamais vécu <strong>de</strong> tel<strong>les</strong> séances<br />

tentent <strong>de</strong> décrire <strong>les</strong> gestes.<br />

tel-00872295, version 1 - 14 Oct 2013<br />

L’appel fini, en route pour le cirque autour du bassin central qui était complètement gelé<br />

à c<strong>et</strong>te pério<strong>de</strong>. Colonne par cinq. Marcher, marcher, marcher dans la neige, dans la boue,<br />

sous la pluie. Si la ca<strong>de</strong>nce tombe, une séance <strong>de</strong> gymnastique : marche en canard,<br />

reptation, pas <strong>de</strong> gymnastique, coucher-<strong>de</strong>bout, coucher-<strong>de</strong>bout, dans <strong>les</strong> hurlements<br />

hystériques <strong>de</strong>s Kapos <strong>et</strong> <strong>de</strong>s SS qui tapent dans le tas, écrasent sous leurs bottes <strong>les</strong><br />

mains glacées, frappent à coups <strong>de</strong> pieds dans <strong>les</strong> rotu<strong>les</strong>, dans <strong>les</strong> côtes, cognent à grands<br />

coups <strong>de</strong> gummis sur <strong>les</strong> crânes <strong>et</strong> le dos. Après une <strong>de</strong>mi-heure <strong>de</strong> ce sport, on se rem<strong>et</strong><br />

en colonne, au pas ca<strong>de</strong>ncé, <strong>et</strong> on marche, on marche 1358 .<br />

A midi, <strong>les</strong> déportés bénéficient d’une p<strong>et</strong>ite coupure pour avaler une soupe composée <strong>de</strong><br />

« quelques feuil<strong>les</strong> <strong>de</strong> choux verdâtres 1359 » qu’André Laithier qualifie <strong>de</strong> la façon suivante :<br />

« infecte <strong>et</strong> claire infusion <strong>de</strong> rutabagas <strong>et</strong> <strong>de</strong> chou 1360 ». Puis, <strong>les</strong> mêmes exercices<br />

reprennent, ponctués par <strong>les</strong> mêmes coups, <strong>les</strong> mêmes accélérations, <strong>les</strong> mêmes souffrances.<br />

[…] matin <strong>et</strong> soir nous courions à perdre haleine sous <strong>les</strong> coups <strong>de</strong> cravache du p<strong>et</strong>it<br />

charcutier que nous appelions « trop court ». Pour varier <strong>les</strong> plaisirs, nous progressions en<br />

sautillant accroupis, ce qui s’appelait faire la grenouille 1361 .<br />

Raymond Arbeit, interrogé juste après la guerre, donne <strong>de</strong> son séjour à Neue Bremm compris<br />

entre le 15 décembre 43 1362 <strong>et</strong> le 15 mars 44 une <strong>de</strong>scription analogue.<br />

Nous n’étions pas astreints au travail ; mais <strong>les</strong> Allemands nous faisaient faire du sport<br />

dans la journée ; marche autour du bassin central <strong>de</strong> la cour au pas <strong>de</strong> gymnastique, ou<br />

<strong>de</strong>s exercices pénib<strong>les</strong>. Tout le personnel <strong>de</strong> Sarrebruck est d’une brutalité inouïe ; nous<br />

étions battus d’une façon constante <strong>et</strong> sans aucune raison 1363 .<br />

1357 Manuscrit d’André Laithier cité par Christian Bernardac, Des jours sans fin, op.cit., p. 27.<br />

1358 Ibid., p. 30-31.<br />

1359 Pierre Bl<strong>et</strong>on, Le temps du purgatoire, op.cit., p. 23.<br />

1360 Manuscrit d’André Laithier cité par Christian Bernardac, Des jours sans fin, op. cit., p. 31.<br />

1361 AN, 72aj/323. Témoignage manuscrit <strong>de</strong> M. Rouss<strong>et</strong> remis au Comité d’histoire <strong>de</strong> la Secon<strong>de</strong> Guerre<br />

mondiale en 1962.<br />

1362 Selon le Livre-Mémorial, Edmond Arbeit (<strong>et</strong> non Raymond) quitte la France le 13 décembre 1943 par un<br />

convoi qui déporte 33 autres personnes. Deux d’entre eux meurent à Neue Bremm. (Livre-Mémorial, fiche<br />

I.160).<br />

1363 AN, 72aj/328. Déposition <strong>de</strong> Raymond Arbeit interrogé par le colonel Badin le 5 juin 1945, document remis<br />

au Comité d’histoire <strong>de</strong> la Secon<strong>de</strong> Guerre mondiale.<br />

1051

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!