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Sports et pratiques corporelles chez les déportes, prisonniers de ...

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tel-00872295, version 1 - 14 Oct 2013<br />

élevée : « Sur <strong>les</strong> 28 000 détenues arrivées au camp en 1942, à peine 5 400 étaient encore en<br />

vie à la fin <strong>de</strong> l’année. » 1173<br />

Faim, froid, absence <strong>de</strong> sommeil, travaux exténuants <strong>et</strong> punitions multip<strong>les</strong>, ces cinq<br />

piliers <strong>de</strong> la souffrance concentrationnaire modifient en profon<strong>de</strong>ur <strong>les</strong> rapports que l’être<br />

humain - homme comme femme - entr<strong>et</strong>ient avec son corps <strong>et</strong> avec autrui. Alors que la vie<br />

sociale « normale » s’emploie à rendre silencieux <strong>les</strong> organes, la vie concentrationnaire<br />

exacerbe leurs dysfonctionnements à travers <strong>les</strong> douleurs qu’elle génère <strong>et</strong> tourne l’être vers<br />

sa seule survie.<br />

En <strong>de</strong>hors <strong>de</strong>s souffrances physiques, <strong>les</strong> déporté(e)s subissent <strong>de</strong>s violences<br />

psychologiques auxquel<strong>les</strong> rien ne <strong>les</strong> a préparés. Cel<strong>les</strong>-ci déshumanisent progressivement<br />

<strong>les</strong> êtres en détruisant leurs i<strong>de</strong>ntités personnelle <strong>et</strong> sociale. Le processus débute dès l’entrée<br />

dans l’univers concentrationnaire par le remplacement du nom par un numéro <strong>et</strong> le marquage<br />

visible <strong>de</strong>s personnes au moyen <strong>de</strong> triang<strong>les</strong> <strong>de</strong> couleur. Il se poursuit par la <strong>de</strong>struction <strong>de</strong><br />

toute forme <strong>de</strong> signe distinctif : cheveux rasés, vêtements échangés <strong>et</strong> confiscation <strong>de</strong>s biens<br />

personnels. L’absence d’hygiène, même la plus élémentaire, constitue une forme<br />

particulièrement sévère <strong>de</strong> souffrance pour tous <strong>les</strong> déportés : soit <strong>les</strong> installations prévues<br />

manquent, soit le nombre <strong>de</strong> déportés est bien trop important pour laisser à chacun le temps<br />

suffisant, soit, enfin, l’illogisme <strong>de</strong>s règlements du camp empêche <strong>les</strong> déportés d’atteindre le<br />

lavabo avant que ne soit sonnée l’heure <strong>de</strong> l’appel. Le rapport du Ministère <strong>de</strong>s <strong>prisonniers</strong> <strong>et</strong><br />

déportés indique à ce propos :<br />

C<strong>et</strong>te absence totale d'hygiène marquait une atteinte consciente à la dignité humaine. La<br />

peur <strong>et</strong> <strong>les</strong> coups ont beaucoup plus <strong>de</strong> prise sur <strong>de</strong>s êtres qui s'abandonnent. Il fallait<br />

déployer dans <strong>les</strong> camps <strong>de</strong> concentration une extraordinaire énergie physique <strong>et</strong> morale<br />

pour rester propres 1174 .<br />

Les temps <strong>et</strong> espaces <strong>de</strong>s camps constituent <strong>de</strong>s moyens forts pour briser toute forme <strong>de</strong><br />

résistance. Les détenus sont comprimés dans <strong>de</strong>s espaces segmentés <strong>et</strong> verrouillés qui<br />

réduisent à néant toute possibilité <strong>de</strong> mouvement, tout besoin d’isolement. La promiscuité<br />

dans laquelle tous <strong>les</strong> déportés évoluent rem<strong>et</strong> en cause l’intégrité même <strong>de</strong> l’individu,<br />

« l’intime i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> chacun 1175 ». Le temps journalier du camp est un temps extrêmement<br />

organisé qui repose sur une suite d’opérations systématiques, mais le rythme <strong>de</strong> cel<strong>les</strong>-ci varie<br />

au point <strong>de</strong> rendre l’ensemble totalement incohérent : phases <strong>de</strong> précipitation <strong>et</strong> d’attente se<br />

1173 Ibid., p. 215.<br />

1174 TMI, Vol. XXXVII, doc. 274-F. Rapport du Ministère <strong>de</strong>s <strong>prisonniers</strong> <strong>et</strong> déportés sur la déportation <strong>et</strong> <strong>les</strong><br />

mauvais traitements, p. 154.<br />

1175 Jorge Semprun, Le mort qu’il faut, op.cit., p. 220.<br />

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