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L'analyse économique des amnisties fiscales - IDHEAP

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UNIVERSITÉ DE FRIBOURG<br />

FACULTÉ DES SCIENCES ÉCONOMIQUES ET SOCIALES<br />

DÉPARTEMENT D'ÉCONOMIE POLITIQUE<br />

FRIBOURG<br />

<strong>L'analyse</strong> économique <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong><br />

Travail de Master<br />

Auteur : Florian Chatagny<br />

Premier rapporteur : Prof. Dr. Thierry Madiès<br />

Second rapporteur : Dr. Emmanuelle Taugourdeau<br />

Fribourg, novembre 2006


1<br />

Table <strong>des</strong> matières générale :<br />

Chapitre 0. Introduction<br />

I ère Partie : Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> : définition, objectifs et essais de justification<br />

Chapitre 1. Qu'est-ce qu'une amnistie fiscale? : tentative de définition et typologie<br />

Chapitre 2. Les objectifs <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong><br />

Chapitre 3. Essais de justification : les arguments pour et contre les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong><br />

II ème Partie : La diversité <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dans le monde<br />

Chapitre 4. Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> en Europe<br />

Chapitre 5. L'expérience <strong>des</strong> Etats-Unis en matière d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong><br />

Chapitre 6. Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dans les pays en transition<br />

III ème Partie : Les premières tentatives de modélisation <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong><br />

Chapitre 7. Le modèle d'évasion fiscale d'Allingham et Sandmo<br />

Chapitre 8. L'introduction d'une amnistie fiscale dans le modèle d'évasion fiscale<br />

Chapitre 9. L'introduction d'une amnistie fiscale dans un contexte d'incertitude<br />

Chapitre 10. L'incitation dans un contexte d'incertitude : un modèle synthétique<br />

IV ème Partie : Développements récents et validations empiriques<br />

<strong>des</strong> modèles d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong><br />

Chapitre 11. Un essai de classification : cadres théoriques et résultats<br />

Chapitre 12. Un retour sur les principaux paramètres pertinents<br />

Chapitre 13. <strong>L'analyse</strong> de nouveaux types d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong><br />

Chapitre 14. La validité <strong>des</strong> modèles d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> : quelques tests empiriques<br />

Chapitre 15. Conclusion


2<br />

Table <strong>des</strong> matières détaillée :<br />

Liste <strong>des</strong> cartes, <strong>des</strong> encadrés et <strong>des</strong> tableaux p.7<br />

0. Introduction p.9<br />

0.1. Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> : un bon moyen de lutte contre l'évasion fiscale? p.9<br />

0.2. Structure du travail p.10<br />

I. Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> : définition, objectifs et essais de justification p.15<br />

1. Qu'est-ce qu'une amnistie fiscale? : tentative de définition et typologie p.15<br />

1.1. Définition étymologique du terme "amnistie fiscale" p.15<br />

1.2. Une tentative de définition générale de l'amnistie fiscale p.17<br />

1.3. Typologie <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> p.18<br />

1.3.1. Les critères liés à la procédure d'édiction p.19<br />

1.3.2. Les critères liés à la temporalité p.19<br />

1.3.3. Les critères liés à l'incitation p.21<br />

1.3.4. Les critères liés à l'éligibilité<strong>des</strong> contribuables p.23<br />

1.3.5. Les critères liés à la base <strong>fiscales</strong> p.25<br />

2. Les objectifs <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> p.29<br />

2.1. L'augmentation <strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong> de l'Etat p.29<br />

2.2. Le soutien à la croissance économique p.30<br />

2.3. La forme optimale <strong>des</strong> amnsities <strong>fiscales</strong> p.31<br />

2.4. Les conditions permettant d'atteindre les objectifs p.33<br />

3. Essais de justification : les arguments pour et contre les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> p.36<br />

3.1. Les coûts administratifs <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> p.36<br />

3.2. La fonction d'assurance <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> p.37<br />

3.3. Les effets de signal <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> et la création d'anticipations p.38<br />

3.4. Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> comme instruments de flexibilité fiscale p.40<br />

II. La diversité <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dans le monde p.44<br />

4. Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> en Europe p.44<br />

4.1. Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dans les pays de l'Union européenne depuis 1970 p.44<br />

4.1.1. Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dans les pays de l'Union européenne<br />

entre 1981 et 1988 p.45<br />

4.1.2. Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dans les pays de l'Union européenne<br />

entre 1991 et 1994 p.49<br />

4.1.3. Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dans les pays de l'Union européenne depuis 1998 p.52<br />

4.1.4. L'absence d'amnistie fiscale à l'échelon européen p.59<br />

4.2. Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> en Suisse p.62


4.2.1. Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> suisses au niveau fédéral entre 1940 et 1968 p.63<br />

4.2.2. Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dans les Cantons suisses p.67<br />

4.2.3. Les discussions au sujet d'une amnistie fiscale fédérale<br />

dans les années nonante p.67<br />

4.2.4. Les discussions récentes à propos d'une amnistie fiscale au niveau fédéral p.69<br />

5. L'expérience <strong>des</strong> Etats-Unis en matière d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> p.74<br />

5.1. Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dans les états américains depuis 1980 p.74<br />

5.1.1. Aperçu général <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> américaines depuis 1980 p.74<br />

5.1.2. La performance <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> américaines p.77<br />

5.1.3. L'amnistie fiscale new-yorkaise de 1985 p.79<br />

5.2. L'expérience américaine en matière d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> au niveau fédéral p.80<br />

5.2.1. Les premières formes d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> fédérales américaines p.81<br />

5.2.2. Les débats concernant une amnistie unique générale au niveau fédéral p.83<br />

6. Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dans les pays en transition p.86<br />

6.1. Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dans les pays de l'ex-bloc soviétique : le cas de la Russie p.86<br />

6.2. Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dans les pays d'Amérique latine p.90<br />

6.2.1. L'amnistie fiscale argentine de 1987 p.90<br />

6.2.2. L'amnistie fiscale colombienne de 1987 p.92<br />

6.3. Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dans les pays d'Asie du Sud : le cas de l'Inde p.93<br />

6.3.1. Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> indiennes de 1975 et 1981 p.95<br />

6.3.2. L'amnistie fiscale indienne de 1997 p.96<br />

III. Les premières tentatives de modélisation <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> p.99<br />

7. Le modèle d'évasion fiscale d'Allingham et Sandmo p.100<br />

7.1. Les hypothèses de bases du modèle d'Allingham et Sandmo p.100<br />

7.2. Les résultats du modèle d'Allingham et Sandmo p.103<br />

7.3. Les limites du modèle d'évasion fiscale d'Allingham et Sandmo p.106<br />

8. L'introduction d'une amnistie fiscale dans le modèle d'évasion fiscale p.109<br />

8.1. Les hypothèses de base du modèle d'Alm et Beck (1990) p.109<br />

8.2. Les résultats du modèle d'Alm et Beck (1990) p.111<br />

8.3. Les limites du modèle d'Alm et Beck (1990) p.114<br />

9. L'introduction d'une amnistie fiscale dans un contexte d'incertitude p.116<br />

9.1. Les hypothèses de base du modèle de Malik et Schwab p.116<br />

9.2. Les principaux résultats du modèle de Malik et Schwab p.119<br />

9.3. Les limites du modèle de Malik et Schwab p.124<br />

10. L'incitation de l'amnistie dans un contexte d'incertitude : un modèle synthétique p.126<br />

10.1. Les hypothèse de base du modèle d'Andreoni p.126<br />

3


10.2. Les résultats du modèle d'Andreoni p.129<br />

10.3. Les limites <strong>des</strong> premiers modèles d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> p.135<br />

IV. Développements récents et validations empiriques <strong>des</strong> modèles d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> p.139<br />

11. Un essai de classification : cadres théoriques et résultats p.139<br />

11.1. Les améliorations et modifications <strong>des</strong> modèles d'utilité espérée p.140<br />

11.1.1.Un aperçu synthétique <strong>des</strong> modèles d'utilité espérée :<br />

les améliorations apportées p.140<br />

11.1.2. L'objectif du contribuable : la minimisation <strong>des</strong> impôts p.141<br />

11.1.3. <strong>L'analyse</strong> dynamique <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> p.141<br />

11.1.4. L'hypothèse d'hétérogénéité <strong>des</strong> contribuables p.142<br />

11.1.5. Le comportement du contribuable face au risque p.143<br />

11.2. Les modèles d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> avec interactions stratégiques p.145<br />

11.2.1. Un aperçu synthétique <strong>des</strong> modèles d'interactions stratégiques p.146<br />

11.2.2. Les formes d'interactions stratégiques p.146<br />

11.2.3. Les caractéristiques propres aux modèles d'interactions stratégiques p.148<br />

11.3. <strong>L'analyse</strong> <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> par la théorie <strong>des</strong> perspectives : p.153<br />

11.3.1. Les éléments de la théorie <strong>des</strong> perspectives p.153<br />

11.3.2. <strong>L'analyse</strong> par la théorie <strong>des</strong> perspectives : principaux résultats p.155<br />

11.4. <strong>L'analyse</strong> <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> par la théorie<br />

<strong>des</strong> options réelles d'investissement p.156<br />

11.4.1. L'application de la théorie <strong>des</strong> options réelles aux <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> p.156<br />

11.4.2. L'amnistie fiscale et le comportement de l'entreprise : principaux résultats p.158<br />

11.5. L'amnistie fiscale comme une discrimination par les prix :<br />

une application de la théorie du monopole discriminant p.159<br />

11.5.1. Les éléments de la théorie du monopole discriminant p.159<br />

11.5.2. Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> et la théorie du monopole discriminant :<br />

application et résultats p.159<br />

12. Un retour sur les principaux paramètres pertinents p.161<br />

12.1 Le revenu p.161<br />

12.1.1. Le caractère aléatoire du revenu p.161<br />

12.1.2. L'endogénéisation du revenu p.162<br />

12.1.3. L'endogénéisation de l'accumulation <strong>des</strong> montants soustraits p.163<br />

12.2. Les impôts p.164<br />

12.2.1. La progressivité du taux d'impôt p.164<br />

12.2.2. La prise en compte <strong>des</strong> intérêts p.164<br />

12.3. Les pénalités p.165<br />

12.3.1. Les sanctions non monétaires p.165<br />

12.3.2. Les pénalités dans l'analyse dynamique p.166<br />

4


12.4. La procédure de contrôle fiscal p.167<br />

12.4.1. Les déterminants de la probabilité d'être contrôlé p.167<br />

12.4.2. La probabilité de découvrir les montants soustraits p.169<br />

12.4.3. La probabilité d'engager <strong>des</strong> poursuites envers le contribuable p.170<br />

12.4.4. Le manque de crédibilité du gouvernement p.171<br />

12.5. L'introduction de paramètres supplémentaires p.172<br />

12.5.1. Le financement de biens collectifs p.173<br />

12.5.2. L'introduction de la notion de norme p.173<br />

12.5.3. Les paramètres inhérents à une entreprise p.174<br />

13. <strong>L'analyse</strong> de nouveaux types d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> p.176<br />

13.1. L'éligibilité <strong>des</strong> contribuables dans le cadre de l'amnistie p.176<br />

13.1.1. Le critère de la résidence p.176<br />

13.1.2. Le critère de la poursuite p.176<br />

13.1.3. Le critère de déclaration p.177<br />

13.2. La base fiscale de l'amnistie p.179<br />

13.2.1. La période fiscale p.179<br />

13.2.2. Le type d'impôt p.180<br />

13.2.3. La personne juridique p.181<br />

13.3. La procédure d'édiction d'une amnistie fiscale p.181<br />

13.4. La temporalité <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> p.183<br />

13.4.1. Le critère de la durée p.183<br />

13.4.2. Le critère de la fréquence p.184<br />

13.4.3. Le critère de l'anticipation <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> p.185<br />

13.5. L'incitation procurée par les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> p.187<br />

13.5.1. La réduction <strong>des</strong> intérêts p.187<br />

13.5.2. La réduction du taux effectif d'impôt p.188<br />

13.5.3. L'amnistie d'enquête p.189<br />

14. La validité <strong>des</strong> modèles d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> : quelques tests empiriques p.192<br />

14.1. Les hypothèses d'aversion au risque et d'hétérogénéité <strong>des</strong> contribuables : quelle<br />

pertinence empirique? p.192<br />

14.1.2. La pertinence empirique de l'hypothèse d'hétérogénéité <strong>des</strong> contribuables p.192<br />

14.1.3. Les preuves empiriques de la pertinence<br />

de l'hypothèse d'aversion au risque p.194<br />

14.2. La procédure d'édiction et l'efficacité <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> p.196<br />

14.2.1. La procédure d'édiction et les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> :<br />

quelques résultats empiriques p.197<br />

14.2.2. La démocratie directe et les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> : un test expérimental p.199<br />

14.3. La réduction de l'économie souterraine<br />

et l'intégration de nouveaux contribuables p.202<br />

5


14.3.1. L'intégration <strong>des</strong> actifs dans l'économie formelle p.202<br />

14.3.2. L'intégration <strong>des</strong> nouveaux contribuables dans le système fiscal p.204<br />

14.4. Les effets de long terme <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> p.205<br />

14.4.1. Les effets de long terme de l'amnistie du Colorado de 1985 p.206<br />

14.4.2. Les effets de long terme de l'amnistie espagnole de 1991 p.208<br />

15. Conclusion p.210<br />

15.1. Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> :<br />

un instrument de lutte contre l'évasion fiscale controversé p.210<br />

15.2. <strong>L'analyse</strong> économique <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> :<br />

les principaux résultats théoriques p.211<br />

15.3. <strong>L'analyse</strong> économique <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> :<br />

les principaux résultats empiriques p.216<br />

15.4. Les aspects <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong><br />

restés hors du champs de l'analyse économique p.220<br />

6<br />

Bibliographie p.222


7<br />

Liste <strong>des</strong> cartes :<br />

Carte 5.1. - Les 50 états <strong>des</strong> Etats-Unis p.75<br />

Carte 6.1. - Les pays de l'ancien bloc soviétique p.87<br />

Liste <strong>des</strong> encadrés :<br />

Encadré 7.1. - Le coefficient d'aversion au risque de Arrow-Pratt p.104<br />

Encadré 11.1. - Les éléments de la théorie <strong>des</strong> jeux p.150<br />

Liste <strong>des</strong> tableaux :<br />

Tableau 1.1. - Liste <strong>des</strong> impôts pouvant faire l'objet d'une amnistie fiscale p.26<br />

Tableau 1.2. - Critères de base pour une typologie <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> p.27<br />

Tableau 4.1. - Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dans les pays de l'Union européenne depuis 1970 p.45<br />

Tableau 4.2. - Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dans les pays de l'Union européenne<br />

entre 1981 et 1988 p.46<br />

Tableau 4.3. - Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dans les pays de l'Union européenne<br />

entre 1991 et 1994 p.50<br />

Tableau 4.4. - Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dans les pays de l'Union européenne depuis 1998 p.53<br />

Tableau 4.5. - Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> suisses au niveau fédéral entre 1940 et 1968 p.63<br />

Tableau 4.6. - Les résultats de l'amnistie fiscale fédérale suisse de 1968 p.65<br />

Tableau 4.7. - Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dans les Cantons suisses p.66<br />

Tableau 5.1. - Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dans les états américains depuis 1980 p.76<br />

Tableau 5.2. - Classement <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dans les états américains<br />

selon la performance p.78<br />

Tableau 6.1. - Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> en Russie p.88<br />

Tableau 6.2. - Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> en Amérique latine depuis 1970 p.90<br />

Tableau 6.3. - Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> en Argentine et en Colombie p.91<br />

Tableau 6.4. - Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> en Inde p.94<br />

Tableau 7.1. - Les arguments du modèle d'Allingham et Sandmo (1972) p.101<br />

Tableau 8.1. - Les éléments du modèle de Alm et Beck (1990) p.110<br />

Tableau 9.1. - Les éléments du modèle de Malik et Schwab (1989) p.117


Tableau 9.2. - Ensemble <strong>des</strong> solutions pour X * = 0 p.119<br />

Tableau 10.1. - Les éléments du modèle d'Andreoni (1991) p.127<br />

Tableau 10.2. - Les premiers modèles d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> : tableau récapitulatif p.134<br />

Tableau 11.1. - le cadre théorique <strong>des</strong> modèles d'utilité espérée p.141<br />

Tableau 11.2. - Le cadre théorique <strong>des</strong> modèles d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong><br />

avec interactions stratégiques p.146<br />

Tableau 11.3. - Caractéristiques <strong>des</strong> modèles d'interactions stratégiques p.149<br />

Tableau 13.1. - Résultats en terme de soutien et de participation à l'amnistie<br />

dans le cas d'une votation p.182<br />

Tableau 13.2. - Les effets d'une amnistie sur l'économie souterraine p.186<br />

8


9<br />

"... il n'y a qu'un apaisement, c'est l'oubli. Messieurs,<br />

dans la langue politique, l'oubli s'appelle amnistie."<br />

V. Hugo, Actes et paroles, 3, 1876, p.390<br />

"... je suis indigné de l'amnistie, mesure que je trouve<br />

inepte et injuste"<br />

G. Flaubert, Correspondance, 1879, p.169<br />

0.Introduction<br />

Les prises de positions tranchées d'auteurs comme Victor Hugo et Gustave Flaubert concernant<br />

l'amnistie octroyée aux responsables de la Commune de Paris ayant survécu aux exécutions<br />

montrent que, de tout temps, les mesures d'amnistie ont donné lieu à <strong>des</strong> débats passionnés. Qu'elles<br />

concernent les crimes politiques, l'immigration clan<strong>des</strong>tine ou d'autres crimes, à chaque nouvelle<br />

amnistie, la controverse surgit. De part leurs importants enjeux économiques et financiers, les<br />

<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> n'échappent pas à cette règle, d'où l'intérêt d'aborder un tel sujet.<br />

0.1.Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> : un bon moyen de lutte contre l'évasion fiscale?<br />

La plus ancienne amnistie fiscale dont nous ayons conservée la trace remonte à 200 ans av. J.-C. en<br />

Egypte. Elle a alors été octroyée sous la forme d'une annulation de peines de prison en faveur de<br />

contribuables récalcitrants (Torgler et Schaltegger, 2004, p.3). Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> remontent<br />

donc non seulement à la nuit <strong>des</strong> temps mais elles restent également d'une grande actualité. En


témoigne la dernière vague d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> observée <strong>des</strong> les pays européens (Italie 2001,<br />

Allemagne, Belgique 2004...) et qui a, encore une fois, créé la polémique. Alors que les adversaires<br />

<strong>des</strong> mesures d'amnistie fiscale mettent en avant le fait qu'elles sont inéquitables, leurs avocats<br />

estiment au contraire que l'efficacité de ces mesures en matière de lutte contre l'évasion fiscale dont<br />

souffrent les Etats les justifie. Par conséquent, si <strong>des</strong> arguments liés à l'efficacité de ces mesures<br />

sont avancés pour les justifier, alors on peut intuitivement penser que l'analyse économique a son<br />

mot à dire en matière d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>. Le présent travail se propose donc de traiter de la manière<br />

la plus exhaustive possible non seulement la problématique <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> en générale, mais<br />

également les résultats que les instruments de l'analyse économique peuvent nous livrer dans ce<br />

domaine. La question générale principale à laquelle ce travail va tenter de répondre à travers une<br />

revue de la littérature et de l'expérience <strong>des</strong> pays sera par conséquent : les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong><br />

constituent-elles un moyen efficace de lutte contre l'évasion fiscale?<br />

0.2.Structure du travail<br />

Définition, objectifs et justifications <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> - La première partie de ce<br />

travail a pour objectif de présenter les différentes problématiques liées aux <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>. Cette<br />

partie permettra notamment de démontrer d'abord que l'on ne peut pas parler de l'amnistie fiscale<br />

mais <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>. En effet, après une première approche du concept d'amnistie fiscal sous<br />

l'angle étymologique nous verrons que l'établissement d'une définition générale <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong><br />

<strong>fiscales</strong> n'a que peu de portée pratique est ne permet pas de saisir l'importante diversité de <strong>amnisties</strong><br />

<strong>fiscales</strong>. Ce constat nous amènera à dresser ou tenter de dresser une typologie <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong><br />

basée sur différents critères. Ensuite, afin de pouvoir analyser l'efficacité <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>, il<br />

sera nécessaire, dans le deuxième chapitre, d'en mentionner les objectifs. Or nous verrons que,<br />

l'objectif de lutte contre l'évasion fiscale, bien qu'il semble être un objectif trivial de prime à bord<br />

recouvre en fait plusieurs objectifs qui peuvent être visés par les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>. Nous<br />

mentionnerons également dans le chapitre deux le type d'amnistie à édicter et les conditions qui<br />

doivent être mises en place pour atteindre les différents objectifs. Enfin, le troisième chapitre<br />

propose une synthèse <strong>des</strong> différents essais de justification théorique de l'utilisation <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong><br />

<strong>fiscales</strong>. Trois gran<strong>des</strong> catégories d'arguments seront ainsi présentées. Premièrement nous traiterons<br />

<strong>des</strong> coûts administratifs liés aux <strong>amnisties</strong> fiscal. En effet, un <strong>des</strong> principaux arguments avancés en<br />

faveur <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> est leur faible coût administratif en comparaison <strong>des</strong> autres mesures de lutte<br />

contre l'évasion fiscale. Deuxièmement, nous présenterons l'argument selon lequel l'amnistie peut<br />

fonctionner comme une assurance contre le risque de contrôle par l'administration. La possibilité de<br />

réduire le risque procurerait ainsi un avantage aux contribuables participant à une amnistie.<br />

Troisièmement, nous montrerons que certains effets de signal engendrés par les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong><br />

10


peuvent en influencer l'efficacité. Quatrièmement, nous aborderons les arguments qui veulent que<br />

les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> constituent un instrument de politique fiscale particulièrement flexible qui<br />

permettent de prendre en compte certaines caractéristiques <strong>des</strong> contribuables. Il ressortira de ce<br />

chapitre trois que les différents arguments tendant à justifier l'utilisation d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> sont<br />

fortement controversés et ne font pas a priori l'unanimité parmi les différents auteurs.<br />

Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dans le monde - La deuxième partie propose un aperçu <strong>des</strong><br />

différentes <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> octroyées en Europe et dans le monde. Cette partie a pour objectif<br />

d'illustrer les concepts relativement abstraits abordés dans la première partie. Mais en plus d'illustrer<br />

certains concepts théoriques, la présentation <strong>des</strong> expériences <strong>des</strong> pays en matière d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong><br />

permettra de mettre en évidence un certain nombre de facteurs explicatifs tantôt du succès, tantôt de<br />

l'échec de certaines <strong>amnisties</strong>. Pour ce faire, la deuxième partie traitera d'abord <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong><br />

octroyées en Europe depuis 1970. Selon les tableaux élaborés, il semble que l'Union européenne ait<br />

connu trois vagues d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> : la première entre 1981 et 1988, la seconde entre 1991 et<br />

1994 et la troisième dès 2001. Pour chaque période, les différentes <strong>amnisties</strong> édictées sont<br />

présentées selon les objectifs qu'elles poursuivent, le type d'amnistie octroyé, les résultats obtenus<br />

ainsi que les conditions dans lesquelles les <strong>amnisties</strong> ont été octroyé. L'expérience <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong><br />

dans les pays de l'Union européenne permettra de montrer que, à chaque période, les <strong>amnisties</strong> ont<br />

connus <strong>des</strong> succès divers. Certains facteurs affectant l'efficacité <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> pourront ainsi<br />

être mis en évidence. Par ailleurs nous analyserons également pourquoi aucune amnistie n'a encore<br />

été édictée à l'échelon européen et dans quelle mesure cela pourrait survenir dans le futur. A<br />

l'inverse de l'Union européenne, nous verrons que la Suisse n'a plus connu d'amnistie fiscale depuis<br />

1968. Dans la mesure où l'impact <strong>des</strong> dernières <strong>amnisties</strong> européennes sur la place financière suisse<br />

a relancé, dans la pério<strong>des</strong> récente, le débat sur l'opportunité d'octroyé une amnistie fiscale, il<br />

apparaît intéressant de passer en revue l'histoire de la Suisse en matière d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>.<br />

Ensuite, dans la mesure où l'hétérogénéité <strong>des</strong> contextes fiscaux, économiques et institutionnels<br />

rend difficile une comparaison directe <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> européennes entre elles, l'expérience<br />

<strong>des</strong> états américains en matière d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> vaut également la peine d'être présentée. En<br />

effet, la plus grande homogénéité qui caractérise le contexte américain permet une comparaison plus<br />

directe <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> édictées au niveau <strong>des</strong> états entre elles. Depuis 1970, les Etats-unis semblent<br />

avoir également connu trois vagues d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>. La première est survenue entre 1982 et<br />

1989, la seconde la seconde entre 1995 et 1999 et la troisième a débuté en 2001. Malgré la plus<br />

grande facilité de comparaison de ces <strong>amnisties</strong> et la grande différence de performance entre les<br />

amnistie, nous verrons que peu de conclusions pourront être tirées de manière claire concernant les<br />

facteurs influençant le succès d'une amnistie. Par conséquent, la présentation plus détaillée d'une <strong>des</strong><br />

11


<strong>amnisties</strong> américaines les plus performantes permettra de suggérer quelques résultats intéressant.<br />

Notamment le fait qu'une coordination entre différents niveaux de gouvernement pourrait jouer un<br />

rôle au niveau de l'efficacité d'une amnistie fiscale. Ainsi il paraîtra naturel de se poser la question<br />

pourquoi les Etats-unis n'ont pas, tout comme l'union europénne, édictés d'amnistie à l'échelon de<br />

gouvernment le plus élevé.<br />

Enfin, dans la mesure où les pays dits "en transition" font face à <strong>des</strong> problèmes sensiblement<br />

différents de ceux qui se posent dans les pays dits "industrialisés", il sera également intéressant de<br />

passer en revue l'expérience de ces pays. Plus particulièrement, nous verrons comment et avec quel<br />

succès les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> ont été utilisées dans <strong>des</strong> pays comme la Russie, les pays d'amérique<br />

latine et l'Inde.<br />

Evidemment une analyse <strong>des</strong>criptive de l'expérience <strong>des</strong> états ne permet pas d'obtenir de résultats<br />

aussi soli<strong>des</strong> que le permet une analyse théorique ou empirique formalisée et rigoureuse. C'est la<br />

raison pour laquelle l'analyse économique <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> s'est dirigée dans un premier temps<br />

vers une plus grande formalisation <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong><br />

Les premières tentatives de modélisation <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> - Afin non seulement<br />

d'obtenir <strong>des</strong> résultats plus soli<strong>des</strong> que ceux obtenus par la seule observation de faits bruts mais<br />

également afin de lever les différentes ambiguités théoriques liées aux <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>, nous<br />

présenterons, dans la troisième partie, les premières tentatives d'analyse théorique formelle <strong>des</strong><br />

<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>. En effet, certains auteurs ont cherché à formaliser les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> à l'aide<br />

de différents outils d'analyse économique. Dans la mesure où les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> ont pour objectif<br />

de lutter contre l'évasion fiscale, le point de départ de la deuxième partie, sera logiquement le<br />

modèle d'évasion fiscale d'Allingham et Sandmo (1972). Ainsi, le chapitre sept présentera ce<br />

modèle fondateur de l'analyse économique du phénomène d'évasion fiscale qui mobilise la théorie<br />

de l'utilité espérée. Nous verrons notamment que ce modèle suggère à la fois l'inutilité et<br />

l'inefficacité <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>. Ce résultat rédhibitoire pour les <strong>amnisties</strong> découle en fait <strong>des</strong><br />

hypothèses extrêmement restrictives du modèle. Par conséquent, nous verrons que les trois modèles<br />

d'amnistie fiscale présentés aux chapitres huit, neuf et dix se fondent sur différentes critiques du<br />

modèle d'Allingham et Sandmo dont ils cherchent à lever l'une ou l'autre hypothèse. Le modèle du<br />

chapitre huit introduit une amnistie dans le modèle d'évasion fiscale en formalisant l'incitation de<br />

l'amnistie par un taux d'impôt différent du taux d'impôt ordinaire. Le modèle du chapitre neuf<br />

introduit une hypothèse d'incertitude sur les préférences du contribuable et explique ainsi pourquoi<br />

celui-ci serait incité à participer à une amnistie. Enfin le modèle du chapitre dix propose une<br />

synthèse <strong>des</strong> deux autres modèles en introduisant d'une part un degré d'incertitude supplémentaire<br />

par le biais d'un choc sur la consommation du contribuable et en formalisant d'autre part l'incitation<br />

12


procurée par l'amnistie. Ces trois modèles permettront d'obtenir <strong>des</strong> résultats très intéressants en<br />

terme de statique comparative. Ils montrent particulièrement que les différents éléments de<br />

l'amnistie induisent un arbitrage entre la participation du contribuable à l'amnistie et la participation<br />

au système fiscal ordinaire. Ils permettent donc d'expliquer pourquoi on observe une telle variation<br />

au niveau de la performance <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> et permettent de comprendre pourquoi le succès d'une<br />

amnistie n'est pas garanti a priori.<br />

Bien que les premiers modèles d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> trouvent leur inspiration dans la critique du<br />

modèle d'évasion fiscale d'Allingham et Sandmo, ils n'en restent pas moins très proches sur le plan<br />

théoriques et souffrent de ce fait d'un certains nombre de limites. Par conséquent le cadre théorique<br />

adopté par ces modèles ne permet pas de prendre en compte tous les aspects <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>.<br />

Il apparaît donc intéressant de présenter certains modèles plus récents et qui permettent de dépasser<br />

l'une ou l'autre limite <strong>des</strong> premiers modèles d'amnistie fiscale. C'est ce que propose la quatrième et<br />

dernière partie de ce travail.<br />

Les développements récents et validations empiriques <strong>des</strong> modèles d'<strong>amnisties</strong><br />

<strong>fiscales</strong> – Les modèles d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> plus récents permettent <strong>des</strong> améliorations par rapport aux<br />

premières tentatives de modélisation <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> sur quatre plans : le cadre théorique, les<br />

hypothèses sur les paramètres, le type d'amnistie analysé et la possibilité de tester certains résultats<br />

ou hypothèses.<br />

Le chapitre onze proposera ainsi une sorte de classement <strong>des</strong> modèles plus récent en fonction <strong>des</strong><br />

améliorations ou modifications théoriques qu'ils apportent. Nous verrons ainsi que certains modèles<br />

restent, sur le plan théorique, très proches <strong>des</strong> premiers modèles. Par ces modèles, les différents<br />

auteurs ont plutôt cherché à affiner ou préciser <strong>des</strong> résultats ou hypothèses plutôts que de modifier<br />

radicalement l'analyse. D'autres modèles modifient l'analyse de manière relativement importante dan<br />

s la mesure où ils replacent le problème de maximisation du contribuable sur lequel se focalisait les<br />

premiers modèles dans une perspective plus globale en faisant l'hypothèse d'interactions entre les<br />

différents agents économiques concernés par les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>. Ces modèles permettent<br />

notamment d'analyser les réactions du contribuable aux stratégies du gouvernement et vice-versa.<br />

Enfin certains modèles, en mobilisant d'autres théories économiques que la théorie de l'utilité<br />

espérée sur laquelle reposent les premiers modèles, proposent une approche radicalement différente<br />

<strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> et permettent d'obtenir <strong>des</strong> résultats innovants par rapport aux premiers<br />

modèles d'amnistie fiscale. Des applications aux <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> de la théorie <strong>des</strong> perspectives, de<br />

la théorie <strong>des</strong> options réelles d'investissement ainsi que de la théorie du monopole discriminant<br />

permettront d'obtenir <strong>des</strong> résultats intéressants que ne permettaient pas d'obtenir les premiers<br />

modèles d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>.<br />

13


Le chapitre douze proposera un retour sur les principaux paramètres qui entourent l'octroi <strong>des</strong><br />

<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> et qui, dans le cadres <strong>des</strong> modèles, déterminent le comportement et les décisions<br />

<strong>des</strong> différents agents économiques. Ces paramètres sont essentiellement le revenu, les impôts, les<br />

pénalités et la procédure de contrôle fiscal. Les premiers modèles d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> ont de ce<br />

point de vue la faiblesse de formuler <strong>des</strong> hypothèse souvent très restrictives et peu en phase avec la<br />

réalité. Ce chapitre permettra de montrer dans quelle mesure <strong>des</strong> modèles plus récents apportent une<br />

amélioration sur ce plan et, le cas échéant, modifient les résultats. En plus d'aborder les innovations<br />

portant sur les paramètres, ce chapitre mentionnera également un certain nombre de nouveaux<br />

paramètres introduits dans les modèles dits "plus récents" et qui étaient totalement absents <strong>des</strong><br />

premiers modèles. Nous verrons en quoi ces nouveaux paramètres sont de nature à modifier certains<br />

résultats.<br />

Le chapitre treize traitera lui <strong>des</strong> nouveaux types d'amnistie analysés dans le cadre <strong>des</strong> modèles plus<br />

récents et qui n'étaient pas explicitement traités dans les premiers modèles d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>. Ce<br />

chapitre permettra de montrer dans quelle mesure les modèles plus récents d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong><br />

permettent de traiter certaines caractéristiques <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> comme les conditions<br />

d'éligibilité <strong>des</strong> contribuables, la base fiscale couverte par l'amnistie ou encore la procédure selon<br />

laquelle une amnistie est édictée.<br />

Les chapitre onze à treize présenteront donc un important nombre d'améliorations apportées aux<br />

premiers modèles. Ces améliorations qui tendent à rendre notamment les modèles théoriques plus<br />

réalistes permettent de tester empiriquement certains résultats ou hypothèses <strong>des</strong> modèles plus<br />

récents. Pouvoir effectuer de tels tests empiriques ne constituait pas une priorité <strong>des</strong> premiers<br />

modèles d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>. Ainsi dans le chapitre quatorze nous verrons dans quelle mesure<br />

certaines hypothèses ou certains résultats sont validés par certaines étu<strong>des</strong> empiriques. Notamment<br />

nous présenterons <strong>des</strong> étu<strong>des</strong> qui ont cherché à tester la validité de l'hypothèse d'hétérogénéité <strong>des</strong><br />

contribuables ainsi que l'hypothèse d'aversion au risque. La relation entre la procédure d'édiction de<br />

l'amnistie et son efficacité sera également aborder. Enfin nous présenterons certains résultats<br />

empiriques sur la capacité <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> à atteindre leurs objectifs, autant à court qu'à long terme.<br />

14


15<br />

I.Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> : définition, objectifs et essais de justification<br />

Cette première partie tente de poser les divers problématiques liées aux <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>. Pour<br />

cela, nous tenterons dans le premier chapitre de donner une définition générale <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong><br />

<strong>fiscales</strong> afin de mieux comprendre le sujet traité dans ce travail. Cette tentative nous poussera à<br />

établir une typologie <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> tant elles sont diverses et prennent place dans <strong>des</strong><br />

contextes différents. Cette variété <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> découle notamment <strong>des</strong> divers objectifs<br />

qu'elles permettent d'atteindre et qui seront traités dans le chapitre deux. Enfin, dans le chapitre trois<br />

nous aborderons les essais de justification ainsi que les controverses théoriques que l'on trouve dans<br />

la littérature s'agissant <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>.<br />

1.Qu'est-ce qu'une amnistie fiscale : tentative de définition et typologie<br />

L'objectif de ce premier chapitre est d'apporter une définition <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> ainsi que de<br />

cerner la problématique générale les concernant. Pour apporter une première idée de ce que sont les<br />

<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>, une définition étymologique permettra une première approche. Nous tenterons<br />

ensuite, dans la deuxième section, de donner une définition à la fois générale et suffisamment<br />

exhaustive <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>. Une telle définition étant incapable de saisir l'immense variété <strong>des</strong><br />

<strong>amnisties</strong> existantes, l'établissement d'une typologie, qui fera l'objet de la troisième section,<br />

permettra de dépasser cette limite et de mieux saisir la diversité <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>.<br />

1.1Définition étymologique du terme "amnistie fiscale"<br />

L'adjectif fiscal - Le mot "fiscal" est un adjectif dont le dictionnaire nous dit qu'il qualifie<br />

toute personne ou chose (avoir, réforme ou encore timbre...) relative au fisc ou à la fiscalité<br />

("Trésor de la langue française", 1980, pp.921-922). Il apparaît en 1401 emprunté au latin de<br />

l'époque impériale directement du mot fiscalis de même sens. On retrouve ce mot chez de grands<br />

auteurs comme Stendhal en 1893 dans "la Chartreuse" : "Le prince avait ordonné au fiscal général<br />

Rassi de traiter tout ce procès comme s'il se fût agi d'un libéral." ou encore Balzac en 1846 dans<br />

"Cousine Bette" : "L'Eglise est en France excessivement fiscale ; elle se livre, dans la maison de<br />

Dieu, à d'ignobles trafics de petits bancs et de chaises." ("Trésor de la langue française", 1980,<br />

pp.921-922)<br />

Pour en apprendre plus sur le sens et l'origine de ce mot il nous faut donc remonter aux racines du<br />

mot fisc ("Trésor de la langue française", 1980, p.921). Ce terme est emprunté au latin classique<br />

fiscus qui signifie littéralement "panier de jonc ou d'osier". Un auteur romain 1 écrit d'ailleurs que :<br />

"fiscus est un panier de jonc, propre à contenir <strong>des</strong> sommes considérables d'argent. Pour exprimer la<br />

différence qui existe entre les biens de l'Etat et ceux <strong>des</strong> particuliers, nous employons le mot fiscus<br />

1 Voir "Les exercices étymologiques <strong>des</strong> sujets du mot d'or", 1999 à 2004, http://www.presse-francophone.org


(panier de jonc) pour désigner le Trésor public et nous disons loculus (cassette), arca (coffre),<br />

saccellus (bourse) en parlant d'une fortune privée". En fait, le mot fiscus commença à être employé<br />

dans l'acceptation de "trésor impérial" ou "cassette impérial" lorsque les empereurs romains se<br />

mirent à pratiquer la confiscation <strong>des</strong> biens <strong>des</strong> condamnés. Le verbe "confisquer" a d'ailleurs pour<br />

étymologie confiscare qui signifie "rajouter au fiscus".<br />

Dans la langue française , le terme fisc est apparu au XIII ème siècle sous la forme fisque puis à partir<br />

de l'époque moderne sous sa forme actuelle fisc (Trésor de la langue française, 1980, p.921). Si le<br />

mot "fisc" a aujourd'hui perdu son sens premier, c'est-à-dire celui de "panier d'osier ou de jonc", on<br />

lui connaît aujourd'hui deux sens principaux. Premièrement le mot fisc a gardé le sens de "Trésor<br />

particulier de l'Empereur" qu'il avait à son origine mais on lui préférera évidemment dans le<br />

contexte actuel le sens de "Trésor de l'Etat" ( Quillet-Flammarion, 1974, p.605 ). Deuxièmement,<br />

du fait de son utilisation le mot s'est étendu d'un point vue sémentique au département de<br />

l'administration concerné ( Larousse en 5 volume, 1983, p.1226). C'est ainsi que le mot fisc désigne<br />

également l'ensemble <strong>des</strong> administrations chargées de percevoir les impôts.<br />

Le terme amnistie - Le mot amnistie est un nom féminin et trouve son origine dans le mot<br />

grec άμνηστία qui signifie "l'oubli" (Trésor de la langue française, 1980, p.794 ). Il apparaît dans la<br />

langue française au XVI ème siècle sous la forme amnestie reproduisant la forme grecque ( forme que<br />

l'on retrouve actuellement dans la langue allemande) et signifiait alors "un oubli en général" mais<br />

aussi "pardon collectif accordé par le souverain". Il est utilisé en 1546 par Rabelais dans son Livre<br />

Tiers : "...pardonnant tout le passé, avecques oubliance sempiternelle de toutes offenses<br />

praecedentes, comme estoit le amnestie <strong>des</strong> Atheniens...".<br />

Au cours du XVII ème siècle, la forme amnestie, reproduisant l'orthographe grecque, est<br />

progressivement supplantée par la forme actuelle amnistie (Trésor de la langue française, 1980,<br />

p.79. Au XIX ème siècle on retrouve le mot amnistie chez de grands auteurs tels que Victor Hugo dans<br />

Actes et Paroles de 1876 : "... il n'y a qu'un apaisement, c'est l'oubli. Messieurs, dans la langue<br />

politique, l'oubli s'appelle amnistie..." ou encore Gustave Flaubert dans l'Iniquité de 1899 : "...je suis<br />

indigné de l'amnistie, mesure que je trouve inepte et injuste." Si le terme d'amnistie a gardé jusqu'à<br />

cette période ses sens originels d' "oubli" et de "pardon général", il est alors, dans le langage<br />

populaire, fréquemment confondu avec le mot armistice qui ne recouvre pas vraiment le même sens.<br />

La démarche étymologique ainsi présentée a permis d'offrir une première approche de la notion<br />

d'amnistie fiscale. Afin d'aborder par la suite les différentes problématiques mises en lumière par<br />

l'analyse économique et inhérentes aux <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>, il convient à présent de donner une<br />

définition plus récente et plus rigoureuse de l'amnistie fiscale.<br />

16


17<br />

1.2Une tentative de définition générale de l'amnistie fiscale<br />

Définition générale <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> - Sur la base <strong>des</strong> recherches étymologiques qui<br />

précèdent, il est possible de formuler une première définition générale <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>. Les<br />

<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> sont ainsi "<strong>des</strong> mesures générales, reposant sur un acte législatif, exécutif ou<br />

administratif et ayant pour objet d'effacer un fait punissable en matière fiscale et, en conséquence,<br />

d'empêcher ou d'arrêter les poursuites de l'administration fiscale envers les contribuables<br />

concernés". Il est clair qu'une telle définition, abordée sous l'angle du language, n'a pour but que de<br />

donner une première idée, générale et presque intuitive de ce que sont les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> et ne<br />

saurait avoir, à ce stade du travail, aucune portée pratique ou théorique.<br />

Définition juridique de l'amnistie fiscale - Dalloz (1962) dans son répertoire de droit<br />

donne une définition plus juridique et rigoureuse de l'amnistie : "Mesure générale faisant remise à<br />

tous les inculpés d'une même catégorie de crimes, de délits ou de contraventions, aussi bien <strong>des</strong><br />

poursuites à exercer que <strong>des</strong> condamnations prononcées." Cette définition peut être complétée par<br />

celle du Larousse qui définit l'amnistie comme un "acte du pouvoir législatif qui a pour objet<br />

d'effacer un fait punissable et, en conséquence, soit d'empêcher ou d'arrêter les poursuites, soit<br />

d'effacer les condamnations" (Larousse en 5 volume, 1983, p.123).<br />

Les définitions de la littérature économique <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> – Les définitions<br />

offertes par la littérature économique <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> devraient permettre d'obtenir une<br />

définition <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> plus en phase avec les problématiques qui seront traitées par la<br />

suite. Ainsi, Parle et Hirlinger (1986) parlent de programmes procurant aux contribuables une<br />

opportunité unique de se mettre à jour en payant les impôts ainsi que les intérêts passés sans faire<br />

l'objet de sanctions (Parle et Hirlinger, 1986, p. 246). Plus récemment, Andreoni (1991) définit les<br />

amnities <strong>fiscales</strong> comme <strong>des</strong> mesures gouvernementales qui "pardonnent" tout ou partie <strong>des</strong><br />

sanctions dues par les contribuables si ceux-ci déclarent volontairement les montants qu'ils ont<br />

dissimulé (Andreoni, 1991, p.143). Das Gupta et Mookherjee ainsi que Alm apportent <strong>des</strong><br />

définitions plus récentes et précises. Pour Alm (1998) : "une amnistie permet typiquement aux<br />

individus ou aux entreprises de payer leurs impôts antérieurement non-déclarés sans être sujet à<br />

toutes ou partie <strong>des</strong> pénalités financières et pénales qu'engendre habituellement la découverte de<br />

pratiques d'évasion fiscale" (Alm, octobre 1998, p.1). Das Gupta et Mookherjee rajoutent que les<br />

amnistie sont un phénomène essentiellement dynamique représentant une réduction <strong>des</strong> taux de<br />

pénalité pesant sur <strong>des</strong> crimes passés et dont le but est de provoquer une divulgation volontaire de<br />

ces crimes (Das-Gupta et Mookherjee, 1996, p.409). Bien d'autres définitons existent dans la<br />

littérature économique <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>. Ces définitions suffisent toutefois à mentionner les<br />

éléments les plus importants qui caractérisent les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>, à savoir la réduction <strong>des</strong>


sanctions prévues pour les contribuables qui se sont soustraits à leurs obligations <strong>fiscales</strong>.<br />

L'impasse d'une définition générales <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> - Les définitions de portée<br />

générale qui viennent d'être présentées, restent très floues quant aux caractéristiques <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong><br />

<strong>fiscales</strong>. Par exemple, elles ne permettent pas de savoir exactement selon quel processus une<br />

amnistie est élaborée et octroyée, elles ne précisent par l'importance de la réduction <strong>des</strong> sanctions, ni<br />

les contribuables ou les types d'impôts concernés... Or, passer à une définition juridiquement ou<br />

fiscalement à la fois générale, exhaustive et encore plus précise s'avère impossible. En effet, préciser<br />

l'un ou l'autre élément <strong>des</strong> précédentes définitions, reviendrait à se focaliser sur une forme précise<br />

d'amnistie ou à se référer à un contexte institutionnel ou économique précis entraînant une<br />

inévitable perte de généralité et d'exhaustivité. Toutefois, dans la mesure ou chaque forme<br />

d'amnistie engendre <strong>des</strong> effets économiques différents, une analyse théorique pertinente <strong>des</strong><br />

<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> requière que les différents éléments <strong>des</strong> précédentes définitions soient précisés.<br />

Dans ce but, il paraît approprié d'établir une typologie <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> permettant de les<br />

différencier selon plusieurs critères. Une telle démarche fait l'objet de la prochaine section.<br />

1.3Typologie <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong><br />

Formuler une définition d'une amnistie fiscale plus précise que celle qui a été donnée et à la fois de<br />

portée générale mène à une impasse. En effet, à la fois la littérature que les expériences <strong>des</strong> états en<br />

matière d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> suggèrent qu'il en existe une énorme variété. Par conséquent il est<br />

impossible de formuler une définition à la fois précise et unique <strong>des</strong> amnistie <strong>fiscales</strong>. En outre,<br />

comme nous le verrons, l'analyse économique <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> montre que les effets <strong>des</strong><br />

<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> ne sont pas les mêmes selon le type d'amnistie auquel le contribuable est<br />

confronté. Ainsi, afin de proposer une définition plus pertinente <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>, ce travail<br />

tente de dresser une typologie <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>.<br />

La démarche consiste à déterminer les différents critères qui permettent de distinguer les différentes<br />

sortes d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>. La synthèse, basée sur différentes sources de la littérature et effectuée<br />

dans cette section, aboutit à un total de quatorze différents critères qui ont finalement été retenus<br />

pour élaborer cette typologie. Chaque critère permet de distinguer une ou plusieurs alternatives. Par<br />

exemple toute amnistie est caractérisée par une procédure selon laquelle elle est édictée. Toutefois<br />

une amnistie peut être octroyée soit par le gouvernement, soit par le parlement ou encore par<br />

l'administration. Afin d'organiser la présente section, les critères ont été regroupé sous cinq grande<br />

catégories. Ainsi la présente section s'articulera en fonction de ces cinq groupes de critères : les<br />

critères liés à la procédure d'édiction <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong>, les critères concernant la temporalité <strong>des</strong><br />

<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>, les critères liés à l'incitation offerte par les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>, les critères liés à<br />

l'éligibilité <strong>des</strong> contribuables et enfin les critères liés à la base fiscale sur laquelle porte l'amnistie.<br />

18


1.3.1.Les critères liés à la procédure d'édiction<br />

Cette première catégorie inclut un seul critère de distinction qui est celui de l'autorité qui édicte<br />

l'amnistie fiscale. Selon ce critère une amnistie peut faire l'objet d'une loi débattue et votée par le<br />

parlement, d'une décision exécutive du seul gouvernement ou encore d'une décision discrétionnaire<br />

de l'administration fiscale.<br />

Les <strong>amnisties</strong> explicites - Parle et Hirlinger mentionnent effectivement que la procédure<br />

d'édiction d'un programme d'amnistie se distingue par le fait qu'il peut ou non requérir une<br />

approbation d'ordre législative (Parle et Hirlinger, 1986, pp. 253-254). Si l'amnistie fait l'objet d'une<br />

loi, c'est-à-dire que l'amnistie est décidée par le parlement, il est alors particulièrement important de<br />

savoir quels groupes d'intérêts la soutiennent ou la combattent et quel pouvoir ils ont au sein du<br />

parlement afin de comprendre pourquoi une amnistie a été édictée ou non. Notons encore que la<br />

procédure législative ne se restreint pas au seul parlement. En effet, on ne peut exclure que dans<br />

certains cas ce soit même la population qui se prononce directement sur l'éventualité d'offrir une<br />

amnistie fiscale ou non. A ce propos, Torgler et Schaltegger notent que dans certains pays les<br />

contribuables et citoyens sont autorisés à voter sur les projets de loi d'amnistie fiscale ( Torgler and<br />

Schaltegger, 2004, p.1 ). Leonard et Zeckhauser qualifient d'explicites les <strong>amnisties</strong> édictées par<br />

voies législative ou exécutive (Leonard, H. B. and Zeckhauser, 1987, p.81).<br />

Les <strong>amnisties</strong> implicites - Une troisième autorité qui constitue la troisième alternative du<br />

critère de l'autorité d'édiction est l'administration fiscale. Leonard et Zeckhauser parlent alors<br />

d'amnistie implicites (Leonard, H. B. and Zeckhauser, 1987, p.81). Ils mentionnent que le résultat<br />

d'une enquête fiscale prend bien souvent la forme d'un repenti de la part du contribuable qui n'a<br />

alors qu'à payer ses arriérés d'impôt. Ainsi, le fait que virtuellement toutes les juridictions lèvent la<br />

pluparts <strong>des</strong> pénalités pour les contribuables prêts à déclarer volontairement les montants soustraits<br />

est un secret de polichinelle selon Leonard et Zeckhauser 1 (Leonard, H. B. and Zeckhauser, 1987,<br />

p.81).<br />

1.3.2.Les critères liés à la temporalité<br />

Cette deuxième catégorie regroupe les critères liés aux aspects temporels <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>. Ces<br />

critères sont la durée <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>, leur fréquence ainsi que la capacité <strong>des</strong> contribuables à<br />

les anticiper.<br />

Le critère de la durée - Le critère de la durée permet de différencier deux types<br />

d'<strong>amnisties</strong> : l'amnistie temporaire et l'amnistie permanente. On parle d'amnistie permanente lorsque<br />

celle-ci n'est pas limitée dans le temps. L'amnistie permanente ne correspond pas à une disposition<br />

19<br />

1 Cet arguement est évidemment à replacer dans le contexte <strong>des</strong> Etats-Unis, contexte dans lequel se placent Leonard et<br />

Zeckhauser.


législative, exécutive ou administrative exceptionnelle. Selon Alm : "certains pays ont dans leur<br />

système fiscal une amnistie permanente et durable qui autorise les contribuables à restituer (<strong>des</strong><br />

impôts) à tout moment" (Alm, J., October 1998, p.3). Une amnistie permanente fait donc partie de la<br />

législation fiscale dans son ensemble, elle est inhérente au système fiscal. A l'opposé l'amnistie<br />

temporaire est une amnistie limitée dans le temps qui, le plus souvent, fait l'objet d'une disposition<br />

législative, exécutive ou administrative exceptionnelle. La question que pose ce type d'amnistie est<br />

évidemment celle de la durée optimale d'une amnistie temporaire. En pratique il n'existe, a priori,<br />

pas de durée idéale pour ce type d'amnistie (Franzoni, 1996, p.2). Toutefois Alm parle à ce sujet<br />

d'une période allant généralement de 2 mois à une année. Andreoni estime aussi que la plupart <strong>des</strong><br />

<strong>amnisties</strong> uniques durent environ 3 mois (Alm, J., October 1998, p.3). Sur le plan théorique<br />

toutefois, les modèles n'abordent pas réellement cette question. En fait ceci s'explique par le fait que<br />

la fréquence <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> temporaires apparaît être un paramètre plus critique eu égard à leur<br />

efficacité.<br />

Le critère de la fréquence – La notion de fréquence est, de manière générale, le nombre de<br />

fois qu'un phénomène est observé pendant une unité de temps 1 . Appliqué aux <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>, la<br />

notion de fréquence définit le nombre de fois qu'une amnistie est octroyée par unité de temps.<br />

Lorsque la fréquence <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> est faible on parle d'amnistie unique ou one-shot.<br />

Lorsque <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> sont octroyées à une fréquence élevée, on parle d'amnistie<br />

intermittente. Selon la Banque Mondiale 2 , il n'existe que rarement <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> intermittentes "de<br />

jure", c'est à dire qui feraient l'objet d'une planification de la part d'un gouvernement. Ce type<br />

d'<strong>amnisties</strong> apparaît "de facto" dans un pays qui multiplie les <strong>amnisties</strong> uniques sur un court laps de<br />

temps. Ainsi, dans les faits, la situation de nombreux pays, qui n'ont juridiquement édicté que <strong>des</strong><br />

<strong>amnisties</strong> uniques, correspond à une situation d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> intermittentes. Comme nous le<br />

verrons plusieurs auteurs ont identifié la fréquence <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> comme un facteur important de<br />

leurs succès et de leurs échecs. Par conséquent, l'analyse de ces <strong>amnisties</strong> implique de les distinguer<br />

clairement. Or une telle distinction nécessite notamment de définir l'unité de temps par rapport à<br />

laquelle la fréquence est considérée. Ce laps de temps apparaît ainsi être relativement subjectif. En<br />

effet, du point de vue du gouvernement, l'octroi d'une seule amnistie durant un mandat de quatre<br />

années apparaîtra être une fréquence faible. Au contraire, du point de vue du contribuable, si une<br />

amnistie est octroyée tous les quatre ans, cela paraîtra être une fréquence élevée. Ainsi de Mello-e-<br />

Souza écrit que les entreprises, constatant la fréquence avec laquelle les gouvernements continuent<br />

d'offrir <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong>, perçoivent les <strong>amnisties</strong> comme étant, le plus souvent, à répétition (de Melloe-Souza,<br />

2004, p.5).<br />

1 Voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Fréquence<br />

2 Voir http://www1.worldbank.org/publicsector/tax/amnesties.html<br />

20


En fait, par rapport aux effets d'une amnistie fiscale, la question de savoir si on est en présence d'une<br />

amnistie unique ou d'<strong>amnisties</strong> intermittentes est étroitement liée à la question de savoir si une<br />

amnistie est anticipée ou non.<br />

Le critère de l'anticipation - Cassone et Marchese souligne que les critères de la durée et<br />

de la fréquence <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> sont fortement corrélés à celui de l'anticipation <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong><br />

(Marchese and Cassone, 1995, p.53). Ce critère distingue les <strong>amnisties</strong> qui sont anticipées par les<br />

contribuables de celles qui ne le sont pas. Ainsi, si une amnistie unique peut être anticipée ou non<br />

par les contribuables, une amnistie permanente, elle, ne peut être que, selon Cassone et Marchese,<br />

manifestement parfaitement anticipée. Les <strong>amnisties</strong> intermittentes seront également, selon la<br />

Banque mondiale 1 , tôt ou tard anticipées par les contribuables. Ce critère permet donc de mieux<br />

préciser le type d'amnistie auquel nous avons à faire. Par exemple, si l'amnistie en question n'est pas<br />

anticipée par les contribuables, l'amnistie permanente peut d'emblée être écartée et la probabilité<br />

qu'il s'agisse d'une amnistie unique est plus élevée que la probabilité qu'il s'agisse d'une amnistie<br />

intermittente. Nous verrons en parcourant les divers modèles théoriques que les auteurs ont cherché<br />

à formaliser cet aspect <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> qu'est l'anticipation dans la mesure où il joue un rôle<br />

important dans le succès <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>.<br />

1.3.3.Les critères liés à l'incitation<br />

Les critères regroupés sous la catégorie de l'incitation sont les caratéristiques qui donnent son<br />

essence même à une amnistie. Ne perdons pas de vue que le contribuable, lorsqu'il prend la décision<br />

de soustraire une part de ses revenus, s'expose à la probabilité d'être découvert et, par conséquent de<br />

faire l'objet de pénalités. L'amnistie doit donc, en abandonnant les pénalités, modifier le<br />

comportement <strong>des</strong> contribuables fraudeurs afin qu'ils déclarent leurs impôts. Alm précise que le<br />

terme "amnistie" signifie à l'origine "oubli" et que, par conséquent, la loi d'amnistie doit spécifier le<br />

montant <strong>des</strong> pénalités, <strong>des</strong> intérêts et <strong>des</strong> impôts impayés que l'administration fiscale "oubliera"<br />

(Alm, October 1998, p.2). Ainsi les trois premiers critères appartenant à cette catégorie sont celui de<br />

la remise de peine, de la réduction <strong>des</strong> intérêts et <strong>des</strong> impôts dûs. A ces trois critères, il convient, à<br />

notre sens, d'ajouter le critère avancé par <strong>des</strong> auteurs comme Franzoni ou Das-Gupta et Mookherjee<br />

et repris par la Banque Mondiale, à savoir le critère de l'enquête sur les sources de revenu<br />

(Franzoni, 1996, p.3).<br />

La réduction <strong>des</strong> pénalités - Le rapport du Joint Committee on Taxation (ci-après JCT)<br />

mentionne que la forme la plus étroite d'amnistie fiscale est celle qui ne passe l'éponge que sur les<br />

pénalités d'ordre pénales (JCT, 1998,p .4). On peut estimer que c'est à cette forme d'amnistie que se<br />

21<br />

1 Voir http://www1.worldbank.org/publicsector/tax/amnesties.html


éfère l'amnistie dite de révision mentionnée par la Banque Mondiale 1 et qu'elle définit comme une<br />

opportunité de déclarer ses impôts dissimulés par le passé sans pénalité, sans toutefois préciser à<br />

quoi se rapportent ces pénalités. L'amnistie dite de restitution énoncée par Franzoni et qu'il définit<br />

comme la possibilité offerte aux contribuables de déclarer leurs impôts antérieurement dissimulés<br />

en bénéficiant d'une pénalité réduite, entre également dans ce type d'amnistie (Franzoni, 1996, p.3).<br />

Ces deux définitions utilisent le terme de pénalités (ou peine) sans en préciser le sens ou l'étendue.<br />

C'est pourquoi le premier critère consiste à savoir si, à la remise de peine sur le plan pénal, s'ajoute<br />

une remise de peine civile. Ce critère, que l'on peut exprimer comme celui de la remise de peine,<br />

fait la distinction entre ce que Macho-Stadler et alii, appellent amnistie pure et amnistie partielle.<br />

L'amnistie partielle correspond soit à la seule remise de peine soit, dans le cas de pénalités<br />

financières, à une réduction partielle de l'amende. Alors que l'amnistie pure s'étend à la totalité <strong>des</strong><br />

pénalités (Macho-Stadler et alii, 1999, p.441).<br />

La réduction <strong>des</strong> intérêts - La définition générale donnée précèdemment indique qu'une<br />

amnistie porte sur <strong>des</strong> impôts non déclarés par le passé. Or, nous savons qu'en économie le temps a<br />

un coût et cela s'applique également aux impôts non-déclarés, pour lesquels l'administration fiscale<br />

est en droit d'exiger <strong>des</strong> intérêts. Ainsi le second critère lié aux incitations <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> est celui de<br />

la réduction <strong>des</strong> intérêts. Le JCT mentionne que les <strong>amnisties</strong> de ce type requièrent <strong>des</strong><br />

contribuables qu'ils payent leurs impôts non-déclarés mais passent l'éponge concernant les intérêts<br />

portant sur ces impôts et cela, en plus d'oublier les pénalités autant civiles que pénales (JCT, 1998,<br />

p.4). Ce critère marque également la limite entre l'amnistie pure, vue précédemment, et l'amnistie<br />

dite extensive que Macho-Stadler et alii définissent comme une amnistie qui ne suspend pas<br />

seulement les amen<strong>des</strong> (pénalités) mais également une fraction de la valeur présente escomptée <strong>des</strong><br />

impôts dûs (par les contribuables) (Macho-Stadler et alii, 1999, p.441). Cette définition amène une<br />

remarque que livre le rapport du JCT (JCT, 1998,p .4). Il existe, en effet, dans le domaine de la<br />

fiscalité, deux manières de considérer les intérêts perçus sur les impôts non-versés. Certains<br />

estiment qu'une telle charge d'intérêts est en elle-même une pénalité alors que d'autres estiment<br />

qu'elle reflète la valeur temporelle de la monnaie. Afin de livrer une typologie plus complète et<br />

précise, les intérêts ont été traités ici comme n'étant pas de même nature que les pénalités,<br />

privilégiant par conséquent la seconde conception.<br />

La réduction <strong>des</strong> impôts - Un troisième élément peut faire l'objet de la grâce procurée par<br />

une amnistie fiscale : le montant <strong>des</strong> impôts dûs par les contribuables. En effet, Marchese et<br />

Cassone mentionnent un type d'amnistie, dite "offre de vente spéciale", qui offre aux contribuables<br />

l'opportunité de satisfaire à leurs obligations <strong>fiscales</strong> en payant moins que les contribuables<br />

22<br />

1 Voir http://www1.worldbank.org/publicsector/tax/amnesties.html


espectueux <strong>des</strong> lois. Le troisième critère lié aux incitations pose donc la question de savoir si la loi<br />

d'amnistie exige que les contribuables payent la totalité <strong>des</strong> impôts dûs ou non (Marchese and<br />

Cassone, 1995, p.53). Ce critère peut être simplement exprimé comme celui de la réduction du taux<br />

d'imposition. En effet, même si les impôts sont, dans un premier temps, calculés au taux nominal en<br />

vigueur puis, dans un deuxième temps, qu'une diminution du montant <strong>des</strong> impôts intervient, cela<br />

correspond tout de même à une diminution du taux effectif auquel sont calculés les impôts. Notons<br />

encore que ce critère et le précédent sont liés puisque toute réduction <strong>des</strong> impôts dûs par les<br />

contribuables entraîne automatiquement une réduction <strong>des</strong> intérêts dûs.<br />

L'absence d'enquête de la source du revenu - Le dernier élément auquel peut s'étendre<br />

l'incitation d'une amnistie est la source de revenu. Franzoni définit ce type d'amnistie, qu'il appelle<br />

amnistie d'enquête, comme une offre faite aux contribuables participant à l'amnistie de ne pas ouvrir<br />

d'enquête concernant le montant réel ou l'origine du revenu imposable (Franzoni, 1996, p.3). Dans<br />

le même ordre d'idée, Das-Gupta et Mookherjee parlent d'"amnistie de blanchissage" au sujet<br />

d'<strong>amnisties</strong> procurant aux citoyens ayant <strong>des</strong> actifs non-déclarés, accumulés lors <strong>des</strong> années<br />

d'évasion, une opportunité de déclarer ces actifs volontairement et, de ce fait de les blanchir (Das-<br />

Gupta et Mookerjhee, 1996, p. 409). Le critère permettant de définir ce type d'amnistie pose donc la<br />

question de savoir si la source du revenu dont l'impôt a été soustrait fera l'objet d'une enquête de la<br />

part <strong>des</strong> autorités ou non. On peut alors parler du critère de la source de revenu qui constitue le<br />

dernier critère classé dans la catégorie <strong>des</strong> critères liés à l'incitation procurée par les <strong>amnisties</strong><br />

<strong>fiscales</strong>.<br />

Avant d'aborder la catégorie de critères suivante, celle de l'éligibilité <strong>des</strong> contribuables, il est<br />

nécessaire d'apporter une précision quant aux critères traités dans cette sous-section. Les critères liés<br />

à l'incitation ne sont, a priori, ni inclusifs, ni exclusifs. Si, par exemple, une loi d'amnistie n'offre<br />

pas la levée <strong>des</strong> pénalités civiles, rien n'exclu, d'un point de vue théorique, que celle-ci offre une<br />

réduction <strong>des</strong> intérêts à payer. Toutefois nous verrons que, autant dans la pratique que dans la<br />

littérature, il existe le plus souvent une gradation inclusive <strong>des</strong> critères allant de la remise de peine à<br />

la diminution <strong>des</strong> montants d'impôts dûs.<br />

1.3.4.Les critères liés à l'éligibilité <strong>des</strong> contribuables<br />

Le quatrième groupe de critères traité concerne l'éligibilité. Ainsi une loi d'<strong>amnisties</strong> fiscale, selon<br />

Alm 1 , doit spécifier quel contribuable est éligible pour une participation à l'amnistie. Les critères<br />

liés à l'éligibilité sont au nombre de trois : le critère de la non-déclaration, le critère de la poursuite<br />

judiciaire et le critère de la résidence.<br />

Le critère de la non-déclaration - La définition de l'amnistie fiscale nous dit qu'elle permet<br />

1 Voir Alm, J., October 1998, pp.1-2<br />

23


aux contribuables n'ayant pas déclaré leurs impôts par le passé de le faire. Parmi les contribuables<br />

concernés Alm distingue les contribuables figurant déjà sur les rôles fiscaux de ceux qui n'y figurent<br />

pas encore. Ces derniers sont par conséquent <strong>des</strong> contribuables qui n'ont jamais rien déclaré au fisc<br />

alors que les premiers sont <strong>des</strong> contribuables qui ont déclaré moins qu'ils devaient ou qui ont<br />

exagéré le niveau <strong>des</strong> déductions et crédits d'impôt. Le critère de la non-déclaration permet alors de<br />

distinguer 3 types d'<strong>amnisties</strong>. Il existe d'abord les <strong>amnisties</strong> ne permettant qu'aux contribuables<br />

absents <strong>des</strong> rôles fiscaux de participer. La Banque Mondiale 1 parle dans ce cas d'"amnistie de<br />

déclaration". Ensuite ce sont les contribuables qui n'ont que partiellement déclaré leurs impôts qui<br />

peuvent être concernés par la loi d'amnistie. Enfin l'amnistie peut autoriser les deux catégories de<br />

contribuables à participer à l'amnistie.<br />

Le critère de la poursuite - En l'absence d'amnistie fiscale, une certaine probabilité existe<br />

pour le contribuable qu'il fasse l'objet d'un audit de l'administration fiscale concernant les montants<br />

soustraits. Ainsi le deuxième critère lié à l'éligibilité est celui de la poursuite judiciaire et détermine<br />

la façon dont les contribuables faisant déjà l'objet d'une procédure d'audit sont traités dans le cadre<br />

de la loi. Deux types d'<strong>amnisties</strong> peuvent ainsi être différenciés. D'une part, il existe <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong><br />

qui ne permettent pas aux contribuables faisant l'objet de poursuites de participer. D'autre part, il<br />

existe ce que la Banque Mondiale 2 nomme "amnistie de poursuite" qui offre aux contrevenants une<br />

immunité vis-à-vis d'une poursuite de l'administration. Franzoni ajoute que ce type d'amnistie<br />

s'applique aux contribuables ayant déjà reçu de la part de l'administration un avis de transgression<br />

de la loi fiscale et entraîne ainsi une simplification de la procédure de poursuite (Franzoni, 1996,<br />

p.5). Le JCT apporte encore une distinction concernant les contribuables faisant l'objet de poursuites<br />

(JCT, 1996, p.5). Le rapport distingue en effet les contribuables en cours de procédure et les<br />

contribuables à l'encontre <strong>des</strong>quels la procédure est d'ores et déjà achevée mais qui ne se sont pas<br />

encore acquittés du paiement <strong>des</strong> montants dûs à l'administration fiscale. Ainsi certaines <strong>amnisties</strong><br />

de poursuite incluent les deux catégories de contribuables alors que d'autres <strong>amnisties</strong> n'autorisent<br />

que la première catégorie à participer.<br />

Le critère de la résidence - Le dernier critère lié à l'éligibilité <strong>des</strong> contribuables, celui de la<br />

résidence, est livré par Alm qui distingue les résidents domiciliés <strong>des</strong> résidents non-domicilié dans<br />

le pays où l'amnistie est en vigueur (Alm, October 1998, p.2). Cela signifie qu'une amnistie peut<br />

potentiellement inclure l'une ou l'autre catégorie de résidents ou les deux. Le critère de la personne<br />

juridique pourrait également être traité dans la catégorie de l'éligibilité, il nous apparaît toutefois<br />

plus judicieux de le traiter en relation avec les critères liés à la base fiscale.<br />

24<br />

1 Voir http://www1.worldbank.org/publicsector/tax/amnesties.html<br />

2 Voir http://www1.worldbank.org/publicsector/tax/amnesties.html


1.3.5.Les critères liés à la base fiscale<br />

Une dernière caractéristique commune aux <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> et permettant de les différencier est la<br />

part de la base fiscale sur laquelle elles porten. Le terme de base fiscale est utilisé ici pour définir<br />

l'ensemble de la substance fiscale qui entre dans le champs de l'amnistie. Essentiellement trois<br />

critères permettant de définir la base fiscale touchée par l'amnistie sont retenus ici : la personne<br />

juridique, le type d'impôt et la période fiscale.<br />

Le critère de la personne juridique - Le critère de la personne juridique permet de<br />

distinguer les deux catégories de contribuables que sont d'une part les personnes physiques et d'autre<br />

part les personnes morales. Ainsi, une amnistie fiscale peut s'appliquer aux individus, aux firmes ou<br />

aux deux catégories (Alm, October 1998, p.2). Comme il a déjà été mentionné plus haut, ce critère<br />

pourrait être classé dans la catégorie <strong>des</strong> critères liés à l'éligibilité <strong>des</strong> contribuables. Ce critère a<br />

toutefois été classé parmi les critères liés à la base fiscale car il est fortement lié au critère du type<br />

d'impôt qui, lui, ne peut pas appartenir à une autre catégorie que celle de la base fiscale. En effet, les<br />

critères de la personnes juridique et du type d'impôt sont tous deux nécessaire à la déterminantion<br />

<strong>des</strong> impôts concernés par une amnistie. Par exemple, une amnistie portant uniquement sur les<br />

personnes physiques à l'exclusion <strong>des</strong> personnes morales exclut ipso facto l'impôt sur le bénéfice<br />

<strong>des</strong> sociétés.<br />

Le critère du type d'impôt - Contrairement à l'alternative offerte par le critère de la<br />

personne juridique qui se retrouve de manière plus ou moins homogène dans tous les systèmes<br />

fiscaux, les alternatives offertes par le critère du type d'impôt sont fortement dépendantes du<br />

contexte institutionnel. Par conséquent un traitement détaillé du type d'impôt se heurte à deux<br />

difficultés. La première est qu'il existe un nombre d'impôts différents tel qu'un traitement exhaustif<br />

de toutes les possibilités tient de l'impossible. La seconde est qu'il est difficile d'arrêter une liste<br />

précise d'impôts sans se référer à un système fiscal particulier. Ainsi, l'ensemble <strong>des</strong> impôts qui<br />

peuvent faire l'objet d'une amnistie fiscale varie selon les états ou juridictions ayant <strong>des</strong> pouvoirs en<br />

matière de fiscalité. Cette difficulté rend donc impossible l'établissement d'une liste finie d'impôts<br />

pouvant faire l'objet d'une amnistie et qui serait valable quelque soit la juridiction considérée.<br />

Toutefois la classification <strong>des</strong> sources de financement du secteur public de l'OCDE présentée dans<br />

le tableau 1.1. offre un aperçu général intéressant bien que non exhaustif <strong>des</strong> impôts que l'on peut<br />

rencontrer dans un système fiscal et pouvant faire l'objet d'une amnistie fiscale. Afin d'obtenir un<br />

nombre fini et raisonnable d'alternatives mentionnons les trois gran<strong>des</strong> catégories d'impôts citées par<br />

Alm, à savoir l'impôt sur le revenu, la fortune et la consommation.<br />

La période fiscale - Le dernier critère est celui du nombre de pério<strong>des</strong> <strong>fiscales</strong> concernées<br />

par l'amnistie (Alm, October 1998, p.2). Si théoriquement ce critère offre également une infinité<br />

25


d'alternatives, la Banque Mondiale 1 en distingue deux. L'amnistie peut soit porter sur la période<br />

fiscale courante soit sur <strong>des</strong> pério<strong>des</strong> <strong>fiscales</strong> passées. Ce critère constitue le dernier <strong>des</strong> quatorze<br />

critères retenus permettant de différencier les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> et d'en distinguer différents types.<br />

Le tableau 1.2. propose un récapitulatif <strong>des</strong> critères qui ont été présentés dans cette section. La<br />

première colonne permet de reclasser les critères selon les différentes catégories.<br />

26<br />

Tableau 1.1. – Liste <strong>des</strong> impôts pouvant faire l'objet d'une amnistie fiscale<br />

1000 Impôt sur le revenu, les bénéfices et les gains en capital<br />

1100 Impôt sur le revenu, les bénéfices et les gains en capital <strong>des</strong> personnes physiques<br />

1110 sur le revenu et les bénéfices<br />

1120 sur les gains en capital<br />

1200 Impôt sur le revenu, les bénéfices et les gains en capital <strong>des</strong> sociétés<br />

1300 Non ventilables entre les rubriques 1100 et 1200<br />

2000 Cotisations de sécurité sociale<br />

2100 A la charge <strong>des</strong> salariés<br />

2110 Sur la base du salaire<br />

2120 Sur la base de l'impôt sur le revenu<br />

2200A la charge <strong>des</strong> employeurs<br />

2210 Sur la base du salaire<br />

2220 Sur la base de l'impôt sur le revenu<br />

2300A la charge <strong>des</strong> travailleurs indépendants ou <strong>des</strong> personnes n'occupant pas d'emploi<br />

2310 Sur la base du salaire<br />

2320 Sur la base de l'impôt sur le revenu<br />

2400 Non ventilables entre les rubriques 2100 2200 2300<br />

2410 Sur la base du salaire<br />

2420 Sur la base de l'impôt sur le revenu<br />

3000 Impôts sur les salaires et la main-d'oeuvre<br />

4000 Impôts sur le patrimoine<br />

4100 Impôts périodiques sur la propriété immobilière<br />

4110 Ménages<br />

4120 Autres agents<br />

4200 Impôts périodiques sur l'actif net<br />

4210 Personnes physiques<br />

4220 Sociétés<br />

4300 Impôts sur les mutations par décès, les successions et les donations<br />

4310 Impôts sur les mutations par décès et les successions<br />

4320 Impôts sur les donations<br />

4400 Impôts sur les transactions mobilières et immobilières<br />

4500 Autres impôts non périodique sur le patrimoine<br />

4510 Impôts sur l'actif net<br />

4520 Autres impôts non périodique<br />

4600 Autres impôts périodiques sur le patrimoine<br />

5000 Impôts sur les biens et services<br />

5100 Impôts sur la production, la vente, le transfert, la location et la livraison de bien et de prestation de services<br />

5110 Impôts généraux<br />

5111 Taxe sur la valeur ajoutée<br />

5112 Impôts sur les ventes<br />

5113 Autres impôts généraux sur les biens et services<br />

5120 Impôts sur <strong>des</strong> biens et <strong>des</strong> services déterminés<br />

5121 Accises<br />

5122 Bénéfices <strong>des</strong> monopoles fiscaux<br />

5123 Droits de douanes et droits à l'importation<br />

5124 Taxes à l'exportation<br />

5125 Impôts sur les biens d'équipement<br />

5126 Impôts sur <strong>des</strong> services déterminés<br />

5127 Autres impôts sur les transactions et les échanges internationaux<br />

5128 Autres impôts sur <strong>des</strong> biens et <strong>des</strong> services déterminés<br />

5130 Non ventilables entre les rubriques 5110 et 5120<br />

5200 Impôts sur l'utilisation <strong>des</strong> biens ou l'autorisation d'utiliser <strong>des</strong> biens ou d'exercer <strong>des</strong> activités<br />

5210 Impôts périodiques<br />

5211 A la charge de ménages à titre de véhicules à moteur<br />

5212 A la charge d'autres agents au titre de véhicule à moteur<br />

5213 Autres impôts périodiques<br />

5220 Impôts non périodiques<br />

5300 Non ventilables entre les rubriques 5100 et 5200<br />

6000 Autres Impôts<br />

6100 A la charge exclusive <strong>des</strong> entreprises<br />

6200 A la charge d'autres agents que les entreprises ou non identifiables<br />

Source : OCDE 2<br />

1 Voir http://www1.worldbank.org/publicsector/tax/amnesties.html<br />

2 OCDE, 2003, pp.303-304.


Les critères et les alternatives qu'ils permettent de distinguer sont présentés dans les deuxième et<br />

troisième colonnes.<br />

27<br />

Tableau 1.2. - Critères de base pour une typologie <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong><br />

Catégories Critères Alternative(s) Sortes d'amnistie<br />

Critères liés à la procédure<br />

d'édiction<br />

L'autorité d'édiction<br />

-le parlement<br />

-le gouvernement<br />

Explicite<br />

"<br />

-l'administration<br />

Critères liés à la temporalité La durée - limitée dans le temps<br />

implicite<br />

temporaire<br />

La fréquence<br />

L'anticipation<br />

- illimitée dans le temps<br />

- élevée<br />

- faible<br />

- prévue par les contribuables<br />

permanente<br />

Intermittentes<br />

unique ou one shot<br />

Anticipée<br />

Critères liés à l'incitation La remise de peine -partielle<br />

- imprévue par les contribuables<br />

non-anticipée<br />

amnistie partielle<br />

-totale<br />

amnistie pure<br />

La réduction <strong>des</strong> intérêts<br />

-partielle<br />

amnistie partielle<br />

-totale<br />

amnistie pure<br />

La réduction du taux d'impôt<br />

-non<br />

-oui<br />

amnistie extensive<br />

La source de revenu<br />

-enquête<br />

-pas d'enquête<br />

amnistie d'enquête<br />

Critères liés à l'éligibilité <strong>des</strong><br />

contribuables<br />

La poursuite judiciaire<br />

-non participation à l'a.f.<br />

-participation à l'a.f.<br />

amnistie de poursuite<br />

La non-déclaration<br />

-non-déclarants<br />

amnistie de déclaration<br />

-non-déclarants partiels<br />

-tous les non-déclarants<br />

La résidence<br />

-domiciliés<br />

-non-domiciliés<br />

-tous les résidents<br />

Critères liés à la base fiscale La personne juridique -personnes physiques<br />

Le type d'impôts<br />

-personnes morales<br />

-revenu<br />

-fortune<br />

La période fiscale<br />

-consommation<br />

-courante<br />

-passée<br />

Source : élaboration personnelle 1<br />

Enfin les sortes d'amnistie se référant à l'une ou l'autre modalité <strong>des</strong> différentes alternatives sont<br />

mentionnées dans la dernière colonne. Il va de soit que la liste <strong>des</strong> critères présentés n'est pas<br />

exhaustive mais elle englobe toutefois les critères qui reviennent le plus souvent dans la littérature<br />

1 Élaboré sur la base de la littérature citée dans le chapitre 3


et qui sont communs à toutes les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>. Ils permettent notamment la construction d'un<br />

tableau pouvant avoir une portée pratique. Comme le soulignent Parle et Hirlinger, la forme <strong>des</strong><br />

<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>, élaborée sur la base de critères tels que discutés précèdemment, ainsi que tout un<br />

ensemble de conditions cadres à leur édiction sont cruciales pour que celles-ci atteignent leurs<br />

objectifs (Parle et Hirlinger, 1986, p.247). C'est pourquoi, dans le chapitre suivant, après avoir<br />

discuté <strong>des</strong> objectifs visés par les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>, nous discuterons de la forme d'amnistie à<br />

adopter ainsi que <strong>des</strong> conditions nécessaires pour qu'une amnistie fiscale atteigne ses objectifs.<br />

28


29<br />

2.Les objectifs <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong><br />

La question <strong>des</strong> objectifs poursuivis par l'édiction d'une d'amnistie fiscale pourrait être considérée<br />

comme anodine tant il paraît intuitivement simple d'y répondre : lutter contre l'évasion fiscale.<br />

Toutefois cet objectif global de lutte contre l'évasion fiscale n'est pas aussi facile à appréhender qu'il<br />

n'y paraît, dans la mesure où il recouvre en fait de multiples objectifs qu'il est nécessaire de<br />

distinguer afin de bien comprendre l'enjeu <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>. En effet, une amnistie ne prendra<br />

pas forcément la même forme suivant qu'elle poursuit l'un ou l'autre objectif. Ce chapitre consacré<br />

aux objectifs <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> se structure en quatre sections. Les deux premières regroupant<br />

les objectifs <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> en deux grands groupes, l'augmentation <strong>des</strong> recettes de l'Etat et le<br />

soutien à la croissance économique. La troisième abordera la question de la forme optimale d'une<br />

amnistie fiscale eu égard à son objectif. Enfin, la quatrième section traitera <strong>des</strong> conditions à mettre<br />

en place pour que les <strong>amnisties</strong> atteignent leurs objectifs.<br />

2.1.L'augmentation <strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong> de l'Etat<br />

L'objectif principal <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>, cité par tous les auteurs, est la volonté du gouvernement<br />

d'augmenter ses recettes <strong>fiscales</strong>. Cet objectif s'inscrit dans différents horizons temporels. Dans son<br />

article de 1998 Alm estime que l'objectif évident <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> est de lever <strong>des</strong> "recettes de<br />

court-terme" (Alm, October 1998, p.3). Plus précisément, Parle et Hirlinger ajoutent que l'objectif<br />

premier d'une amnistie fiscale est de collecter <strong>des</strong> recettes restées en dehors du système fiscal et qui<br />

n'auraient pas pu être récoltées autrement (Parle et Hirlinger, 1986, p.247). En épargnant aux<br />

contribuables les pénalités encourues pour ne pas avoir déclaré la totalité de leur revenu, une<br />

amnistie peut en effet amener <strong>des</strong> contribuables à déclarer <strong>des</strong> sources de revenu qui n'auraient été<br />

que difficilement détectées par l'administration fiscale autrement (Fisher et alii, 1989, p.15). Si<br />

l'amnistie s'avère efficace par rapport à cet objectif, alors elle peut améliorer la situation budgétaire<br />

du gouvernement. A ce propos Uchitelle mentionne qu'une collecte substantielle d'arriérés d'impôts<br />

peut aider à réduire le service de la dette d'un gouvernement (Uchitelle, 1989, p.49).<br />

L'augmentation <strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong> à court terme - L'accomplissement de cet objectif de<br />

court terme pose essentiellement deux problèmes. Le premier est la façon de mesurer cet objectif.<br />

En effet, il peut être difficile de savoir quelle est la part <strong>des</strong> revenus supplémentaires, collectés<br />

durant une période d'amnistie, réellement imputable à l'amnisitie elle-même. Afin d'obtenir la<br />

mesure la plus précise possible, il peut être nécessaire de recourir à l'utilisation de modèles<br />

formalisés permettant d'isoler les autres variables ayant un impact sur les recettes <strong>fiscales</strong>. Le<br />

deuxième problème est qu'une amnistie peut aller, théoriquement, jusqu'à offrir une réduction totale<br />

<strong>des</strong> pénalités, <strong>des</strong> intérêts et <strong>des</strong> arriérés d'impôts (JCT, 1998, p.4). Comment dans un tel cas


expliquer le recours à une amnistie fiscale puisque de toute évidence elle ne permettrait plus de<br />

lever <strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong>? Pour répondre à cette question il est nécessaire de considéré l'objectif de<br />

l'augmentation <strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong> sur le long terme.<br />

L'augmentation <strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong> à long terme - A long terme, une amnistie fiscale<br />

peut remplir son objectif d'augmentation <strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong> futures en permettant un élargissement<br />

de la base fiscale (Uchitelle, 1989, p.49). L'amnistie vise ainsi, en plus de mieux pouvoir contrôler<br />

dans le futur les contribuables ayant déclaré partiellement leurs revenus dans le passé, à ramener<br />

dans le système fiscal <strong>des</strong> contribuables qui étaient parvenus, d'une façon ou d'une autre, à rester<br />

totalement en dehors <strong>des</strong> rôles fiscaux (Parle and Hirlinger, 1986, p.247). Les informations ainsi<br />

collectées sur les contribuables et leurs sources de revenu doivent permettre d'améliorer la<br />

participation future <strong>des</strong> contribuables au système fiscal, et ce de manière durable.<br />

Les recettes levées par les <strong>amnisties</strong> sont calculées sur la base <strong>des</strong> revenus ou de la fortune <strong>des</strong><br />

contribuables y participant. Par conséquent, les <strong>amnisties</strong> ne sont pas sans effet notamment sur<br />

l'allocation <strong>des</strong> ressources économiques concernées par ces prélèvements fiscaux. Etant donnés ces<br />

effets, les <strong>amnisties</strong> peuvent être utilisées à d'autres fins que la seule collecte de revenus<br />

supplémentaires par le gouvernement.<br />

2.2. Le soutien à la croissance économique<br />

L'autre objectif pouvant être visé par un gouvernement à l'aide d'une amnistie fiscale est celui qui<br />

consiste à provoquer un afflux de capitaux dans l'économie dans le but d'augmenter son taux de<br />

croissance. Cet objectif peut être considéré sur un plan strictement national (ou en économie "<br />

fermée") ou alors sur un plan international (ou en économie ouverte).<br />

La réintégration de capitaux dans l'économie formelle - Dans toute économie nationale,<br />

il existe un certain nombre d'activités qui contribuent au produit national officiel mais qui ne se<br />

laissent pas enregistrées (dans celui-ci) (Schneider and Enste, 2000, p.78). Ce phénomène est celui<br />

de l'économie souterraine. Un bon nombre de raisons peuvent être avancées pour justifier qu'un<br />

gouvernement se doive de lutter contre ce phénomène 1 . Toutefois, plus que de simplement lutter<br />

contre une économie souterraine trop importante, il peut être profitable pour l'économie qu'un<br />

gouvernement cherche à réintégrer les activités concernées dans le circuit économique officiel. Par<br />

exemple, si le rendement du capital dans l'économie officielle est plus important que dans<br />

l'économie souterraine, bon nombre d'investisseurs ayant auparavant investi leurs capitaux dans <strong>des</strong><br />

actifs de l'économie souterraine pourraient avoir intérêt à réinvestir ces capitaux dans l'économie<br />

officielle. Or, la peur <strong>des</strong> pénalités <strong>fiscales</strong> peut inciter les investisseurs concernés à ne pas<br />

réinvestir leur capitaux dans l'économie officielle, conduisant à un taux de croissance de l'économie<br />

1 Le traitement <strong>des</strong> causes de l'économie souterraine dépasse le cadre de ce mémoire. Voir Schneider and Enste (2000)<br />

30


plus faible que le taux de croissance potentiel. En édictant une amnistie fiscale portant sur la<br />

taxation <strong>des</strong> actifs concernés, un gouvernement peut lever la contrainte pesant sur les investisseurs<br />

(mais également contribuables) concernés. Ainsi les investisseurs peuvent être amenés à déclarer<br />

leurs actifs afin de tirer avantage du plus grand rendement de l'économie officielle, provocant une<br />

augmentation du taux de croissance de l'économie 1 . Cet objectif possible <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong><br />

concerne plus particulièrement les pays émergeants et les pays en développement qui font souvent<br />

face à une importante economie souterraine (Schneider and Enste, 2000, p.80, tableau no 2).<br />

Le rapatriement de capitaux - Un autre phénomène pouvant freiner la croissance<br />

économique d'un pays, est la fuite de capitaux. Si elle n'est pas un phénomène illégal a priori, elle<br />

peut toutefois permettre aux contribuables de soustraire <strong>des</strong> revenus et <strong>des</strong> capitaux à leur<br />

imposition par l'administration fiscale. Même s'il profiterait de rendements plus élevés un<br />

investisseur (et contribuable), s'étant engagé dans une telle voie, n'osera plus réinvestir ses capitaux<br />

dans le pays de peur de faire ensuite l'objet de pénalités. L'édiction d'une amnistie fiscale peut lever<br />

cette contrainte pour favoriser le retour de capitaux dans une économie et stimuler la croissance de<br />

cette dernière. A ce sujet Alm mentionne que de nombreux pays ont édictés <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> de telle<br />

manière qu'elles attirent les capitaux que <strong>des</strong> citoyens ont transféré illégalement à l'étranger (Alm,<br />

October 1998, p.2). Comme nous le verrons un <strong>des</strong> exemples les plus récents d'un tel type<br />

d'amnistie est la DLU (déclaration libératoir unique) octroyée par le gouvernement belge en 2004.<br />

En effet, dans une présentation de son projet d'amnistie, le ministre <strong>des</strong> finances Didier Reynders a<br />

mentionné la stimulation de l'économie avec une augmentation attendue de 0,05 pour cent du PIB<br />

belge comme l'objectif principal de l'amnistie 2 .<br />

La présentation <strong>des</strong> objectifs <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> montre bien que ceux-ci sont multiples et qu'ils<br />

diffèrent autant par leur nature que leur horizon temporel. En outre, la capacité <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> à<br />

atteindre leurs objectifs dépend du type d'amnistie adopté. C'est pourquoi il est nécessaire de traiter<br />

la question de savoir quel type d'amnistie permet d'atteindre l'un ou l'autre objectif.<br />

2.3.La forme optimale <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong><br />

Maintenant que les objectifs poursuivis par les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> ont été précisés, il est nécessaire<br />

de se demander quel est le meilleur type d'amnistie à choisir pour atteindre ces objectifs.<br />

Amnistie temporaire VS amnistie permanente - Concernant l'objectif d'augmentation <strong>des</strong><br />

recettes <strong>fiscales</strong>, Das-Gupta et Mookherjee écrivent qu'il existe une large variété d'<strong>amnisties</strong><br />

possibles ayant chacune <strong>des</strong> effets différents sur les recettes <strong>fiscales</strong> et la participation au système<br />

fiscal (Das-Gupta and Mookherje, 1995, p.3). Les critères principaux faisant l'objet de controverses<br />

31<br />

1 Voir http://www1.worldbank.org/publicsector/tax/amnesties.html<br />

2 Voir présentation de Didier Reynders, http://minfin.fgov.be/portail1/fr/dlu/DLU2ppt.pdf


dans la littérature sont ceux de l'anticipation et du caractère unique de l'amnistie, critères qui sont<br />

étroitement liés. Si la littérature n'avance aucun argument en faveur <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> intermittentes,<br />

certains auteurs défendent tantôt le recours aux <strong>amnisties</strong> uniques tantôt aux <strong>amnisties</strong> permanentes.<br />

Nombre d'auteurs estiment qu'une amnistie devrait être mise en place de manière unique. Parle et<br />

Hirlinger en reprenant l'argument de Mikesell estiment que l'une <strong>des</strong> considérations théoriques<br />

principales concernant l'utilisation d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> est la nécessité que le programme d'amnistie<br />

soit considéré comme une chance unique par les contribuables plutôt que comme une opportunité<br />

récurrente (Parle and Hirlinger, 1986, p. 246). Selon Uchitelle le recours à <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong><br />

répétées réduit non seulement l'incitation <strong>des</strong> contribuables à déclarer leurs arriérés d'impôt mais<br />

augmentent aussi dans certains cas la fréquence de l'évasion fiscale (Uchitelle, 1989, p.49).<br />

Andreoni relève d'ailleurs que bon nombre de programmes d'amnistie interdisent explicitement de<br />

répéter <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> dans le court terme (Andreoni, 1990, p.144). D'autres auteurs sont plutôt en<br />

faveur d'<strong>amnisties</strong> permanentes. Franzoni estime que les <strong>amnisties</strong> uniques sont probablement le<br />

type d'amnistie qui fournit le minimum d'avantages aux contribuables et donc d'incitation à y<br />

participer (Franzoni, 1996, p.2). Pour Franzoni, une amnistie unique représente un simple<br />

déplacement dans le temps de la limite officielle pour payer ses impôt. Andreoni argumente que les<br />

<strong>amnisties</strong> permanentes sont à même de faire participer un grand nombre de citoyens dans la mesure<br />

où elle peuvent être utilisées comme un type d'assurance sociale par ces derniers (Andreoni, 1990,<br />

p.144-145).<br />

L'objectif de l'amnistie et l'anticipation - En fait, plus que sur la durée, c'est sur la<br />

caractéristique de l'anticipation que porte la controverse. Das-Gupta et Mookherjee mentionnent que<br />

si une amnistie est anticipée, alors la participation dans le système fiscal se détériorera durant les<br />

années qui précèdent l'amnistie rendant l'efficacité d'une amnistie aléatoire a priori (Das-Gupta and<br />

Mookherje, 1996, p.410). D'un autre côté, Torgler et Schaltegger avance l'argument qu'un large<br />

débat public et une participation <strong>des</strong> contribuables au processus de décision permet d'augmenter la<br />

participation <strong>des</strong> contribuables à l'amnistie et donc son résultat (Torgler and Schaltegger, 2003,<br />

p.3). Par conséquent, cet argument signifie qu'une amnistie anticipée par les contribuables peut toutà-fait<br />

atteindre ses objectifs. Les arguments touchant à l'anticipation s'appliquent également à la<br />

réintégration de capitaux dans l'économie et par conséquent à l'objectif de soutien à la croissance<br />

(Das-Gupta and Mookherje, 1996, pp.409-410).<br />

L'objectif de l'amnistie fiscale et l'incitation procurée - Par rapport a l'objectif<br />

d'augmentation <strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong>, les critères liés à l'incitation impliquent un arbitrage entre<br />

objectifs de court terme et de long terme. D'une part, plus l'amnistie s'avère généreuse en terme<br />

d'incitation (levée <strong>des</strong> pénalités fiancières, diminution <strong>des</strong> intérêts et réduction du taux effectifs<br />

32


d'impôt) plus le nombre de participants à l'amnistie tendra à augmenter. Si l'administration fiscale<br />

s'avère ensuite capable de garder ces contribuables dans le système fiscal, la matière imposable<br />

augmentera à terme et permettra de lever <strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong> plus importantes sur la durée. Mais,<br />

d'autre part, plus l'amnistie est généreuse en terme d'incitation, plus l'Etat doit renoncer à encaisser<br />

<strong>des</strong> recettes directement dans la période de l'amnistie au titre <strong>des</strong> pénalités, intérêts et arriérés<br />

d'impôts. Cela a pour conséquence de réduire la performance de l'amnistie à court terme.<br />

Concernant l'objectif de soutien à la croissance, Das-Gupta et Mookherjee mentionnent évidemment<br />

que le fait de renoncer à auditer la source <strong>des</strong> revenus en accordant une amnistie d'enquête est une<br />

incitation importante à la réintégration de capitaux et d'actifs dans l'économie formelle (Das-Gupta,<br />

and Mookherjee, 1996, p.409). L'ampleur et le type d'incitation accordée dépendra in fine du poids<br />

que les décideurs mettront sur l'un ou l'autre objectif.<br />

L'objectif de l'amnistie, l'éligibilité <strong>des</strong> contribuables et la base fiscale - Ensuite, il est<br />

clair qu'un nombre de catégories de contribuables éligibles aussi large que possible augmentera le<br />

résultat de l'amnistie en terme de recettes <strong>fiscales</strong> récoltées. Alm note que les conditions d'éligibilité<br />

peuvent influencer l'estimation du vrai résultat de l'amnistie. En effet, si l'amnistie autorise les<br />

contribuables déjà détectés au moyen d'audits à participer, alors les recettes obtenues de ces<br />

contribuables ne devraient pas être attribuées à l'amnistie (Alm, October 1998, p.2). Enfin, plus la<br />

base fiscale touchée par l'amnistie sera large, plus les recettes collectées seront susceptibles d'être<br />

élevées. Toutefois, afin d'éviter <strong>des</strong> coûts admnistratifs inutiles, il paraît tout de même important de<br />

sélectionner les types d'impôts faisant réellement l'objet d'évasion fiscale de la part <strong>des</strong><br />

contribuables.<br />

En plus du type d'amnistie choisi, un certains nombre de conditions annexes peuvent également<br />

s'avérer décisives quant au résultat <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong>. C'est pourquoi un traitement <strong>des</strong> principales<br />

conditions est proposé dans la section suivante.<br />

2.4.Les conditions permettant d'atteindre les objectifs<br />

La capacité d'une amnistie à atteindre ses objectifs ne dépend pas de ses seules caractéristiques<br />

typologiques mais elle dépend également d'un certain nombre de conditions annexes souvent mises<br />

en évidence dans la littérature. La BM 1 soutient en effet que, sans d'autres changements simultanés<br />

de leur environnement, les contribuables s'étant soustraits à leurs obligations <strong>fiscales</strong> et ayant connu<br />

le succès dans le passé seront peu incités à participer à une amnistie. Dans la mesure où ces<br />

conditions font aussi l'objet d'une analyse rigoureuse dans nombre d'articles, il est nécessaire de les<br />

passer en revue et de mentionner en quoi elle peuvent influencer l'efficacité d'une amnistie fiscale.<br />

Le renforcement <strong>des</strong> mesures visant à faire respecter la législation fiscale - Tout d'abord<br />

1 Voir http://www1.worldbank.org/publicsector/tax/amnesties.html<br />

33


la majorité <strong>des</strong> auteurs estiment qu'il est nécessaire d'accroître l'efficacité de l'administration fiscale.<br />

Uchitelle note qu'un programme d'amnistie peut être notablement amélioré si les mécanismes visant<br />

à faire respecter la législation fiscale sont renforcés 1 (Uchitelle, 1989, p.49). Il estime ainsi que seul<br />

un accroissement de la probabilité d'être détecté peut inciter les contribuables délinquants à<br />

participer au programme d'amnistie. Alm mentionne également que le résultat d'une amnistie peut<br />

être amélioré si celle-ci s'accompagne d'une palette de services offerts aux contribuables plus<br />

étendue, tâche incombant prioritairement à l'administration fiscale (Alm, October 1998, p.3). A titre<br />

d'exemple de tels services on peut citer actuellement certains projets qui visent à mettre à<br />

disposition du contribuable différents outils liés aux nouvelles technologies (informatique,<br />

internet...) ou visant à faciliter le calcul et le paiement de divers impôts 2 . Enfin Fisher et alii ajoutent<br />

que la confidentialité concernant les contribuables ayant participé à une amnistie permet d'accroître<br />

la probabilité que les contribuables participent à l'amnistie (Fisher et alii, 1989, p.18).<br />

S'il est nécessaire que le "bras" fiscal de l'Etat soit fort, il faut que la "tête" suive. En effet, pour que<br />

l'amélioration de l'efficacité de l'administration fiscale porte ses fruits, il est nécessaire que le<br />

gouvernement se montre efficace et crédible. Uchitelle mentionne que l'évasion fiscale découle<br />

souvent de taux d'impôts élevés et de politiques économiques inadéquates (Uchitelle, 1989, p.50).<br />

Par conséquent, <strong>des</strong> réformes économiques 3 permettant d'augmenter le retour sur investissement <strong>des</strong><br />

divers actifs de l'économie sont susceptibles d'améliorer les résultats de l'amnistie en terme de<br />

rapatriement de capitaux. Plus particulièrement les auteurs insistent sur la nécessiter de coupler un<br />

programme d'amnistie avec une réforme de la législation fiscale afin de décourager les participants à<br />

l'amnistie de recourir à nouveau à l'évasion (Parle and Hirlinger, 1986, p.246). Trois éléments sont<br />

ici particulièrement mis en évidence par les auteurs. D'une part, le résultat d'une amnistie peut être<br />

augmenté, si l'amnistie est suivie par une augmentation <strong>des</strong> sanctions (Alm, October 1998, p.3).<br />

D'autre part, une baisse <strong>des</strong> taux d'impôt peut avoir un impact positif sur l'efficacité d'une amnistie<br />

(Uchitelle, E., 1989, p.50).<br />

Efficacité <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> et crédibilité du gouvernment - Puisqu'il lui revient en<br />

général d'annoncer les mesures traitées précédemment, le gouvernement est plus "visible" et exposé<br />

que l'administration. Par conséquent, pour que les mesures énoncées jusqu'ici permettent réellement<br />

d'augmenter l'efficacité <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong>, il faut que le gouvernement qui les annonce soit crédible aux<br />

yeux <strong>des</strong> citoyens. Uchitelle mentionne, par exemple, que les contribuables ne participeront pas à<br />

l'amnistie s'ils croient que le gouvernement va adopter dans le futur <strong>des</strong> mesures économiques<br />

1 Cette conditon est d'une telle importance que certains auteurs la considère comme un objectif <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>.<br />

Ainsi Machó-Stadler et alii affirment qu'une amnistie peut être un outil efficace pour faciliter la transition vers un<br />

régime fiscal plus dur<br />

2 Par exemple, en suisse, un projet est en train de voir le jour sous le nom d'Easy Swiss Tax et qui vise à simplifier la<br />

procédure de déclaration d'impôt (Fournier, 2006)<br />

3 Voir http://www1.worldbank.org/publicsector/tax/amnesties.html<br />

34


éduisant la valeur <strong>des</strong> revenus nouvellement déclarés (Uchitelle, 1989, p.50). La BM 1 mentionne<br />

également que sans un engagement clair et crédible en faveur d'une réforme administrative, une<br />

amnistie n'enverra (aux contribuables) qu'un signal de faible capacité de l'administration fiscale de<br />

remplir son rôle et n' atteindra pas ainsi son objectif (Uchitelle, 1989, p.50).<br />

L'efficacité <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> et le niveau d'information - En relation avec la<br />

crédibilité du gouvernement, une autre condition pouvant améliorer l'efficacité <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong><br />

<strong>fiscales</strong> est la qualité de l'information fournie aux citoyens. Parle et Hirlinger mentionnent<br />

l'importance <strong>des</strong> relations publiques dans la mise en oeuvre d'un programme d'amnistie (Parle and<br />

Hirlinger, 1986, p.247). Afin de modifier le comportement d'un grand nombre de contribuables, le<br />

message à faire passer doit être considéré avec la plus grande importance. Ils font valoir plus<br />

précisément que la publicité (de l'amnistie) doit, d'une part, amener les citoyens à considérer<br />

l'amnistie comme étant positive et doit, d'autre part, contenir un appel spécifique aux participants<br />

potentiels à l'amnistie.<br />

L'information entourant un programme d'amnistie peut en outre améliorer son résultat si elle permet<br />

de sensibiliser les contribuables à leurs responsabilités et ainsi les inciter à régler leur dû (Alm,<br />

October 1998, p.3). Par exemple, la participation à l'amnistie fiscale pourrait être améliorée si les<br />

contribuables prennent conscience qu'ils profitent directement de la production de biens et services<br />

collectifs par l'Etat et qu'il est par conséquent important qu'ils participent à leur financement. Une<br />

telle prise de conscience pourrait d'ailleurs être facilité si l'opportunité est donnée aux contribuables<br />

de participer au processus de décision (Torgler et Schaltegger, 2003, p.8). Egalement en lien avec<br />

l'information entourant une amnistie fiscale, la confidentialité au niveau <strong>des</strong> informations récoltées<br />

au sujet <strong>des</strong> contribuables peut permettre d'augmenter le succès d'une amnistie (Fisher et alii, 1989,<br />

p.18).<br />

Il est nécessaire de garder à l'esprit que la mise en place de telles conditions peuvent, soit nécessiter<br />

l'emploi de ressources considérables, qui ne seront pas forcément engagées par un gouvernement<br />

désirant améliorer la situation budgétaire de l'Etat, soit requérir une majorité politique pouvant être<br />

difficile à réunir. C'est pourquoi il est également nécessaire de s'interroger sur la capacité <strong>des</strong><br />

<strong>amnisties</strong> à remplir leurs objectifs indépendamment d'éventuels changements annexes. Ainsi la<br />

prochaine section va démontrer à quel point les différents arguments théoriques ne permettent pas, a<br />

priori, de déboucher sur un consensus.<br />

35<br />

1 Voir http://www1.worldbank.org/publicsector/tax/amnesties.html


36<br />

3.Essais de justification : les arguments pour et contre les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong><br />

La capacité <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> à atteindre leurs objectifs ou les raisons pour lesquelles les<br />

gouvernements y ont recours sont un objet de controverse dans la littérature. La présentation <strong>des</strong><br />

arguments en faveur ou en défaveur <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> est, par conséquent, un exercice<br />

particulièrement difficile tant cette controverse est grande. Un classement <strong>des</strong> arguments en deux<br />

catégories, pour et contre, n'apparaît que peu adéquat dans la mesure où parfois un même argument<br />

est tantôt avancé pour défendre l'idée d'une amnistie fiscale tantôt pour la combattre. En outre, un<br />

classement <strong>des</strong> arguments selon les critères traditionnels <strong>des</strong> finances publiques n'apparaît pas non<br />

plus approprié dans la mesure où certains argument peuvent également être reliés à plusieurs<br />

critères. Dans ces circonstances et d'après les catégories qui apparaissent dans la littérature, les<br />

quatres types d'arguments suivants seront abordés : les coûts administratifs , la fonction d'assurance,<br />

l'effet de signal et la flexibilité <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>.<br />

3.1. Les coûts administratifs <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong><br />

Un <strong>des</strong> plus importants arguments permettant d'expliquer pourquoi un gouvernement aurait<br />

tendance à privilégier le recours aux <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> est le faible coût administratif qu'elles<br />

engendrent. Toutefois les différentes perspectives offertes par la littérature montre que cet argument<br />

ne parle pas de manière univoque en faveur <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>. Parle et Hirlinger souligne que le<br />

recours aux <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> semble largement attribuable au faible coût de tels programmes<br />

comparés aux métho<strong>des</strong> traditonnelles d'identification <strong>des</strong> délinquants et de collecte d'arriérés<br />

d'impôts (Parle and Hirlinger, 1986, p. 24). En effet, Stella mentionne que l'instrument traditionnel<br />

de l'audit fiscal est particulièrement coûteux de même que les pénalités sous forme<br />

d'emprisonnement (Stella, P., 1991, p.386). Par contre, les pénalités d'ordre financières représentent<br />

un moyen d'exécution fort peu coûteux, c'est-à-dire qui peut théoriquement être augmenté à l'envi et<br />

à faible coût. Toutefois, Stella fait remarquer que cet instrument est en réalité limité par le principe<br />

de proportionnalité inhérent à la majorité <strong>des</strong> systèmes légaux. Par conséquent, <strong>des</strong> pénalités trop<br />

élevées ne seraient simplement pas appliquées, ce qui contribuerait à diminuer la crédibilité du<br />

gouvernement et ainsi sa capacité à faire respecter la législation fiscale.<br />

Das Gupta et Mookherjee ajoutent que l'incapacité d'un gouvernement à engager une politique<br />

visant à faire appliquer et respecter la législation fiscale sur le long terme peut constituer une<br />

incitation à recourir aux <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dans le but de réduire les coûts liés au contrôle fiscal<br />

(Das-Gupta et Mookerjhe, 1996, p. 422). Si une amnistie fiscale est édictée, alors, si l'évasion<br />

fiscale a été significativement réduite, le fait de mener <strong>des</strong> audits fiscaux ex post ne permettra plus<br />

de lever d'importantes recettes <strong>fiscales</strong> et engendrera <strong>des</strong> pertes financières pour le gouvernement.


Une amnistie fiscale peut donc permettre au gouvernement de s'épargner <strong>des</strong> audits coûteux et<br />

improductifs. Dans le même ordre d'idée, l'édiction d'une amnistie rend les enquêtes sur les<br />

contribuables détectés par les audits improductifs dans la mesure où il est moins coûteux d'inciter le<br />

contribuable détecté à déclarer lui-même son dû dans le cadre de l'amnistie plutôt que de mobiliser<br />

<strong>des</strong> ressources de l'administration afin de pousuivre l'enquête jusqu'à son terme.<br />

De plus, une amnistie permet d'ajouter <strong>des</strong> contribuables aux rôles fiscaux et surtout de collecter <strong>des</strong><br />

informations concernant les contribuables délinquants, informations qu'il aurait été coûteux de<br />

récolter par le biais d'audits (Alm, October 1998, p.4). Une amnistie permet donc d'augmenter la<br />

probabilité de détecter les contribuables délinquants dans le futur et d'améliorer par conséquent la<br />

participation au système fiscal à un coût plus faible qu'au moyen d'audits (Fisher et alii, 1989, p.17).<br />

Toutefois Alm tempère en mentionnant que la capacité d'une amnistie à atteindre son objectif peut<br />

être surestimée si les coûts administratifs ne sont pas pris en compte avec précision (Alm, October<br />

1998, pp. 3-4). La BM 1 mentionne, dans cet ordre d'idée, qu'il peut apparaître un "effet de surchage"<br />

dans l'administration. Dans le cas d'un succès d'une amnistie, la gestion de l'information et <strong>des</strong><br />

nouveaux contribuables enregistrés peut entrainer une charge de travail ex post pour l'administration<br />

nécessitant l'engagement de nouvelles ressources et augmentant ainsi le coût administratif de<br />

l'amnistie.<br />

Le rapport du JCT mentionne encore à ce titre que le gouvernement doit prendre en compte les<br />

coûts d'annonce de l'amnistie, la production de formulaires fiscaux supplémentaires ainsi que les<br />

ressources humaines nécessaires à l'exécution du programme d'amnistie (JCT, 1998, p.14). Il doit<br />

également considérer l'impact négatif engendré par le fait de détourner ces ressources d'autres<br />

moyens de lutte contre l'évasion fiscale. Enfin, ne perdons pas de vue que, pour maximiser l'impact<br />

d'une amnistie, il peut-être nécessaire de mettre en place l'une ou l'autre <strong>des</strong> conditions citées<br />

précédemment ce qui constitue <strong>des</strong> coûts indirects supplémentaires liés à l'amnistie.<br />

3.2.La fonction d'assurance <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong><br />

L'amnistie fiscale comme une assurance contre le risque d'être contrôlé - L'argument<br />

suivant concernant les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> met l'accent sur le fait que la décision du contribuable de<br />

dissimuler son revenu est prise dans un environnement risqué. Par conséquent l'amnistie peut<br />

fonctionner comme une forme d'assurance permettant une réduction du niveau de risque. Das Gupta<br />

et Mookherjee soulignent qu'une amnistie fiscale peut avoir valeur d'assurance pour les citoyens<br />

averses au risque en leur permettant de lisser leur niveau de consommation dans le temps (Das-<br />

Gupta et Mookerjhee, 1996, p. 423). Lorsqu'ils prennent leur décision de déclarer ou dissimuler une<br />

part de revenu, les contribuables prennent cette décision dans un contexte risqué, c'est-à-dire qu'ils<br />

1 Voir http://www1.worldbank.org/publicsector/tax/amnesties.html<br />

37


font face à une certaine probabilité d'être contrôlés et sanctionnés. Ainsi, si un contribuable averse<br />

au risque prend la décision de soustraire ses revenus pour un niveau de risque donné et qu'ensuite le<br />

niveau de risque auquel il fait face s'accentue, pour une raison ou pour une autre, il désirera réviser<br />

sa décision initiale. La participation à l'amnistie fiscale permet au contribuable de réviser sa<br />

décision initiale. Une amnistie consitue de ce point de vue un moyen pour le contribuable de<br />

s'assurer contre une part du risque auquel il fait face. En effet, par définition une amnistie permet<br />

d'éviter au contribuable un éventuel contrôle. Cette capacité à réduire le niveau de risque pesant sur<br />

le contribuable donne à l'amnistie sa fonction d'assurance.<br />

L'amnistie comme une forme d'assurance sociale - Andreoni estime par ailleurs qu'une<br />

amnistie permet d'améliorer non seulement l'efficacité mais aussi l'équité du système fiscal<br />

(Andreoni, 1990, pp.144-145). D'une part l'amnistie reste neutre du point de vue du budget puisque<br />

les impôts soustraits au fisc en anticipation de l'amnistie sont ensuite restitués dans le cadre de<br />

l'amnistie. On retrouve ici l'argument de l'assurance. D'autre part une amnistie peut même avoir un<br />

caractère d'assurance sociale (partielle). Cet argument découle du précédent. En effet l'amnistie sera<br />

perçue comme une forme d'assurance par le contribuable notamment car l'environnement risqué<br />

dans lequel il prend sa décion est susceptible de subir <strong>des</strong> changements. Andreoni (1991) parle par<br />

exemple de chocs éxogènes sur le niveau de consommation. Malik et Schwab (1991) parlent, eux,<br />

d'un effet d'apprentissage du contribuable par rapport à sa fonction d'utilité. Face aux modifications<br />

que les contribuables subissent, l'amnistie fiscale sera utilisée par les citoyens qui subissent les plus<br />

importantes modifications, autrement dit qui ont le plus de malchance. Andreoni parle <strong>des</strong><br />

contribuables souffrant <strong>des</strong> plus gros chocs au niveau de leur revenu (Andreoni, 1990, p.157). Par<br />

conséquent, l'amnistie est "sociale" en ce sens que ce sont les citoyens "les plus défavorisés" en<br />

terme de modification de leur environnement qui en profiteront.<br />

3.3.Les effets de signal <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> et la création d'anticipations<br />

Le troisième groupe d'arguments présents dans la littérature sur les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> concerne le<br />

signal, l'information qu'une amnistie envoie aux contribuables ainsi que les anticipations que les<br />

contribuables forment sur la base de ce signal. Si la plupart de ces arguments paraissent parler<br />

clairement en défaveur <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>, une revue exhaustive fait tout de même apparaître une<br />

situation plus nuancée.<br />

L'argument qui revient certainement le plus souvent dans la littérature est que l'édiction d'une<br />

amnistie est perçue et ressentie comme une mesure inéquitable par les contribuables ayant toujours<br />

payé la totalité de leur dû à l'Etat. Torgler et Schaltegger expriment cet argument ainsi : "Si la<br />

plupart <strong>des</strong> contribuables respectent volontairement la législation fiscale, alors l'option d'une<br />

amnistie accordée à un petit groupe de contribuables délinquants peut être comprise comme une<br />

38


violation de l'équité (horizontale) par une majorité <strong>des</strong> contribuables" (Torgler and Schaltegger,<br />

2003, p.2). Alm ajoute que, si le signal émis par une amnistie est effectivement perçu comme une<br />

violation de l'équité par les contribuables honnêtes, alors le recours à une amnistie fiscale risque de<br />

ne pas atteindre son but ou même d'engendrer un accroissement de l'évasion fiscale (Alm, October<br />

1998, p.4). Alm mentionne en effet que, en réponse à ce sentiment d'inéquité, les contribuables<br />

honnêtes seront incités à réduire leur participation volontaire au système fiscal, engendrant <strong>des</strong><br />

pertes de recettes <strong>fiscales</strong> ex post.<br />

A cela certains auteurs rétorquent que le fait de ramener <strong>des</strong> contribuables délinquants dans le<br />

système fiscal permet une répartition ex post de la charge fiscale plus équitable (Parle and<br />

Hirlinger, 1986, p.247). Parle et Hirlinger ajoutent que les participants à une amnistie doivent, en<br />

plus <strong>des</strong> arriérés d'impôts, payer <strong>des</strong> intérêts sur ces arriérés et ne profitent donc pas financièrement<br />

de l'amnisite. Cet argument apparaît nettement plus délicat dans la mesure où il est fortement<br />

dépendant de la forme de l'amnistie elle-même, qui, comme il a été mentionné dans la typologie,<br />

peut passer l'éponge autant sur les intérêts que sur les arriérés d'impôts. Par contre, certains auteurs 1<br />

ajoutent que l'élargissement de la base fiscale dû à une amnistie permet, soit de financer une<br />

quantité additionnelle de services publics sans devoir augmenter les taux d'impôt, soit de diminuer<br />

les taux d'impôt, ce qui, dans un cas comme dans l'autre, bénéficie également aux contribuables<br />

honnêtes.<br />

L'annonce d'une amnistie fiscale et la perception du fait de soustraire <strong>des</strong> revenus -<br />

D'autres effets de signal <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> sont mis en lumière dans la littérature. Une amnistie diminue,<br />

par exemple, le sentiment de culpabilité autant <strong>des</strong> contribuables honnêtes que <strong>des</strong> délinquants visà-vis<br />

du fait de soustraire <strong>des</strong> revenus (Alm, October 1998, p.4). Par conséquent, en présentant<br />

l'évasion fiscale comme un fait pardonnable, l'amnistie peut entraîner une réduction de la<br />

participation au système fiscal (Uchitelle, E., 1989, p.49). En rendant la tricherie moins<br />

significative, les contribuables honnêtes sont incités à commencer à soustraire leurs revenus et les<br />

tricheurs à continuer à tricher. Ensuite la simple annonce d'une amnistie donne aux contribuables<br />

<strong>des</strong> informations, d'une part, sur l'ampleur de l'évasion fiscale mais, surtout, sur la facilité avec<br />

laquelle il est possible d'échapper au fisc sans être détecté (Alm, October 1998, p.4). Une amnistie<br />

envoie en effet un signal aux contribuables selon lequel l'administration n'est pas capable de détecter<br />

les tricheurs au moyen d'audits ou qu'elle souffre d'un manque de ressource pour le faire 2 .<br />

L'annonce d'une amnistie et l'anticipation - Un argument supplémentaire est le fait que,<br />

en édictant une amnistie, le gouvernement donne aux contribuables le signal qu'il va en édicter<br />

d'autres dans le futur. Le rapport du JCT mentionne que, une fois une amnistie accordée, les<br />

1 Voir Uchitelle, E., 1989, p.49 ou http://www.house.gov/jct/pubs98.html , "Tax amnesty", 30 January, p.14<br />

2 Voir http://www1.worldbank.org/publicsector/tax/amnesties.html<br />

39


contribuables peuvent percevoir que la probabilité d'<strong>amnisties</strong> futures a augmenté et peuvent ainsi<br />

être incités à différer le paiement de leurs impôts en attendant une amnistie future empêchant<br />

l'amnistie courante d'atteindre son objectif. Cet argument est toutefois fortement dépendant de la<br />

crédibilité dont jouit le gouvernement (JCT, 1998, p.11).<br />

L'annonce d'une amnistie et la perception de la probabilité d'un contrôle - Une amnistie<br />

peut encore signaler aux contribuables une augmentation de la probabilité d'être contrôlés par<br />

l'administration fiscale s'ils y participent. Das Gupta et Mookherjee mentionnent que les<br />

contribuables étant restés jusqu'alors totalement en dehors du système fiscal seront réticents à<br />

participer à l'amnistie de peur de se faire connaître de l'administration fiscale (Das-Gupta et<br />

Mookerjhee, 1996, p.422). Fisher, Goodeeris et Young estiment également que, si un délinquant est<br />

contribuable de plusieurs juridictions et que l'amnistie, édictée par une seule juridiction, ne couvre<br />

qu'une partie <strong>des</strong> montants soustraits par le contribuable, le contribuable délinquant peut anticiper<br />

une transmission de l'information aux autres juridictions et par conséquent une hausse de la<br />

probabilité de faire l'objet d'un contrôle par les administrations <strong>fiscales</strong> de ces juridictions et sera<br />

donc réticent à participer à l'amnistie (Fisher et alii, 1989, p.17). Il est là également clair que cet<br />

argument dépend de la condition de confidentialité dans le cadre du programme d'amnistie.<br />

Le succès d'une amnistie et la perception <strong>des</strong> problèmes économiques - Le dernier effet<br />

de signal est davantage un effet de désinformation ex post de l'amnistie vis-à-vis du gouvernement.<br />

Uchitelle mentionne en effet que le succès d'un programme d'amnistie peut rendre le gouvernement<br />

aveugle aux problèmes structurels de l'économie qui sont souvent la cause de l'évasion fiscale<br />

(Uchitelle, 1989, p.49). Il sera ainsi peu enclin à réexaminer <strong>des</strong> mo<strong>des</strong> de régulation pesant sur<br />

l'économie ou <strong>des</strong> politiques économiques peu efficaces.<br />

Pour conclure, mentionnons encore que l'effet de signal d'une amnistie fiscale dépend fortement<br />

d'une part du type d'amnistie choisi et d'autre part de la campagne d'information entourant la mise en<br />

place du programme d'amnistie. A l'argument central avancé dans cette section et qui dit que les<br />

<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> sont perçues comme inéquitables par les contribuables honnêtes et sont de ce fait<br />

incapables de poursuivre leurs objectifs puisqu'elles détériorent la participation au système fiscal,<br />

certains auteurs rétorquent que les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> permettent au contraire de prendre en compte<br />

les différences entre contribuables, constituant ainsi un instrument de politique fiscale<br />

particulièrement flexible.<br />

3.4.Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> comme instruments de flexibilité fiscale<br />

Un argument avancé en faveur <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> est qu'elles permettent d'introduire une certaine<br />

flexibilité dans le système fiscal. En effet, une application stricte <strong>des</strong> règles en matière de politique<br />

fiscale ne permet pas de prendre en compte certains éléments particuliers du système fiscal et<br />

40


empêcher une maximisation <strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong>. Notamment la flexibilité offerte par une amnistie<br />

permet de prendre en compte certaines différences ou changement de comportement <strong>des</strong><br />

contribuables ou encore de faciliter une réforme du système fiscal<br />

La prise en compte de l'hétérogénéité <strong>des</strong> contribuables - Le respect de certaines<br />

caractéristiques présentes dans tous les systèmes fiscaux peut constituer une contrainte ne<br />

permettant pas de mettre en place un politique fiscale optimale 1 . Les principes d'équité verticale et<br />

horizontale, particulièrement, impliquent un traitement identique <strong>des</strong> indivdus ayant une situation<br />

économique identique et ne tiennent pas compte de certaines différences <strong>des</strong> contribuables dans leur<br />

comportement économique. Notamment la différence d'aversion au risque est précisément une <strong>des</strong><br />

raisons pouvant expliquer, toutes choses égales par ailleurs, pourquoi certains contribuables<br />

déclarent la totalité de leur revenu et d'autres non. Ainsi Marchese et Privileggi mentionnent qu'en<br />

accordant une amnistie diminuant le taux effectif d'imposition le système fiscal peut être modifié de<br />

manière à exploiter les différences d'attitude <strong>des</strong> contribuables envers le risque (Marchese and<br />

Privileggi, 2001, p.2). Une amnistie fiscale permet par conséquent au gouvernement de différencier<br />

les taux d'impôts selon les différents comportements <strong>des</strong> contribuables. Marchese et Cassone<br />

estiment même que le gouvernement peut maximiser ses recettes <strong>fiscales</strong> nettes. Evidemment cet<br />

argument ne concernent que le type d'amnistie qui octroie une réduction du taux effectif<br />

d'imposition (Marchese and Cassone, 1998, p.1).<br />

La mise en place d'une réforme fiscale et l'octroi d'une amnistie - Par ailleurs, si le<br />

niveau <strong>des</strong> pénalités ou la probabilité d'être détecté avaient été plus élevés ou alors les taux d'impôt<br />

plus bas, une partie <strong>des</strong> contribuables n'auraient pas dissimulé tout ou partie de leurs revenus (Das-<br />

Gupta and Mookherjee, 1995, p.4). Ainsi un argument en faveur <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> est qu'elles<br />

permettent de prendre en compte ce fait. En effet, lorsque le gouvernement réforme le système fiscal<br />

en diminuant les taux d'impôt ou en augmentant la probabilité de détection et les pénalités, un<br />

certain nombre de contribuables délinquants désireraient augmenter leur participation au système<br />

fiscal mais ne le font pas par peur <strong>des</strong> pénalités. C'est pourquoi, Leonard et Zeckhauser estiment que<br />

l'octroi d'une amnistie permet d'éviter l'inéquité qui résulterait d'un changement soudain de la<br />

législation fiscale et de sa stricte application envers <strong>des</strong> contribuables ayant basé leur décision de<br />

soustraire <strong>des</strong> revenus sur la législation en vigueur précédemment (Leonard and Zeckhauser, 1987,<br />

p. 66). Cet argument est évidemment dépendant de la condition d'un changement dans le système<br />

fiscal.<br />

La prise en compte de l'évasion fiscale involontaire - Sous un autre angle, la flexibilité<br />

<strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> permet d'adapter le système fiscale à d'autres différences entre contribuables ou<br />

41<br />

1 Une politique fiscale optimale s'entend ici comme une politique permettant de maximiser les recettes <strong>fiscales</strong> nettes


modifications de leur comportement. Pour Leonard et Zeckhauser, il ne fait aucun doute qu'une<br />

bonne partie <strong>des</strong> contribuables délinquants sont devenus délinquants par erreur et désireraient, par<br />

conséquent, redevenir honnêtes (Leonard and Zeckhauser, 1987, p. 64). Par exemple, dans les pays<br />

où la déclaration d'impôt est remplie directement par le contribuable, <strong>des</strong> règles complexes en<br />

matière de définition du revenu imposable peuvent conduire un contribuable honnête à commettre<br />

<strong>des</strong> erreurs involontaires au moment de remplir sa déclaration d'impôt. S'il s'en rend compte ex post,<br />

le contribuable désirera déclarer une part additionnelle de son revenu. Malheureusement, dans le<br />

cadre de la législation fiscale en vigueur, il n'osent pas faire le pas par peur <strong>des</strong> sanctions. Les<br />

<strong>amnisties</strong> prennent donc en compte le fait que <strong>des</strong> contribuables soient devenus délinquants par<br />

erreur en leur permettant de redevenir honnêtes sans être pénalisés. Si cet argument paraît pertinent,<br />

il est toutefois clair qu'une distinction entre contribuables qui sont devenus délinquants par erreur et<br />

les autres, dans le cadre d'une amnistie, est impossible.<br />

La méconnaissance du contribuable de ses propres préférences - Dans le même ordre<br />

d'idée, Malik et Schwab avance l'argument selon lequel les contribuables délinquants peuvent se<br />

tromper sur le niveau de désutilité du fait de soustraire leur revenu au fisc (Malik et Schwab, 1991,<br />

p.31). Au moment de prendre sa décision de soustraire une part de ses revenus, le contribuable peut<br />

ne pas connaître exactement l'utilité ou la désutilité de chaque unité de revenu qu'il ne déclarera pas.<br />

Dans la mesure où la désutilité liée à l'évasion fiscale s'avère ex post plus importante qu'initialement<br />

estimée, le contribuable désirera déclarer à l'administration fiscale une somme additionnelle de<br />

revenu. Toutefois il ne le fera que s'il peut échapper aux pénalités. La flexibilité qu'offre une<br />

amnistie permet de prendre en compte l'erreur de décision du contribuable en l'autorisant à<br />

augmenter sa participation au système fiscal sans subir les pénalités prévues.<br />

42<br />

La liste <strong>des</strong> arguments théoriques avancés par les divers auteurs montre à quel point l'octroi<br />

d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> est un sujet controversé. Pour tenter de faire avancer le débat théorique, la<br />

démarche <strong>des</strong> économistes a été de modéliser formellement les différents types d'<strong>amnisties</strong> pour<br />

essayer d'en dériver <strong>des</strong> résultats théoriques moins ambigus et ensuite de les tester au moyens de<br />

données empiriques. Avant d'aborder cette dimension de l'analyse <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> qui fera<br />

l'objet <strong>des</strong> parties III et IV il convient de passer en revue les différentes <strong>amnisties</strong> octroyées à travers<br />

le monde. Cette étape apparaît instructive est nécessaire pour trois raisons. Premièrement, un tel<br />

aperçu permettra de concrétiser et d'illustrer les concepts théoriques et abstraits développés dans<br />

cette première partie. Deuxièmement, dans la mesure où les avancées de la théorie économique <strong>des</strong><br />

<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> se sont faites principalement lorsque les différents auteurs y ont été confrontés, un<br />

large aperçu <strong>des</strong> expériences <strong>des</strong> différents pays paraît pertinent. Troisièmement, les étu<strong>des</strong>


empiriques et économétriques présentés dans la quatrième partie reposent, pour la plupart sur <strong>des</strong><br />

données issues d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> octroyées dans la réalité. De ce point de vue il apparaît<br />

intéressant de passer en revue l'expérience <strong>des</strong> différents pays en matière d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>.<br />

43


44<br />

II.La diversité <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dans le monde<br />

La première partie de ce travail, après une tentative de définition générale <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>, a<br />

tenter d'établir une typologie <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> afin d'en saisir la grande diversité. La typologie<br />

suggère ainsi qu'il existe une grande variété d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> qui se différencient autant par leurs<br />

caractéristiques propres, que par les objectifs qu'elles cherchent à atteindre ou encore par le contexte<br />

dans lequel elles prennent place. Ainsi, l'objectif de cette partie est d'illustrer l'énorme diversité <strong>des</strong><br />

<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> octroyées à travers le monde. Dans la mesure où les <strong>amnisties</strong> octroyées par <strong>des</strong><br />

Etats sont relativement identiques dans leur type et leurs objectif lorsque les pays en question sont<br />

proches géographiquement et lorsqu'ils édictent <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> dans une même période, les<br />

différentes <strong>amnisties</strong> seront regroupées à la fois spatialement et chronologiquement. La présente<br />

partie traitera ainsi <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> en Europe, de l'expérience <strong>des</strong> Etats-unis ainsi que <strong>des</strong><br />

<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> observées dans certains pays dits en transition.<br />

4.Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> en Europe<br />

Depuis de nombreuses années déjà les pays du continent européen sont dotés de système fiscaux<br />

modernes basé sur le principe du respect volontaire de la loi fiscale. Comme tout système reposant<br />

sur ce principe, les Etats européens ont dû faire face à l'évasion fiscale pratiquée par leurs<br />

contribuables, réduisant d'autant les ressources à disposition <strong>des</strong> Etats. Certains Etats européens ont<br />

ainsi largement eu recours aux <strong>amnisties</strong> et ce avec <strong>des</strong> fortunes diverses.<br />

4.1.Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dans les pays de l'Union européenne depuis 1970<br />

Depuis le début <strong>des</strong> années 70, un nombre relativement important d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> a été édicté<br />

par les Etats membres de l'Union Européenne (ci-après UE). Le tableau 4.1. offre un aperçu<br />

synthétique <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> édictées par les Etat membres de l'UE depuis 1970, les chiffres<br />

mentionnent le nombre d'<strong>amnisties</strong> édictées par un pays donné pour une année donnée. Les étoiles<br />

(*) dénotent les projets d'amnistie qui ne se sont pas réalisés. En observant ce tableau, trois éléments<br />

peuvent être mis en évidence. Premièrement, il apparaît que certaines pério<strong>des</strong> ont connu un nombre<br />

plus important d'<strong>amnisties</strong> que d'autres. Deuxièmement, le recours aux <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> semble<br />

être privilégié par certains pays et évité par d'autres. Troisièmement, aucune amnistie n'a été édictée<br />

à l'échelon européen. Fort de ces trois constats, la présente section sera structurée de la manière<br />

suivante. Dans un premier temps, les trois principale pério<strong>des</strong> depuis 1980 ayant connu un nombre<br />

importants d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> seront passées en revue. Pour chacune de ces pério<strong>des</strong> une analyse<br />

<strong>des</strong> objectifs poursuivis par les <strong>amnisties</strong>, <strong>des</strong> types d'<strong>amnisties</strong> privilégiés ainsi que <strong>des</strong> résultats<br />

<strong>des</strong> dites <strong>amnisties</strong> sera effectuée afin de comprendre pourquoi les pays en question ont eu recours à<br />

ces <strong>amnisties</strong>. Ensuite, les caractéristiques de la politique fiscale au sein de l'UE seront passées en


evue, ce qui permettra de donner un éclairage sur les raisons pour lesquelles aucune amnistie<br />

fiscale n'a été édictée au niveau européen<br />

45<br />

Tableau 4.1. – Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dans les pays de l'Union européenne depuis 1970<br />

DE AT BE CY DN ES EE FI FR GR HU IE IT LV LT MT LU NL PL PT CZ GB SK SI SE UE Tot<br />

70 0<br />

71 0<br />

72 1 1<br />

73 0<br />

74 0<br />

75 0<br />

76 0<br />

77 1 1<br />

78 0<br />

79 0<br />

80 0<br />

81 1 1<br />

82 1 1 1 1 1 5<br />

83 0<br />

84 1 1 1 3<br />

85 0<br />

86 1 1 2<br />

87 0<br />

88 1 1 1 3<br />

89 0<br />

90 0<br />

91 1 1 2<br />

92 0<br />

93 1 1 2<br />

94 1 1<br />

95 0<br />

96 0<br />

97 0<br />

98 1 1<br />

99 0<br />

0 0<br />

1 1 1<br />

2 1 1 1 3<br />

3 2 2<br />

4 1 * 1 1 * 1 * 3<br />

Tot 2 2 2 1 0 2 0 2 2 1 0 3 9 0 0 0 0 0 1 5 0 0 0 0 0 0 32<br />

Sources : élaboration personnelle 1<br />

4.1.1.Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dans les pays de l'Union européenne entre 1981 et 1988<br />

A partir du début <strong>des</strong> années huitante, l'Europe a connu une première vague d'<strong>amnisties</strong>. En effet,<br />

entre 1981 et 1988, pas moins de 11 lois d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> ont été édictées par 7 Etats européens<br />

différents. Ces <strong>amnisties</strong> peuvent être différenciées autant par les objectifs qu'elles se proposent<br />

d'atteindre que par leur type et leur résultat. Le tableau 4.2. donne un aperçu synthétique de ces<br />

<strong>amnisties</strong>. Un traitement exhaustif de toutes ces lois d'<strong>amnisties</strong> dépasse de loin le cadre de ce<br />

travail. C'est pourquoi seules les <strong>amnisties</strong> apportant les plus grands enseignements seront abordées.<br />

1 Élaboré à partir de l'ensemble de la litérature citée dans la section 4.1


Dans cette perspective, les cas de la Belgique, de la France et de l'Irlande sont particulièrement<br />

instructifs. En effet, l'amnistie Belge de 1984 constitue un échec total alors que l'amnistie Irlandaise<br />

de 1988 est, elle, souvent présentée comme l'exemple par excellence d'une amnistie réussie. Le cas<br />

français quant à lui constitue un bon exemple d'un programme d'amnistie au succès mitigé.<br />

46<br />

Tableau 4.2. – Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dans les pays de l'Union européenne entre 1981 et 1988<br />

Année Pays Objectif Type d'amnistie Résultats Conditions<br />

1981 Portugal<br />

1982 Autriche<br />

France<br />

Italie<br />

Portugal<br />

Accroître la croissance<br />

par un rapatriement de<br />

capitaux<br />

augmenter les recettes<br />

de l'Etat<br />

1984 Belgique Accroître la croissance<br />

par un rapatriement de<br />

capitaux<br />

Financement de l'Etat<br />

-<br />

-<br />

-<br />

-<br />

Intermittente<br />

impôt sur le revenu uniquement<br />

Unique<br />

tous les types d'impôts<br />

arriérés avant 1979<br />

Unique<br />

amnistie générale<br />

réduction du taux d'impôt sur la<br />

fortune (25%)<br />

Unique<br />

tous les types d'impôts<br />

intermittente<br />

Unique<br />

exemption de l'impôt sur le capital<br />

amnistie d'investigation<br />

Environ 40% du montant<br />

prévu<br />

faible<br />

19 mios de $ de recettes<br />

<strong>fiscales</strong> et 2786 participants<br />

pour l'amnistie générale<br />

22 mios de $ et 276<br />

participants par le biais <strong>des</strong><br />

rapatriements<br />

100 mios de $<br />

15% <strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong><br />

Environ 40% du montant<br />

prévu<br />

Échec : annullation de la loi<br />

problèmes politiques<br />

instabilité fiscale<br />

Finlande - "Surplus Interest Affairs" - -<br />

1986 France Accroître la croissance<br />

par un rapatriement de<br />

capitaux<br />

augmenter les recettes<br />

de l'Etat<br />

Portugal<br />

1988 Irlande 50 mios de recettes<br />

<strong>fiscales</strong><br />

supplémentaires<br />

Portugal<br />

Sources : élaboration personnelle 1<br />

-<br />

-<br />

Unique<br />

réduction du taux d'impôt sur la<br />

fortune (10%)<br />

intermittente<br />

Amnistie unique d'une durée de 10<br />

mois<br />

paiement <strong>des</strong> arriérés d'impôts sans<br />

intérêts ni pénalités<br />

impôt sur le revenu<br />

amnistie d'investigation<br />

intermittente<br />

Rapatriement d'environ 16<br />

mrds de FF<br />

1,6 mrd de recettes <strong>fiscales</strong><br />

Environ 40% du montant<br />

prévu<br />

750 mios de recettes<br />

réduction du service de la<br />

dette de 10 à 3,4 % du PIB<br />

élargissement de la base<br />

fiscale à long terme<br />

Environ 40% du montant<br />

prévu<br />

Abolition de l'impôt sur<br />

les gran<strong>des</strong> fortunes<br />

-<br />

-<br />

-<br />

-<br />

-<br />

-<br />

Renforcement ex post<br />

<strong>des</strong> systèmes de contrôle<br />

augmentation ex post <strong>des</strong><br />

peines<br />

réforme fiscale<br />

L'échec de l'amnistie fiscale belge de 1984 - En 1984, le gouvernement belge a édicté<br />

une loi d'amnistie fiscale dont l'objectif était de relancer la croissance et l'emploi. Pour cela le<br />

gouvernement désirait attirer les capitaux détenus à l'étranger ainsi que ramener dans l'économie<br />

officielle les capitaux du marché noir (Uchitelle, 1989, p.51). Pour atteindre cet objectif, le<br />

gouvernement belge avait élaboré une loi prévoyant que tout type de capital financier serait exempté<br />

d'impôt pour autant que celui-ci soit investi avant la fin de l'année dans <strong>des</strong> activités créatrices<br />

d'emploi. Cette loi prévoyait en plus qu'aucune information concernant l'origine <strong>des</strong> fonds en<br />

-<br />

1 Élaboré à partir de Torgler et Schaltegger, 2004 ; Mabille 2004 ; Torgler et Schaltegger 2003 ; Cassone et Marchese<br />

95 ; Alm 98 ; Uchitelle 89


question ne serait exigée de la part du contribuable. En outre, 9 pour cent du montant déclaré devait<br />

être investi dans <strong>des</strong> bonds du trésor à 5 ans et portant intérêt (Uchitelle, 1989, p.52). Cet élément<br />

implique donc que l'Etat poursuivait également un objectif de financement de ses activités.<br />

Toutefois aucun <strong>des</strong> objectifs poursuivis n'a été atteint car, en 1985, la loi a été purement et<br />

simplement annulée. Pour expliquer cet échec, Colmant avance le fait que l'absence de stabilité du<br />

système fiscal a fortement pénalisé cette tentative belge d'amnistie fiscale (Colmant, 2002).<br />

Uchitelle avance quant à lui que le gouvernement de centre droit d'alors a dû se résigner à annuler la<br />

loi car il était confronté à de nombreux problèmes politiques (Uchitelle, 1989, p.52). Il semble donc<br />

que <strong>des</strong> éléments relatifs aux conditions dans lesquelles cette amnistie a été édictée expliquent son<br />

échec. Uchitelle note encore que cette amnistie ne prévoyait aucune mesure de contrôle fiscal<br />

supplémentaires ex post, ce qui aurait aussi pu expliquer son échec (Uchitelle, 1989, p.52, tableau<br />

no 2).<br />

Le succès mitigé <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> françaises de 1982 et 1986 - En France, en<br />

1982, le gouvernement socialiste de Pierre Mauroy a adopté une loi d'amnistie fiscale. Selon<br />

Uchitelle son objectif était d'encourager les citoyens français à rapatrier du capital détenu<br />

illégalement à l'étranger (Uchitelle, 1989, p.52). Pour cela, le gouvernement français a mis en place<br />

une amnistie fiscale générale accompagnée d'un programme spécial pour encourager les<br />

rapatriements (Torgler and Schaltegger, 2003, p.6, tableau no 1). Les capitaux concernés pouvaient<br />

être régularisés moyennant une taxe de 25 pour cent, ce qui signifie que le gouvernement visait<br />

d'abord un objectif en terme de recettes <strong>fiscales</strong> (Mabille, 2004). A notre connaissance, cette loi ne<br />

fut accompagnée d'aucune réforme de la fiscalité et d'aucune augmentation <strong>des</strong> mesures de contrôle<br />

fiscal. Avec un total de 3062 participants, <strong>des</strong> recettes de l'ordre de 41 millions de dollars et <strong>des</strong><br />

capitaux rapatriés pour un montant de 164 millions de dollars, le rendement de cette amnistie peut<br />

être qualifié de très faible puisqu'il correspond à 0,07 pour cent du PNB pour les recettes <strong>fiscales</strong> et<br />

0,28 pour cent du PNB pour les capitaux rapatriés (Uchitelle, 1989, p.52, tableau no 1).<br />

Toutefois, en 1986, le gouvernement Chirac-Balladur a remis l'ouvrage sur le métier en édictant une<br />

amnistie fiscale <strong>des</strong>tinée à récupérer <strong>des</strong> revenus transférés illégalement à l'étranger. A la différence<br />

de la précédente loi, le capital rapatrié devait être taxé à un taux de seulement 10 pour cent. En<br />

outre, le gouvernement a accompagné cette amnistie fiscale d'une suppression de l'impôt sur les<br />

gran<strong>des</strong> fortunes mais il n'a pas renforcé les mesures de contrôle fiscal (Uchitelle, 1989, p.52). Les<br />

résultats de cette amnistie ont été nettement plus convaincants puisqu'elle a rapporté 1,6 milliards de<br />

dollars à l'Etat, ce qui correspond à 0,22 pour cent du PNB et 8 pour cent du déficit de l'Etat d'alors<br />

et a permis de faire revenir dans le pays <strong>des</strong> capitaux à hauteur de 16 milliards de dollars.<br />

Pour Uchitelle, le cas de la France renforce l'argument selon lequel le succès d'une amnistie dépend<br />

47


fortement de la volonté du gouvernement à adopter simultanément <strong>des</strong> réformes structurelles<br />

(Uchitelle, 1989, pp.52-53). Alors que la seule amnistie de 1982 fut incapable d'attirer <strong>des</strong> sommes<br />

détenues à l'étranger par <strong>des</strong> résidents français, l'amnistie de 1986, accompagnée d'une modification<br />

significative du système fiscal, a permis d'obtenir de bien meilleurs résultats. A noter que la pratique<br />

d'un taux de 10 pour cent en 1986 plutôt que celui de 25 pour cent pratiqué en 1982 peut également<br />

expliquer le plus grand succès de l'amnistie de 1986.<br />

Le succès de l'amnistie irlandaise de 1988 - Si l'amnistie française de 1986 a été<br />

relativement efficace, la littérature sur les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> présente, pour la période considérée,<br />

l'amnistie irlandaise de 1988 comme l'exemple même d'une amnistie fiscale réussie. Ainsi, en<br />

janvier 1988, le gouvernement a introduit une amnistie permettant, durant dix mois, aux<br />

contribuables délinquants de payer leurs impôt impayés sans que ces derniers n'aient à payer<br />

d'intérêt ou de pénalité et sans qu'ils prennent le risque de faire l'objet de poursuites sur le plan pénal<br />

ou civil (Alm, 1998, p.6).<br />

En parallèle, le gouvernement introduisit une série de mesures visant à renforcer la capacité de<br />

l'administration à détecter les fraudeurs (Uchitelle, 1989, p.50). Le gouvernement a ainsi accru le<br />

nombre de contrôleurs chargés de la collecte <strong>des</strong> impôts. Il se mit à publier dans les journaux<br />

irlandais les noms <strong>des</strong> personnes s'étant soustraites à leurs obligations <strong>fiscales</strong>. A la fin de la période<br />

d'amnistie de 10 mois, le gouvernement accrut les intérêts et les pénalités à payer sur les impôts non<br />

déclarés et donna plus de pouvoir aux inspecteurs <strong>des</strong> impôts, à savoir le droit de saisir <strong>des</strong> stocks<br />

de valeurs et autres actifs ainsi que le droit de geler <strong>des</strong> comptes bancaires appartenant aux<br />

contribuables reconnus coupables d'évasion fiscale.<br />

Les résultats de cette amnistie excédèrent de loin les prévisions. Alors que le gouvernement tablait<br />

sur un accroissement <strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong> de 50 millions de dollars américains, l'amnistie de 1988<br />

permit de lever 750 millions de recettes <strong>fiscales</strong> supplémentaires, ce qui représente 2,55 pour cent<br />

du PNB irlandais de l'époque (Uchitelle, 1989, p.52, tableau no 1). Cette manne permit au<br />

gouvernement de réduire le service de la dette de 10 pour cent du PNB en 1987 à environ 3,4 pour<br />

cents du PNB en 1988 (Uchitelle, 1989, p.50). En outre, grâce à l'accent mis sur les mesures visant à<br />

renforcer la détection <strong>des</strong> contribuables délinquants, le programme d'amnistie irlandais a permis un<br />

élargissement à long terme de la base fiscale, ce que la plupart <strong>des</strong> programmes d'<strong>amnisties</strong> menés à<br />

cette époque n'ont pas réussi à faire (Uchitelle, 1989, p.50).<br />

Plusieurs facteurs peuvent être avancés afin d'expliquer la performance de cette amnistie. Le<br />

principal facteur mis en évidence dans la littérature est le fait qu'aucun gouvernement Irlandais<br />

n'avait, avant 1988, édicté d'amnistie fiscale (Uchitelle, 1989, p.50). Ainsi, et parce que le<br />

gouvernement avait alors fortement insisté sur ce point, de nombreux citoyens irlandais ont<br />

48


éellement perçu l'amnistie proposée comme une opportunité unique. Si le renforcement <strong>des</strong><br />

mesures de contrôle a aussi joué un rôle prépondérant dans le succès de cette amnistie, son impact<br />

ne doit pas être surestimé. En effet une bonne part du succès de l'amnistie irlandaise de 1988 est due<br />

au fait qu'un certain laxisme caractérisait le système irlandais de récolte <strong>des</strong> impôts avant l'amnistie,<br />

permettant à bon nombre de contribuables de frauder pendant plusieurs années (Uchitelle, 1989,<br />

p.50).<br />

Toutefois, pour Uchitelle, le succès de l'amnistie de 1988 aurait pu être plus important encore si le<br />

gouvernement l'avait accompagnée d'une baisse <strong>des</strong> taux d'impôts qui étaient alors dans les plus<br />

élevés d'europe et ainsi une cause directe de l'évasion fiscale en irlande (Uchitelle, 1989, pp.50-51).<br />

Notons encore brièvement que l'amnistie irlandaise octroyée en 1993 (cf. Tableau 5), c'est-à-dire 5<br />

ans seulement après la première amnistie octroyée par le gouvernement, a connu un succès<br />

nettement inférieur à l'amnistie de 1988 (Torgler and Schaltegger, 2003, p.6). Cette situation<br />

tendrait à confirmer l'argument selon lequel le recours fréquent à <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> provoquent<br />

une anticipation par les contribuables de telles <strong>amnisties</strong> dans le futur, diminuant d'autant leur<br />

efficacité.<br />

4.1.2.Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dans les pays de l'Union européenne entre 1991 et 1994<br />

De la fin <strong>des</strong> années huitante à la fin <strong>des</strong> années nonante, le nombre de lois d'amnistie fiscale<br />

édictées par <strong>des</strong> Etats européens est resté relativement faible. Toutefois, de 1991 à 1994, c'est-à-dire<br />

en l'espace de quatre ans, quatre pays européens ont édicté cinq lois d'amnistie fiscale : l'Espagne et<br />

l'Italie en 1991, l'Autriche et l'Irlande en 1993 et l'Italie à nouveau en 1994. Le tableau 5 offre un<br />

aperçu synthétique <strong>des</strong> différentes <strong>amnisties</strong> édictées entre 1991 et 1994. Les cas <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong><br />

espagnole et autrichienne revêtent ici un intérêt particulier car elles ont été octroyées alors qu'une<br />

réforme du système fiscal était mise en place. Comme il a été mentionné dans la première souspartie,<br />

une amnistie fiscale octroyée dans un tel contexte a plus de chance de connaître le succès.<br />

Toutefois, alors que le cas autrichien semble confirmer cet argument, les résultats de l'amnistie<br />

espagnole ne sont pas aussi clairs.<br />

L'amnistie autrichienne de 1993 - Au début <strong>des</strong> années nonante, l'Autriche souffrait<br />

d'un taux d'évasion énorme en matière d'imposition <strong>des</strong> revenus du capital (Wiegard und Halbauer,<br />

2003, p.8). En effet, la part <strong>des</strong> revenus du capital non déclarés était alors estimée à 90%. Toutefois<br />

la cause principale de ce taux d'évasion extrêmement élevé était parfaitement connue puisqu'il était<br />

alors possible d'ouvrir <strong>des</strong> comptes épargne anonymes permettant à leurs titulaires de ne rien<br />

déclarer au fisc sans courir le risque d'être détecté (Wiegard und Halbauer, 2003, p.8). Afin de<br />

remédier à ce problème, le parlement édicta une nouvelle réglementation en la matière. Les revenus<br />

du capital devaient alors, à partir du premier janvier 93, être imposés à la source à un taux de 25<br />

49


pour cent et les recettes devaient être directement et définitivement versées par les banques au fisc.<br />

Il restait toutefois la possibilité de joindre les revenus du capital à la déclaration d'impôt annuelle.<br />

Ceux-ci étaient alors imposés suivant le barème en vigueur de l'impôt sur les personnes physiques.<br />

En parallèle de cette nouvelle réglementation, une amnistie fiscale fut octroyée aux contribuables.<br />

Celle-ci couvrait aussi bien l'impôt sur le revenu que l'impôt sur le capital et les successions. Sur le<br />

plan fiscal, cette amnistie fut, d'après Wiegard et Halbauer, un succès (Wiegard und Halbauer,<br />

2003, p.8). En effet, l'amnistie accordée permit d'accroître la base fiscale ( de l'impôt sur les revenus<br />

du capital ) d'environ 58 pour cent (Torgler and Schaltegger, 2004 p.6, tableau no 1). La part <strong>des</strong><br />

recettes au titre de l'impôt sur les revenus du capital est passée de 0,2 pour cent <strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong><br />

totales en 1985 à 4,4 pour cent en 1997 (Wiegard und Halbauer, 2003, p.8). Le succès de cette<br />

amnistie ne doit toutefois pas être exagéré puisqu'il a été permis par l'existence, bien connue, de<br />

comptes anonymes avant 1993 et surtout il n'est pas sûr que le même résultat n'aurait pas été atteint<br />

sans amnistie fiscale.<br />

50<br />

Tableau 4.3.– Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dans les pays de l'Union européenne entre 1991 et 1994<br />

Année Pays Objectif Type d'amnistie Résultats Conditions<br />

1991 Espagne Régularisation de<br />

capitaux<br />

Italie<br />

Augmenter les recettes<br />

<strong>fiscales</strong><br />

1993 Autriche Elargissement de la<br />

base fiscale<br />

encourager le<br />

rapatriement d'actifs<br />

non taxé<br />

Irlande<br />

Augmentation <strong>des</strong><br />

recettes <strong>fiscales</strong><br />

Stimuler la croissance<br />

1994 Italie Augmenter les recettes<br />

<strong>fiscales</strong><br />

Source : élaboration personnelle 1<br />

Amnistie <strong>des</strong> bons du trésor<br />

+ amnistie générale ( tout type d'impôt,<br />

intérêts, pénalités)<br />

Amnistie générale (tous les principaux<br />

impôts)<br />

Amnistie portant sur l'impôt sur le revenu, la<br />

fortune et les successions<br />

Amnistie incitative : -personnes physiques<br />

uniquement<br />

-taux de 15% à payer sur les montants non<br />

déclarés<br />

-Amnistie fiscale générale : -personnes<br />

physiques et morales<br />

-pas d'intérêt ni pénalités à payer<br />

-paiement de l'ensemble <strong>des</strong> taxe dues<br />

jusqu'au 5 avril 91<br />

Amnistie reservée aux personnes morales et<br />

aux indépendants<br />

Court terme : mo<strong>des</strong>tes<br />

long terme : cf. 14.4.2.<br />

Succès en terme de<br />

participation et de recettes<br />

<strong>fiscales</strong> (7mrds de $)<br />

Succès sur le plan fiscal<br />

Accroissement de la base<br />

fiscale d'environ 58%<br />

Significativement inférieurs<br />

aux résultats de l'amnistie de<br />

1988<br />

Succès en terme de recette<br />

fiscale (5 mrds de $) et de<br />

participation<br />

-Réforme fiscale<br />

majeure<br />

-renforcement <strong>des</strong><br />

mesures de pénalité<br />

Réforme de<br />

l'imposition <strong>des</strong><br />

revenus du capital<br />

Contexte de budgets<br />

déficitaires<br />

Contexte et objectif de l'amnistie espagnole de 1991 - L'Espagne, elle, a connu entre<br />

1988 et 1991, la plus importante réforme de son système fiscal depuis la chute du général Franco en<br />

1975 (López-Laborda and Rodrigo, 2003, p.76). Les changements les plus importants portèrent sur<br />

l'impôt sur le revenu <strong>des</strong> personnes physiques. En 1988, le barême fiscal fut diminué pour les<br />

contribuables ayant un revenu moyen et il fut augmenté pour les contribuables ayant <strong>des</strong> revenus<br />

1 Élaboré à partir de Torgler and Schaltegger, 2004 ; Wiegard und Halbauer, 2003 ; JCT 98 ; López-Laborda and<br />

Rodrigo, 2003<br />

-<br />

-


élevés. En plus, en 1989, la Cour constitutionnelle espagnole déclara la taxation globale <strong>des</strong> familles<br />

comme étant anticonstitutionnelle (López-Laborda and Rodrigo, 2003, p.76). Cette décision<br />

entraîna une modification de la législation fiscale dans laquelle la famille fut remplacée par<br />

l'individu comme unité fiscale. Afin d'améliorer le contrôle fiscal de formes spécifiques de revenus<br />

du capital, un ensemble de mesures administratives fut mis en place, à savoir l'extension <strong>des</strong><br />

mécanismes de retenue à la source et une mise en oeuvre sélective <strong>des</strong> contrôles fiscaux (López-<br />

Laborda and Rodrigo, 2003, pp.76-77).<br />

Par ailleurs, afin d'élever le coût d'une éventuelle évasion fiscale future et ainsi rendre une<br />

participation à l'amnistie fiscale plus attrayante, un ensemble de mesures législatives et<br />

administratives fut mis en place. D'abord <strong>des</strong> améliorations organisationnelles furent apportées au<br />

sein de l'administration fiscale espagnole afin d'en accroître l'efficacité (López-Laborda and<br />

Rodrigo, 2003, p.78). Ensuite, l'engagement, appuyé par une campagne d'information agressive,<br />

d'intensifier les contrôles fiscaux fut mis en évidence ainsi que le fait que l'amnistie constituait une<br />

opportunité unique pour les contribuables de régulariser leur position face aux autorités. Enfin le<br />

régime de pénalités a été renforcé (López-Laborda and Rodrigo, 2003, p.78).<br />

Enfin, la réforme fiscale fut complétée par un processus de régularisation, c'est-à-dire une amnistie<br />

fiscale, dont l'objectif était la révélation de revenus non-déclarés et détenus sous forme d'actifs<br />

spécifiques au contexte espagnole (López-Laborda and Rodrigo, 2003, p.77). En effet, au cours <strong>des</strong><br />

années 80, une part <strong>des</strong> revenus non-déclarés étaient drainés par <strong>des</strong> actifs anonymes et qui ne<br />

faisaient pas l'objet d'un impôt à la source. Le paradoxe était que, si la majorité de ces actifs avaient<br />

un caractère privé, certains étaient clairement de nature publique, c'était le cas <strong>des</strong> bons du trésor<br />

espagnol (Pagarés del Tesoro). Ainsi, le maintien d'une situation où le gouvernement émettait luimême<br />

<strong>des</strong> titres à très faible rémunération mais garantissant une opacité fiscale totale représentait<br />

une contradiction avec les principes d'équité et de transparence sensés être à la base du système<br />

fiscal. Pour en finir avec cette situation, l'amnistie fiscale qui courrait de juin à décembre 1991<br />

prévoyait deux mécanismes de régularisation.<br />

Les mécanismes et résultats de l'amnistie fiscale espagnole de 1991 - Le premier<br />

mécanisme s'adressait aux détenteurs <strong>des</strong> bons du trésor cités précédemment (López-Laborda and<br />

Rodrigo, 2003, p.77). Les titulaires <strong>des</strong> ces bons ne pouvaient pas être réellement considérés comme<br />

délinquants puisque le gouvernement lui-même avait promis à ces individus qu'ils pourraient<br />

investir leur capital dans <strong>des</strong> titres dont les revenus seraient nets d'impôt. Par conséquent, les<br />

détenteurs <strong>des</strong> bons ne pouvaient pas bénéficier d'une amnistie au sens strict. Ainsi le gouvernement<br />

émit un nouvel actif portant 2 pour cent d'intérêt, avec échéance en juin 1997 et pouvant être<br />

échangé contre les anciens bons. L'anonymat <strong>des</strong> détenteurs de ces nouveaux titres était alors garanti<br />

51


jusqu'à l'échéance, date à laquelle les "fraudeurs" bénéficiaient alors de la prescription concernant<br />

l'évasion passée, ce qui peut être assimilé de facto à une amnistie. Le second mécanisme consistait<br />

en une régularisation volontaire de tout impôt non déclaré au moyen d'un formulaire supplémentaire<br />

(López-Laborda and Rodrigo, 2003, pp. 77-78). Une telle déclaration, faite entre juin et décembre<br />

1991, permettait au contribuable d'échapper au paiement d'intérêts de retard ou de pénalité.<br />

La participation à cette amnistie fut officiellement décrite comme très importante. Toutefois, Lopez-<br />

Laborda et Rodrigo estiment que les données montrent que la réaction immédiate à l'amnistie est<br />

demeurée mo<strong>des</strong>te (López-Laborda and Rodrigo, 2003, p. 78). En chiffres, 63 pour cent <strong>des</strong> bons du<br />

trésor ont été régularisés. Les recettes <strong>fiscales</strong> perçues par le biais <strong>des</strong> déclarations supplémentaires<br />

atteignaient 0,8 pour cent <strong>des</strong> recettes ordinaires (par rapport à l'année 1990) 1 . Dans le cas<br />

particulier de l'impôt sur le revenu <strong>des</strong> personnes physiques, un total de 36'257 déclarations <strong>fiscales</strong><br />

supplémentaires furent enregistrées régularisant un montant moyen de 548'915 pesetas alors que le<br />

montant moyen déclaré régulièrement par les quelques 11 millions de contribuables atteignait<br />

302'920 pesetas en 1990 et 324'816 pesetas en 1991. Ces chiffres montrent que, malgré une amnistie<br />

accordée dans <strong>des</strong> conditions qui, à la vue <strong>des</strong> arguments de la première partie, peuvent être<br />

qualifiées de favorables, le résultat est demeuré mo<strong>des</strong>te (López-Laborda and Rodrigo, 2003, p. 78).<br />

Mais au-delà de ces résultats à court terme, Lopez -Laborda et Rodrigo se sont intéressés aux<br />

résultats de long terme de l'amnistie fiscale. Cette étude empirique sera étudiée au chapitre 14.<br />

4.1.3.Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dans les pays de l'Union européenne depuis 1998<br />

Dans un contexte de croissance économique faible et de pression sur les finances publiques <strong>des</strong> pays<br />

de la zone euro due notamment à l'unification de la politique monétaire, à la concurrence fiscale et<br />

au pacte de stabilité et de croissance, le nombre et la fréquence <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> ont à nouveau<br />

connu une augmentation dans la période récente. Ainsi, huit <strong>amnisties</strong> ont, depuis 1998, été édictées<br />

par cinq pays européens. De plus, trois projets d'amnistie ont également été proposés par <strong>des</strong><br />

gouvernements européens puis abandonnés. Le tableau 4.4. montre un aperçu synthétique <strong>des</strong><br />

<strong>amnisties</strong> octroyées depuis 1998 ainsi que <strong>des</strong> projets abandonnés (indiqués par *).<br />

Le contexte italien dès 2001 - L'Italie est un <strong>des</strong> pays européens ayant eu le plus large<br />

recours aux <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> puisque , entre 1970 et 1994, pas moins de cinq <strong>amnisties</strong> avaient<br />

déjà été édictées. En mai 2001, Berlusconi et la droite arrivent au pouvoir en Italie. Le programme<br />

économique est alors le suivant : faire passer le taux de croissance moyen de 2 pour cent à 3,1 pour<br />

cent par an sur la période 2002-2006, par une accélération de l'investissement public, <strong>des</strong> réductions<br />

d'impôts soutenant la consommation <strong>des</strong> ménages et par <strong>des</strong> politiques de soutien de l'offre fondées<br />

52<br />

1 Si les recettes de l'amnistie représentent 0,8 pour cent <strong>des</strong> recettes de l'année 1990, elle peuvent correspondre à<br />

plusieurs années <strong>fiscales</strong> passées


53<br />

sur <strong>des</strong> incitations <strong>fiscales</strong> (Monperrus-Veroni, 2003, pp.271-273).<br />

Tableau 4.4. – Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dans les pays de l'Union européenne depuis 1998<br />

Année Pays Objectif Type d'amnistie Résultats Conditions<br />

1998 Irlande - - - -<br />

2001 Italie Augmentation de la base<br />

fiscale<br />

Réduction du nombre de<br />

travailleurs clan<strong>des</strong>tins<br />

Réductions <strong>fiscales</strong> et suspension <strong>des</strong> pénalités<br />

pour les entreprises et les salariés se<br />

régularisant<br />

2002 Italie Rapatriement de capitaux Amnistie générale <strong>des</strong>tinée aux personnes<br />

physique (Scudo fiscale)<br />

Taux de 2,5%<br />

Pologne - Amnistie unique<br />

Portugal<br />

Augmentation <strong>des</strong> recettes<br />

<strong>fiscales</strong> (Bdf)<br />

2003 Italie Augmentation <strong>des</strong> recettes<br />

<strong>fiscales</strong><br />

revenus soustraits entre 1996 et 2001<br />

taux de 7,5%<br />

Amnistie de la fraude <strong>des</strong>tinée aux entreprises<br />

et aux indépendants (concordat fiscal)<br />

Italie Rapatriement de capitaux Prolongation du "scudo fiscale"<br />

2004 Allemagne Augmentation <strong>des</strong> recettes<br />

<strong>fiscales</strong><br />

Rapatriement de capitaux<br />

l'éligibilité est étendue aux société de capital<br />

taux passe de 2,5 à 4%<br />

Amnistie générale (personnes physiques,<br />

morales)<br />

taux de 25% (35%)<br />

Autriche* Rapatriement de capitaux Amnistie générale<br />

Belgique<br />

Chypre<br />

-augmentation <strong>des</strong> recettes<br />

<strong>fiscales</strong><br />

-augmentation de la croissance<br />

-<br />

-<br />

faibles<br />

1,47 mrds de<br />

recettes <strong>fiscales</strong><br />

58,8 mrds de<br />

capitaux<br />

régularisés<br />

Recettes<br />

supplémentaires<br />

équivalents à 1%<br />

du PIB<br />

faible<br />

-<br />

Recettes <strong>fiscales</strong><br />

supplémentaires<br />

équivalents à 1,5%<br />

du PIB<br />

1'244 mios d'€ de<br />

recettes <strong>fiscales</strong><br />

4'570,8 mios d'€<br />

de capitaux<br />

régularisés<br />

paiement de 40% <strong>des</strong> arriérés d'impôts -<br />

Amnistie unique et générale concernant les<br />

personnes physiques<br />

taux de 6 ou 9%<br />

durée : 11,5 mois<br />

Taux de 5% jusqu'en septembre 2004 puis de<br />

6,5% jusqu'en décembre 2004<br />

~0,63% <strong>des</strong><br />

recettes <strong>fiscales</strong><br />

5,7 mrds de<br />

capitaux<br />

régularisés<br />

3,3% de la fraude<br />

fiscale annuelle<br />

Réformes <strong>fiscales</strong><br />

Réformes <strong>fiscales</strong><br />

l'amende fiscale<br />

passe à 75% à la fin<br />

de l'amnistie<br />

Réformes <strong>fiscales</strong><br />

Réformes <strong>fiscales</strong><br />

Réformes <strong>fiscales</strong><br />

Réformes <strong>fiscales</strong><br />

suppression de<br />

l'anonymat <strong>des</strong><br />

comptes-épargne<br />

Augmentation de<br />

l'amende fiscale ex<br />

post<br />

- -<br />

France * Rapatriement de capitaux Taux global de 25% - -<br />

Grèce Rapatriement de capitaux Taux de 3% - -<br />

Portugal* - - - -<br />

Sources : élaboration personnelle 1<br />

Ainsi, afin d'atteindre l'objectif fixé par le gouvernement et pour accompagner la profonde réforme<br />

touchant la fiscalité <strong>des</strong> entreprises, l'impôt sur le revenu <strong>des</strong> personnes physiques ainsi que<br />

l'imposition <strong>des</strong> revenus du capital, différentes <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> ont été mises en place, depuis<br />

-<br />

1 Élaboré à partir de Torgler and Schaltegger, 2004 ; Wiegard und Halbauer, 2003 ; JCT, 98 ; Monperrus-Veroni,<br />

2003 ; économiesuisse, 2004 ; Besnard et Paul 2004 ; Pelli 2002 ; LaLibre Belgique ; Wolf, 2004 ; Rasonyi 2005 ;<br />

Dedieu 2002 ; Mabille 2004


2001, comme mesures d'incitation ou d'accompagnement.<br />

L'amnistie fiscale sur les cotisations salariales - En 2001, un premier type d'amnistie<br />

fut mis en place pour la période 2001-2003 afin de résoudre le problème <strong>des</strong> 3,5 millions de<br />

travailleurs non-déclarés (Monperrus-Veroni, 2003, p.281). Ainsi, les entreprises revenant dans la<br />

légalité en déclarant leurs travailleurs bénéficiaient d'un taux d'impôt sur les sociétés réduit (10 pour<br />

cent la première année, 15 pour cent la deuxième année et 20 pour cent la troisième) et d'un plus<br />

faible taux de cotisation sociale (8, 10 et 12 pour cent au lieu de 23,8). Le travailleur régularisé<br />

bénéficiait, lui, d'une réduction du taux d'impôt sur le revenu <strong>des</strong> personnes physiques à 6, 10 et 12<br />

pour cent ainsi que d'une exemption totale de cotisation. En outre, les pénalités pour fraude fiscale<br />

sont suspendues pour autant que l'entreprise s'acquitte d'un impôt libératoire de 8 pour cent sur les<br />

salaires non déclarés et que le travailleur paie 103 euros par année de travail irrégulier. Par cette<br />

mesure, le gouvernement espérait une hausse de recettes <strong>fiscales</strong> de l'ordre de 0,3 à 0,5 point de PIB<br />

par an et la régularisation de 900'000 salariés irréguliers. En 2002 déjà, il révisait cette estimation à<br />

la baisse (0,1 point de PIB par an) alors que seulement 1500 travailleurs avaient profité de cette<br />

mesure. D'après Monperrus-Veroni, le faible résultat de cette amnistie est dû au manque d'une<br />

intervention structurelle de réduction <strong>des</strong> cotisations sur les bas salaires (Monperrus-Veroni, 2003,<br />

p.281).<br />

L'amnistie italienne de 2002 : le bouclier fiscal - Afin de mener à bien son<br />

programme de baisse d'impôt sans enfreindre les règles budgétaires imposées par l'union<br />

européenne, le gouvernement Berlusconi a mis en place un "bouclier fiscal (Scudo fiscale)". Cette<br />

loi d'amnistie, entrée en vigueur au mois de septembre 2001 et courant jusqu'au 15 mai 2002, visait<br />

à faire revenir en Italie les capitaux détenus à l'étranger et non-déclarés au fisc italien (Torgler and<br />

Schaltegger, 2003, p. 5). Les bénéficiaires de cette amnistie étaient les personnes physiques et les<br />

sociétés en nom personnel. La loi prévoyait donc de supprimer toute pénalité en échange d'un impôt<br />

libératoire de 2,5 pour cent (Monperrus-Veroni, 2003, p.281). Afin d'inciter les individus à rapatrier<br />

leurs capitaux, une alternative permettant d'échapper à l'impôt de 2,5 pour cent était proposée. Les<br />

détenteurs de capital devaient pour cela investir 12 pour cent du capital déclaré dans un emprunt de<br />

l'Etat sur une période minimale de 10 ans (Wiegard und Halbauer, 2003, p.7). Si cette action a<br />

permis au fisc d'engranger 1,47 milliard de recettes supplémentaires, soit 0,1 point de PIB, entre<br />

septembre 2001 et mai 2002, elle a surtout permi de régulariser 58,8 milliards d'euros de capitaux ce<br />

qui représente 4,7 pour cent du PIB italien(Monperrus-Veroni, 2003, p.281). Les avoirs italiens nondéclarés<br />

détenus à l'étranger étant estimés à 560 milliards d'euros, le montant ainsi régularisé<br />

représente donc environ 11 pour cent <strong>des</strong> avoirs italiens non-déclarés détenus à l'étranger (Wiegard<br />

und Halbauer, 2003, p.7). Si cette amnistie semble être un succès, son impact sur l'économie<br />

54


italienne est resté mo<strong>des</strong>te. Selon Moperrus-Veroni le flux net de capital attendu, qui aurait dû<br />

soutenir l'investissement et l'activité productive, n'a pas été enregistré dans la balance <strong>des</strong> paiements<br />

(Monperrus-Veroni, 2003, p.282). En bref, si une part importante <strong>des</strong> montants dissimulés a été<br />

déclarée, les détenteurs de ces capitaux ont préféré laisser leurs avoirs à l'étranger plutôt que de les<br />

rapatrier. Il semble toutefois que le gouvernement en place ait plutôt considéré l'opération comme<br />

un succès puisque dans le cadre de la loi <strong>des</strong> finances pour 2003 il a fait prolongé le bouclier fiscal<br />

jusqu'à 2006 en l'étendant aux sociétés de capital et en élevant l'impôt libératoire à 4 pour cent<br />

(Monperrus-Veroni, 2003, p.282).<br />

L'amnistie italienne de 2003 - Enfin dans la loi de finances pour 2003, une amnistie de<br />

la fraude était prévue (Monperrus-Veroni, 2003, p.282). Cette amnistie, prenant la forme d'un<br />

concordat fiscal entre les entreprises, les indépendants et le fisc, portait sur les années <strong>fiscales</strong> 1997-<br />

2000. Pour cette période, le fisc estimait une base imposable selon <strong>des</strong> standards sectoriels . Si<br />

l'impôt dû sur cette base s'avérait supérieur à celui déclaré, un taux réduit de moitié s'appliquait<br />

alors à la différence de base. La suspension <strong>des</strong> pénalités contre la fraude est aussi prévue pour tous<br />

les contribuables qui régularisent leur situation fiscale passée en acquittant l'impôt dû. Mais les<br />

contribuables pouvaient aussi s'affranchir de tout contrôle fiscal sur la période 1997-2001 en versant<br />

18 pour cent <strong>des</strong> impôts déjà acquittés sur cette période.<br />

Les résultats <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> italiennes dans la période récente - Selon Monperrus-<br />

Verroni (2003), le financement de la première phase de la réforme fiscale par l'amnistie a échoué.<br />

Les effets d'annonce ont créé <strong>des</strong> anticipations de la part <strong>des</strong> contribuables et engendré une chute<br />

<strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong>. Ainsi l'amnistie n'apparaît que comme le remède à la baisse de recettes<br />

engendrées par les anticipations de laxisme fiscal. En outre, l'absence d'une menace crédible de<br />

pénalité et l'utilisation de l'amnistie fiscale en réponse aux difficultés budgétaires persistantes,<br />

alimentent l'anticipation d'<strong>amnisties</strong> futures. L'expérience italienne et l'analyse qu'en offre<br />

Monperrus-Veroni semble soutenir l'argument selon lequel un recours répété aux <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong><br />

ne fait que détériorer la participation <strong>des</strong> contribuables au système fiscal.<br />

Malgré ce jugement critique, l'expérience italienne, notamment son bouclier fiscal, semble avoir fait<br />

<strong>des</strong> émules en Europe ou du moins d'avoir suscité le débat. Ainsi Franck Dedieu écrivait à la fin de<br />

l'année 2002 au sujet du succès du bouclier fiscal italien qu'il faisait saliver les gouvernements<br />

européens en mal de recettes <strong>fiscales</strong> (Dedieu, 2002). Et Jonathan Todd, porte parole du<br />

Commissaire européen Frits Bolkestein, de confier alors : "Les Etats membres passent en revue<br />

toutes les solutions pour garder les capitaux sur leur sol et réfléchissent donc sur l'idée d'une<br />

amnistie fiscale" (Dedieu, 2002). En effet, à cette même période, l'Allemagne, l'Autriche, la<br />

Belgique et la France notamment ont lancé le débat sur l'édiction d'une éventuelle amnistie.<br />

55


L'amnistie fiscale allemande de 2004 - A la fin de septembre 2002, dans le contexte<br />

d'une réforme fiscale initiée en 2001 et constituant le programme de baisse d'impôt le plus important<br />

de l'Allemagne d'après-guerre 1 , le chancelier Schröder soulignait "l'utilité sociale d'une amnistie" en<br />

déclarant que : " mieux vaut du travail à Leipzig que de l'argent au Liechtenstein" (Dedieu, 2002).<br />

Notons que l'Allemagne dispose déjà d'une forme d'amnistie fiscale permanente. En effet, un<br />

contribuable qui se dénonce au fisc allemand de son propre chef échappe à toute pénalité pénale.<br />

Toutefois peu nombreux sont les contribuables à avoir utilisé cette option puisque l'administration<br />

fiscale ponctionne alors 50 pour cent du montant déclaré (Wiegard und Halbauer, 2003, pp. 3-4).<br />

C'est ainsi que, durant l'année 2003, fut élaborée une loi d'amnistie fiscale<br />

(Strafbefreiungserklärungsgesetz en allemand ou StraBEG) <strong>des</strong>tinée à faire revenir en Allemagne<br />

les capitaux détenus à l'étranger et non-déclarés à l'administration fiscale. Cette loi concernait<br />

l'impôt sur le revenu <strong>des</strong> personnes physiques et morales ainsi que l'impôt sur les successions et<br />

portait sur les pério<strong>des</strong> <strong>fiscales</strong> 1993-2002. Elle est entrée en vigueur le 01 janvier 2004 et<br />

permettait aux contribuables d'éviter toute pénalité pénale s'ils déclaraient aux autorités <strong>fiscales</strong>,<br />

avant le 31 mars 2005, tous les montants non ou partiellement déclarés 2 . Si cette déclaration<br />

intervenait avant le premier janvier 2005, alors les montants déclarés étaient soumis à une taxe<br />

libératoire unique de 25 pour cent, passé ce délai, le taux montait à 35 pour cent (Rasonyi, 2005). Il<br />

est en outre important de noter que la loi d'amnistie n'obligeait pas les contribuables à rapatrier les<br />

montants déclarés.<br />

Les résultats de l'amnistie allemande de 2004 - Alors que les avoirs en provenance<br />

d'Allemagne dormant sur <strong>des</strong> comptes à l'étranger étaient estimés à 1000 milliards d'euros, le<br />

gouvernement tablait initialement, en se basant sur l'expérience italienne du bouclier fiscale, sur un<br />

retour de 10 pour cent <strong>des</strong> montants détenus à l'étranger, à savoir 100 milliards d'euros 3 . Un tel<br />

résultat aurait permis au fisc d'engranger environ 25 milliards de recettes supplémentaires. En<br />

janvier 2004, le gouvernement revoyait déjà ses estimations à la baisse avec 20 milliards de<br />

capitaux déclarés et 5 milliards de recettes <strong>fiscales</strong> 4 . Finalement, 15'000 personnes ont participé<br />

l'amnistie fiscale qui a permis la régularisation de seulement 4'570,8 millions d'euros, c'est-à-dire<br />

environ 0,45 pour cent <strong>des</strong> avoirs allemands détenus à l'étranger. Le fisc allemand a ainsi engrangé<br />

1'244 millions d'euros de recettes <strong>fiscales</strong> supplémentaires 5 . Ce montant représente 0,28 pour cent<br />

du total <strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong> du secteur public allemand pour 2004 et apparaît donc insignifiant<br />

1 Voir<br />

http://www.bun<strong>des</strong>finanzministerium.de/cln_01/nn_4138/sid_25CDA7BE48FDA5ACA23D12B162392316/nsc_true<br />

/DE/Steuern/Steuerreform/Steuerreform__2000__im__Ueberblick/node.html__nnn=true<br />

2 Voir Strafbefreiungserklärungsgesetz et http://www.finanztip.de/recht/steuerrecht/steueramnestie.htm<br />

3 Voir Dedieu 2002 et http://www.finanztip.de/recht/steuerrecht/steueramnestie.htm<br />

4 Voir http://www.finanztip.de/recht/steuerrecht/steueramnestie.htm<br />

5 Voir http://www.banktip.de/news/17788/archiv/Steueramnestie-brachte-Einnahmen-von-1-242-Milliarden-Euro.htm<br />

56


(Bun<strong>des</strong>ministeriums der Finanzen, Juli 2005). En comparaison au bouclier fiscal italien, le taux<br />

d'impôt libératoire exigé était dix fois plus élevé, ce qui a pu avoir un effet prohibitif. En outre, pour<br />

Rasonyi, les experts avaient pronostiqué un tel échec dès le début de l'amnistie (Rasonyi, 2005). Il<br />

semble que la crainte de contrôles méticuleux de la part de l'administration fiscale était largement<br />

répandue parmi les contribuables potentiellement concernés. Rasonyi rappelle que les causes les<br />

plus importantes de l'évasion fiscale en Allemagne sont les taux d'impôts marginaux élevés ainsi<br />

que les importantes charges sociales, très élevées en comparaison internationale. Or, ces conditions<br />

ne se sont pas fondamentalement modifiées en Allemagne puisque la baisse <strong>des</strong> taux d'impôt initiée<br />

dans le cadre de la réforme fiscale a été compensée par une augmentation <strong>des</strong> charges sociales.<br />

Le projet d'amnistie fiscale autrichienne de 2004 - Egalement engagé dans une<br />

réforme fiscale, le gouvernement Autrichien a été intéressé par l'idée d'édicter une amnistie fiscale.<br />

Un aspect de la réforme fiscale consistait à supprimer définitivement la possibilité d'ouvrir <strong>des</strong><br />

comptes épargnes anonymes (cf. 4.1.3) afin que la législation autrichienne respecte les directives de<br />

l'UE en la matière (Die Presse, 2000). De peur que la levée de l'anonymat <strong>des</strong> comptes épargne<br />

n'engendre un exode massif de capitaux (Die Presse, 2000), le Chancelier Schüssel et le ministre<br />

<strong>des</strong> finances Grasser ont élaboré un projet d'amnistie fiscale pour le premier semestre 2005<br />

permettant aux contribuables de régulariser leur situation vis-à-vis du fisc en ne payant que le 40<br />

pour cent <strong>des</strong> arriérés d'impôts (Pressedienst der SPÖ-Kärnten, 2004). Finalement, par manque de<br />

soutien politique, le gouvernement abandonna au début de l'année 2004 son projet. En effet, non<br />

seulement l'opposition s'est montrée extrêmement virulante vis-à-vis du projet, le qualifiant de<br />

"cadeau aux fraudeurs" mais le gouvernement lui-même n'était pas uni derrière le projet puisque<br />

notamment le ministre de la justice Böhmdorfer s'est montré dès le départ hostile à une telle loi (Die<br />

Presse, 2000).<br />

Contexte et dispositions de l'amnistie fiscale belge de 2004 - En Belgique, dès<br />

l'arrivée de la coalition entre socialistes et libéraux au pouvoir en mai 2003, l'idée est apparue de<br />

recourir à une amnistie fiscale afin de relancer la croissance par le rapatriement de capitaux et<br />

financer les mesures prévues dans le programme de la coalition, l'objectif avoué étant de créer<br />

200'000 emplois (De Meulemeester et Bayenet, 2003). Bien que les socialistes estimaient que la<br />

mesure se ferait au détriment <strong>des</strong> contribuables honnêtes, la perspective de recettes <strong>fiscales</strong><br />

supplémentaires permettant de financer <strong>des</strong> politiques en faveur de l'emploi a fait penché la balance<br />

et les quatre partis de la coalition se sont donc mis d'accord sur un projet d'amnistie fiscale appelée<br />

DLU pour "déclaration libératoire unique". Le ministre <strong>des</strong> finances, Didier Reynders a donc<br />

élaboré un projet de loi dont les dipositions étaient les suivantes. Les citoyens belges qui disposaient<br />

de capitaux placés à l'étranger avant le 1er juin 2003 pouvaient les rapatrier sans encourir de<br />

57


pénalités s'ils s'acquittaient d'une taxe libératoire de 9 ou 6 pour cent. Les capitaux bénéficiaient du<br />

taux de 6 pour cent s'ils étaient réinvestits pendant 3 ans au moins dans <strong>des</strong> placements durables. Si<br />

les capitaux étaient simplement déposés sur un compte en Belgique alors l'impôt libératoire s'élevait<br />

à 9 pour cent. Les citoyens participant à la DLU étaient en outre assurés que la confidentialité serait<br />

respectée à l'égard de l'administration fiscale belge 1 (La Libre Belgique, 12.09.2003). Les fonds<br />

acquis par le biais d'activités criminelles, les bas de laine conservés à l'intérieur du pays sous forme<br />

d'argent thésaurisé et les contribuables faisant l'objet d'investigations étaient exclus de la DLU 2 (La<br />

Libre Belgique, 03.10.2003). Enfin une augmentation de l'amende fiscale en cas de fraude était<br />

prévue à partir du 1er janvier 2005 3 . Le ministre <strong>des</strong> finances a toutefois dû revoir sa copie. Le fait<br />

d'obliger les capitaux à être rapatriés et à passer par le guichet d'une banque Belge était susceptible<br />

d'être attaqué devant la commission européenne comme constituant une entrave à la libre circulation<br />

<strong>des</strong> capitaux ainsi qu'une entrave à la concurrence (La Libre Belgique, 06.10.2003). Dès lors les<br />

contribuables n'avaient plus l'obligation de rapatriés leurs avoirs en Belgique mais simplement de<br />

les déclarés et pouvaient églement bénéficier du taux réduit en les investissant dans un pays de l'UE<br />

(La Libre Belgique, 15.01.2004 ).<br />

Les résultats de la DLU belge - La DLU est officiellement entrée en vigueur le 16<br />

janvier 2004 et s'est terminée le 31 décembre. A l'origine, le gouvernement tablait sur <strong>des</strong> recettes<br />

<strong>fiscales</strong> supplémentaires de 850 millions d'euros et 0.05 pour cent de PIB supplémentaire (La Libre<br />

Belgique, 15.01.2004 "L'amnistie fiscale dans les starting-blocks"). Au final se sont 496,2 millions<br />

d'euros qui sont rentrés dans les caisses de l'Etat et 5,7 milliards de capitaux qui ont été régularisés<br />

dont 5,37 ont été injectés dans l'économie Belge (La Libre Belgique, 17.02.2005). Le résultat est<br />

donc inférieur aux prévisions et il ne représente que environ 0,63 pour cent du total <strong>des</strong> recettes<br />

<strong>fiscales</strong> (La Libre Belgique, 07.01.2005). En outre, l'évasion fiscale en Belgique est estimée à plus<br />

de 15 milliards par an, ce qui signifie que le montant dégagé par l'amnistie représente seulement 3,3<br />

pour cent <strong>des</strong> montants fraudés annuellement (La Libre Belgique, 14.02.2004). En plus <strong>des</strong><br />

modifications apportées à la loi en cours de route, l'incertitude concernant l'évolution du système<br />

fiscal peut expliquer ces faibles résultats. En effet, l'incertitude concernant une éventuelle<br />

introduction d'un impôt sur la fortune a certainement retenu plus d'un contribuable de participer (La<br />

Libre Belgique, 21.02.2004). En outre, il semble qu'une réduction de l'évasion fiscale en Belgique<br />

doive passer par une diminution <strong>des</strong> taux d'impôt sur les successions qui demeurent parmi les plus<br />

élevés du monde et qui sont régulièrement désignés comme une <strong>des</strong> causes de l'évasion fiscale (La<br />

Libre Belgique, 31.01.2004). Malgré le résultat mitigé de la DLU, le gouvernement belge étudie la<br />

58<br />

1 Voir présentation de Didier Reynders, http://minfin.fgov.be/portail1/fr/dlu/DLU2ppt.pdf<br />

2 Voir présentation de Didier Reynders, http://minfin.fgov.be/portail1/fr/dlu/DLU2ppt.pdf<br />

3 Voir présentation de Didier Reynders, http://minfin.fgov.be/portail1/fr/dlu/DLU2ppt.pdf


possibilité d'en édicter une seconde afin de continuer à financer la sécurité sociale (Le Temps, 24<br />

septembre 2005).<br />

Le projet d'amnistie fiscale française de 2004 - Dans la période récente, l'idée<br />

d'édicter une amnistie fiscale a également séduit le gouvernement français. A la fin de l'année 2002,<br />

il semble que le premier ministre Jean-Pierre Raffarin ait demandé à l'aministration d'étudier les<br />

effets d'une amnistie fiscale <strong>des</strong>tinée à rapatrier vers l'Hexagone <strong>des</strong> capitaux et fortunes placés à<br />

l'étranger (Dedieu, 2002). Dans le courant du mois de mai 2004, le premier ministre a présenté au<br />

parlement français l'idée d'instituer un prélèvement libératoire en cas de rapatriement d'avoirs<br />

détenus à l'étranger pour financer le plan de cohésion social (Mabille, 2004). Le projet prévoyait<br />

alors un prélèvement libératoire de 15 pour cent ainsi qu'un taux de 10 pour cent pour les<br />

prélèvements sociaux, soit un taux global de 25 pour cent. Toutefois, le projet d'amnistie ne fut pas<br />

mener à terme. D'une part ce projet a été fermement combattu par le parti socialiste dont le premier<br />

secrétaire a jugé immoral de financer la solidarité avec l'argent de la fraude et par l'Union pour la<br />

démocratie française au sein duquel François Bayrou a jugé la mesure injuste (Mabille, 2004).<br />

D'autre part son efficacité était fortement mise en doute. Dès le début du projet, Robert Braconnier,<br />

ancien directeur <strong>des</strong> impôts estimait que : "La mesure peut rapporter à court terme sur le plan<br />

budgétaire mais ôter à long terme toute crédibilité au contrôle fiscal et décourager les contribuables<br />

honnêtes"(Dedieu, 2002). Par ailleurs, plusieurs experts ont estimé que les recettes <strong>fiscales</strong> pouvant<br />

être collectées à court terme, ne s'élèveraient pas à plus de 500 millions d'euro (Wolf, 2004). Pour<br />

assurer une plus grande efficacité de la mesure, le gouvernement aurait alors dû s'attaquer à l'ISF<br />

(impôt de solidarité sur la fortune) qui est désigné par beaucoup comme la cause de la fuite <strong>des</strong><br />

capitaux. Or, pour le secrétaire d'Etat au budget, l'ISF est une institution du système fiscal français,<br />

il apparaît aujourd'hui installé et ne peut pas disparaître (Wolf, 2004). C'est donc afin d'éviter un<br />

débat plus large sur la suppression de l'ISF que Jean-Pierre Raffarin a finalement abandonné le<br />

projet d'amnistie fiscale en arguant qu'il apparaissait clairement qu'une telle action devait être<br />

engagée au niveau européen. Et le secrétaire d'Etat au budget d'ajouter qu'en matière de rapatriement<br />

de capitaux le bon niveau d'action est européen (Wolf, 2004). Si l'invocation de l'Europe semble<br />

d'abord un prétexte du gouvernement français pour se débarrasser d'un dossier politiquement<br />

délicat, il apparaît tout de même intéressant de se demander si une éventuelle amnistie fiscale<br />

d'envergure européenne est un cas de figure envisageable.<br />

4.1.4.L'absence d'amnistie fiscale à l'échelon européen<br />

Le nombres important d'<strong>amnisties</strong> qui ont été octroyées dans les pays constitutifs de l'union<br />

européenne contraste avec le fait qu'aucune amnistie n'ait jamais été édictée à l'échelon européen,<br />

soit par les institutions mêmes de l'UE soit sous la forme d'une amnistie coordonnée entre les<br />

59


différents Etats membres. Cette sous-section explore par conséquent les causes d'une telle absence<br />

d'amnistie mais également sur la perspective de l'éventuel octroi d'une amnistie à l'échelon<br />

européen.<br />

L'absence d'amnistie au niveau de l'UE : les causes institutionnelles - En matière de<br />

fiscalité, le principe fondamental qui sous-tend les décisions au niveau européen est celui de la<br />

souveraineté <strong>des</strong> Etats membres. Ainsi la Commission européenne 1 a affirmé, dans le cadre de sa<br />

stratégie de politique fiscale, que les Etats membres étaient libres de choisir les systèmes fiscaux les<br />

plus adéquats en fonction de leurs préférences du moment qu'ils respectent la législation<br />

communautaire. En outre, toute proposition d'une action communautaire concernant le domaine<br />

fiscal devrait prendre totalement en compte les principes de subsidiarité et de souveraineté <strong>des</strong><br />

Etats. La souveraineté fiscale <strong>des</strong> Etats est d'ailleurs garantie par les mécanismes de prise de<br />

décision au sein du Conseil de l'UE, institution qui représente les Etats au niveau européen 2 . En<br />

effet, dans le cadre du traité instituant la Communauté européenne et du traité sur l'Union<br />

européenne, toutes les décisions en matière fiscale qui doivent être prises au niveau européen sont<br />

soumises à la règle de l'unanimité, ce qui signifie que tous les États membres doivent être d'accord<br />

sur toute mesure adoptée dans le domaine fiscal. Etant donné le pouvoir dont les Etats disposent et<br />

les faibles compétences transférées à la Commission en matière de fiscalité, il s'est avéré jusqu'à<br />

aujourd'hui inutile et inconcevable d'édicter une amnistie fiscale au niveau de l'UE.<br />

L'absence d'amnistie au niveau de l'UE et la diversité <strong>des</strong> systèmes fiscaux - Les<br />

faibles compétences <strong>fiscales</strong> dont dispose la Commission ne suffisent toutefois pas à expliquer<br />

l'absence d'une amnistie fiscale qui concernerait l'ensemble <strong>des</strong> Etats membres. En effet, il serait<br />

théoriquement possible que les différents Etats membres s'entendent pour coordonner une opération<br />

d'amnistie fiscale à l'échelle européenne. Toutefois, l'absence d'une amnistie "européenne" constatée<br />

dans les faits s'explique par une autre caractéristique <strong>des</strong> systèmes fiscaux en europe, découlant de<br />

la souveraineté <strong>des</strong> Etats en matière fiscale : leur diversité. Cette diversité s'exprime essentiellement<br />

à deux niveaux, qui sont celui de la pression fiscale et celui de la structure <strong>des</strong> prélèvements<br />

(Hugounenq et alii, 1999). Ainsi, si les niveaux de pression fiscale <strong>des</strong> Etats européens évoluent<br />

dans le temps de manière relativement semblable, <strong>des</strong> écarts de pression fiscale globale subsistent.<br />

Dans cet perspective, les Etats ayant la pression fiscale la plus élevé sont les plus susceptibles de<br />

souffrir de l'évasion fiscale. Par conséquent certains Etats auront nettement plus intérêt que d'autres<br />

à édicter une amnistie fiscale ce qui diminue d'autant la probabilité d'une amnistie fiscale à l'échelle<br />

de l'UE puisqu'un seul Etat peut, en matière fiscale, mettre son veto à toute décision. En plus de<br />

connaître <strong>des</strong> pressions <strong>fiscales</strong> différentes, les Etats de l'UE connaissent <strong>des</strong> structures de<br />

1 Voir http://europa.eu.int/comm/taxation_customs/taxation/gen_info/tax_policy/index_fr.htm<br />

2 Voir http://europa.eu.int/comm/taxation_customs/taxation/gen_info/tax_law/conference/index_fr.htm<br />

60


prélèvement qui divergent fortement. Ainsi, même dans l'hypothèse d'une volonté commune de<br />

coordonner un programme d'amnistie sur le plan européen, les Etats se heurteraient à d'énormes<br />

problèmes s'agissant de définir les objectifs à atteindre ainsi que le type d'amnistie à utiliser.<br />

L'intégration européenne et l'éventualité d'une amnistie à l'échelon européen -<br />

Toutefois, l'intégration économique ainsi que l'harmonisation fiscale croissantes parlent de plus en<br />

plus pour le niveau supranational comme niveau optimal pour l'édiction d'une amnistie fiscale. En<br />

effet, la forte intégration du marché du capital assuré par le principe de libre circulation <strong>des</strong> capitaux<br />

implique que le Etats membres ne peuvent plus édicter d'amnistie obligeant les contribuables<br />

délinquants à rapatrier les capitaux concernés. Le principe de libre circulation <strong>des</strong> capitaux rend les<br />

<strong>amnisties</strong> visant aux rapatriement de capitaux inefficaces si elle sont octroyées à l'échelon national.<br />

Un excellent exemple de ce propos est ici illustré par le cas de la DLU belge. Comme nous l'avons<br />

déjà exposé précédemment, l'objectif de la DLU était de provoquer une augmentation du PIB par un<br />

retour de capitaux en Belgique. Par conséquent, la première mouture de la DLU prévoyait que<br />

l'argent régularisé devait obligatoirement transiter par le guichet d'une banque belge (La Libre<br />

Belgique, 13.10.2003). Or, sous la menace d'un recours <strong>des</strong> banquiers Luxembourgeois auprès de la<br />

commission européenne au nom du principe de libre circulation <strong>des</strong> capitaux, le Conseil d'Etat<br />

belge 1 a modifié la DLU pour que la Belgique évite de s'exposer aux foudres de la Commission<br />

européenne (La Libre Belgique, 13.10.2003). Dès lors l'argent régularisé ne devait plus<br />

obligatoirement transiter par le guichet d'une banque belge (La Libre Belgique, 13.10.2003). Bien<br />

que nous ne disposions pas de chiffres à ce sujet, cette modification a certainement eu <strong>des</strong><br />

répercussions sur la capacité de l'amnistie à atteindre son objectif en terme de rapatriement de<br />

capitaux.<br />

Finalement, une amnistie partielle concernant un impôt fortement harmonisé sur le plan européen tel<br />

que la TVA serait techniquement possible, d'autant plus que les Etats de l'Union qui auraient un<br />

intérêt à récupérer <strong>des</strong> recettes <strong>des</strong> la TVA sont nombreux puisque plusieurs Etats ont estimés que<br />

les montants fraudés atteignaient environ 10 pour cent de leurs recettes nettes de TVA (Commission<br />

Européenne, IP/ 04/ 523, 2004).<br />

Evidemment se pose ici encore la question de la possibilité qu'une amnistie fiscale européenne soit<br />

adoptée à l'unanimité <strong>des</strong> Etats membres. De plus il convient encore de rappeler que la politique de<br />

la Commission en matière de fraude fiscale tend plutôt à resserrer les mailles du filet sur les<br />

fraudeurs qu'à leur ouvrir une porte de sortie sous la forme d'une amnistie. En témoigne le nombre<br />

d'améliorations essentielles apportées à la co-opération instituée dans la lutte contre la fraude à la<br />

TVA dans les dernières années comme les échanges d'informations sur les meilleures pratiques de<br />

1 En Belgique, le Conseil d'Etat est une juridiction administrative dépendante du pouvoir exécutif. Elle a notamment<br />

un rôle consultatif en matière législative (voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Conseil_d'Etat_(Belgique) .<br />

61


contrôle ou l'assistance mutuelle entre administrations <strong>fiscales</strong> (Commission Européenne, IP/ 04/<br />

523, 2004). En matière d'imposition <strong>des</strong> revenus de l'épargne également, l'adoption d'une directive<br />

instaurant l'échange automatique d'informations afin de lutter plus efficacement contre l'évasion<br />

fiscale 1 témoigne de la volonté de l'UE de lutter contre les fraudeurs sans recourir à une quelconque<br />

amnistie. En conclusion, l'édiction d'une amnistie fiscale au niveau européen ne semble pas<br />

imminente mais elle pourrait toutefois survenir si l'ensemble <strong>des</strong> Etats membres y voient un intérêt<br />

prépondérant et parviennent à se mettre d'accord.<br />

La présente section a traité de manière relativement détaillée les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> ayant été édictées<br />

depuis 1970 jusqu'à aujourd'hui dans l'union européenne. Notamment les <strong>amnisties</strong> édictées dans la<br />

période récente, l'ont été dans un contexte de pression sur les finances publiques et avaient, pour la<br />

plupart, l'objectif de rapatrier <strong>des</strong> capitaux détenus illégalement à l'étranger ou d'inciter leurs<br />

détenteurs à les déclarer . En raison de son secret bancaire, la Suisse a souvent été montrée du doigt<br />

comme un <strong>des</strong> principaux pays qui abriterait les capitaux <strong>des</strong> contribuables fraudant les<br />

administrations <strong>fiscales</strong> européennes. Par conséquent, il apparaît intéressant d'aborder ici le cas de la<br />

Suisse.<br />

4.2.Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> en Suisse<br />

Disposant d'une législation assurant le secret bancaire, la place financière suisse constitue<br />

historiquement un lieu de <strong>des</strong>tination privilégié pour l'épargne privée. Ainsi, les avoirs déposés en<br />

Suisse ont été directement concernés par les récentes <strong>amnisties</strong> européennes. Par exemple environ 9<br />

pour cent <strong>des</strong> capitaux traités dans le cadre de la DLU belge provenaient de Suisse (Verhoosel,<br />

2005). Lors du premier "scudo fiscale" italien, le président de la Chambre du commerce et de<br />

l'artisanat du Tessin estimait que les banques de Suisse italienne avaient perdu 30 à 40 milliards de<br />

francs suisses (Swissinfo, 2002). Egalement l'UBS a subit un reflux net de plus de 8 milliards de<br />

francs suisses à cause de l'amnistie italienne (UBS, rapport 2002). Afin d'atténuer l'impact <strong>des</strong><br />

<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> européennes sur la place financière Suisse, certaines voix se sont élevées pour que<br />

la Suisse elle-même édicte une amnistie fiscale. Ainsi, inquiet <strong>des</strong> effets du bouclier fiscal italien, le<br />

député tessinois Fulvio Pelli mentionnait dans une interpellation au Conseil fédéral 2 (ci-après CF)<br />

que : "Il est par ailleurs nécessaire, dans l'hypothèse où une partie <strong>des</strong> avoirs de ressortissants<br />

étrangers déposés en Suisse pourraient quitter notre pays, de déterminer l'importance <strong>des</strong> fonds<br />

appartenant à <strong>des</strong> citoyens suisses ou <strong>des</strong> personnes résidant en Suisse et qui sont déposés à<br />

l'étranger, dans <strong>des</strong> pays tels que le Luxembourg ou les îles anglo-norman<strong>des</strong>. On ne peut exclure<br />

que la tendance à placer <strong>des</strong> avoirs d'épargne ou <strong>des</strong> capitaux dans <strong>des</strong> places financières étrangères<br />

62<br />

1 Voir http://europa.eu.int/comm/taxation_customs/taxation/personal_tax/savings_tax/index_fr.htm<br />

2 Pouvoir exécutif suisse au niveau fédéral


ait existé dans notre pays" (Pelli, 2002). L'idée d'édicter une loi d'amnistie fiscale en Suisse,<br />

notamment pour compenser les effets <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> prononcées par les pays de l'UE, a donc<br />

clairement émergé dans la période récente. Avant de traiter cette problématique en particulier, il<br />

convient de passer en revue l'expérience suisse en matière d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>.<br />

4.2.1.Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> suisses au niveau fédéral entre 1940 et 1968<br />

Depuis 1940, la Suisse a connu trois <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> sur le plan fédéral. Les deux premières<br />

<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> édictées par le pouvoir fédéral sont fortement liées au contexte de la deuxième<br />

guerre mondiale qui sévit en Europe. L'amnistie fiscale de 1968 est par contre plus directement liée<br />

à la lutte contre la fraude fiscale. Les principales caractéristiques de ces trois <strong>amnisties</strong> sont<br />

résumées dans le tableau 4.5.<br />

63<br />

Tableau 4.5. - Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> suisses au niveau fédéral entre 1940 et 1968<br />

Année Objectif Type d'amnistie Résultats Conditions<br />

1940 Financement de la<br />

défense nationale<br />

1944 Financement de la<br />

défense nationale<br />

1968 Recettes <strong>fiscales</strong><br />

supplémentaires<br />

Sources : élaboration personnelle 1<br />

"Wheropferamnestie"<br />

amnistie générale<br />

Verrechnugssteueramnestie<br />

amnistie générale<br />

amnistie générale<br />

1,5 mrds de fortune déclarée<br />

15% de la fortune déclarée jusqu'alors<br />

Introduction d'une contribution<br />

unique au titre de sacrifice pour la<br />

défense nationale<br />

6,5 mrds de franc déclarés Introduction de l'impôt anticipé<br />

11,5 mrds de CHF déclarés<br />

6% de la fortune déclarée alors<br />

Lutte contre la fraude<br />

L'amnistie fiscale suisse de 1940 - Dès 1939, la Suisse est entourée par <strong>des</strong> pays de<br />

l'axe ou par <strong>des</strong> pays alliés. Ainsi, afin de pouvoir garantir la politique de neutralité adoptée par la<br />

Suisse vis-à-vis du conflit, l'Assemblée fédérale accorde, par l'arrêté du 30 août 1939 sur les<br />

mesures propres à assurer la sécurité du pays et le maintien de la neutralité, <strong>des</strong> pouvoirs<br />

extraordinaires au Conseil fédéral lui évitant ainsi la voie légale habituelle lors de prises de décision<br />

(BIF, 2004, p.7). Sur la base de ses pouvoirs, le CF décide le 30 avril 1940 d'introduire, entre autres<br />

mesures <strong>fiscales</strong>, une contribution unique au titre de sacrifice pour la défense nationale. Il s'agissait<br />

alors d'un prélèvement sur la fortune nette, perçu en trois annuités (BIF, 2004, pp.7-8). Au<br />

prélèvement de ce nouvel impôt, le CF a associé une amnistie fiscale générale (en allemand<br />

Wehropferamnestie) en faveur <strong>des</strong> contribuables qui déclaraient complétement leur fortune afin de<br />

les motiver à participer au nouvel impôt (Torgler et Schaltegger, 2004, p.10). Cette amnistie<br />

garantissait l'impunité aux contribuables y participant et n'exigeait pas d'eux qu'ils payent leurs<br />

arriérés d'impôt. Avec une fortune déclarée à hauteur de 1,5 milliards de francs suisses et <strong>des</strong><br />

recettes <strong>fiscales</strong> supplémentaires de 150 millions francs suisses, la première amnistie fiscale<br />

fédérale ne fut pas, selon Torgler, un succès (Torgler et Schaltegger, 2004, p.10). Pour Torgler, le<br />

fait que l'amnistie n'émane pas de la volonté populaire constitue une raison à son échec. En outre,<br />

1 Élaboré à partir de Torgler et Schaltegger, 2004 et BIF, 2004


certains contribuables ont pu craindre que les documents délivrés à l'administration soit utilisés pour<br />

contrôler et confisquer leur fortune. Torgler ajoute que le programme d'amnistie ne fut pas<br />

accompagné d'une augmentation <strong>des</strong> mesures de pénalité et de contrôle, pouvant expliquer son<br />

faible succès (Torgler et Schaltegger, 2004, p.10).<br />

L'amnistie fiscale suisse de 1944 - En 1942, la guerre fait toujours rage en Europe et la<br />

situation financière de la Confédération s'est notablement aggravée. Le 20 novembre 1942, dans un<br />

rapport intermédiaire sur les pouvoirs extraordinaires, le CF donne un aperçu <strong>des</strong> nouvelles mesures<br />

qu'il à l'intention de prendre en vue de maîtriser les finances. Le 1er septembre 1943, le CF soumet à<br />

l'Assemblée fédérale un deuxième rapport intermédiaire qui a pour objet l'introduction de l'impôt<br />

anticipé. Il est notamment <strong>des</strong>tiné à lutter contre la fraude fiscale concernant les revenus <strong>des</strong><br />

capitaux. Cet impôt est prélevé à la source mais restitué au contribuable à la condition que ce<br />

dernier déclare régulièrement les revenus concernés ainsi que les capitaux qui les ont produits. Cet<br />

impôt fut introduit le premier janvier 1944 avec un taux de 15 pour cent. En octobre 1944, le CF<br />

prend 3 arrêtés fédéraux dont il explique les motifs dans un troisième rapport intermédiaire. Ceux-ci<br />

ont notamment pour but d'accorder une amnistie fiscale générale à l'occasion de l'institution de<br />

l'impôt anticipé et de porter le taux de l'impôt anticipé de 15 pour cent à 25 pour cent (BIF, 2004,<br />

pp. 9-10). L'amnistie avait alors pour but d'inciter les contribuables a déclarer les actifs qui ne<br />

l'avaient pas été jusqu'alors. Cette amnistie connut un succès plus important que la précèdente<br />

puisque 6,5 milliards de francs suisses de fortune supplémentaires furent déclarés (Torgler et<br />

Schaltegger, 2004, p.10). Alors que cette amnistie n'avait pas non plus été soumise au peuple,<br />

Torgler met en évidence le fait qu'elle avait été, au contraire de la précédente, couplée avec un<br />

durcissement <strong>des</strong> contrôles fiscaux ainsi qu'avec un échange d'informations entre les autorités<br />

<strong>fiscales</strong> cantonales (Torgler et Schaltegger, 2004, p.10).<br />

L'amnistie fiscale suisse de 1968 : genèse de la loi et procédure - Une fois la<br />

deuxième guerre mondiale terminée et les finances fédérales dans une meilleure situation, <strong>des</strong><br />

mesures isolées comme <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> ne se justifient plus. Ce n'est qu'en 1960 qu'un groupe<br />

de parlementaires décide de s'attaquer en profondeur à la fraude fiscale et relance le débat en<br />

déposant une motion invitant le CF à soumettre aux Chambres un rapport et <strong>des</strong> propositions sur la<br />

façon de rendre plus efficace la lutte contre la fraude fiscale (BIF, 2004, p.19). Le 25 mai 1962, le<br />

CF livre son rapport dans lequel il estime la fraude fiscale dans le domaine de la fortune en capital<br />

mobilier entre 17 et 23 milliards de francs suisses. Le CF estimait qu'il était alors nécessaire de<br />

prendre le plus tôt possible <strong>des</strong> mesures pour réprimer la fraude fiscale mais que <strong>des</strong> mesures isolées<br />

ne feraient que détériorer la morale fiscale dans son ensemble. En particulier, il fallait rejeter l'idée<br />

d'une amnistie fiscale générale qui ne serait pas accompagnée de mesures étendues pour améliorer le<br />

64


égime fiscal. Contre l'avis du CF, le seul résultat indirect de la motion a consisté alors en un arrêté<br />

fédéral du 27 septembre 1963 concernant l'octroi d'une amnistie fiscale générale, arrêté qui sera<br />

rejeté le 02 février 1964 par le peuple et les cantons à une très forte majorité (BIF, 2004, p.22).<br />

Malgré le rejet du 02 février, le conseiller aux Etats Mäder dépose le 05 mars 1964 une motion<br />

demandant l'adhésion sans aucune restriction de la Confédération aux <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> cantonales<br />

en matière d'impôt pour la défense nationale. Selon lui, après le rejet de l'amnistie fiscale générale,<br />

il appartenait aux cantons de prendre <strong>des</strong> mesures de lutte contre la fraude en décrétant notamment<br />

<strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> cantonales. Toutefois, afin de ne pas mettre en danger le succès de telle <strong>amnisties</strong>, il<br />

était nécessaire que la Confédération y adhère. Dans un message du 06 juin 1966, le CF rejette l'idée<br />

d'une adhésion inconditionnelle et illimitée aux <strong>amnisties</strong> cantonales. Mais finalement, les 4 et 5<br />

octobre 1967, les chambres adoptent une proposition issue du conseil national et octroyent une<br />

amnistie fiscale générale au premier janvier 1968.<br />

65<br />

Tableau 4.6. – Les résultats de l'amnistie fiscale fédérale suisse de 1968<br />

Montants déclarés (mios CHF)<br />

Montants par habitant (CHF)<br />

ZH 1965,1 1774<br />

BE 2200,0 2237<br />

LU 265,0 915<br />

UR 34.3 1006<br />

SZ 155,7 1691<br />

OW 46,8 1910<br />

NW 32,0 1248<br />

GL 75,0 1966<br />

ZG 135,8 1997<br />

FR 333,9 1852<br />

SO 312,0 1392<br />

BS 405,7 1727<br />

BL 256,7 1253<br />

SH 85,0 1167<br />

AR 100,3 2046<br />

AI 39,7 3025<br />

SG 850,0 2211<br />

GR 250,0 1542<br />

AG 676,2 1561<br />

TG 378,8 2072<br />

TI 430,2 1753<br />

VD 470,6 919<br />

VS 335,1 1622<br />

NE 347,6 2055<br />

GE 1335,0 4026<br />

Total/moyenne 11516,5 1799<br />

Source : Torgler et Schaltegger, p.12<br />

Le Conseil national mentionnait notamment que cette amnistie devait procurer aux cantons <strong>des</strong><br />

recettes <strong>fiscales</strong> supplémentaires dont ils avaient un urgent besoin (BIF, 2004 p.23). Le 18 février<br />

1968, l'amnistie fiscale générale est acceptée par le peuple par 61,9 pour cent <strong>des</strong> voix et par tous les


66<br />

cantons, le taux de participation était de 41,79 pour cent 1 .<br />

Les résultats de l'amnistie suisse de 1968 – L'amnistie de 1968 a permis la déclaration<br />

d'une fortune pour un montant de 11,5 mrds de francs suisses. Bien que cette amnistie ait connu un<br />

certain succès, Torgler met en évidence le fait que le résultat global cache une certaine hétérogénéité<br />

entre les cantons (Torgler et Schaltegger, 2004, p.12). Le tableau 4.6. montre la répartition du<br />

montant par canton. Le tableau 4.6. montre une forte variation d'un canton à l'autre. Par exemple,<br />

Genève a connu <strong>des</strong> régularisations pour un montant de 4026 francs suisses par habitant alors que<br />

Lucerne n'atteint que 915 francs suisses par tête. Torgler explique que le canton de Genève avait<br />

largement usé d'avertissements à but "éducatif", de conférences de presse et d'arrangement pour les<br />

organisations professionnelles et les organismes privés.<br />

Tableau 4.7. – Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dans les Cantons suisses<br />

1917-1938 1940-1950 1951-1955 1956-1960 1961-1965 Total<br />

ZH 2 2<br />

BE 1 1<br />

LU 1 1 2<br />

UR 1 1 2<br />

SZ 1 1 2<br />

OW 1 1<br />

NW 1 1<br />

GL 1 1<br />

ZG 1 1<br />

FR 1 1 2<br />

SO -<br />

BS -<br />

BL 1 1<br />

SH 1 1<br />

AR 1 1<br />

AI -<br />

SG 1 1<br />

GR 1 1<br />

AG -<br />

TG 1 1<br />

TI 1 1<br />

VD 1 1 2<br />

VS 3 1 1 5<br />

NE 1 1<br />

GE 2 2<br />

JU -<br />

Total 16 4 4 4 4 32<br />

Source : Torgler et Schaltegger 2004, p.10<br />

De plus certains cantons avaient récemment édicté <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> cantonales. Notons encore que le<br />

taux d'évasion fiscale avant l'amnistie peut fortement varier d'un canton à l'autre, ce qui peut aussi<br />

1 Voir http://www.admin.ch/ch/f/pore/va/19680218/det215.html


expliquer les différences de résultat. La procédure qui a mené à l'édiction de cette amnistie montre<br />

que le besoin de recettes <strong>fiscales</strong> urgent et à court terme <strong>des</strong> cantons a eu raison de la volonté de<br />

lutter en profondeur et à long terme contre la fraude fiscale à l'échelle de la Confédération. Cette<br />

issue s'explique notamment par le poids important <strong>des</strong> cantons dans un pays fortement décentralisé<br />

comme la Suisse. En effet, la souveraineté concernant certains impôts ainsi que les recettes de<br />

certains impôts sont partagées entre cantons et Conférération. Par conséquent, une amnistie fiscale<br />

fédérale profite également aux cantons. Mais le fait que les cantons aient <strong>des</strong> compétences en<br />

matière fiscale implique la possibilité qu'ils édictent une amnistie au niveau cantonal.<br />

4.2.2.Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dans les Cantons suisses<br />

Avant que la Confédération n'édicte la première amnistie fiscale en 1940, un certain nombre<br />

d'<strong>amnisties</strong> avaient déjà été utilisées au niveau cantonal. Les cantons y ont eu ensuite recours<br />

régulièrement jusqu'en 1965. Le tableau 4.7. propose un aperçu synthétique <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong><br />

cantonales. Le premier canton à avoir édicté une amnistie fiscale fut le canton de Zürich en 1917. Il<br />

fut imité jusqu'en 1938 par onze cantons dont Genève qui prononça deux <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dans la<br />

période et le Valais qui en prononça trois.<br />

4.2.3.Les discussions au sujet d'une amnistie fiscale fédérale dans les années nonante<br />

Après l'amnistie fédérale de 1968, le thème général <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> a disparu du devant de la<br />

scène de la politique fiscale durant un certain nombre d'années. Quelques tentatives, mentionnées<br />

sous forme de souhaits dans le postulat Pini en 1983 et l'interpellation Reimann en 88 d'introduire<br />

une nouvelle amnistie eurent lieu dans les années huitante sans réellement lancer le débat (BIF,<br />

2005, p.1).<br />

Le début <strong>des</strong> années nonante et la multiplication <strong>des</strong> projets d'amnistie fiscale - Le<br />

débat sur les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> reprend pourtant au début <strong>des</strong> années nonantes. Le 17 juin 1992,<br />

dans le cadre <strong>des</strong> débats sur l'assainissement <strong>des</strong> finances fédérales, le conseiller aux Etats Delalay<br />

dépose une motion priant le Conseil fédéral de préparer la législation instituant une amnistie fiscale<br />

générale ayant effet pour les impôts fédéraux, cantonaux et communaux. Le CF devait également<br />

définir le moment de cette amnistie entre 1993 et 1997 ainsi que les conditions et les effets de ladite<br />

amnistie. L'argument alors avancé par Delalay était que l'assainissement <strong>des</strong> finances devait aussi<br />

passé par un meilleur respect <strong>des</strong> lois <strong>fiscales</strong>. Or, selon lui, les <strong>amnisties</strong> de 1945 et de 1968<br />

avaient donné <strong>des</strong> résultats positifs de ce point de vue et une telle mesure par génération (25 ans) se<br />

justifiait donc (BIF, 2004, p.61). Le 17 juillet de la même année, le canton du Valais déposait une<br />

initiative cantonale demandant de mettre sur pied une amnistie fiscale qui s'étende à l'ensemble du<br />

territoire de la Confédération pour les impôts fédéraux, ainsi qu'à tous les cantons qui le souhaitent<br />

67


en vertu de leur législation propre (BIF, 2004, p.61). Le 18 janvier 1993, le canton du Jura dépose<br />

une initiative demandant une nouvelle amnistie fiscale compte tenu <strong>des</strong> déficits importants <strong>des</strong><br />

collectivités publiques et <strong>des</strong> sommes importantes non déclarées qui sont investies en placements<br />

fiduciaires, entre autres à l'étranger (BIF, 2004, p.62). Le Conseil fédéral combattra l'idée d'édicter<br />

une amnistie fiscale jusqu'au dernier moment car il estime qu'elle constitue toujours une rupture de<br />

l'ordre légal existant et revient toujours en fin de compte à reconnaître l'impuissance de l'Etat à<br />

déceler <strong>des</strong> infractions <strong>fiscales</strong> et à pouvoir les pénaliténer efficacement. Toutefois, les deux<br />

chambres adopteront la motion, contraignant ainsi le CF à préparer un projet d'amnistie (BIF, 2004,<br />

p.65).<br />

L'élaboration d'un projet d'amnistie fiscale générale par le CF - Afin d'accélérer la<br />

réalisation <strong>des</strong> objectifs visés dans sa motion, le conseiller aux Etats Delalay dépose le, 7 octobre<br />

1994, une initiative parlementaire proposant un texte rédigé de toutes pièces (BIF, 2004, p.66). Le<br />

Conseil fédéral lance alors, le 29 mars 1995, une procédure de consultation sur un projet élaboré par<br />

l'administration fédérale <strong>des</strong> contributions. Ce projet d'amnistie unique et générale, s'étendait à<br />

l'impôt sur le revenu et la fortune ainsi qu'à l'impôt sur le bénéfice et le capital. Elle prévoyait<br />

d'éviter au contribuable d'éventuelles sanctions administratives ainsi que <strong>des</strong> pénalités mais ne<br />

s'étendait pas aux arriérés d'impôt ni aux intérêts de retard. Le projet prévoyait en outre que les<br />

contribuables remettent une déclaration d'amnistie particulière indiquant le moment et les<br />

circonstances de la soustraction d'impôt, ce qui aurait dû permettre aux autorités de déterminer avec<br />

précision les résultats de cette amnistie. La déclaration d'amnistie n'aurait de plus pas dû entraîner<br />

d'amen<strong>des</strong> liées à d'autres impôts ou taxes. Le CF précisait encore dans son projet que l'amnistie<br />

devait comprendre <strong>des</strong> mesures d'accompagnement <strong>des</strong>tinées à assurer durablement son succès. Par<br />

là le CF entendait essentiellement un renforcement de l'effectif du personnel <strong>des</strong> administrations<br />

<strong>fiscales</strong> à tous les niveaux afin d'améliorer les contrôles fiscaux de façon à ce que l'imposition de la<br />

matière fiscale nouvellement déclarée puisse être conservée à long terme (BIF, 2004, p.68). Lors de<br />

la procédure de consultation, les avis ont été très controversés quant à une amnistie fiscale et le<br />

projet s'est heurté à une résistance massive <strong>des</strong> cantons. C'est pourquoi le CF a alors proposé aux<br />

Chambres , le 25 octobre 1995, de renoncer à l'amnistie et de classer la motion et l'initiative<br />

Delalay, proposition que les Chambres ont suivie en classant l'initiative parlementaire le 19 mars<br />

1997 (BIF, 2004, p.69 et 71).<br />

Les discussions sur l'introduction d'une forme d'amnistie permanente - Le débat<br />

sur les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> n'était toutefois pas clos puisque le Conseil <strong>des</strong> Etats donnait suite, le 19<br />

mars 1997 à une proposition de sa commission visant à introduire le principe de la dénonciation<br />

68


spontanée dans la LIFD 1 et la LHID 2 . Ce principe voulait que les personnes physiques et morales<br />

aient la possibilité, une fois tous les 30 ans, de se dénoncer pour les soustractions d'impôts<br />

commises et d'éviter ainsi les pénalités mais pas les arriérés d'impôt ni les intérêts moratoires. Ce<br />

principe correspond donc à une forme d'amnistie fiscale permanente ou quasi permanente. En effet,<br />

la possibilité pour le contribuable de bénéficier de l'amnistie s'étend sur une période extrêmement<br />

longue. Durant cette période, le contribuable peut faire valoir son "droit" à l'amnistie en tout temps.<br />

Le CF va dès lors faire preuve de quelques incohérences dans ses décisions. D'abord, le 25 août<br />

1999, le CF autorise le Département fédéral <strong>des</strong> finances (ci-après DFF) à mettre le projet en<br />

consultation mais ,le 13 mars 2000, dans le cadre de son train de mesures <strong>fiscales</strong> visant à mettre en<br />

oeuvre les Lignes directrices <strong>des</strong> finances fédérales adoptées le 4 octobre 1999, le CF propose luimême<br />

au Parlement une amnistie fiscale générale (BIF, 2004, p.77). En renonçant à infliger une<br />

amende fiscale ou toute autre action pénale et en instaurant une procédure simple pour recevoir un<br />

rappel d'impôt forfaitaire sur les revenus et la fortune déclarés après coup, fondé sur un pourcentage<br />

fixe après déduction d'une franchise raisonnable, le CF espérait inciter les contribuables à déclarer<br />

les actifs qu'ils auraient omis. De plus, l'amnistie qui aurait été accompagnée d'un renforcement <strong>des</strong><br />

contrôles aurait permis d'élargir la base de perception fiscale. En réponse à ce projet et jusqu'à la<br />

présentation par le CF de propositions concrètes concernant l'octroi d'une amnistie générale, les<br />

travaux sur l'amnistie fiscale individuelle en cas de dénonciation spontanée ont été suspendus le 19<br />

mars 2000 (BIF, 2004, p.82). De plus, le 15 janvier et le 5 février 2001, le canton du Jura<br />

respectivement du Tessin déposent chacun une initiative cantonale en vue de la suppression <strong>des</strong><br />

amen<strong>des</strong> héréditaires en matière fiscale (BIF, 2004, p.86). Finalement, le 27 juin 2001, le CF décide<br />

de ne pas donner suite à la demande du DFF d'ouvrir une procédure de consultation sur un projet<br />

regroupant une amnistie fiscale générale, une amnistie <strong>des</strong> héritiers et le principe de dénonciation<br />

spontanée (BIF, 2004, p.87).<br />

4.2.4.Les discussions récentes à propos d'une amnistie fiscale au niveau fédéral<br />

Les premières réactions aux <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> européennes - Alors que le CF<br />

semblait définitivement fermer la porte à toute forme d'amnistie fiscale, l'Italie ouvre, en septembre<br />

2001, le bal <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> en europe visant à rapatrier <strong>des</strong> capitaux. Le 03 octobre 2002, 4<br />

mois après la fin du bouclier fiscal italien, le conseiller national tessinois Fulvio Pelli, inquiet <strong>des</strong><br />

effets du bouclier fiscal et italien, interpellait le CF sur les intentions <strong>des</strong> autres pays de l'UE et sur<br />

l'ampleur <strong>des</strong> fonds demeurant à l'étranger et appartenant à <strong>des</strong> résidents suisses (Pelli, 2002). Le 09<br />

octobre, soit 6 jours après l'intervention du conseiller national Pelli, le canton du Tessin dépose une<br />

69<br />

1 Loi fédérale sur l'impôt fédéral direct<br />

2 Loi fédérale sur l'harmonisation <strong>des</strong> impôts directs


nouvelle initiative cantonale selon laquelle il propose à l'Assemblée fédérale d'instituer une amnistie<br />

fiscale générale ayant effet pour les impôts fédéraux et cantonaux en ajoutant une disposition<br />

transitoire à la constitution (BIF, 2004, p.91). En 2003, le débat sur les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> est<br />

totalement relancé. Le 11 mars, le Conseil national accepte non seulement l'initiative du canton du<br />

Jura qui vise à exclure toute responsabilité <strong>des</strong> héritiers pour les amen<strong>des</strong> <strong>fiscales</strong> du défunt et qui<br />

devra alors faire l'objet d'un projet de loi mais il accepte également de donner suite à l'initiative du<br />

canton du Tessin qui propose de renoncer également aux arriérés d'impôts si les héritiers présentent<br />

un inventaire complet <strong>des</strong> biens du défunt et qui, elle, retourne au Conseil <strong>des</strong> Etats. Le 03 juin, le<br />

conseil <strong>des</strong> Etats accepte de donner suite à l'initiative du canton du Tessin demandant l'institution<br />

d'une amnistie fiscale générale. Il rejette l'autre initiative du canton du Tessin visant à libérer les<br />

héritiers non seulement <strong>des</strong> amen<strong>des</strong> <strong>fiscales</strong> mais aussi <strong>des</strong> arriérés d'impôts dûs par le défunt (BIF,<br />

2004, pp.92-93).<br />

L'initiative Polla - Le 20 mars 2003 la conseillère nationale Barbara Polla dépose, une<br />

initiative parlementaire sous la forme d'un projet rédigé de toutes pièces demandant l'institution<br />

d'une amnistie fiscale générale (BIF, 2004, p.92). Cette amnistie unique devrait avoir effet pour les<br />

impôts fédéraux, cantonaux et communaux sur le revenu et la fortune <strong>des</strong> personnes physiques. Elle<br />

s'appliquerait aux impôts soustraits préalablement à son entrée en vigueur, pour autant que la<br />

déclaration en soit faite au cours de l'année pour laquelle l'amnistie est instituée. Il serait renoncé<br />

aux rappels d'impôts ainsi qu'aux pénalités <strong>fiscales</strong> si le paiement d'une taxe libératoire calculée en<br />

fonction du montant de la fortune non déclarée intervient. La taxe libératoire ne devrait pas excéder<br />

5 pour cent et les recettes <strong>fiscales</strong> preçues seraient réparties à raison d'un tiers pour la Confédération<br />

et de deux tiers pour les cantons et les communes. Le projet est une amnistie générale prévue par la<br />

Confédération pour les impôts relevant de sa compétence. Les cantons sont toutefois encouragés à<br />

saisir l'occasion de cette amnistie afin de procéder à <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> cantonales pour les impôts<br />

relevant de leurs compétences exclusives (Polla, 2003).<br />

Dans son initiative parlementaire Polla estime que les circonstances dans lesquelles se trouve alors<br />

la Suisse justifie le recours à une telle amnistie. Elle mentionne notamment l'opportunité de relancer<br />

l'activité économique du pays en injectant de nombreux capitaux dans le circuit économique. La<br />

période, se situant entre l'harmonisation fiscale formelle <strong>des</strong> impôts directs et la révision du droit<br />

pénal fiscal, apparaît idéale. En permettant aux résidents suisses de rapatrier <strong>des</strong> capitaux détenus à<br />

l'étranger, l'amnistie permettrait de compenser les pertes pour la place financière engendrées par les<br />

<strong>amnisties</strong> passées ou à venir en europe. Enfin, l'état critique <strong>des</strong> finances cantonales et communales<br />

impose <strong>des</strong> économies dans <strong>des</strong> domaines comme la recherche et l'enseignement supérieur ce qui<br />

pourrait avoir <strong>des</strong> conséquences dommageables pour le pays. L'amnistie fiscale permettrait<br />

70


d'atténuer ces effets en allouant les recettes supplémentaires à la recherche la formation et<br />

l'innovation (Polla, 2003). Notons encore que le parti libéral estime qu'une telle amnistie pourrait<br />

faire ressortir de l'ombre <strong>des</strong> fortunes pour un montant supérieur à 20 milliards de francs suisses<br />

(BIF, 2004, p.92).<br />

La procédure de consultation et les contre-projets du CF - Suite à ces trois<br />

interventions, le CF lancait, le 25 juin 2003, une procédure de consultation à propos de l'amnistie.<br />

La procédure portait sur l'idée d'édicter une amnistie fiscale générale et de ses modalités. De plus,<br />

étant peu acquis à l'idée d'une amnistie fiscale générale, la CF a soumis aux divers partis et<br />

organisations consultés trois mesures (BIF, 2004, p.95). La première mesure soumise est une<br />

amnistie fiscale qui ne porterait que sur l'impôt sur les successions. Pour le CF cette option pose<br />

moins de problème au niveau éthique puisque les héritiers n'ont en général aucune culpabilité dans<br />

la soustraction commise par le défunt. Si une telle amnistie permet également d'imposer <strong>des</strong><br />

montants non déclarés par le passé, la régularisation se fait progressivement et plus lentement<br />

qu'avec une amnistie fiscale générale. Trois variantes de cette première mesure ont été soumises à<br />

consultation. Soit elle prendrait la forme d'un pourcentage prélevé sur la fortune nouvellement<br />

déclarée selon un barème progressif allant de 1,5 pour cent à 2,5 pour cent. Soit la perception se<br />

limiterait aux trois dernières années précédant le décès du contribuable. L'impôt serait alors calculé<br />

précisément selon chaque type d'impôt ainsi que les intérêts moratoires. Enfin la base de calcul<br />

serait égale à un pourcentage fixe de la fortune nouvellement déclarée lequel serait imposé au taux<br />

de la dernière période fiscale précédant le décès de la personne ayant commis la soustraction. La<br />

mesure ainsi proposée ne porterait que sur les impôts directs fédéraux, cantonaux et communaux,<br />

les autres impôts restant dûs. En outre le succès de la première variante dépend du barème fixé par<br />

les cantons pour leur propre impôt car ils sont souverains en la matière (Rapport du DFF, 2004,<br />

pp.1-2). La deuxième mesure prévue par le CF était l'abolition de la responsabilité <strong>des</strong> héritiers pour<br />

les faits commis par le défunt et <strong>des</strong> amen<strong>des</strong> y relatives. La troisième mesure était celle de la<br />

dénonciation spontanée, déjà évoquée précédemment (Rapport du DFF, 2004, pp.1-2).<br />

Les résultats de la procédure de consultation - Sur l'idée d'édicter une amnistie<br />

fiscale générale, seize cantons sur 26, quatre partis (PDC, PEV, UDF et PS) 1 sur les 7 interrogés et 7<br />

organisations ou groupes d'intérêt sur dix se sont prononcés contre une amnistie fiscale générale.<br />

Les principaux arguments avancés sont le caractère inéquitable d'une telle mesure, son effet néfaste<br />

pour l'économie, le signal d'un Etat faible, la création d'anticipations chez les contribuables ainsi<br />

que le fait de donner une mauvaise image de la place économique suisse sur le plan international.<br />

Les acteurs prêts à soutenir une telle amnistie n'ont pratiquement pas apporté d'arguments en sa<br />

1 Dans l'ordre le Parti Démocrate Chrétien, le Parti évangélique suisse, l'Union Démocratique Fédérale, le Parti<br />

Socialiste<br />

71


faveur mais se sont contentés de poser <strong>des</strong> conditions (réformes <strong>fiscales</strong>, lutte contre la fraude...) à<br />

sa mise en oeuvre ou d'évoquer les modalités qu'elle pourrait prendre (taux, amen<strong>des</strong>, intérêts<br />

moratoires, base fiscale...) (Rapport DFF, 2004, pp. 6-7). Concernant l'amnistie sur l'impôt sur les<br />

successions seul deux cantons y sont strictement opposés, un canton y a soumis <strong>des</strong> restrictions et<br />

un canton ne la trouve pas suffisante. Une forte majorité <strong>des</strong> cantons s'est donc montré favorable à<br />

une telle mesure. Elle n'a également rencontré l'opposition que de trois groupes d'intérêt. Les<br />

positions <strong>des</strong> partis sont sur ce point plus partagées puisque deux partis (PS et PEV) y sont<br />

opposés, que l'UDC 1 y est opposée car elle privilégie une amnistie générale. En outre, la variante 3<br />

de cette mesure a été clairement rejetée par une majorité <strong>des</strong> intervenants (Rapport DFF, 2004, p.<br />

17). La variante 1 a elle été soutenue par sept cantons, <strong>des</strong> partis de droite et les associations<br />

patronales alors que la variante 2 a été soutenue par 15 cantons, la gauche et les syndicats. Enfin la<br />

majorité <strong>des</strong> intervenants s'est montrée favorable à l'abolition de la responsabilité <strong>des</strong> héritiers et au<br />

principe de la dénonciation spontanée. Sur ce dernier objet, <strong>des</strong> divergences sont tout de même<br />

apparues sur la période de rappel d'impôts, le prélèvement ou non <strong>des</strong> intérêts moratoires, le<br />

renoncement ou non à la totalité de l'amende ou l'éventualité d'y inclure ou non la fraude fiscale<br />

(Rapport DFF, 2004, pp. 14-15 ). En résumé, le résultat de la consultation montre donc que, dans<br />

leur principe, la suppression de la responsabilité <strong>des</strong> héritiers et la dénonciation spontanée ne<br />

rencontre pas d'opposition et devraient être approuvés par le Parlement. De même, le principe d'une<br />

simplification du rappel d'impôt en cas de succession devrait être accepté, une incertitude subsiste à<br />

savoir laquelle de la variante 1 ou 2 sera finalement privilégiée.<br />

La situation actuelle – Le premier mars 2005 la responsabilité <strong>des</strong> héritiers pour les<br />

amen<strong>des</strong> dues par le défunt a été abrogée de la LIFD 2 (DFF, 26 juin 2006, p.3). La priorité est<br />

actuellement donnée au projet de rappel d'impôt simplifié en cas de succession et de dénonciation<br />

spontanée. Le message devrait être arrêté par le CF au cours de l'année 2006 (DFF, 01 juin 2006).<br />

Dans cette perspective, la commission du parlement responsable de ces questions a décidé d'attendre<br />

le message du CF avant d'élaborer un projet d'amnistie fiscale s'inspirant de l'initiative du Tessin et<br />

de l'initiative Polla (DFF, 26 juin 2006, p.3). Ainsi, si le projet d'amnistie fiscale générale est<br />

actuellement gelé, il fera tôt ou tard l'objet de débats au sein du parlement et sera soumis au vote<br />

final. Or, si l'on en croit la procédure de consultation, les débat au sujet de l'amnistie laisse présager<br />

une issue incertaine. Bien que la majorité <strong>des</strong> intervenants s'oppose à une amnistie fiscale générale,<br />

le projet reste un point central pour trois partis (UDC, PRD et PLS 3 ) qui ont un poids important au<br />

Parlement. Ainsi un vote en faveur de l'amnistie générale par le parlement n'est pas à exclure. Dans<br />

72<br />

1 l'Union Démocratique du Centre<br />

2 Loi sur l'impôt fédéral direct<br />

3 Parti Libéral Suisse


une telle éventualité et étant donnée la forte opposition rencontrée lors de la procédure de<br />

consultation, il est vraisemblable que cette loi fasse l'objet d'un référendum et soit soumise au vote<br />

du peuple. Dans la perspective d'un débat d'envergure national sur l'éventualité d'édicter une<br />

amnistie fiscale au niveau de la Confédération, de précieux enseignements pourraient être tirés de<br />

l'expérience d'un autre pays fédéral en matière d'amnistie fiscale. Or les Etats-Unis offrent une telle<br />

configuration.<br />

73


5.L'expérience <strong>des</strong> Etats-Unis en matière d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong><br />

De par ses caractéristiques de pays industrialisé et d'Etat fédéral, l'expérience <strong>des</strong> Etats-unis en<br />

matière d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> peut s'avérer riche en enseignement à la fois pour la Suisse et pour<br />

l'Union européenne. En effet, d'une part l'expérience <strong>des</strong> cinquante états américains dans ce<br />

domaine est relativement grande. Et, d'autre part, les débats concernant une amnistie de niveau<br />

fédéral sont nombreux.<br />

5.1.Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dans les états américains depuis 1980<br />

La présente section propose de passer en revue l'expérience en matière d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> au<br />

niveau <strong>des</strong> états américains. Après une revue relativement exhaustive <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> édictées<br />

par les états américains depuis 1980, nous proposerons une comparaison de la performance <strong>des</strong><br />

<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> américaines. Le contexte américain se prête particulièrement bien à cet exercice<br />

par rapport au contexte européen pour deux raisons. Premièrement, les états américains sont<br />

structurellement plus homogènes et par conséquent plus facilement comparables. Deuxièmement,<br />

<strong>des</strong> données plus complètes sont disponibles. La comparaison <strong>des</strong> performances ainsi effectuée,<br />

permettra ensuite d'essayer d'expliquer dans quelle mesure les différentes caractéristiques <strong>des</strong><br />

<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> peuvent expliquer les différences de performance. Nous verrons que tirer <strong>des</strong><br />

conclusions sur la seule base de cette comparaison s'avère hasardeux. Par conséquent, et enfin, nous<br />

verrons les enseignements qu'il est possible de tirer de l'analys d'un cas particulier d'une <strong>des</strong><br />

<strong>amnisties</strong> américaines les plus performantes, à savoir l'amnistie fiscale new-yorkaise de 1985.<br />

5.1.1.Aperçu général <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> américaines depuis 1980<br />

L'intérêt de l'expérience <strong>des</strong> états américains - Les Etats-Unis sont un état fédéral.<br />

Comme le montre la carte 5.1., les Etats-Unis sont composés de 50 états. Bénéficiant d'un certain<br />

degré d'autonomie fiscale, les 50 états ont chacun le pouvoir d'édicter <strong>des</strong> lois <strong>fiscales</strong> concernant<br />

les domaines de la fiscalité pour lesquels ils sont souverains. Depuis les années huitantes, l'usage<br />

<strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> au niveau <strong>des</strong> Etats a été intensif. Or cette situation revêt un intérêt particulier<br />

pour l'analyse <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>. En effet, les exemples d'<strong>amnisties</strong> abordés jusqu'ici se situaient<br />

dans <strong>des</strong> pays aux contextes culturels, institutionnels et économiques fort différents, rendant les<br />

comparaisons entre programmes d'<strong>amnisties</strong> difficiles (Torgler et Schaltegger, 2003, p.5). Par<br />

conséquent, l'environnement institutionnel et culturel plus uniforme qui caractérise les Etats<br />

américains permet une comparaison directe <strong>des</strong> expériences en matière d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> et <strong>des</strong><br />

observations plus soli<strong>des</strong> (Torgler et Schaltegger, 2004, p.7).<br />

Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dans les états américains depuis 1980 - Depuis 1980, les Etats<br />

constitutifs <strong>des</strong> Etats-Unis ont fortement eu recours aux <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>, si bien que l'on en<br />

74


dénombre plus de 82 à ce jour. Le tableau 5.1. donne un aperçu <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> édictées par état et par<br />

année depuis 1980. Ainsi, sur les cinquante Etats que compte le pays, seuls neuf n'ont, à ce jour, pas<br />

édicté d'amnistie, il s'agit de l'Alaska, du Delaware, de Hawai, du Montana, de l'Oregon, du<br />

Tennessee, de l'Utah, de Washington et enfin du Wyoming. Les autres Etats ont tous eu recours au<br />

minimum une fois à l'amnistie fiscale. L'Arkansas, la Floride et la Louisiane sont les Etats ayant le<br />

plus utilisé les <strong>amnisties</strong> puisque chacun en a édictées quatre. D'un point de vue temporel, le tableau<br />

5.1. montre clairement l'existence de deux "vagues" d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>. La première a eu lieu dans<br />

les années huitantes avec un pic en 1985 lorsque huit <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> ont été édictées la même<br />

année. La seconde vague est apparue dans la période récente avec pas moins de 32 <strong>amnisties</strong> depuis<br />

l'an 2000 et un pic de douze <strong>amnisties</strong> en 2002. Ces deux pério<strong>des</strong> correspondent à <strong>des</strong> pério<strong>des</strong> de<br />

dégradation de la situation budgétaire <strong>des</strong> Etats. Par exemple, en 1982, l'état d'Arizona a ouvert le<br />

bal <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> en réponse à une crise financière (Parle and Hirlinger, 1986, p.246).<br />

75<br />

Carte 5.1. – Les 50 Etats <strong>des</strong> Etats-Unis<br />

Source : http://en.wikipedia.org/wiki/U.S._state<br />

L'objectif <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> américaines - Dans les différentes pério<strong>des</strong>, l'édiction<br />

d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> semble avoir été la réponse à <strong>des</strong> situations budgétaires précaires. En effet, à la<br />

fin de l'an 2000, les recettes <strong>fiscales</strong> ont montré <strong>des</strong> signes de fléchissement et, en 2001, elles ont<br />

drastiquement diminué (Jenny and Boyd, 2001). Les états se sont donc retrouvés dans <strong>des</strong> situations<br />

budgétaires délicates et ont été contraints de prendre <strong>des</strong> mesures pour rééquilibrer leurs budgets, ce<br />

d'autant plus que la totalité <strong>des</strong> états sont liés par <strong>des</strong> dispositions constitutionelles exigeant<br />

l'équilibre du budget (Jenny and Boyd, 2001). Comme l'augmentation d'impôt semble être une<br />

mesure que les gouvernements <strong>des</strong> états cherchent de manière générale à éviter (Jenny and Boyd,<br />

2001), l'amnistie fiscale apparaît comme un instrument permettant d'accroître les recettes <strong>fiscales</strong><br />

particulièrement attrayant.


76<br />

Tableau 5.1. – Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dans les états américains depuis 1980<br />

80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 Total<br />

AL 1 1<br />

AK -<br />

AZ 1 1 1 3<br />

AR 1 1 1 1 4<br />

CA 2 1 3<br />

CO 1 1 2<br />

CT 1 1 1 3<br />

DE -<br />

FL 1 1 1 1 4<br />

GA 1 1<br />

HI -<br />

ID 1 1<br />

IL 1 1 2<br />

IN 1 1<br />

IA 1 1<br />

KS 1 1 2<br />

KY 1 1 2<br />

LA 1 1 1 1 4<br />

ME 1 1 2<br />

MD 1 1 2<br />

MA 1 1 1 3<br />

MI 1 1 2<br />

MN 1 1<br />

MS 1 1 2<br />

MO 1 1 1 3<br />

MT -<br />

NE 1 1<br />

NV 1 1<br />

NH 1 1 2<br />

NJ 1 1 1 3<br />

NM 1 1 2<br />

NY 1 1 1 3<br />

NC 1 1<br />

ND 1 1 2<br />

OH 1 1 2<br />

OK 1 1 2<br />

OR -<br />

PA 1 1<br />

RI 1 1 1 3<br />

SC 1 1 2<br />

SD 1 1<br />

TN -<br />

TX 1 1 2<br />

UT -<br />

VT 1 1<br />

VA 1 1 2<br />

WA -<br />

WV 1 1 2<br />

WI 1 1 2<br />

WY -<br />

Total 0 0 2 4 6 8 5 5 2 1 4 0 2 0 0 2 3 1 3 2 0 3 12 10 5 2 2 84<br />

Source : élaboration personnelle 1<br />

Ainsi, bien que la plupart <strong>des</strong> auteurs estiment que les <strong>amnisties</strong> poursuivent le double objectif de<br />

lever <strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong> à court terme et d'accroître la base fiscale à long terme, il semble que le<br />

premier objectif cité ait été la principale motivation <strong>des</strong> états à prendre une mesure telle qu'une<br />

1 Élaboré à partir de Torgler et Schaltegger, 2004 ; JCT 1998 et http://www.taxadmin.org/fta/rate/amnesty1.html


amnistie fiscale (Dubin et alii, 1992, p.1061). En considérant donc la levée de recettes <strong>fiscales</strong> à<br />

court terme comme étant l'objectif prioritaire <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong>, il paraît intéressant de déterminer dans<br />

quelle mesure les différentes <strong>amnisties</strong> édictées par les états ont permis d'atteindre cet objectif.<br />

5.1.2.La performance <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> américaines<br />

La mesure de la performance <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> américaines - Pour évaluer la<br />

performance <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> et pour pouvoir les comparer entre elles, le JCT 1 utilise le<br />

rapport <strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong> collectées dans le cadre de l'amnistie aux recettes totales de l'état pour<br />

l'année précédant l'amnistie (JCT, 1998, p.18). Cet indicateur permet d'effectuer notamment un<br />

classement <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> de la plus performante à la moins performante comme présenté<br />

dans le tableau 5.2. L'indicateur utilisé apparaît meilleur que le résultat brut d'une amnistie puisqu'il<br />

tient compte de la taille de l'état et du taux effectif d'imposition et permet également de comparer les<br />

résultats <strong>des</strong> années 80 avec les résultats actuels sans les ajuster à l'inflation (JCT, 1998, p.18). De<br />

plus il est disponible ou facilement calculable pour une grande majorité <strong>des</strong> programmes d'amnistie.<br />

Comme le montre le tableau, l'indicateur a pu être calculé pour 75 <strong>des</strong> 82 <strong>amnisties</strong> mentionnées.<br />

Les caractéristiques <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> américaines - En plus de présenter les <strong>amnisties</strong><br />

par ordre de performance, le tableau mentionne les principales caractéristiques permettant de les<br />

distinguer ainsi que l'Etat dans lequel l'amnistie a été édictée et l'année durant laquelle elle a été<br />

édictée. Il est important de noter que le taux d'impôt exigé dans le cadre de l'amnistie ne figure pas<br />

dans ce tableau. Une éventuelle réduction du taux d'impôt ne permet effectivement pas de distinguer<br />

les <strong>amnisties</strong> car un <strong>des</strong> points communs <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> édictées aux Etats-Unis est que l'incitation<br />

accordée s'arrête à l'abandon <strong>des</strong> pénalités civiles et pénales voire éventuellement à une réduction<br />

<strong>des</strong> intérêts. En aucun cas une réduction ou un abandon <strong>des</strong> arriérés d'impôt n'a été accordée (JCT,<br />

1998, p.4). Le taux d'impôt appliqué ne constitue donc pas un élément déterminant pouvant<br />

expliquer les différences de performance entre les <strong>amnisties</strong>. Quatre éléments figurent dans le<br />

tableau et sont susceptibles de distinguer les <strong>amnisties</strong>. Il y a d'abord le fait qu'une amnistie ait fait<br />

l'objet d'une loi et qu'elle ait donc requis l'approbation du parlement. Un oui dans le tableau signifie<br />

qu'une loi a dû être votée, un non signifie que le gouvernement ou l'administration avaient tout<br />

pouvoir pour édicter l'amnistie. La troisième colonne indique la durée de l'amnistie en mois. La<br />

quatrième colonne indique si oui ou non les contribuables qui, au moment de l'amnistie, ont fait<br />

l'objet d'une enquête fiscale complète et se sont vus signifier le montant <strong>des</strong> arriérés à payer sans les<br />

avoir déjà réglés, sont autorisés à participer à l'amnistie (JCT, 1998, pp. 18 et 5). La cinquième<br />

colonne mentionne quels impôts étaient concernés par l'amnistie.<br />

77<br />

1 Le Joint Committe on Taxation est la commission du parlement américain compétente pour les questions de fiscalité<br />

(voir http://en.wikipedia.org/wiki/United_States_Congress_Joint_Committee_on_Taxation )


78<br />

Tableau 5.2 – Classement <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dans les états américains selon la performance<br />

Perf. Loi Durée Audit Base Etat Année Perf. Loi Durée Audit Base Etat Année<br />

2,66% oui 2 oui toutes LA 2001 0,5% oui 2 oui toutes WI 85<br />

2,6% oui 2,5 oui toutes NJ 96 0,5% oui 2 oui toutes VA 90<br />

2,37% oui 1,5 - toutes IL 2003 0,5% oui 3 non ventes CA 85<br />

2,2% oui 3 oui toutes NJ 87 0,5% oui 3 oui toutes N.C. 89<br />

2,2% oui 2 oui toutes IL 84 0,38% oui 2 oui toutes MD 2001<br />

2,1% oui 3 oui toutes NY 85 0,37% oui 1,5 oui toutes MI 2002<br />

1,9% oui 0,5 non toutes KY 88 0,31% oui 4 - toutes FL 2003<br />

1,8% oui 2 oui toutes ME 90 0,3% oui 2 - toutes W.V. 2004<br />

1,7% oui 3 oui toutes MA 83 0,3% oui 3 oui toutes S.C. 85<br />

1,7% oui 3 oui RPP CA 85 0,3% oui 2 non toutes CO 85<br />

1,6% oui 2 oui toutes IA 86 0,3% oui 3 oui toutes MN 84<br />

1,48% oui 2,5 oui toutes NH 98 0,27% oui 1 - toutes CO 2003<br />

1,44% oui 2 oui toutes N J 2002 0,25% oui 3 No toutes OH 2001<br />

1,43% oui 3 - toutes ME 2003 0,23% oui 3 oui toutes MO 2003<br />

1,3% oui 2,5 oui toutes NY 2002 0,22% oui 3 non toutes Ne 2004<br />

1,3% oui 1,5 oui toutes MI 86 0,22% oui 4 oui toutes MA 2003<br />

1,27% oui 2 non toutes KY 2002 0,2% oui 1,5 oui toutes VT 90<br />

1,25% oui 3 oui toutes NM 99 0,2% non 2 non toutes AZ 82<br />

1,12% oui 2 oui toutes KS 2003 0,2% - - toutes AR 82<br />

1,1% oui 3 - toutes CT 2002 0,19% - 5 - toutes NV 2002<br />

1,1% oui 3 oui toutes CT 90 0,16% oui 4 non toutes MS 2004<br />

1,03% non 0,75 non toutes TX 2004 0,1% ? - toutes FL 92<br />

1,03% oui 1,5 oui toutes SC 2002 0,1% non 3 non toutes AL 84<br />

1,00% oui 3 non toutes NM 85 0,09% oui 6 non toutes FL 88<br />

0,9% oui 3 oui toutes W.V. 86 0,09% oui 3 non toutes AR 87<br />

0,9% oui 3 oui toutes N.Y. 96 0,08% oui 3 non toutes R.I. 86<br />

revenu,<br />

0,9% oui 6 oui ventes OK 84 0,06% oui 1,5 oui toutes S.D. 99<br />

0,87% oui 3 oui toutes MS 2002 0,06% oui 3 non toutes MS 86<br />

0,86% oui 2 - toutes AZ 2003 0,05% oui - toutes AR 97<br />

0,80% oui 2,5 oui toutes NH 2002 0,04% oui 3 non toutes KS 84<br />

0,77% oui 2 oui toutes VA 2003 0,04% oui 3 non toutes LA 85<br />

0,7% oui 2 oui toutes MD 87 0,022% oui 3 non toutes LA 98<br />

0,7% oui 4 oui toutes GA 92 0,02% non 2,5 non RPP ID 83<br />

0,62% oui 4 oui toutes N.D. 2003 0,02% non 3 non toutes N.D. 83<br />

0,6% oui 2,5 oui toutes RI 96 0,02% non 2 non toutes MO 83<br />

0,6% oui 3 oui toutes CT 95 0,008% oui 2,5 non toutes LA 87<br />

0,6% oui 3 oui toutes PA 95 0,006% non 1 non toutes TX 84<br />

0,55% oui 2 oui toutes MA 2002<br />

Source : élaboration personnelle 1<br />

Performances et caractéristiques <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> - Il ressort <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> indiquées<br />

dans le tableau 5.2. de gran<strong>des</strong> divergences au niveau <strong>des</strong> performances. En effet, l'amnistie édictée<br />

par la Louisiane en 2001 est clairement celle qui a connu le plus grand succès avec 2,66 pour cent.<br />

A l'inverse l'amnistie de 1984 prononcée par le Texas n'a elle permis d'amasser que 0,006 pour cent<br />

<strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong>. Sur la base du tableau 5.2., il semble que la durée de l'amnistie ainsi que la<br />

base fiscale concernée ne joue aucun rôle sur la performance de l'amnistie, du moins il est<br />

impossible de tirer une quelconque observation. Par contre, il semble que le fait que l'amnistie fasse<br />

1 Élaboré à partir de JCT, 1998, p. 19, tableau 2 ; Torgler st Schaltegger 2004, p.8, tableau 2 ;<br />

http://www.taxadmin.org/fta/rate/amnesty1.html et http://www.taxadmin.org/fta/rate/burden.html#tax


l'objet d'un projet de loi voté par le parlement ait un impact positif sur son résultat. En effet, ormis<br />

l'amnistie de 2004 du Texas, toutes les <strong>amnisties</strong> n'ayant pas fait l'objet d'une loi ont permis de lever<br />

au maximum 0,2 pour cent <strong>des</strong> recettes totales. Le fait d'exclure de l'amnistie les contribuables ayant<br />

déjà fait l'objet d'un audit au moment de l'amnistie semble avoir un impact négatif sur le résultat de<br />

l'amnistie. En effet, sur 20 <strong>amnisties</strong> interdisant à cette catégorie de contribuables de participer, 17<br />

ont obtenu un résultat égal ou inférieur à 0,5 pour cent. En outre, dans les dix <strong>amnisties</strong> les moins<br />

performantes, neufs interdisent une participation <strong>des</strong> contribuables audités, l'information manquant<br />

pour la dixième amnistie en question. Enfin Torgler et Schaltegger mentionnent également que<br />

l'expérience <strong>des</strong> Etats-Unis montre que le succès <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> diminue avec la fréquence avec<br />

laquelle elles sont accordées par un état dans le temps (Torgler et Schaltegger, NZZ, 2003). Le<br />

tableau 5.2. ne permet pas de confirmer ou d'infirmer cet argument. Alors qu'un cas comme<br />

l'Arkansas où les <strong>amnisties</strong> de 1982, 1987 et 1997 ont rapporté 0,2, 0,09 et 0,05 pour cent<br />

respectivement tendrait à confirmer cet argument, un cas comme la Floride met à mal cette<br />

observation puisque les <strong>amnisties</strong> de 1988, 1992 et 2003 ont rapporté respectivement 0,09, 0,1 et<br />

0,31 pour cent. Ces exemples appellent donc à rester prudent sur la relation entre le rendement <strong>des</strong><br />

<strong>amnisties</strong> et leur fréquence.<br />

La limite du tableau 5.2. est qu'il ne prend en compte que quelques caractéristiques <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong><br />

<strong>fiscales</strong> et ne prend pas du tout en compte les conditions entourant l'octroi <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong>. D'autres<br />

caractéristiques ainsi que les conditions entourant les <strong>amnisties</strong> jouent pourtant également un rôle<br />

dans leur performance. Dans cette perspective il peut être intéressant d'analyser de manière<br />

approfondi un cas particulier d'amnistie.<br />

5.1.3.L'amnistie fiscale new-yorkaise de 1985<br />

L'amnistie fiscale octroyée dans l'état de New York en 1985 est intéressante dans la mesure où elle<br />

figure parmi les <strong>amnisties</strong> les plus fructueuses depuis 1980 avec un résultat de 2,1 pour cent de<br />

recettes <strong>fiscales</strong> supplémentaires. De plus Le rapport du JCT offre une revue relativement détaillée<br />

du cas new yorkais et <strong>des</strong> éléments qui ont fait son succès (JCT, 1998, pp. 20-22)<br />

Les dispositions de l'amnistie fiscale new-yorkaise de 1985 - Cette loi exigeait <strong>des</strong><br />

participants qu'ils s'acquittent de leurs impôts dûs ainsi que <strong>des</strong> intérêts y relatifs entre le 1er<br />

novembre 1985 et le 31 janvier 1986 en échange de quoi les pénalités civiles normalement<br />

appliquées étaient abandonnées. Etaient éligibles dans le cadre de l'amnistie, les contribuables<br />

faisant l'objet d'un audit fiscal même si le montant <strong>des</strong> arriérés à payer avaient déjà été signifié. Les<br />

contribuables engagés dans une procédure de contentieux civil étaient également autorisés à<br />

participer à la condition qu'ils se retirent du contentieux. Enfin les contribuables faisant l'objet ou<br />

ayant été condamnés dans le cadre d'une procédure pénale n'étaient, eux, pas éligibles. En outre les<br />

79


contribuables pouvant démontrer qu'ils faisaient face à <strong>des</strong> exigences financières aiguës avaient la<br />

possibilité de régler leur dû par versements successifs pour autant qu'il verse un acompte de 50 pour<br />

cent de la somme au départ. Les impôts concernés par l'amnistie étaient le revenu <strong>des</strong> personnes<br />

physiques, les franchises, l'impôt sur les ventes, l'impôt à la source, les taxes sur les carburants, la<br />

taxe immobilière ainsi que l'impôt sur les donations.<br />

Les résultats de l'amnistie new-yorkaise de 1985 - Au total, le programme d'amnistie<br />

engendra un coût administratif d'environ 2,8 millions de dollars et mobilisa, durant la période la<br />

plus intense, 200 employés de l'administration qui furent assignés dans un bâtiment séparé afin de<br />

gérer l'amnistie. Celle-ci leva ainsi <strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong> pour un montant de 401,3 millions de<br />

dollars. 148'000 contribuables déclarèrent <strong>des</strong> montants allant de quelques cents à 2,5 millions de<br />

dollars pour un montant moyen de 3000 dollars par contribuable. Enfin 30 pour cent <strong>des</strong> recettes<br />

générées par l'amnistie provenait de matières <strong>fiscales</strong> au sujet <strong>des</strong>quelles le fisc ne détenait aucune<br />

information ce qui permit d'augmenter les rôles fiscaux de 1500 unités supplémentaires. Par<br />

conséquent, malgré l'absence d'étude empirique formelle à ce sujet, tout porte à croire que l'amnistie<br />

new yorkaise de 1985 a eu un impact durable sur le niveau <strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong> de l'état.<br />

L'amnistie new-yorkaise et la coordination entre les différents niveaux de<br />

gouvernement - Un élément propre à l'amnistie new-yorkaise peut s'avérer particulièrement<br />

intéressant pour le débat qui a lieu en Suisse sur l'opportunité d'octroyer une amnistie fiscale au<br />

niveau fédéral voire pour le débat au niveau européen. En effet, et c'est là un <strong>des</strong> aspects tout à fait<br />

particulier de cette amnistie, le niveau local de l'état de New York s'associa à l'amnistie. Dans la<br />

même période que l'état de New York, la ville de New York ainsi que la ville de Yonkers édictèrent<br />

de manière coordonée, c'est-à-dire dans les mêmes termes et avec la même base fiscale, <strong>des</strong><br />

<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>. Sans toutefois attribuer le succès de l'<strong>amnisties</strong> de 1985 à ce seul élément, l'étude<br />

suggère donc que, dans certains cas, la coordination <strong>des</strong> différents niveaux de gouvernment dans la<br />

perspective de l'octroi d'une amnistie fiscale permet d'améliorer la performance de cette dernière.<br />

Cette observation rejoint l'argument avancé, a contrario, par Torgler et Schaltegger dans le cas de<br />

la Suisse. Selon eux, un contribuable aura peu d'incitation à participer à une amnistie de niveau<br />

régional ou local si une amnistie n'est pas accordée simultanément au niveau fédéral car il redoutera<br />

un échange d'informations à son sujet entre les administrations <strong>fiscales</strong> <strong>des</strong> différents niveaux de<br />

gouvernement (Torgler et Schaltegger, 2004,p.9). Il paraît donc pertinent de passer en revue<br />

l'expérience <strong>des</strong> Etats-Unis au niveau fédéral en matière d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> .<br />

5.2.L'expérience américaine en matière d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> au niveau fédéral<br />

L'arguement précédent suggère que les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> au niveau <strong>des</strong> états américains auraient pu<br />

être plus efficace si elles avaient été coordonnées avec une amnistie fiscale à l'échelon fédéral. Or,<br />

80


aucune amnistie du même type que celles édictées par les états n'a été octroyée au niveau fédéral. Il<br />

convient toutefois de passer en revue l'expérience américaine <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> au niveau<br />

fédéral.<br />

5.2.1.Les premières formes d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> fédérales américaines<br />

La réduction <strong>des</strong> cotisations sur les salaires - En 1943, le Current Tax Payment Act<br />

signifia un changement important dans le système fiscal. Cette loi introduisit un système de<br />

cotisations sociales déduites directement <strong>des</strong> salaires. Lors de la première année d'introduction du<br />

système, le risque existait que certains contribuables paient leurs impôts à double. En effet, en plus<br />

de la retenue automatiquement sur le salaire, certains contribuables auraient pu, en plus, payer <strong>des</strong><br />

cotisations de manière volontaire comme cela se faisait dans le système antérieur. Il avait donc été<br />

prévu dans la loi d'effacer 75 pour cent du montant d'impôt à payer en 1942 ou en 1943, l'année où<br />

le montant s'avérait le plus faible primant sur l'autre. Les 25 pour cent restant devaient être réglés en<br />

2 fois. Bien qu'elle octroyait une réduction du taux effectif d'imposition, cette mesure ne peut pas<br />

vraiment être assimilée à une amnistie dans la mesure où elle était octroyée à tous les contribuables<br />

alors qu'une amnistie s'adresse aux contribuables délinquants (JCT, 1998, p.5, note 3/).<br />

L'existence d'une amnistie fiscale permanente jusqu'en 1952 – De 1919 à 1952,<br />

l'administration fiscale fédérale adopta une politique qui abandonnait les poursuites d'ordre pénal<br />

qui auraient pu être engagées à l'encontre d'un contribuable si celui-ci déclarait de manière<br />

volontaire ses arriérés d'impôt (Andreoni, 1990 p.144). Cette politique fut abandonnée en 1952 pour<br />

<strong>des</strong> raisons diverses comme <strong>des</strong> accusations d'abus, la volonté d'éviter l'utilisation du système par<br />

<strong>des</strong> membres du crime organisé, une application inégale de la législation fiscale ou encore le non<br />

paiement <strong>des</strong> arriérés une fois l'amnistie accordée (JCT, 1998, p.5). La politique de l'administration<br />

vis-à-vis <strong>des</strong> contribuables délinquants fut nettement plus floue par la suite.<br />

Le pouvoir d'amnistie de l'administration fiscale américaine - En 1961,<br />

l'administration acquit un nouveau système de traitement <strong>des</strong> données. A cette occasion elle émit un<br />

communiqué de presse suggérant aux contribuables qu'il s'agissait d'un moment propice pour<br />

déclarer <strong>des</strong> arriérés d'impôt. Le communiqué mentionnait que la probabilité de poursuite pénale<br />

demeurait faible en cas de dénonciaton volontaire mais il n'assurait aucunement l'octroi d'une<br />

amnistie au niveau pénal. L'administration se gardait en effet le droit de décider au cas par cas (JCT,<br />

1998, p.5). A cette période, les Etats-Unis connaissaient donc une forme d'amnistie implicite<br />

octroyée par l'administration.<br />

Le rééchelonnement du paiement <strong>des</strong> tranches d'impôt - Actuellement d'autres<br />

dispositions se rapprochent d'une amnistie fiscale. L'administration peut octroyer un<br />

rééchelonnement dans le temps du paiement de l'impôt si elle estime qu'une telle mesure peut<br />

81


permettre de facilité la collecte <strong>des</strong> montants dûs. Un tel accord octroie simplement une période de<br />

temps plus longue durant laquelle le contribuable peut s'acquitter <strong>des</strong> montants dûs au fisc. Il n'est<br />

applicable que pour <strong>des</strong> montants inférieurs à 10'000 dollars américains et pour les contribuables<br />

ayant toujours rempli leur déclaration en bonne et due forme auparavant. En outre une telle<br />

démarche ne requiert pas du contribuable qu'il soumette au fisc <strong>des</strong> détails concernant sa situation<br />

financière. Un accord de rééchelonnement n'implique ni réduction d'impôts ni réduction <strong>des</strong> intérêts<br />

ou <strong>des</strong> pénalités. Ces dispositions se rapprochent toutefois d'une amnistie fiscale dans la mesure où<br />

il est épargné au contribuable toute procédure ou mesure de contrôle fiscal supplémentaire durant<br />

toute la période octroyée pour le paiement <strong>des</strong> arriérés (JCT, 1998, pp.6-7).<br />

La pratique de l'"offer in compomise" - D'autres mesures s'apparentent également à<br />

une amnistie fiscale. Les contribuables peuvent en effet soumettre à l'administration fiscale une<br />

"offer in compromise" 1 . Cette démarche consiste en une proposition du contribuable de régler ses<br />

comptes pour un montant inférieur au montant total qu'il doit. Cette proposition peut concerner tout<br />

type d'impôt ainsi que les intérêts de retard et les pénalités. Le contribuable peut notamment<br />

invoquer son incapacité financière à payer la totalité du montant dû. Lors d'une telle démarche le<br />

contribuable doit soumettre au fisc une déclaration complète concernant sa situation financière et<br />

mentionner la totalité <strong>des</strong> ses actifs et de ses dettes. Il doit en outre respecter strictement le code <strong>des</strong><br />

impôts durant 5 ans à partir du moment où l'administration a accepté son offre. L'administration<br />

peut également exiger du contribuable qu'il liquide certains de ses actifs afin de régler ses arriérés<br />

d'impôt. Un non respect impliquerait pour le contribuable de payer le montant d'impôt prévu avant<br />

le compromis. Selon le JCT, l'administration accepta, en 1996, un montant de 287 millions de<br />

dollars américains dans le cadre de programmes "offers in compromise" et élimina du même coup<br />

2,2 milliards d'arriérés, d'intérêts et de pénalités. Ce type de mesure se rapproche donc d'une<br />

amnistie fiscale dans la mesure où elle octroie au contribuable une réduction de ses arriérés d'impôt,<br />

<strong>des</strong> intérêts et <strong>des</strong> pénalités. Mais elle s'écarte également d'une amnistie dans la mesure où elle est<br />

octroyée en tenant compte de la situation financière de chaque contribuable alors qu'une amnistie<br />

est, elle, proposée dans les mêmes termes à chaque contribuable éligible (JCT, 1998, pp.7-8).<br />

Les <strong>amnisties</strong> existantes ou ayant existées au niveau fédéral apparaissent donc clairement comme<br />

<strong>des</strong> éléments inhérents à la législation et se rapprochant <strong>des</strong> caractéristiques d'une amnistie<br />

permanente. L'absence de coordination entre les états et le gouvernement fédéral pourrait donc<br />

expliquer les résultats mo<strong>des</strong>tes <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>des</strong> états puisque le gouvernement n'a jamais édicté<br />

d'amnistie unique et générale ressemblant au type <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> édictées au niveau <strong>des</strong> Etats.<br />

Néanmoins, depuis le début de la première vague d'<strong>amnisties</strong> cette idée a été émise à plusieurs<br />

1 Aucune traduction française appropriée n0ayant été trouvée pour ce terme, le choix a été fait d'utiliser le terme<br />

anglais<br />

82


83<br />

reprises.<br />

5.2.2.Les débats concernant une amnistie unique générale au niveau fédéral<br />

En 1984, après que les premiers états américains aient eu recours à <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>,<br />

l'administration Reagan prit position sur une éventuelle amnistie d'envergure fédérale.<br />

L'administration s'est alors montrée opposée à toute forme d'amnistie qu'elle s'étende aux arriérés,<br />

aux intérêts et aux pénalités ou qu'elle ne concerne que les pénalités pénales. Elle estimait alors<br />

qu'une telle amnistie aurait un effet négatif sur la morale fiscale <strong>des</strong> contribuables en envoyant un<br />

signal de tolérance envers les contribuables ayant eu recours à l'évasion fiscale. Elle donnerait en<br />

outre l'impression que le système fiscal est inéquitable, encourageant du même coup les<br />

contribuables à diminuer les montants déclarés(JCT, 1998, pp.5-6).<br />

L'extrapolation au niveau fédéral <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> <strong>des</strong> états - En 1986, devant<br />

un déficit atteignant 5 pour cent du PIB et <strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong> obérées par une évasion fiscale<br />

dépassant les 100 milliards de dollars l'idée d'édicter une amnistie fiscale au niveau fédéral a refait<br />

surface. Et, dans les années qui suivirent, plusieurs propositions soutenues notamment par les<br />

gouverneurs <strong>des</strong> états ayant connu une expérience positive <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> passèrent devant le<br />

Congrès (Leonard and Zeckhauser,1987, pp. 56 et 74). Pour les partisans d'une amnistie il était clair<br />

que l'expérience faite au niveau <strong>des</strong> états démontrait le potentiel de succès d'une amnistie édictée au<br />

niveau fédéral. Or l'extrapolation au niveau fédéral <strong>des</strong> expériences faites au niveau régional pose<br />

un certain nombre de problèmes. La première difficulté à laquelle se heurte une telle extrapolation<br />

est la différence de structure fiscale entre les 2 niveaux de gouvernement. Par exemple les <strong>amnisties</strong><br />

<strong>des</strong> états ont souvent attiré d'importants montants au titre de l'impôt sur les ventes, impôt qui n'a<br />

qu'une importance marginal au niveau fédéral (Leonard and Zeckhauser,1987, p. 76). Toutefois<br />

l'impôt sur le revenu reste l'impôt au titre duquel une majorité de recettes ont été collectées dans le<br />

cadre <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> et il reste une source de revenu prépondérante autant au niveau <strong>des</strong> états qu'au<br />

niveau fédéral. Ainsi les partisans d'une amnistie estiment que les différences structurelles entre le<br />

système fiscal fédéral et le système fiscal <strong>des</strong> états ne sont pas suffisantes pour empêcher de<br />

transposer l'expérience <strong>des</strong> états au niveau fédéral (JCT, 1998, p.15).<br />

Un second problème est la différence significative entre les états et le gouvernement fédéral du<br />

niveau <strong>des</strong> efforts visant à faire respecter la législation fiscale. Historiquement les mesures visant à<br />

faire respecter la législation fiscale étaient typiquement plus laxistes au niveau <strong>des</strong> états qu'au<br />

niveau fédéral. Ceci impliquerait alors un potentiel de succès nettement plus grand au niveau <strong>des</strong><br />

états car l'évasion y serait simplement plus élevée qu'au niveau fédéral, surtout si les <strong>amnisties</strong> sont<br />

accompagnées par un renforcement <strong>des</strong> mesures visant à faire respecter la législation fiscale (JCT,<br />

1998, p.15). En effet, de nombreuses <strong>amnisties</strong> d'états montrent que la majorité <strong>des</strong> participants sont


<strong>des</strong> contribuables qui avaient une situation fiscale irréprochable vis-à-vis de l'état fédéral. Il est<br />

toutefois difficile d'en conclure qu'une amnistie fédérale de même type que les <strong>amnisties</strong> édictées<br />

par les états connaîtrait un succès plus faible que ces dernières. Le fait que les participants aux<br />

<strong>amnisties</strong> d'état ne soit pas <strong>des</strong> délinquants au niveau fédéral ne signifie pas que l'application <strong>des</strong><br />

lois <strong>fiscales</strong> au niveau fédéral soit parfaite, mais bien plutôt que l'absence d'une amnistie fédérale<br />

coordonnée avec les <strong>amnisties</strong> d'état a découragé les contribuables délinquants aux deux niveaux de<br />

gouvernements de participer aux seules <strong>amnisties</strong> d'états (Leonard and Zeckhauser,1987, p. 77).<br />

Cela s'explique par le fait que les informations récoltées dans le cadre d'une amnistie d'état sont<br />

généralement mises à dispostion de l'administration fiscale fédérale qui a ensuite la possibilité<br />

d'engager <strong>des</strong> poursuites à l'encontre <strong>des</strong> contribuables délinquants (Leonard and Zeckhauser,1987,<br />

p. 77). Cet argument ne permet donc pas de déterminer si une amnsitie fédérale serait aussi efficace<br />

qu'une amnistie d'état, mais il démontre clairement qu'un programme d'amnistie mené à un seul<br />

niveau de gouvernement s'avérera moins efficace qu'une amnistie coordonnée à tous les niveaux<br />

(JCT, 1998, p.16). Finalement le JCT mentionne un point important. Alors que les <strong>amnisties</strong> d'états<br />

ont été édictées dans un contexte de renforcement <strong>des</strong> mesures de contrôle fiscale, l'intensité et<br />

l'efficacité <strong>des</strong> contrôles au niveau fédéral, historiquement plus haut, connaît une phase de<br />

stagnation voir de régression comme en témoigne le déclin <strong>des</strong> taux d'audit dans le temps (JCT,<br />

1998, p.15). Or, édicter une amnistie dans un tel contexte aurait un effet potentiellement très néfaste<br />

sur le niveau <strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong>.<br />

La simulation d'une amnistie fiscale au niveau fédéral - Les arguments qui viennent<br />

d'être énoncés démontrent la difficulté d'extrapoler au niveau fédéral les résultats obtenus au niveau<br />

<strong>des</strong> Etats. Afin d'estimer l'impact d'une amnistie au niveau fédéral, le JCT a procédé différemment.<br />

Le JCT a établi la forme que pourrait prendre un éventuel projet d'amnistie au niveau fédéral et à<br />

tenter d'évaluer son impact possible (JCT, 1998, pp. 31-32). Un délai de 6 à 9 mois serait accordé à<br />

l'administration entre la votation de la loi et le début de l'amnistie afin que les fonctionnaires<br />

puissent être formés et les ressources redistribuées de manière adéquate, ce qui engendre également<br />

un coût. La période d'amnistie devrait éviter <strong>des</strong> pério<strong>des</strong> clé, comme le 15 avril, date de rentrée <strong>des</strong><br />

déclarations d'impôt et synonyme d'une forte charge de travail pour l'administration. A éviter aussi<br />

Thanksgiving, juillet, août et les fêtes de fin d'années, pério<strong>des</strong> durant lesquelles l'attention <strong>des</strong><br />

citoyens est focalisée sur d'autres centres d'intérêt que leur situation fiscale. La période d'amnistie<br />

devrait s'étendre sur environ nonante jours. Les contribuables devraient pouvoir bénéficier<br />

d'arrangements leur permettant de payer leur dû en plusieurs acomptes. Si l'administration entend<br />

maximiser les recettes de l'amnistie, elle doit en effet tenir compte du fait que les montants moyens<br />

d'arriérés sont significativement plus élevés au niveau fédéral qu'au niveau <strong>des</strong> états. En l'absence<br />

84


d'une telle disposition, certains contribuables pourraient renoncer à participer à l'amnistie car ils<br />

seraient simplement incapable de payer leur dû en une fois. L'amnistie s'appliquerait à toutes les<br />

pério<strong>des</strong> <strong>fiscales</strong> sauf à l'année durant laquelle l'amnistie est édictée. Les contribuables faisant l'objet<br />

d'une enquête pénale ne seraient pas éligible. Une large campagne d'information devrait être menée<br />

moyennant financement et le message devrait être délivré qu'aucune amnistie ne serait ensuite plus<br />

offerte. En supposant que les pénalités seraient levées, qu'un intérêt de 50 pour cent serait exigé et<br />

que les contribuables qui se seraient vus signifiés les arriérés à payer après un audit soient autorisés<br />

à participer, le JCT a estimé, pour les pério<strong>des</strong> <strong>fiscales</strong> antérieures à 1997 qu'une amnistie<br />

rapporterait 4,2 milliards de dollars de recettes <strong>fiscales</strong> la première année puis qu'elle provoquerait<br />

une érosion <strong>des</strong> recettes de l'ordre de 1,7 milliards de dollars les 2 années suivantes puis 1, 8<br />

milliard la troisième, quatrième et cinquième année et enfin 1,9 et 0,7 milliard pour la sixième<br />

respectivement la septième année suivant l'amnistie (JCT, 1998, Appendix).<br />

Les raisons de l'absence d'amnsitie au niveau fédéral - Avant même ces estimations,<br />

Leonard et Zeckhauser déclaraient que, bien que le potentiel maximal de gain demeurait<br />

considérable, le doute subsistait quant à l'impact effectif d'une amnistie fiscale au niveau fédéral<br />

(Leonard et Zeckhauser, 1987, p.80). Plus tard le JCT (1998) estimait donc que les recettes nettes<br />

produites par une amnistie fédérale seraient négatives et apportait donc un argument de poids contre<br />

le recours à un tel instrument. Toutefois d'autres éléments que les seules recettes peuvent déterminer<br />

si oui ou non une amnistie doit être édictée. Notemment, une amnistie pourrait être accordée dans le<br />

cas d'une refonte totale de la législation fiscale. En effet un changement total <strong>des</strong> "règles du jeu"<br />

pourrait justifier de passer l'éponge sur les montants soustraits par le passé étant donné que la<br />

décision de soustraire ces montants avait été prise dans un contexte fiscal différent (JCT, 1998,<br />

pp.33-34). Finalement, l'argument d'une perte nette de recettes <strong>fiscales</strong> avancé par le JCT semble<br />

avoir été pris au sérieux par les différents gouvernements fédéraux, puisqu'à l'heure actuelle aucune<br />

amnistie générale à caractère unique n'a été émise au niveau fédéral.<br />

L'expérience américaine en matière d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> a démontré que cet instrument avait été<br />

utilisé à de nombreuses reprise par les états avec <strong>des</strong> résultats variant considérablement. Bien qu'un<br />

certain nombres d'<strong>amnisties</strong> d'états aient connu un certain succès, le résultat <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> même les<br />

plus performantes reste mo<strong>des</strong>te par rapport au total <strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong>. Mais il convient aussi de<br />

rappeler que le gouvernement fédéral et les gouvernements locaux d'un pays développé comme les<br />

Etats-Unis disposent d'importantes ressources permettant de maintenir l'évasion fiscale à un niveau<br />

relativement bas et d'éviter un développement important de l'économie souterraine en comparaison<br />

internationale 1 . Les pays en transition connaissent eux plus de problèmes à ce niveau.<br />

85<br />

1 Voir JCT, 1998, p. 29 et Schneider, 2000, pp.101-102 tableaux 5 et 6


6.Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dans les pays en transition<br />

Il paraît délicat de traiter les pays en transition en tant que groupe tant les pays classés sous ce terme<br />

sont hétérogènes. Toutefois ces pays font face à un certain nombre de problèmes communs. En<br />

effet, les pays qui feront l'objet de cette section sont caractérisés par une importante économie<br />

souterraine et informelle qui échappe au système fiscal (Bird, 2003, p.3). La base fiscale disponible<br />

constitue donc une portion de l'activité économique bien plus faible que pour les pays développés.<br />

En outre une structure du système fiscal souvent inadéquate ainsi que <strong>des</strong> taux élevés alimentent<br />

l'érosion de la base fiscale qui poussent les gouvernements à augmenter les taux pour maintenir<br />

leurs recettes, instaurant ainsi un cercle vicieux de l'évasion fiscale (Bird, 2003, p.3). De plus, la<br />

faible efficacité <strong>des</strong> administrations <strong>fiscales</strong> empêche de tirer un plein rendement de la base fiscale<br />

disponible et empêche de lutter correctement contre l'évasion fiscale et l'économie souterraine. Dans<br />

un tel contexte, les <strong>amnisties</strong> apparaissent comme un outil peu coûteux pour lever <strong>des</strong> recettes<br />

<strong>fiscales</strong> à court terme et réduire l'économie souterraine à long terme. C'est la raison pour laquelle<br />

celles-ci ont largement été utilisées par les gouvernements de ces pays. Nous allons illustrer cela en<br />

passant en revue les expériences de trois groupes de pays en développement : les pays de l'ex-bloc<br />

soviétique, les pays d'amérique latine et les pays de l'Asie du Sud.<br />

6.1.Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dans les pays de l'ex-bloc soviétique : le cas de la Russie<br />

Depuis le début <strong>des</strong> années nonantes jusqu'à aujourd'hui, les pays à économies planifiées de l'ancien<br />

bloc soviétique ont connu un phénomène de transition vers une économie de marché (Martinez-<br />

Vazquez and McNab, 2000, p.1). La carte 6.1. donne un aperçu de la plupart <strong>des</strong> pays (ormis la<br />

Turquie) concernés par ce phénomène. Une telle évolution implique également l'adoption de<br />

systèmes fiscaux modernes, compatibles avec le marché. Dans les économies planifiées d'alors,<br />

l'impôt sur le revenu <strong>des</strong> personnes était relativement peu important (Martinez-Vazquez and<br />

McNab, 2000, p.3), la propriété n'existait pas et les impôts représentaient essentiellement le moyen<br />

de centraliser les profits <strong>des</strong> entreprises d'Etat. L'Etat étant à la fois percepteur d'impôt et<br />

propriétaire <strong>des</strong> entreprises, une administration fiscale telle que nous les connaissons dans les pays à<br />

économie de marché n'était pas nécessaire puisque le système fiscal n'était pas basé sur le principe<br />

de la déclaration volontaire. Ainsi, au moment de passer à un système fiscal moderne, les différents<br />

gouvernements ont dû faire face à un niveau d'évasion et de soustraction <strong>fiscales</strong> importantes pour<br />

trois raisons. Premièrement, l'opacité qui caractérisait les systèmes fiscaux ainsi que le fait que les<br />

contribuables n'aient pas à remplir de déclaration rendaient ces derniers inconscients de la charge<br />

qui leur incombait et incapables de procéder à une déclaration volontaire (Martinez-Vazquez and<br />

McNab, 2000, p.5). Deuxièmement, l'héritage d'administrations <strong>fiscales</strong> totalement dépourvues et<br />

86


87<br />

inefficaces rendait très difficile l'application <strong>des</strong> nouvelles lois <strong>fiscales</strong>.<br />

Carte 6.1. – Les pays de l'ancien bloc soviétique<br />

Source : Banque Mondiale 1<br />

Troisièmement, l'échec d'un système économique impuissant à améliorer la situation <strong>des</strong> individus<br />

ainsi que les privilèges dont abusa la classe dirigeante d'alors et qui instaura un climat de<br />

scepticisme dans la population envers le gouvernement firent le lit de la croissance de l'économie<br />

souterraine ainsi que de toutes les formes possibles de soustraction et d'évasion fiscale (Martinez-<br />

Vazquez and McNab, 2000, p.6). Face à ce problème et étant donné le caractère changeant du<br />

système fiscal, de nombreux pays d'ex-union soviétique comme le Kazakhstan et la Géorgie 2 ,<br />

l'Ukraine dont l'amnistie générale accordée au début de 2001 a miné la collecte de recettes <strong>fiscales</strong> 3<br />

ainsi que la Russie eurent recours à <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>.<br />

L'amnistie fiscale russe de 1993 - Parmi les pays de l'ex-bloc soviétique, le cas de la<br />

Russie apparaît particulièrement intéressant. D'une part la Russie constitue le pays le plus important<br />

de la zone et d'autre part elle s'est montrée le pays le plus lent à mettre en oeuvre une réforme fiscale<br />

et a eu largement recours aux <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> (Martinez-Vazquez and McNab, 2000, p.9). Pour les<br />

raison évoquées plus haut, la Russie connaît de gros problèmes au niveau du respect <strong>des</strong> lois <strong>fiscales</strong><br />

et les impôts non payés par les contribuables pèsent sur l'efficacité du système fiscal. Par exemple, à<br />

la fin de l'année 1998, le total <strong>des</strong> arriérés d'impôt atteignaient 16 pour cent du PIB (Alm et alii,<br />

2001, p.4). Afin de remédier à cette situation, le gouvernement a notamment, depuis 1992, édicté<br />

plusieurs <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> qui sont résumées dans le tableau 6.1. La première amnistie fiscale fut<br />

introduite par le décret présidentiel no 1773 (Alm et alii, 2001, p. 7). Elle permettait aux entreprises,<br />

organisations et indépendants de déclarer, entre le 27 octobre et le 30 novembre 1993, leurs arriérés<br />

d'impôt pour 1993 et toutes les années précédentes et d'éviter ainsi toutes les pénalités liées à ces<br />

arriérés d'impôt. En outre, le décret 1773 spécifiait que tout montant dissimulé et qui viendrait à être<br />

1 Téléchargeable sur http://web.worldbank.org/WBSITE/EXTERNAL/COUNTRIES/ECAEXT/0,,menuPK:258619~pagePK:146748~piPK:146812~theSitePK:258599,00.html<br />

2 Voir Zaripov, 2005<br />

3 Voir IMF, 8 may 2002


découvert après la date du 30 novembre serait à payer au triple de sa valeur à l'administration fiscale<br />

russe. Le modèle d'amnistie de 1993 semble ne pas avoir convaincu puisque il a été abrogé le 26<br />

juillet 1995 par le décret présidentiel 746. Il semble en effet que le type d'amnistie choisi n'ait pas<br />

été optimal. En particulier, un mois pour déclarer mais également verser <strong>des</strong> arriérés d'impôts<br />

semble avoir été une période bien trop courte.<br />

L'amnistie fiscale russe de 1996 - La seconde amnistie a visé à corriger notamment la<br />

façon dont les arriérés d'impôt devaient être versés (Alm et alii, 2001, pp.7-8). Cette amnistie,<br />

introduite au début de l'année 1996 par le décret présidentiel no 65, permettait aux personnes<br />

morales de payer leurs arriérés d'impôt par versements échelonnés à la condition que ces versements<br />

soient effectués dans les délais et en intégralité. Les entreprises et organisations bénéficiant de cette<br />

prorogation devaient avoir payé la moitié du montant dû jusqu'à octobre 1998. Le paiement devait<br />

avoir lieu tous les trois mois pour un montant égal à 5 pour cent du total. En outre, un intérêt annuel<br />

de pénalité frappait les montants non payés à un taux de 30 pour cent. Les dispositions du décret et<br />

particulièrement l'intérêt de 30 pour cent se sont avérés trop lour<strong>des</strong> pour les contribuables si bien<br />

que, sous la pression de la Douma, l'amnistie fut modifiée par le décret présidentiel no 685. Ainsi<br />

plusieurs modifications telles que la réduction du taux d'intérêt sur les arriérés d'impôts ainsi qu'une<br />

certaine indulgence vis-à-vis <strong>des</strong> déclarations contenant <strong>des</strong> erreurs techniques ou de calcul ont été<br />

alors mises en place avec effet immédiat. Paralèllement, il était également prévu que<br />

l'administration fiscale augmente la fréquence <strong>des</strong> audits fiscaux.<br />

88<br />

Tableau 6.1. – Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> en Russie<br />

Année Objectif Type Résultats Conditions<br />

1993 Accroissement <strong>des</strong> recettes<br />

<strong>fiscales</strong><br />

1996 Accroissement <strong>des</strong> recettes<br />

<strong>fiscales</strong><br />

1997 Accroissement <strong>des</strong> recettes<br />

<strong>fiscales</strong><br />

Éligibilité <strong>des</strong> personnes morales<br />

durée : un mois<br />

Éligibilité <strong>des</strong> personnes morales<br />

Échelonnement du versement <strong>des</strong><br />

arriérés<br />

diminiution du taux d'intérêt<br />

Éligibilité <strong>des</strong> personnes morales<br />

Échelonnement du versement <strong>des</strong><br />

arriérés<br />

diminiution du taux d'intérêt<br />

2006 Rapatriement de capitaux Abandon <strong>des</strong> pénalités<br />

Taux de 13%<br />

1er janvier au 1er mai 2007<br />

Sources : élaboration personnelle 1<br />

échec<br />

Négatif mais non<br />

significatif<br />

Positif mais non significatif<br />

-<br />

Renforcement <strong>des</strong> pénalités expost<br />

Augmentation de la fréquence <strong>des</strong><br />

audits fiscaux<br />

Réforme fiscale entre 2001 et<br />

2004<br />

L'amnstie fiscale russe de 1997 - Le 26 février 1997, la loi budgétaire 29-FZ instituait<br />

<strong>des</strong> lignes directrices pour l'octroi d'échelonnement du paiement <strong>des</strong> arriérés d'impôt. La loi<br />

prévoyait alors de taxer les montants ainsi prorogés à hauteur de 50 pour cent. Seuls seraient<br />

exemptées les entreprises dont les retards de paiement seraient eux-même dûs à <strong>des</strong> retards de<br />

-<br />

1 Élaboré sur la base de Torgler et Schaltegger, 2004 et 2005, p.6, tableau 1 ; économiesuisse 2004 ; Alm, Martinez-<br />

Vazquez and Wallace, 2001


èglement de l'Etat dans le cadre de contrat avec <strong>des</strong> entreprises. Toutefois la loi exigeait que le<br />

gouvernement spécifie les procédures selon lesquelles les arriérés d'impôt devaient être traités.<br />

Ainsi le 26 mars 1998, ces procédures apparaissèrent dans la loi budgétaire no 42-FZ. Or ces<br />

procédures revinrent essentiellement en une substantielle diminution <strong>des</strong> pénalités frappant les<br />

arriérés d'impôt (Alm et alii, 2001, pp. 8-9). Ainsi, dans un contexte caractérisé par l'absence de<br />

réforme en profondeur du système fiscal et d'une administration fiscale de faible qualité, les<br />

fonctionnaires fiscaux ont considéré l'octroi d'amnistie comme un moyen aisé et attractif permettant<br />

de régler le problème <strong>des</strong> arriérés d'impôt (Alm et alii, 2001, p.8).<br />

La situation actuelle en Russie - Alors que l'amnistie de 1993 échoua du fait de son<br />

type inadéquat, les <strong>amnisties</strong> de 1996 et 1997 eurent toutes deux un impact négligeable sur les<br />

recettes <strong>fiscales</strong> (Alm et alii, 2001, pp. 10-11). Malgré cela, le 10 mars 2006, le gouvernement a<br />

confirmé la mise en place d'une amnistie fiscale visant le rapatriement de capitaux en Russie<br />

(Conseco, 2006). L'amnistie prévoit un abandon <strong>des</strong> pénalités qui s'appliquent normalement aux<br />

contribuables et l'application d'un taux de 13 pour cent sur le montant <strong>des</strong> revenus ainsi déclarés<br />

(Conseco, 2006). Il est évidemment difficile de prédire si une telle mesure rencontrera le succès<br />

escompté ou non. Pour Zaripov, le moment est idéal car il intervient au terme d'une période où les<br />

taxes ont fortement baissé en Russie (Zaripov, 2005). En effet, une profonde réforme du système<br />

fiscal qui a touché l'imposition <strong>des</strong> personnes physiques et morales, la TVA ainsi que les cotisations<br />

sociales a été mise en place entre 2001 et 2004 (Economiesuisse, 2004, p.44). Torgler et Schaltegger<br />

soutiennent cet argument et estiment que la mise en place dès 2001 d'un système de flat tax devrait<br />

améliorer le succès de l'amnistie (Torgler et Schaltegger, 2005). Torgler et Schaltegger précise<br />

toutefois que la seule réforme fiscale mise en oeuvre dès 2001 ne saurait à elle seule garantir le<br />

succès de l'amnistie (Torgler et Schaltegger, 2005). En effet, Zaripov mentionne également qu'il est<br />

essentiel que le gouvernement fasse clairement comprendre aux contribuables qu'il s'agira d'une<br />

opportunité unique liée à la transformation de l'Etat russe (Zaripov, 2005). A la lumière de<br />

l'expérience faite par la Russie dans le passé en matière d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>, il semble difficile de<br />

faire croire aux contribuables que d'autres <strong>amnisties</strong> n'interviendront pas à moyen-court terme.<br />

Torgler et Schaltegger relèvent en outre que si les contribuables ayant dissimulé les montants les<br />

plus importants résident hors du pays concerné, l'amnistie sera d'autant moins efficace car ces<br />

contribuables seront encore moins incité à participer que s'ils se trouvaient dans le pays (Torgler et<br />

Schaltegger, 2005). Or ce cas de figure semble être assez pertinent s'agissant de la Russie. Comme<br />

bien souvent s'agissant <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>, le succès de la future amnistie fiscale russe semble<br />

loin d'être garanti.<br />

89


6.2.Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dans les pays d'Amérique latine<br />

A partir du début <strong>des</strong> années huitante, les pays d'amérique latine ont été confronté à une situation<br />

économique très difficile et à de graves problèmes structurels. Pour la plupart de ces pays, cette<br />

situation s'est caractérisée par une crise de la dette <strong>des</strong> Etats, une balance commerciale déficitaire et<br />

<strong>des</strong> flux de capitaux extrêmement volatils (Toussaint, 2003, p.7). Afin de corriger cette situation, les<br />

gouvernements de ces pays ont cherché à faire venir ou à retenir <strong>des</strong> capitaux dans leur pays afin de<br />

relancer l'investissement et rétablir le solde de la balance commerciale ainsi que d'accroître leurs<br />

recettes <strong>fiscales</strong> afin de diminuer leur dette (Toussaint, 2003, p.7). Un <strong>des</strong> moyens utilisés pour ce<br />

faire furent les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dont plus d'une quinzaine ont été édictées depuis les années<br />

huitante. Le tableau 6.2. offre un aperçu synthétique <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> ainsi édictées en amérique latine.<br />

90<br />

Tableau 6.2. – Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> en Amérique latine depuis 1970<br />

70 71 72 73 74 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 0 1 2 3 4 Tot<br />

Argentine 1 1 1 1 2 1 2 2 1 12<br />

Bolivie 1 1<br />

Chili<br />

Colombie 1 1<br />

Equateur<br />

Mexique<br />

Panama 1 1<br />

Pérou<br />

Porto Rico 1 1 2<br />

Vénézuéla 1 1<br />

Total 1 2 1 1 1 1 1 1 2 1 2 2 1 18<br />

Sources : élaboration personnelle 1<br />

Parmi les pays d'Amérique latine mentionnés, deux pays apparaissent particulièrement intéressant<br />

eu égard à leurs expériences respectives en matière d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>, il s'agit de l'Argentine et de<br />

la Colombie. Le tableau 6.3. mentionne les principaux éléments <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> édictées dans ces<br />

deux pays.<br />

6.2.1.L'amnistie fiscale argentine de 1987<br />

En 1987, l'Argentine a édictée une amnistie fiscale ayant pour objectif de stimuler le rapatriement<br />

de capitaux illégalement détenus hors du pays. L'amnistie s'étendait à la totalité <strong>des</strong> impôts dûs et la<br />

promesse était faite de ne pas poursuivre les contribuables délinquants et de ne pas enquêter sur<br />

l'origine <strong>des</strong> fonds (Alm, 98, p.5). Toutefois, afin de bénéficier de cette amnistie, les sommes<br />

déclarées devaient servir à financer <strong>des</strong> investissements dans le pays. En fait, cette amnistie faisait<br />

partie intégrante du programme "debt-to-equity" mis en place par le gouvernement en 1987. Ce<br />

programme consistait en une reprise de la dette du gouvernement par <strong>des</strong> investisseurs. La condition<br />

à la reprise de la dette par les participants à l'amnistie était que, pour chaque dollars de dette<br />

1 Élaboré à partir de Torgler et Schaltegger, 2004 ; Torgler et Schaltegger, 2003 ; Alm 98 ; Uchitelle 89 ; Singh et<br />

alii, 2005


convertie, ils devaient s'engager à investir un dollars supplémentaire dans le fond d'investissement<br />

ainsi créé (cette condition est appelée one-to-one rule en anglais). La dette ainsi convertie et doublée<br />

devait servir à l'achat d'équipement, à la construction de nouvelles usines ou à l'accroissement de la<br />

capacité <strong>des</strong> moyens de production existants (Uchitelle, 89, p.51).<br />

91<br />

Tableau 6.3 – Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> en Argentine et en Colombie<br />

Pays Année Objectif Type d'amnistie Résultats Conditions<br />

Argentine 1987 Rapatriement de capitaux<br />

stimuler l'investissement<br />

Totalité <strong>des</strong> impôts dus<br />

amnistie d'investigation<br />

Échec, pas de revenus<br />

Programme "debtto-equity"<br />

1990 Rapatriement de capitaux Taux exigé 2% - -<br />

1993 " Taux exigé 1% - -<br />

1995 " Amnistie fiscale générale<br />

Taux exigé 1,15%<br />

3,9 mrds de $ -<br />

1997 " Taux exigé 2% - -<br />

1997 " Taux exigé 3% - -<br />

1999 " Taux exigé 2% - -<br />

2000 " Taux exigé 1-3% - -<br />

2000 " Taux exigé 1,5% - -<br />

2001 " Paiement <strong>des</strong> arriérés d'impôt par<br />

l'achat de bons du Trésor<br />

- -<br />

2001 " Taux exigé 0,5% - -<br />

2002 " Taux exigé 0,5% - -<br />

Colombie 1987 - - 93 mios de $ de recettes<br />

Sources : élaboration personnelle 1<br />

<strong>fiscales</strong><br />

0,3 % PIB<br />

54% du déficit budgétaire<br />

-réforme fiscale<br />

Les causes de l'échec de l'amnistie argentine de 1987 : la forme de l'amnistie - Cette<br />

amnistie fut un échec puisqu'elle n'a quasiment généré aucun revenu supplémentaire (Alm, 98, p.5).<br />

Pour Uchitelle (1989), de nombreuses raisons tenant autant à la forme même de l'amnistie qu'aux<br />

conditions dans lesquelles elle a été édictée explique cet échec. Tout d'abord, les exigences<br />

associées à la reprise de la dette ont certainement été perçues comme trop rigoureuses par les<br />

investisseurs. En effet, malgré l'abandon total <strong>des</strong> arriérés d'impôt, la règle consistant à doubler<br />

automatiquement l'investissement (one-to-one rule) a clairement réduit l'intérêt <strong>des</strong> investisseurs à<br />

participer au programme de debt-to-equity et donc à l'amnistie fiscale (Uchitelle, 89, p.51). De plus<br />

l'abandon <strong>des</strong> arriérés d'impôt ne constituait pas une très forte incitation pour les contribuables parce<br />

qu'il était alors de toute façon très aisé de recourir à l'évasion fiscale. Enfin le succès potentiel de<br />

l'amnistie de 1987 avait été hypothéqué avant même son entrée en vigueur par l'octroi fréquent<br />

d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> par le gouvernement dans le passé. Suite à l'échec de cette amnistie, le<br />

gouvernement adopta en 1988 un nouveau programmme de debt-to-equity qui annullait les<br />

1 Élaboré à partir de Torgler et Schaltegger, 2004 ; Torgler et Schaltegger, 2003 ; Alm 98 ; Uchitelle 89 ; Singh et<br />

alii, 2005


exigences en matière de collecte <strong>des</strong> fonds ainsi que l'amnistie fiscale (Uchitelle, 89, p.51).<br />

Les causes de l'échec de l'amnistie argentine de 1987 : les <strong>amnisties</strong> intermittentes<br />

- Par ailleurs, malgré la mauvaise expérience de 1987, les gouvernements argentins ont<br />

régulièrement eu recours aux <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> puisqu'ils en édictèrent onze entre 1990 et 2002. Or<br />

ce recours répété aux <strong>amnisties</strong> a eu pour effet d'accroître l'évasion fiscale et de diminuer la<br />

participation au système fiscal. Sans établir de lien direct avec le recours aux <strong>amnisties</strong>, le FMI<br />

mentionne que, entre 1996 et 2000, les recettes <strong>fiscales</strong> auraient diminuées d'un montant équivalent<br />

à 2,5 pour cent du PIB si de nouvelles taxes n'avaient pas été introduites (Singh et alii, 2005, p.33).<br />

Par exemple, le FMI estime que l'industrie de la construction ne paye qu'un tiers de la TVA due et<br />

40 pour cent <strong>des</strong> cotisations de sécurité sociale. Pour l'agriculture ces chiffres se montent à 50 et 66<br />

pour cent (Singh et alii, 2005, p.33). De plus le taux de participation au système fiscal est nettement<br />

plus élevé dans les pays usant moins fréquemment <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong>. En plus de se montrer inefficaces,<br />

les fréquentes <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> argentines ont eu pour effet d'augmenter le coût de l'administration<br />

fiscale en créant <strong>des</strong> charges de travail supplémentaires (Singh et alii, 2005, p.33). Le FMI estime<br />

ainsi que le coût administratif du fisc s'élève à 2 pour cent du total <strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong> en Argentine<br />

alors qu'il ne s'élève qu'à 1,5 pour cent au Mexique, 1 pour cent en Bolivie et en Equateur ou encore<br />

0,75 pour cent au Chili. Dans le cas Argentin, le FMI estime qu'il serait nécessaire de mettre en<br />

place une loi interdisant le recours à de nouvelles <strong>amnisties</strong> afin de rétablir la crédibilité de la<br />

politique de contrôle fiscal en Argentine (Singh et alii, 2005, p.33).<br />

Les causes de l'échec de l'amnistie argentine de 1987 : l'absence de réforme – Enfin,<br />

en plus d'être inadéquate dans sa forme, l'amnistie n'a pas été accompagnée <strong>des</strong> mesures qui auraient<br />

permis d'accroître sa probabilité de succès. Le gouvernement (ainsi que ceux qui l'ont précédé) n'a<br />

jamais procédé aux ajustements qui auraient dûs s'imposer pour faire revenir <strong>des</strong> capitaux au pays et<br />

réduire l'économie souterraine. Notamment la forte réglementation de l'économie et l'incertitude<br />

pesant sur l'efficacité <strong>des</strong> mesures de politique économique ont constitué un terrain favorable au<br />

développement de l'économie souterraine et à la fuite de capitaux qui n'ont alors pas été empoignées<br />

(Uchitelle, 89, p.51). De plus les efforts nécessaires pour augmenter le respect <strong>des</strong> lois <strong>fiscales</strong> ou<br />

une éventuelle réforme du système fiscal n'ont jamais été mis en place. Pour Alm, la leçon à tirer du<br />

cas argentin est la forte probabilité qu'une amnistie fiscale échoue si celle-ci n'est pas accompagnée<br />

par <strong>des</strong> ajustements d'ordre structurel (Alm, 98, p.5).<br />

6.2.2.L'amnistie fiscale colombienne de 1987<br />

La même année que l'amnistie argentine, le gouvernement colombien mettait en place un<br />

programme d'amnistie fiscale qui, selon Uchitelle, fut couronné de succès.<br />

Les dispositions de l'amnistie fiscale colombienne de 1987 - La loi permettait alors<br />

92


aux contribuables de déclarer <strong>des</strong> actifs qui avaient été omis auparavant ou alors de revoir à la<br />

baisse <strong>des</strong> dettes déclarées mais inexistentes en réalité (Uchitelle, 89, p.52). La participation était<br />

toutefois soumise à la condition que le montant nouvellement déclaré ne soit pas inférieur au<br />

montant qui avait été déclaré l'année précédente. La déclaration n'entrainerait alors aucune pénalité<br />

et assurerait au contribuable de ne pas faire l'objet d'enquête. Les contribuables faisant d'ores et déjà<br />

l'objet d'une procédure d'enquête fiscale n'étaient toutefois pas autorisés à participer à ladite<br />

amnistie. Notons encore qu'avec la loi de 1987, la Colombie mettait en place la première amnistie<br />

fiscale de son histoire (Uchitelle, 89, p.52, tableau 2).<br />

Les causes du succès de l'amnistie colombienne de 1987 - En plus de l'amnistie, le<br />

gouvernement a modifié de nombreux éléments du système fiscal. Il a unifié les taux d'impôt sur le<br />

bénéfice <strong>des</strong> entreprises. Il a diminué les taux d'impôt sur le revenu <strong>des</strong> personnes, a éliminé la<br />

double taxation <strong>des</strong> dividen<strong>des</strong> et a augmenté les déductions possibles de l'impôt sur le revenu<br />

(Uchitelle, 89, p.52). Le gouvernement a augmenté par la même occasion les pénalités pour les<br />

fraudeurs détectés et a accru les efforts visant à faire appliquer les lois <strong>fiscales</strong> (Alm, 98, p.6). Pour<br />

l'année 1987, le gouvernement a estimé que l'amnistie a permis d'engranger 94 millions de dollars<br />

de recettes <strong>fiscales</strong> supplémentaires, ce qui représente 0,3 pour cent du PIB d'alors. En outre<br />

l'amnistie a permi, en 1987, un accroissement de la base fiscale qui s'est confirmé en 1988. Pour<br />

Uchitelle (1989), le cas colombien démontre, à l'inverse du cas de l'Argentine, qu'une amnistie<br />

fiscale accompagnée de mesures <strong>des</strong>tinées à améliorer la participation au système fiscal est à même<br />

d'améliorer les recettes <strong>fiscales</strong> . Néanmoins, si le succès en terme de recettes <strong>fiscales</strong><br />

supplémentaires à court terme paraît clair, il serait nécessaire de mesurer les recettes <strong>fiscales</strong> pour<br />

les années suivantes afin de déterminer si l'amnistie a effectivement permis d'élargir la base fiscale<br />

sur le long terme (Uchitelle, 89, p.52).<br />

6.3.Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dans les pays d'Asie du Sud : le cas de l'Inde<br />

Parmi les pays de l'Asie du Sud, nombreux sont ceux ayant eu recours aux <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong><br />

comme, par exemple, le Pakistan 1 , le Bengla<strong>des</strong>h 2 et le Sri Lanka 3 . Mais, dans cette section,<br />

l'attention va se porter sur le cas de l'Inde qui apparaît le plus intéressant <strong>des</strong> pays de la zone. Non<br />

seulement l'Inde constitue le pays de la zone le plus important en terme démographique,<br />

économique et politique mais l'Inde a également, au cours de son histoire, eu recours à de<br />

nombreuses <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>. Comme la plupart <strong>des</strong> pays en transition, l'Inde souffre d'une<br />

économie souterraine importante et a eu de gros problèmes au niveau de ses finances publiques. Par<br />

exemple, depuis le début <strong>des</strong> années nonante, et malgré une forte croissance économique, l'Inde a<br />

1 Voir Intriago, PWC, http://www.pwc.com/ua/eng/ins-sol/publ/pwc_tax_amnesty.pdf<br />

2 Voir Sarker, http://unpan1.un.org/intradoc/groups/public/documents/Other/UNPAN014405.pdf<br />

3 Voir http://www.news.lk/news_2004_09_233.htm<br />

93


souffert de déficits publics atteignant 10 pour cent du PIB en 1997 et 1998 (Pinto and Zahir, 2004,<br />

p.1). De ce point de vu, les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> apparaissent être un moyen simple et peu coûteux<br />

pouvant accroître les recettes <strong>fiscales</strong> et augmenter l'efficacité du système fiscal contribuant ainsi à<br />

améliorer le solde public.<br />

Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> en Inde : aperçu général - En plus de connaître <strong>des</strong> dispositions<br />

légales instituant une sorte d'amnistie permanente, notamment dans la législation sur l'impôt sur le<br />

revenu permettant de négocier les pénalités et accordant l'immunité face aux enquêtes <strong>fiscales</strong> en<br />

cas de dénonciation volontaire, l'Inde a eu recours à toute une séries d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> à caractère<br />

unique ou exceptionnel (Das-Gupta and Mookherjee, 1995, p.23).<br />

94<br />

Tableau 6.4 – Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> en Inde<br />

Année Objectif Type Résultats Conditions<br />

1951 Recettes <strong>fiscales</strong><br />

supplémentaires<br />

régularisation de capitaux<br />

Durée : 6 mois<br />

amnistie <strong>des</strong> pénalités et d'enquête<br />

1965 - Durée : 3 mois<br />

Taux exigé : 60%<br />

amnistie <strong>des</strong> pénalités et d'enquête<br />

1965 - Durée : 8 mois<br />

amnistie <strong>des</strong> pénalités et d'enquête<br />

1975<br />

Taux exigé : 25-60%<br />

amnistie <strong>des</strong> pénalités et d'enquête<br />

-<br />

1981 Rapatriement de capitaux Émission de bons du Trésor <strong>des</strong>tinés<br />

diminuer l'économie aux revenus soustraits au fisc<br />

souterraine<br />

durée : 3 mois<br />

1985<br />

amnistie <strong>des</strong> pénalités et d'enquête<br />

-<br />

1991 Rapatriement de capitaux amnistie <strong>des</strong> pénalités et d'enquête<br />

diminuer l'économie<br />

souterraine<br />

1997<br />

taux exigé : 30%<br />

-<br />

durée : 6 mois<br />

Sources : élaboration personnelle 1<br />

22,7 mios $ de recettes <strong>fiscales</strong><br />

147 mios $ déclarés<br />

-<br />

20'912 contribuables<br />

~27,35 mio $ de recettes <strong>fiscales</strong><br />

~107,38 mios $ déclarés<br />

-<br />

~ 2'000 contribuables<br />

~4,8% <strong>des</strong> recettes annuelles totales<br />

~77,85 mios $ de recettes <strong>fiscales</strong><br />

~375,62 mios $ déclarés<br />

-<br />

~114'227 contribuables<br />

~13,7% <strong>des</strong> recettes annuelles totales<br />

289 mios $ de recettes <strong>fiscales</strong><br />

Renforcement <strong>des</strong> mesures d'exécution<br />

840 mios $ déclarés<br />

fiscale<br />

245'570 contribuables<br />

Réforme fiscale<br />

20,5% <strong>des</strong> recettes annuelles totales<br />

~400,7 mios de recettes <strong>fiscales</strong><br />

-<br />

1 mrd $ de capitaux captés<br />

10,6% <strong>des</strong> recettes annuelles totales<br />

377,1 mios $ de recettes <strong>fiscales</strong><br />

-<br />

2,417 mrds $ déclarés<br />

1'539'987 contribuables<br />

7,2% <strong>des</strong> recettes annuelles totales<br />

- -<br />

2,5 mrds $ de recettes <strong>fiscales</strong><br />

- importante campagne d'information<br />

8,25 mrds $ déclarés<br />

-augmentation <strong>des</strong> pénalités ex post<br />

466'037 contribuables<br />

-baisse du taux d'impôt sur le revenu<br />

8,5% <strong>des</strong> recettes annuelles totales<br />

Le tableau 6.4. donne un aperçu <strong>des</strong> principales <strong>amnisties</strong> édictées par l'Inde depuis 1950. Parmi les<br />

différentes <strong>amnisties</strong> présentées dans le tableau 6.4. , l'attention est ici focalisée sur l'amnistie de<br />

1975, 1981 et celle de 1997. La première apparaît intéressante car elle fut un succès en terme de<br />

1 Élaboré à partir de Torgler et Schaltegger 2004 ; Ajay Singh, 2001 ; Das Gupta et Mookherje, 1995 ; Alm, 98 ; Uchitelle 89 ;<br />

Govinda 2000


ecettes <strong>fiscales</strong>, la seconde du fait de son <strong>des</strong>ign particulier et la troisième parce qu'elle semble<br />

avoir rencontré un certain succès en terme de capitaux déclarés.<br />

6.3.1.Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> indiennes de 1975 et 1981<br />

L'amnistie fiscale indienne de 1975 - L'amnistie de 1975 a permis de collecter <strong>des</strong><br />

recettes <strong>fiscales</strong> supplémentaires pour un montant équivalent à 20,5 pour cent du total <strong>des</strong> recettes<br />

<strong>fiscales</strong> annuelles ce qui en fait, de ce point de vue, l'amnistie la plus efficace parmi celles figurant<br />

dans le tableau et pour lesquelles nous ayons <strong>des</strong> données complètes. Il est intéressant de constater<br />

que cette amnistie a été édictée dix ans après la précédente. Pour Das-Gupta et Mookherjee cet écart<br />

de dix ans semble suffisant pour que l'amnistie n'ait pas été anticipée ce qui peut expliquer en partie<br />

son succès (Das-Gupta and Mookherjee, 1995, p.24). De plus la période à laquelle a été édictée<br />

l'amnistie correspond à une période de réduction <strong>des</strong> libertés civiles, d'augmentation de l'activité<br />

d'audit et d'un accroissement du taux de détection <strong>des</strong> infractions <strong>fiscales</strong>. De plus une baisse du<br />

taux marginal d'imposition de 93,5 à 77 pour cent intervint entre 1974 et 1975 (Gorinda, 2000,<br />

pp.66-67). Par conséquent, le signal donné aux contribuables d'un renforcement du niveau <strong>des</strong><br />

mesures visant à faire respecter la législation fiscale ainsi que la réforme fiscale entreprise<br />

expliquent certainement le succès rencontré par cette amnistie.<br />

L'amnistie fiscale indienne de 1981 - L'amnistie édictée en 1981 et ayant pour but de<br />

rapatrier <strong>des</strong> capitaux ou faire apparaître <strong>des</strong> capitaux circulant dans l'économie souterraine, se<br />

caractérise par un <strong>des</strong>ign particulier eu égard aux autres <strong>amnisties</strong> édictées dans le pays auparavant.<br />

Pour atteindre son objectif, le gouvernement indien a émis et vendu, sur une période de trois mois,<br />

<strong>des</strong> bons du trésor spéciaux (Bearer Bond Scheme) <strong>des</strong>tinés à capter les capitaux en question. Tout<br />

individu détenant <strong>des</strong> actifs du marché noir était autorisé à utilisé les fonds concernés pour acheter<br />

<strong>des</strong> bons avec la garantie qu'aucune enquête serait menée sur l'origine <strong>des</strong> fonds (Uchitelle, 89,<br />

p.51). La maturité <strong>des</strong> bons était à 10 ans ( jusqu'en 1991) et il portaient un intérêt nominal annuel<br />

de seulement 2 pour cents cumulatifs et payable à la fin de la période seulement (Das-Gupta and<br />

Mookherje, 1995, pp.23-24). Les fonds ainsi investis étaient exemptés de l'impôt sur la fortune qui<br />

frappait les autres dépôts ainsi que de l'impôt sur le revenu frappant normalement les intérêts ce qui<br />

semble être une disposition généreuse à même d'inciter les contribuables à participer massivement<br />

(Uchitelle, 89, p.51). Toutefois, selon Das-Gupta, le différentiel d'intérêt avec les taux du marché<br />

annulait exactement le gain en terme d'impôt <strong>des</strong> souscrivants (Das-Gupta and Mookherje, 1995,<br />

p.24). Par contre, certaines estimations suggèrent qu'un contribuable ayant soustrait <strong>des</strong> capitaux et<br />

qui aurait investi dans ces bonds aurait, après une période de dix ans, <strong>des</strong> fonds à disposition pour<br />

un montant de 60 pour cent supérieur à ce que pourrait espérer un autre contribuable achetant <strong>des</strong><br />

bons normaux avec <strong>des</strong> fonds détenus légalement sur <strong>des</strong> dépôts bancaires (Uchitelle, 89, p.51). Ces<br />

95


estimations démontrent ainsi le caractère inéquitable de la mesure puisque les contribuables<br />

honnêtes n'étaient pas autorisés à souscrire à ces bons.<br />

Les résultats mitigés <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> indiennes de 1975 et 1981 - L'émissions<br />

de ces bons spéciaux permit au gouvernement Indien d'attirer <strong>des</strong> capitaux pour un montant de 1<br />

milliard de dollars américains. Si ce montant semble substantiel, il n'en constitue pas moins un<br />

échec car il se situe en deçà de ce qu'espérait le gouvernement. De plus, l'amnistie ne permit pas de<br />

manière générale d'élargir la base fiscale en ajoutant de nouveaux contribuables aux rôles fiscaux<br />

comme l'espérait le gouvernement (Uchitelle, 89, p.51). Pour Uchitelle, l'absence d'un renforcement<br />

<strong>des</strong> mesures visant à faire respecter la législation fiscale par un durcissement <strong>des</strong> pénalités et<br />

l'absence de réforme du système fiscal accompagnant l'émission <strong>des</strong> bons expliquent que les<br />

contribuables délinquants n'aient aucune raison de penser que la probabilité d'être découvert et<br />

pénaliténé augmente dans le futur. En outre, étant donné l'utilisation fréquente d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong><br />

par le gouvernement dans le passé, nombre de contribuables ont pu estimer que le gouvernement<br />

octroie de nouvelles <strong>amnisties</strong> dans le futur et à <strong>des</strong> conditions plus attrayantes. Mais le résultat de<br />

cette amnistie aurait pu être encore amoindri si les contribuables l'avaient anticipée, ce qui ne<br />

semble pas avoir été le cas. En effet, pour Das-Gupta, l'amnistie de 1981 n'a pas été anticipée par les<br />

contribuables ce qui a pu éviter une érosion ex ante de la base fiscale (Das-Gupta and Mookherje,<br />

1995, p.25). Toutefois Das-Gupta estime que le succès <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> qui se sont succédées n'a fait<br />

que s'amenuiser au fil <strong>des</strong> décennies. Das-Gupta estime que le rapport entre les recettes levées par<br />

les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> et les recettes <strong>fiscales</strong> totales est tombé de un cinquième dans les années 60-70<br />

(18,5 pour cent en 1965 et 20,5 pour cents en 1975) à moins d'un dixième dans les années huitante<br />

(10,6 pour cent en 81 et 7,2 pour cent en 85) (Das-Gupta and Mookherje, 1995, p.24). Malgré les<br />

interventions appelant, après chaque amnistie, à éviter leur utilisation, le gouvernement indien a<br />

continué à en accorder. Etonnamment, la dernière amnistie fiscale indienne en date, celle de 1997,<br />

est présentée comme un exemple d'amnistie ayant fonctionné.<br />

6.3.2.L'amnistie fiscale indienne de 1997<br />

L'amnistie fiscale indienne de 1997 : dispositions et résultats - Entre juillet et<br />

décembre 1997, le gouvernement indien donna aux contribuables une occasion de régulariser <strong>des</strong><br />

revenus non déclarés et accumulés durant plusieurs années. Cette amnistie intervint alors que le taux<br />

maximal de l'impôt sur le revenu avait été diminué de 97,75 à 30 pour cent (Singh, 2001). Or les<br />

dipositions de la loi d'amnistie prévoyait que les montants déclarés soient taxés au taux unique de<br />

30 pour cent correspondant au nouveau taux en vigueur. En plus de ce gain substantiel par le biais<br />

d'un taux réduit, l'amnistie permettait aux individus désirant déclarer <strong>des</strong> actifs acquis durant les<br />

années précédant l'amnistie de les déclarer à leur valeur d'origine au lieu de la valeur courante. Etant<br />

96


donnés les taux d'inflation élevés qui caractérisaient l'Inde durant les années précédant l'amnistie,<br />

cette disposition contribua également à diminuer le taux effectif d'imposition <strong>des</strong> revenus déclarés<br />

de manière drastique (Alm, 1998, p.5). Cette amnistie permit à l'Etat d'engranger 2,5 milliards de<br />

dollars américains de recettes <strong>fiscales</strong> supplémentaires alors que 1 milliard était prévu initialement<br />

et aux contribuables de déclarer <strong>des</strong> capitaux pour un total de 8,25 milliards (Singh, 2001).<br />

La principale cause du succès de l'amnistie indienne de 1997 : la campagne<br />

d'information - D'après la littérature sur le sujet, ce succès serait largement dû à la campagne<br />

d'information intensive menée autour de cette amnistie. Selon Torgler et Schaltegger,<br />

l'administration fiscale a engagé une société privée de marketing pour mener cette campagne<br />

(Torgler et Schaltegger, 2004, p.4). Pour un coût de 7 millions de dollars, Singh estime que la<br />

campagne de publicité était probablement la plus coûteuse que l'Inde n'ait jamais connu. Cette<br />

campagne qui avait pour but de lever la traditionnelle "barrière mentale" que les indiens dressaient<br />

face aux impôts, de mettre en évidence les bénéfices que chaque individu pouvait retirer d'une<br />

participation à l'amnistie ainsi que d'insister sur l'accroissement <strong>des</strong> pénalités qui devait suivre<br />

l'amnistie fut mise en oeuvre à l'aide de multiples moyens (Alm, 98, pp.5-6). Ainsi, <strong>des</strong> annonces<br />

télévisées et à la radio, <strong>des</strong> affiches ainsi que <strong>des</strong> journaux incitaient les indiens à participer à l'aide<br />

du slogan "30 pour cent d'impôt, 100 pour cent l'esprit tranquille". Des stars de cinémas et <strong>des</strong><br />

sportifs célèbres avaient été engagés pour encourager les individus à participer, si bien qu'il était<br />

presque devenu "à la mode" en Inde de dire que l'on avait rempli son formulaire d'amnistie fiscale<br />

(Singh, 2001).<br />

La principale limite au succès de l'amnistie : l'inefficacité de l'administration –<br />

Selon Singh (2001), une certaine frénésie s'empara même <strong>des</strong> individus dont certains allèrent jusqu'à<br />

déclarer et payer <strong>des</strong> impôts sur <strong>des</strong> éléphants, moyen choisi pour investir son argent et frauder le<br />

fisc. Certains contribuables tentèrent également de frauder le fisc dans le cadre même de l'amnistie.<br />

En effet, <strong>des</strong> contribuables déclarèrent <strong>des</strong> sommes inférieures aux sommes réelles en achetant de<br />

l'argent (le métal) en le déclarant au prix le plus bas qui eut cours durant les décennies précédentes.<br />

Ces manipulations obligèrent l'administration fiscale à contrôler les déclarations d'amnistie et à<br />

demander <strong>des</strong> détails aux contribuables alors que la promesse avait été faite de ne pas poser de<br />

question sur l'origine <strong>des</strong> fonds. Ainsi <strong>des</strong> critiques s'élevèrent contre la capacité de l'administration<br />

à mettre en oeuvre la loi d'amnistie. Un représentant de l'économie ayant gagné un recours contre<br />

l'administration qui avait enquêté sur les montants déclarés estima même que les montants<br />

engrangés lors de l'amnistie auraient pu être doublés si l'administration avait tenu ses engagements<br />

(Singh, 2001). Finalement le succès de cette amnistie apparaît tout relatif et met en évidence le fait<br />

qu'une amnistie ne peut pas à elle seule régler les problèmes de soustraction fiscale si<br />

97


l'administration n'est pas qualifiée et ne dispose pas <strong>des</strong> ressources nécessaires pour la mettre en<br />

oeuvre. Singh notait d'ailleurs que, malgré les milliards rapportés par l'amnistie, élargir la base<br />

fiscale et diminuer les taux pour réduire du même coup la tentation de frauder l'administration<br />

fiscale restait un combat que le gouvernement devait mener sur le long terme.<br />

Cette remarque de Singh vaut non seulement pour l'Inde mais également pour l'ensemble <strong>des</strong> pays<br />

en développement et dans une moindre mesure les pays dits développés. En effet, les exemples<br />

d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> qui ont été traités montrent que la lutte contre l'évasion fiscale est un combat de<br />

longue haleine et que son origine est bien souvent à trouver dans <strong>des</strong> distortions d'ordre structurelles<br />

parfois inhérentes au système fiscal <strong>des</strong> pays. Cette constatation ne suffit pas à disqualifier les<br />

<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> comme outil de lutte contre l'évasion fiscale, l'expérience montrant que, dans<br />

certaines conditions, elles peuvent s'avèrer <strong>des</strong> instruments efficaces. Toutefois les expériences qui<br />

viennent d'être décrites ne suffisent pas à lever les controverses qui avaient été évoquées dans la<br />

première partie au sujet <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>. En effet, le flot de chiffres bruts et d'analyses<br />

comparatives reposant sur <strong>des</strong> indicateurs hétérogènes et dont les paramètres varient d'un cas à<br />

l'autre ne permet pas d'éclairer la problématique <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> de manière satisfaisante. Par<br />

conséquent, l'analyse ne saurait s'arrêter là et il convient de se demander dans quelle mesure un<br />

traitement formel <strong>des</strong> problèmes soulevés par les <strong>amnisties</strong> à la lumière <strong>des</strong> instruments théoriques<br />

et empirique de l'analyse économique est de nature à apporter <strong>des</strong> réponses plus claires sur la<br />

capacité <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> à atteindre leurs objectifs.<br />

98


99<br />

III. Les premières tentatives de modélisation <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong><br />

La presentation <strong>des</strong> arguments théoriques avancés dans la littérature a démontré qu'il n'existait pas<br />

d'unanimité concernant les effets <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>. Dans le but d'offrir <strong>des</strong> éléments de réponse<br />

quant à ces effets, la démarche <strong>des</strong> auteurs a été de chercher à modéliser formellement les <strong>amnisties</strong><br />

<strong>fiscales</strong> afin de dériver <strong>des</strong> résultats qui seraient à même de lever le flou sur l'impact <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong><br />

<strong>fiscales</strong>. La présente partie propose donc de passer en revue les premières tentatives de modélisation<br />

<strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>.<br />

Pour chaque modèle la démarche consiste à poser et expliciter les hypothèses de base afin de saisir<br />

la manière dont chaque modèle d'amnistie fiscale est construit. Dans une deuxième étape, les<br />

résultats obtenus à partir de chaque modèle seront présentés. Enfin, une troisième et dernière étape<br />

met en lumière les limites <strong>des</strong> hypothèses de base de chaque modèle et, par conséquent, de ses<br />

résultats. Cette démarche critique doit permettre de passer de modèles relativement réducteurs à <strong>des</strong><br />

modèles plus évolués.<br />

Le point de départ de l'analyse est le constat que l'existence <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> est<br />

irrémédiablement liée à la présence d'évasion fiscale. Ainsi les modèles d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong><br />

présentés dans cette partie sont <strong>des</strong> modèles purement théoriques <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>. Les auteurs<br />

de ces modèles les ont tous construit en s'appuyant sur le modèle fondateur en matière d'analyse<br />

économique du phénomène de l'évasion fiscale, le modèle d'Allingham et Sandmo (1972). La<br />

démarche <strong>des</strong> auteurs ayant été de chercher à introduire une forme d'amnistie fiscale dans un modèle<br />

d'évasion fiscale, le chapitre 7 passera naturellement en revue le modèle d'Allingham et Sandmo. Le<br />

modèle d'Allingham et Sandmo arrive à la conclusion que les <strong>amnisties</strong> n'ont aucun effet sur le<br />

niveau d'évasion fiscale. Ce résultat est dû aux hypothèses particulièrement restrictives qui fondent<br />

le modèle d'Allingham et Sandmo. Par conséquent, les modèles d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> abordés vont<br />

tour à tour lever ou rajouter l'une ou l'autre hypothèse afin de modifier le résultat du modèle<br />

d'Allingham et Sandmo. Le chapire 8 présente un modèle qui introduit l'amnistie fiscale dans le<br />

modèle de base sous la forme de l'incitation qu'elle procure. Le modèle présenté au chapitre 9<br />

modifie les hypothèses sur les paramètres du modèle d'Allingham et Sandmo et introduit une<br />

hypothèse sur la temporalité de l'amnistie fiscale. Enfin, le modèle du chapitre 10 propose une<br />

forme de synthèse <strong>des</strong> modèles <strong>des</strong> chapitre 8 et 9, tout en prenant le contrepied du modèle du<br />

chapitre 9 quant à l'hypothèse sur la temporalité de l'amnistie. Finalement les limites et remarques<br />

énoncées en fin de partie montreront que l'ensemble <strong>des</strong> premiers modèles d'amnistie fiscale<br />

restent , sur les plans théoriques et formels, très proche du modèle d'Allingham et Sandmo, fondé<br />

sur <strong>des</strong> hypothèses très restrictives et parfois peu en phase avec la réalité. Ces limites et critiques<br />

permettront d'effectuer la transition vers la quatrième et dernière partie de ce travail.


7.Le modèle d'évasion fiscale d'Allingham et Sandmo<br />

En 1971, lors d'un congrès international à Bergen en Suède, Mirreless suggère que l'évasion fiscale<br />

est un thème suceptible d'être l'objet d'une analyse théorique (Allingham et Sandmo, 1972, p. 323) 1 .<br />

En 1972, suivant la suggestion de Mirreless et en s'inspirant d'ouvrages de l'économie du crime<br />

comme ceux de Becker (1968) et Tulkens et Jacquemin (1971) 2 , Allingham et Sandmo 3 propose une<br />

formalisation originale du problème de l'évasion fiscale (Allingham et Sandmo, 1972, p. 323).<br />

L'objectif du modèle présenté est d'analyser la décision du contribuable face à l'opportunité de se<br />

soustraire à ses obligations <strong>fiscales</strong> (A.& S., 1972, p. 323). Le modèle s'inspire <strong>des</strong> ouvrages traitant<br />

de l'économie du crime (A.& S., 1972, p. 323) puisque il se propose d'appliquer l'analyse<br />

économique à une activité criminelle qui n'appartient pas au champs d'étude traditionnel. Il présente<br />

l'évasion fiscale comme une décision devant être prise par le contribuable dans un contexte<br />

d'incertitude (A.& S., 1972, p. 324). En effet, au moment de faire sa déclaration d'impôt, le<br />

contribuable à le choix entre deux stratégies (A.& S., 1972, p. 324). Soit il déclare la totalité de son<br />

revenu, soit il déclare moins que son revenu. La deuxième stratégie constitue un choix risqué. Le<br />

contribuable court le risque de faire l'objet d'un contrôle et d'être découvert par l'administration<br />

fiscale. Dans ce cas le contribuable se verra infligé une pénalité telle que la seconde stratégie se<br />

révèle ex post moins bonne que la première (A.& S., 1972, p. 324). Si par contre l'administration<br />

fiscale ne découvre pas l'évasion fiscale du contribuable, alors ce dernier ne subira pas de pénalités.<br />

La deuxième stratégie se révèle dans ce cas être meilleure que la première. La question est donc de<br />

déterminer le niveau de revenu que le contribubale va déclarer ex ante. Une fois ce niveau<br />

déterminé, le modèle pourra être utilisé pour établir un certain nombre de résultats.<br />

7.1.Les hypothèses de bases du modèle d'Allingham et Sandmo<br />

Les éléments du modèle d'Allingham et Sandmo - La construction d'un modèle<br />

capable de fournir <strong>des</strong> résultats significatifs nécessite que les principaux paramètres et variables qui<br />

influence la décision du contribuable soient pris en compte. Les éléments, présentés dans le tableau<br />

7.1., sont soumis à un certain nombre d'hypothèses. Le niveau d'utilité du contribuable dépend<br />

uniquement du revenu déclaré. Le revenu réel, le taux d'impôt, la probabilité de détection ainsi que<br />

le taux de pénalité sont considérés comme donnés. Ils sont donc exogènes au modèle. Par ailleurs, le<br />

revenu réel est connu du contribuable mais pas de l'administration fiscale (A.& S., 1972, p. 324). Le<br />

revenu résiduel est égal au revenu réel moins les impôts dûs ou la pénalité à payée dans le cas où le<br />

contribuable est l'objet d'un contrôle fiscal. Le taux d'impôt est un taux constant et est prélevé sur X<br />

1 Idée suggérée dans un papier écrit à l'occasion de l'International Economic Association's Workshop in Economic Theory. ( voir Mirreless, J.A.,<br />

"Notes on some special cases of the taxation of risk-taking", mimeographed, 1971)<br />

2 Voir Becker, G.S., "Crime and punishement : an economic approach, Journal of Political Economy, no 76, pp. 169-217, 1968 et Tulkens, H.<br />

and Jacquemin, "The cost of delinquency : a problem of optimal allocation of private and public expenditure (CORE Discussion Paper 7133),<br />

1971.<br />

3 Par commodité il sera, par la suite, référé à Allingham et Sandmo sous la forme A. & S.<br />

100


. Si le contribuable fait l'objet d'un contrôle fiscal, alors l'autorité fiscale découvre automatiquement<br />

le revenu réel W du contribuable (A.& S., 1972, p. 324).<br />

Tableau 7.1. – Les variables du modèle d'Allingham et Sandmo (1972)<br />

Symbole Signification<br />

U Utilité du contribuable<br />

R Revenu résiduel du contribuable<br />

W Revenu réel du contribuable<br />

X Revenu déclaré par le contribuable<br />

t Taux d'impôt<br />

p Probabilité que le contribuable subisse un contrôle fiscal<br />

f Taux de pénalité appliqué si le contribuable est découvert par l'administration<br />

Élaboration personnelle 1<br />

Dans ce cas, le taux de pénalité frappe alors la totalité du revenu non déclaré, c'est-à-dire (W – X).<br />

Le taux de pénalité est plus élevé que le taux d'impôt (A.& S., 1972, p. 324). Sur la base de ces<br />

hypothèses, la décision du contribuable consiste à choisir le niveau de revenu qu'il va déclaré de<br />

sorte à maximiser son utilité. Afin de pouvoir résoudre le problème du contribuable, il convient<br />

toutefois encore de connaître les propriétés de sa fonction d'utilité.<br />

La fonction d'utilité – L'évasion fiscale est une activité criminelle qui implique une<br />

prise de risque pour le contribuble. La décision du contribuable se prend par conséquent dans un<br />

environnement d'incertitude. La fonction d'utilité retenue dans le modèle de base d'évasion fiscale<br />

est une fonction d'utilité de type Von-Neumann et Morgenstern. La caractéristique d'une telle<br />

fonction est qu'elle permet de décrire le comportement du contribuable face au risque. C'est une<br />

fonction d'utilité cardinale et linéaire (A.& S., 1972, p. 324). Cela signifie que l'utilité de l'individu<br />

est égale à la somme <strong>des</strong> utilités retirées de plusieurs alternatives dites "risquées", c'est-à-dire<br />

auxquelles une certaine probabilité que chacune se réalise est associée (Mas-Colell et alii, 1995,<br />

p.173). La possibilité d'utiliser une telle fonction d'utilité exige notamment le respect de deux<br />

axiomes sur les préférences entres les alternatives. Premièrement la relation de préférence entre<br />

deux alternatives doir être continue. Cela signifie qu'un changement marginal <strong>des</strong> probabilités<br />

associées à chaque alternative ne modifie pas l'ordre de préférence entre les alternatives (Mas-Colell<br />

et alii, 1995, pp.171). Deuxièmement la relation de préférence entre les alternatives doit respecter<br />

l'axiome d'indépendance (Mas-Colell et alii, 1995, pp.171-2). Cela signifie que si l'on associe de<br />

manière identique à chacun <strong>des</strong> termes de l'alternative une possibilité supplémentaire, cette<br />

opération ne modifiera pas la relation de préférence entre les deux alternatives (Mas-Colell et alii,<br />

1995, pp.171-2). Le comportement de la fonction d'utilité est décrite par une utilité marginale du<br />

contribuable positive pour tout X et strictement décroissante (A.& S., 1972, p. 324). Cette hypothèse<br />

sur le comportement de la fonction d'utilité implique que le contribuable est considéré comme ayant<br />

101<br />

1 Élaboré à partir de Allingham et Sandmo, 1972, p.324


une aversion pour le risque (A.& S., 1972, p. 324).<br />

La formalisation de la décision du contribuable - En mobilisant la théorie de l'utilité<br />

espérée à travers la fonction d'utilité de Von-Neumann et Morgenstern pour combiner les éléments<br />

influençant la décision du contribuable, il est possible de formaliser le choix du contribuable quant à<br />

l'opportunité de pratiquer l'évasion fiscale. Ainsi le contribuable va choisir X tel qu'il maximise<br />

l'équation 7.1., où E est l'opérateur de l'espérence mathématique (A.& S., 1972, p. 325).<br />

E [U ]=1− pU W −t X pU W −t X − f W − X (7.1.)<br />

(1-p) est la probabilité que le contribuable ne fasse pas l'objet d'une inspection de la part de<br />

l'administration. Dans la situation où le contribuable n'est pas contrôlé, c'est-à-dire où il pratique<br />

l'évasion fiscale avec succès, son niveau d'utilité est U(W – t X). Il correspond au niveau d'utilité<br />

que lui procure son revenu diminué de l'impôt dû sur le montant déclaré. U(W– t X – f (W – X)) est<br />

le niveau d'utilité du contribuable dans le cas où il est effectivement détecté par l'administration<br />

fiscale, c'est-à-dire l'utilité que lui procure son revenu réel diminué de l'impôt dû sur le revenu<br />

déclaré et de la pénalité appliquée au montant du revenu soustrait.<br />

Le montant optimal de revenu déclaré – Afin de déterminé le montant de revenu<br />

déclaré, X , qui maximise l'utilité espérée du contribuable, il convient de maximiser l'équation 7.1.<br />

par rapport à X , ce qui permet d'obtenir les conditions de premier et second ordre. La condition de<br />

premier ordre est donnée par l'équation 7.2. (A.& S., 1972, p. 325). La condition de second ordre<br />

définissant un maximum est donnée par l'équation 7.3. 1 .<br />

−t 1− pU ' W −t X −t− f pU ' W −t X − f W − X =0 (7.2.)<br />

t 2 1− pU ' ' W −t X t− f 2 pU ' ' W −t X − f W − X 0 (7.3.)<br />

Les conditions sur les paramètres - Afin de construire un modèle logique eu égard au<br />

problème qui nous intéresse et de pouvoir en dériver <strong>des</strong> résultats pertinents il convient de<br />

s'intéresser aux valeurs <strong>des</strong> paramètres du modèle, c'est-à-dire p, t et f . En effet, sans déterminer<br />

certaines conditions sur les paramètres, il n'est pas possible, a priori, de faire l'hypothèse qui est<br />

décrite par l'inégalité (7.4.), c'est-à-dire que le contribuable pratiquera l'évasion fiscale (A.& S.,<br />

1972, p. 325).<br />

0 X W (7.4.)<br />

Les conditions sur les paramètres, qui assurent que l'inégalité 7.4. soit vérifiée 2 , peuvent être<br />

déterminées à partir de la dérivée première pour les valeurs extrêmes que X peut prendre, c'est-àdire<br />

0 ou W. Pour les valeurs extrême, X = 0 et X = W on obtient respectivement les expressions 7.5.<br />

et 7.6.(A.& S., 1972, pp. 325-326). L'expression 7.5. montre qu'au point X = 0, la dérivée première<br />

est positive. Le point X = 0 se trouve donc en deçà du maximum.<br />

1 Voir Alm, J, 1998, p.6, note no 7<br />

2 Il ne fait effectivement pas de sens de considérer les cas de figure où le revenu déclaré serait négatif ou supérieur au revenu réel du contribuable.<br />

102


103<br />

E [U ]<br />

X [ X =0]<br />

=−t 1− pU ' W −t− f pU ' W 1− f 0 (7.5.)<br />

E [U ]<br />

X [ X =W ]<br />

=−t 1− pU ' W 1−t−t− f pU ' W 1−t0 (7.6.)<br />

L'équation 7.6. définit la dérivée première comme négative au point X = W . Le point X = W se<br />

trouve donc au-delà du maximum. En remaniant les expressions 7.5. et 7.6., les conditions sur les<br />

paramètres peuvent être exprimées par les inéquations 7.7. et 7.8. (A.& S., 1972, p. 326). La<br />

condition 7.8. signifie que le contribuble pratiquera l'évasion fiscale, c'est-à-dire déclarera moins<br />

que son revenu réel, si la pénalité attendue par franc de revenu non déclaré est inférieure au taux<br />

d'impôt effectif 1 .<br />

U ' W <br />

pf t [ p1− p<br />

U ' W 1−t ] (7.7.)<br />

pf t (7.8.)<br />

Les conditions sur les paramètres ainsi établies assurent l'obtention d'une solution intérieure (A.&<br />

S., 1972, p. 326). Cela signifie que l'ensemble <strong>des</strong> X pris en compte dans le modèle est restreint à 0<br />

< X < W . A partir du modèle ainsi établi, il est possible de dériver un certains nombre de résultats .<br />

7.2.Les résultats du modèle d'Allingham et Sandmo<br />

Le modèle permet de déterminer le montant de revenu optimal que le contribuable doit déclarer s'il<br />

entend maximiser son utilité. A partir de cet équilibre, le modèle permet de dériver un certain<br />

nombre de résultats en terme de statique comparative. La question qui nous intéresse en lien avec<br />

les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> est la suivante : les résultats du modèle de base d'évasion fiscale plaident-ils<br />

en faveur de l'introduction d'une l'amnistie fiscale dans l'arsenal <strong>des</strong> moyens devant être mis en<br />

place par l'administration fiscale dans la lutte contre l'évasion?<br />

L'impact d'une variation du revenu réel - La première question présentant un intérêt<br />

est de déterminer comment évolue le niveau d'évasion fiscale lorsque le revenu réel du contribuable<br />

varie. Un argument qui, en effet, est souvent avancé dans la littérature sur l'évasion fiscale est que<br />

ce sont les contribubales "riches" qui ont le plus recours à l'évasion fiscale (A.& S., 1972, p. 331).<br />

Intuitivement cet argument implique que l'expression 7.9. soit vérifiée 2 .<br />

X /W<br />

W<br />

0 (7.9.)<br />

Si cet argument est vérifié et dans la mesure où une amnistie fiscale s'avère profitable, la probabilité<br />

que <strong>des</strong> contribuables riches y participent serait donc plus élevée que la probabilité que <strong>des</strong><br />

1 La condition 7.7. est respectée dans la mesure où le terme entre crochet est positif et inférieur à l'unité (A.& S., 1972, p. 326).<br />

2 En l'occurence l'analyse porte sur le comportement de la fraction du revenu réel qui est déclarée, c'est-à-dire (X/W)


104<br />

contribuables pauvres y participent 1 .<br />

∂ X /W <br />

∂ W =− 1 W 2 1<br />

D t 1− pU ' R ND[ U ' ' R ND R ND<br />

U ' R ND<br />

<br />

− U ' ' R D R D<br />

] (7.10.) 2<br />

U ' R D<br />

<br />

Le résultat exprimé par l'équation 7.10. est ambigu et ne vient ni infirmer ni confirmer l'inégalité<br />

7.9. puisqu'il dépend de l'évolution de l'aversion relative au risque (voir encadré) lorsque le revenu<br />

varie.<br />

Encadré 7.1. – Le coefficient d'aversion au risque de Arrow-Pratt<br />

Les termes - U''(R ND)R ND/U'(R ND) et - U''(R D)R D/U'(R D) ne sont autres que le coefficient d'aversion relative au risque de Arrow-Pratt. Dans la<br />

tentative d'élaborer une mesure de la notion d'aversion au risque, Arrow et Pratt ont développé un coefficient qui est fréquemment utilisé. Arrow et<br />

Pratt sont parti du fait que la formalisation de la neutralité pour le risque revient à faire l'hypothèse d'une fonction d'utilité linéaire ayant une<br />

dérivée seconde égale à zéro pour toute valeur de x . Ainsi, Arrow et Pratt ont cherché à relier la notion de comportement face au risque avec la<br />

mesure de la courbure de la fonction d'utilité que constitue la dérivée seconde. Par conséquent, une aversion pour le risque devait se référer à une<br />

dérivée seconde négative. La seule dérivée seconde étant une mesure instable face aux transformations linéaires positives de la fonction d'utilité,<br />

Arrow et Pratt ont neutralisé cet effet en la divisant par la dérivée première. Enfin pour disposer d'une mesure positive, Arrow et Pratt ont modifé le<br />

signe de l'expression pour obtenir le coefficient absolu d'aversion au risque, -u''(x)/u'(x). En multipliant le dividende par x, on obtient le coeficient<br />

d'aversion relative au risque de Arrow-Pratt qui est relatif en ce sens qu'il dépend également du niveau de x.<br />

Source : Mas-Colell et alii 3<br />

La fraction du revenu déclarée augmente, stagne ou diminue uniquement dans la mesure où<br />

l'aversion relative au risque augmente stagne ou diminue respectivement (A.& S., 1972, p. 329) 4 . En<br />

d'autres termes, le modèle d'Allingham et Sandmo ne permet pas d'obtenir de résultat clair<br />

concernant la relation entre revenu et évasion fiscale (A.& S., 1972, p. 329). Par conséquent, il n'y<br />

a , a priori, pas plus de raison qu'une amnistie fiscale s'adresse à <strong>des</strong> contribuables bénéficiant de<br />

revenus élevés qu'à <strong>des</strong> contribuables de revenu mo<strong>des</strong>te. Ce résultat ou cette absence de résultat<br />

nécessite donc de s'intéresser aux résultats concernant les autres éléments du modèle.<br />

L'impact d'une variation du taux d'impôt - Selon l'argument énoncé précédemment,<br />

l'impact attendu d'une variation du taux d'impôt devrait être<br />

X <br />

0 (7.11.)<br />

t<br />

La question est donc de savoir si une réduction du taux d'impôt peut effectivement faire diminuer le<br />

montant d'évasion fiscale. Cette question est intéressante à plus d'un titre. D'une part elle concerne<br />

un paramètre qui est maîtrisé par l'Etat et qui pourrait donc être utilisé afin de lutter efficacement<br />

contre l'évasion fiscale. D'autre part la typologie <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> a démontré que certaines<br />

<strong>amnisties</strong> procurent un niveau d'incitation tel qu'il constitue une réduction du taux effectif<br />

1 Par souci de clarté, nous substituerons l'argument W - t X par le symbole R ND et l'argument W – t X – f(W – X) par le symbole R D dans les<br />

équations qui suivront (Allingham et Sandmo, p.325)<br />

2 Pour les opérations algébriques permettant de reformuler le modèle en terme de X/W et de dériver 7.10. (Allingham et Sandmo, 1972, pp 328-<br />

329)<br />

3 Voir Mas-Colell et alii, 1995, p.190<br />

4 Retenir l'une ou l'autre hypothèse sur l'aversion au risque requiert ici de les tester ce qui n'est pas l'objet de ce paragraphe


d'imposition. En différenciant l'équation 7.2. par rapport au taux d'impôt on obtient l'équation 7.12.<br />

Alors que le premier terme de droite est clairement négatif, le signe du second terme dépend de<br />

l'hypothèse sur l'aversion absolue au risque. Il sera positif, nul ou négatif si l'aversion absolue au<br />

risque est décroissante, constante ou croissante respectivement (A.& S., 1972, p. 330)<br />

∂ X<br />

∂ t =− 1 D X [t 1− pU ' ' R NDt− f pU ' ' R D<br />

]<br />

1 D [t− pU ' R ND pU ' R D ] (7.12.)<br />

105<br />

Si l'on retient l'hypothèse d'une aversion au risque absolue décroissante qui semble être la plus<br />

attrayante , alors on ne peut pas conclure à un impact clair d'une variation du taux d'impôt sur<br />

l'évasion fiscale puisque le premier terme est négatif et le second positif (A.& S., 1972, p. 330). Ce<br />

résultat signifie d'une part que le gouvernement ne peut pas avoir recours à une réduction du seul<br />

taux d'impôt afin de diminuer le niveau d'évasion fiscale avec certitude. D'autre part, ce résultat<br />

implique que l'effet d'une amnistie fiscale qui procure une diminution du taux effectif d'impôt est<br />

incertain. Ce double résultat suggère donc qu'il vaudrait mieux considérer d'autres mesures afin de<br />

lutter contre l'évasion fiscale. Or le taux de pénalité ou la probabilité de détection constituent<br />

également <strong>des</strong> paramètres qui sont en main de l'Etat (A.& S., 1972, p. 330).<br />

L'impact d'une variation de la probabilité de détection et du taux de pénalité - Une<br />

augmentation de la probabilité d'être découvert par l'administration fiscale ainsi que le montant de la<br />

pénalité qu'il encourt devrait logiquement inciter le contribuable à réduire le montant d'impôt qu'il<br />

soustrait au fisc. Intuitivement, les résultats attendus pour les deux paramètres sont les expressions<br />

7.13. et 7.14.<br />

X <br />

0 (7.13.)<br />

f<br />

X <br />

0 (7.14.)<br />

p<br />

Si l'on différencie l'équation 7.3. par rapport à f et à p, alors on obtient les expressions 7.15. et 7.16.<br />

Ces deux résultats du modèle d'Allingham et Sandmo sont extrêmement importants et lourds de<br />

conséquence autant concernant la lutte contre l'évasion fiscale que l'utilisation d'amnistie.<br />

∂ X<br />

∂ f =− 1 D W − X t− f pU ' ' R D− 1 D pU ' R D0 (7.15.)<br />

∂ X<br />

∂ p = 1 D [−U ' R NDt− f U ' R D<br />

]0 (7.16.)


Le signe de 7.15. et 7.16. signifie qu'une augmentation de la probabilité d'être détecté ainsi que du<br />

taux de pénalité permettent, toutes choses égales par ailleurs, d'inciter le contribuable à déclarer une<br />

plus grande part de son revenu (A.& S., 1972, p. 330). Cela signifie que l'administration fiscale est<br />

capable de fixer un couple "audit/taux de pénalité" tel qu'il permettra d'annuler la part du revenu<br />

dissimulé et faire disparaître toute pratique d'évasion fiscale (Andreoni, 1990, p. 146). De plus, le<br />

modèle d'Allingham et Sandmo implique que l'audit fiscal et le taux de pénalité sont <strong>des</strong> substituts<br />

(A. & S., 1972, p.330) 1 . Cela augmente d'autant l'ensemble <strong>des</strong> possibilités de choix de couple auditpénalité<br />

pour l'administration. Ces résultats impliquent donc qu'un instrument comme l'amnistie<br />

fiscale, par ailleurs controversé, n'est pas nécessaire à l'établissement d'une politique de lutte contre<br />

l'évasion fiscale efficace.<br />

L'introduction d'une amnistie fiscale dans le modèle - Il apparaît toutefois important<br />

de se poser la question de savoir si, pour un couple audit-pénalité donné, l'introduction d'une<br />

amnistie fiscale provoquerait une augmentation supplémentaire de X. Dans l'affirmative, il<br />

apparaîterait tout de même profitable pour l'administration d'introduire une telle mesure. Supposons<br />

donc que l'on introduise une amnistie dans le modèle d'Allingham et Sandmo. Le résultat d'une telle<br />

introduction dans le modèle de base n'impliquerait aucune modification du comportement du<br />

contribuable. Le niveau de revenu déclaré ayant été choisi de manière à maximiser son utilité, le<br />

contribubale n'a aucune raison de modifier sa décision ex post (Andreoni, 1990, pp.146-147) 2 . En<br />

effet, au moment de prendre sa décision, le contribuable a connaissance, ex ante, de tous les<br />

paramètres et choisit X de manière à maximiser son utilité. Par conséquent, si, par la suite, il est<br />

offert au contribuable la possibilité de déclarer un montant supplémentaire de son revenu sans<br />

devoir payer la totalité <strong>des</strong> pénalités, celui-ci ne modifiera pas sa décision puisqu'une telle<br />

modification placerait le contribuable à un niveau d'utilité inférieur. Ce résultat paraît<br />

inéluctablement rédhibitoire pour le débat sur les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>. En fait, bien plus que de rendre<br />

caduque le débat sur les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>, ce résultat met en lumière les limites du modèle de base<br />

de l'évasion fiscale pour analyser le phénomène <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>.<br />

7.3.Les limites du modèle d'évasion fiscale d'Allingham et Sandmo<br />

Le résultat selon lequel les outils que sont l'audit et le taux de pénalité sont <strong>des</strong> substituts, qu'ils<br />

suffiraient à faire disparaître les pratiques d'évasion fiscale et rendraient inutile un éventuel recours<br />

à une amnistie fiscale mérite un commentaire car le modèle présenté ne prend pas en compte le fait<br />

que certaines contraintes pèsent sur les deux paramètres considérés.<br />

Le coût du contrôle fiscal - D'une part le contrôle fiscal ou l'audit apparaît être une<br />

106<br />

1 Le terme "substituts" signifie ici que toute diminution d'un <strong>des</strong> deux paramètres peut être compensée par une augmentation de l'autre afin de<br />

maintenir le même niveau d'évasion fiscale.<br />

2 Sans le formaliser, de nombreux auteurs mentionnent ce résultat du modèle de base (Malik et Schwab, 1989, pp.30-31, 1991 ; JCT, 1998 , p.19 ;<br />

Macho Stadler et alii, 1999, p.441)


pratique coûteuse pour l'administration (Andreoni, 1990, p. 146). Par conséquent la possibilité<br />

d'augmenter la probabilité de détection dépend <strong>des</strong> ressources allouées à l'administration fiscale. En<br />

outre, dès le moment où, à la marge, le coût d'une augmentation <strong>des</strong> capacités de l'administation<br />

égale ou dépasse les recettes <strong>fiscales</strong> supplémentaires qui seraient ainsi dégagées, il n'est<br />

économiquement plus efficace d'investir dans de telles capacités.<br />

Les contraintes sur les pénalités - D'autre part, si le taux de pénalité peut être<br />

augmenté à un coût quasi nul, il se heurte néamoins à <strong>des</strong> contraintes institutionelles ou pratiques<br />

(Andreoni,1990, p.146). Techniquement une pénalité ne peut évidemment pas dépasser la richesse<br />

ou le revenu résiduel de l'individu (Andreoni,1990, p.146). En outre, une pénalité frappant un<br />

contribuable doit être proportionnelle au crime qu'il a commis. L'annonce de pénalités si élevées<br />

qu'elles permettraient théoriquement d'annuler l'évasion fiscale, ne serait pas perçue comme crédible<br />

par les contribuables car de telles pénalités seraient non conformes au principe de proportionnalité<br />

et donc inapplicables. Elles perdraient ainsi de leur effet de dissuasion. Ces arguments démontrent<br />

que le débat sur l'opportunité de recourir aux <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dans la lutte contre l'évasion fiscale<br />

est tout de même pertinent puisque, dans la réalité, il n'est pas possible d'éliminer l'évasion fiscale<br />

uniquement grâce aux audits et aux pénalités.<br />

L'absence d'incertitude sur les paramètres - L'absence de toute modification de la<br />

décision du contribuable lorsqu'une amnistie fiscale est introduite met également en évidence<br />

certaines limites du modèle de base. En fait, ce résultat est obtenu car le contribuable connaît tous<br />

les paramètres au moment de prendre sa décision (Malik et Schwab, 1989, p.30). Ainsi, et dans la<br />

mesure où l'amnistie fiscale n'apporte aucune information nouvelle au contribuable, celui-ci ne va<br />

pas modifier le choix de X * puisqu'il est optimal. Même une réduction du seul taux de pénalité<br />

n'induit pas de modification puisque la pénalité constitue un paiement supplémentaire aux<br />

obligations courantes du contribuable. Ainsi, à moins qu'un autre paramètre soit modifié, le<br />

contribuable ne déclarera pas un montant de revenu supplémentaire dans la mesure où cela<br />

l'amènerait à un niveau d'utilité inférieur.<br />

Toutefois, si l'hypothèse que le taux d'impôt est connu par le contribuable peut être considérée<br />

comme réaliste, tel n'est pas le cas concernant la probabilité d'être inspecté ou le taux de pénalité.<br />

D'une part l'administration fiscale semble bien en mesure de laisser planer une certaine incertitude<br />

quant à la probabilité de détection (Malik et Schwab, 1989, p.42). D'autre part, la détermination de<br />

la nature et du montant <strong>des</strong> pénalités sont à la discrétion du juge. Par conséquent, une certaine<br />

incertitude peut planer sur ce paramètre également (Allingham et Sandmo, 1972, p.325).<br />

L'absence d'incertitude sur les préférences - La critique précédente n'est pas<br />

seulement valable pour le paramètre de la probabilité d'inspection mais elle l'est également pour les<br />

107


préférences du contribuable. La forme de la fonction d'utilité espérée associe clairement, à chaque<br />

situation dans laquelle pourrait se retrouver le contribuable, une probabilité et surtout un niveau<br />

d'utilité tel que le contribuable détermine le niveau de revenu déclaré avec exactitude et ne désirera<br />

pas le modifier. A l'inverse, la présentation <strong>des</strong> arguments théoriques mentionne que le contribuable<br />

peut ne pas connaître la désutilité associée au risque d'être détecté. Dans un tel contexte<br />

d'incertitude, il se pourrait que le contribuable ait avantage à participer à une amnistie fiscale et à<br />

modifier sont niveau optimal de revenu déclaré. En effet comme nous l'avons vu, sans une<br />

modification <strong>des</strong> paramètres significatifs, le contribuable ne revient pas sur sa décison. Or,<br />

introduire de l'incertitude au niveau <strong>des</strong> préférences permet de modifier un <strong>des</strong> paramètres pesant<br />

sur la décision du contribuable.<br />

L'absence d'incitation de l'amnistie - Enfin, le fait que l'introduction d'une amnistie<br />

n'ait aucun impact sur la décision du contribuable peut aussi découler du fait que l'on tienne compte<br />

du type élémentaire de l'amnistie fiscale. En effet, l'introduction d'une amnistie dans le modèle de<br />

base n'a pas d'impact sur la décision du contribuable si l'on considère une amnistie partielle ou une<br />

amnistie pure, c'est-à-dire <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> qui n'offrent qu'une réduction <strong>des</strong> pénalités mais ne<br />

concerne pas les intérêts ni les taux d'impôts (Macho Stadler et alii, 1999, p.441). Par conséquent,<br />

l'introduction d'une amnistie proposant une incitation plus élevée est susceptible de modifier la<br />

décision du contribuable.<br />

Afin d'offrir une analyse théorique pertinente <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>, les différents auteurs se sont<br />

inspirés <strong>des</strong> limites du modèle de base afin d'élaborer <strong>des</strong> modèles dans lesquels l'opportunité<br />

offerte au contribuable de participer à une amnistie fiscale a un impact sur la décision du<br />

contribuable. D'une part certains auteurs ont cherché à introduire, sur différents éléments du modèle,<br />

un degré d'incertitude supplémentaire. D'autre part certains auteurs ont précisé le type d'amnistie<br />

dont on cherche à étudier les effets, notamment en considérant <strong>des</strong> amnisities procurant une plus<br />

grande incitation au contribuable. Cette dernière démarche est proposée dans le prochain chapitre.<br />

108


8. L'introduction d'une amnistie fiscale dans le modèle d'évasion fiscale<br />

Un <strong>des</strong> résultats, et par là-même une limite du modèle d'Allingham et Sandmo était que<br />

l'introduction d'une amnistie fiscale n'engendrait aucune modification dans la décision du<br />

contribuable de pratiquer l'évasion fiscale. Cette limite peut être dépassée si l'on considère, dans le<br />

modèle de base, un type d'amnistie procurant une incitation telle que le contribuable soit amené à<br />

modifier sa décision. Alm et Beck 1 (1990) proposent une telle démarche en considérant une<br />

amnistie fiscale qui modifie le taux d'impôt. Par ce biais, ils entendent analyser l'impact d'une<br />

amnistie fiscale sur la participation ordinaire <strong>des</strong> contribuables au système fiscal. Dans le cadre du<br />

modèle d'Allingham et Sandmo, cela signifie donc qu'on s'intéresse à l'effet sur le choix de X<br />

qu'implique le choix simultané de participer à une amnistie fiscale. L'argument théorique, déjà<br />

mentionné dans le chapitre trois, que Alm et Beck cherchent à modéliser est le suivant : "Il existe un<br />

arbitrage entre les recettes collectées dans le cadre de l'amnistie et les recettes <strong>fiscales</strong> collectées par<br />

le biais <strong>des</strong> déclarations ordinaires" (Alm et Beck 1990, pp. 434-435). Ceci serait dû au fait que,<br />

lorsqu'il doit déterminer le montant à déclarer dans le cadre de l'amnistie, le contribuable doit<br />

simultanément choisir la part du revenu de la période qu'il va déclarer aux autorités (Alm et Beck<br />

1990, pp. 434). Pour formaliser ce choix de manière pertinente, il convient d'établir un certain<br />

nombre d'hypothèses.<br />

8.1.Les hypothèses de base du modèle d'Alm et Beck (1990)<br />

Les éléments du modèle d'Alm et Beck - En plus <strong>des</strong> paramètres du modèle<br />

d'Allingham et Sandmo, le modèle qui va être présenté intègre trois éléments liés à l'existence d'une<br />

amnistie fiscale. L'ensemble <strong>des</strong> éléments du modèle sont présentés dans le tableau 8.1. D'abord il<br />

est important de comprendre que X est la part de W qui est déclarée par le contribuable au fisc et que<br />

ce montant est bien distinct de A qui est la part de l'évasion passée E qui est déclarée dans le cadre<br />

de l'amnistie (A. & B., 1990, p. 436). Cette distinction est importante car W et E sont exogènes au<br />

modèle alors que X et A constituent les deux variables de choix du contribubale (A & B, 1990, p.<br />

436) 2 . Ensuite, si les montants soustraits par le contribuable sont découverts par l'administration<br />

fiscale, alors ils sont frappés de pénalité dans leur totalité (A & B, 1990, p. 436). Cette hypothèse<br />

signifie que lorsqu'une pratique d'évasion fiscale est détectée par l'administration fiscale, elle l'est<br />

dans sa totalité. Aussi bien l'évasion passée que courante est découverte (A. & B., 1990, p. 436).<br />

Cette hypothèse signifie également que l'amnistie n'assure pas les participants à l'amnistie contre<br />

une enquête fiscale concernant leurs sources de revenus. En outre, les deux montants déclarés (X et<br />

A) sont chacun soumis à un taux d'impôt respectif (A & B., 1990, p. 436). Les taux d'impôts t X et t A<br />

sont considérés comme différents, c'est-à-dire t X ≠ t A (A & B., 1990, p. 436). Cette hypothèse est<br />

1 Dans cette section, toute référence à l'ouvrage de Alm et Beck sera exprimée par (A & B, 1990, p....)<br />

2 Le modèle de base ne contenait que X comme variable de décision,<br />

109


centrale au modèle car elle permet de dépasser une <strong>des</strong> limites du modèle d'Allingham et Sandmo.<br />

Alm et Beck mentionnent en effet que : "si t X = t A alors le contribuable choisit effectivement une<br />

seule <strong>des</strong> deux variables car le traitement fiscal de X et A est le même"(A. & B. 1990, pp. 436-437).<br />

Tableau 8.1. – Les éléments du modèle de Alm et Beck (1990)<br />

Symbole Signification<br />

R Revenu total à disposition du contribuable<br />

W Revenu réel (courant) du contribuable<br />

X Revenu déclaré par le contribuable<br />

E Montant cumulé (passé) <strong>des</strong> revenus non déclarés au cours <strong>des</strong> années précédantes<br />

A Montant déclaré dans le cadre de l'amnistie<br />

t X<br />

t A<br />

f<br />

p<br />

Taux d'impôt ordinaire frappant les revenus déclarés par le contribuable<br />

Taux d'impôt frappant les revenus déclarés dans le cadre de l'amnistie<br />

Taux de pénalité frappant tout revenu non-déclaré et détecté par l'administration fiscale<br />

Probabilité que la part du revenu non-déclarée soit détectée par l'administration fiscale<br />

élaboration personnelle 1<br />

L' hypothèse de l'inégalité <strong>des</strong> taux d'impôt implique que l'amnistie fiscale a un effet sur la décision<br />

du contribuable telle qu'elle avait été présentée dans le modèle d'Allingham et Sandmo. Ainsi ce<br />

modèle permettra de déterminer en quoi l'introduction d'une amnistie, par la modélisation de<br />

l'incitation qu'elle offre, modifie la décision du contribuable et les résultats du modèle d'Allingham<br />

et Sandmo. Enfin la fonction d'utilité retenue dans le modèle est une fonction d'utilité espérée de<br />

même type que celle utilisée dans le modèle de base (A & B., 1990, p. 436). Elle dépend de R, le<br />

revenu total à diposition du contribuable (A & B., 1990, p. 436). A la différence de la fonction<br />

d'utilité du modèle de base, le revenu est ici influencé par deux variables.<br />

Les choix du contribuable - Le contribuable doit choisir X et A tels qu'ils maximisent<br />

son revenu total et également son utilité. Au moment de choisir X et A, le contribuable sait que le<br />

montant de revenu et d'évasion passée qu'il n'a pas déclaré sera découvert par l'administration fiscale<br />

avec une probabilité de p. Si ce dernier événement se réalise, alors la pénalité s'applique non<br />

seulement à tous les montants soustraits par le passé et non déclarés dans le cadre de l'amnistie mais<br />

également à la part du revenu qui n'a pas été déclarée dans le cadre de la déclaration ordinaire<br />

courante. L'équation 8.1. définit le revenu total du contribuable dans ce cas de figure. Avec la<br />

probabilité (1-p), le contribuable n'est pas détecté. L'équation 8.2. définit un tel cas de figure.<br />

R D =EW −t A At X X − f [E−AW − X ] (8.1.)<br />

R ND<br />

= EW −t A<br />

At X<br />

X (8.2.)<br />

Etant donnés ces deux cas de figure potentiels et la fonction d'utilité qui a été mentionnée,<br />

l'expression 8.3. formalise le double choix du contribuable (A. & B., 1990, p. 436).<br />

110<br />

1 Élaboré à partir de Alm et Beck, 1990, p.436. N.B. La notation a été élaborée de manière à assurer une cohérence avec les autres modèles


111<br />

Max U = p uR D<br />

1− puR ND<br />

(8.3.)<br />

{A , X }<br />

Les conditions de premier ordre sont données par les expressions (8.4.) et (8.5.).<br />

f −t A<br />

p u' R D<br />

−t A<br />

1− pu' R ND<br />

=0 (8.4.)<br />

f −t X<br />

p u' R D<br />

−t X<br />

1− pu ' R ND<br />

=0 (8.5.)<br />

Les conditions sur les paramètres permettant de réduire l'ensemble <strong>des</strong> solutions aux seuls cas de<br />

figure décrivant une situation où le contribuable a recours à l'évasion fiscale sont identiques à celles<br />

du modèle d'Allingham et Sandmo (A. & B., 1990, p. 451, note 1). Il n'est donc pas nécessaire de<br />

revenir sur ces éléments. Plus intéressants sont les résultats de statique comparative qui peuvent être<br />

dérivés à partir <strong>des</strong> conditions de premier ordre.<br />

8.2.Les résultats du modèle d'Alm et Beck (1990)<br />

Le modèle présenté, permet d'introduire de manière formelle l'amnistie fiscale dans le modèle de<br />

base et d'exprimer la notion d'incitation. Il doit donc permettre d'analyser la réaction du contribuable<br />

face à une variation de l'incitation offerte dans le cadre de l'amnistie. Ce modèle permet également<br />

d'analyser l'influence <strong>des</strong> autres paramètres, notamment, p et f, sur la performance de l'amnistie<br />

fiscale.<br />

Effet d'une variation de l'incitation – Analyser l'effet d'une variation de t A revêt un<br />

intérêt particulier puisqu'elle permet d'analyser l'impact d'une modification de l'incitation offerte par<br />

l'amnistie sur la participation à cette dernière d'une part et sur la participation au système fiscal<br />

d'autre part. Le modèle démontre-t-il effectivement qu'il existe un arbitrage entre le montant déclaré<br />

dans l'amnistie et les montants que le contribuable déclare par la voie ordinaire? Dans l'affirmative,<br />

on s'attend, toutes choses égales par ailleurs, à trouver<br />

A<br />

t A<br />

0 (8.6.)<br />

X <br />

t A<br />

0 (8.7.)<br />

En fait, à partir <strong>des</strong> conditions de premier ordre, on obtient les résultats formulés par les expressions<br />

8.8. et 8.9. (A. & B., 1990, p.448, appendix 1).


112<br />

∂ A<br />

∂ t A<br />

= 1 d [ p u ' R D1− pu ' R ND<br />

]<br />

1 d [ pu' ' R f −t 1− pu ' ' R t 2 D X ND X<br />

]<br />

(8.8.)<br />

1 d [−Ap u' ' R D1− pu ' ' R D<br />

f 2 t A<br />

−t X<br />

]<br />

∂ X<br />

∂ t A<br />

=− 1 d [ p u' R D1− pu ' R ND<br />

]<br />

− 1 d [ pu' ' R D f −t A<br />

f −t X<br />

1− pu ' ' R ND<br />

t A<br />

t X<br />

]<br />

(8.9.)<br />

1 d [ Ap u' ' R D1− pu ' ' R D f 2 t A −t X ]<br />

Si l'on analyse le signe de ces expressions, on constate que les résultats pour A, X ainsi qu'en terme<br />

de recettes <strong>fiscales</strong> sont ambigus (A. & B., 1990, p.437). Pour obtenir <strong>des</strong> résultats clairs il est<br />

nécessaire de préciser certaines hypothèses. D'une part, la notion d'aversion au risque doit être<br />

affinée. Alm et Beck font l'hypothèse d'une aversion au risque absolue et décroissante (A. & B.,<br />

1990, p.437). D'autre part il est nécessaire d'établir une hypothèse sur l'inégalité t X ≠ t A . Dans leur<br />

modèle, Alm et Beck choisissent d'analyser les équations 8.8. et 8.9. en supposant que t X < t A . Les<br />

deux hypothèses additionnelles mentionnées, permettent de clarifier les résultats :<br />

Les résultats confirment les inéquations 8.6. et 8.7. et par conséquent l'existence d'un arbitrage<br />

entre participation à l'amnistie et participation au système fiscal lorsque l'incitation offerte par<br />

l'amnistie en terme de taux d'impôt varie (A. & B., 1990, p. 437). Plus précisément, moins une<br />

amnistie est généreuse en terme d'incitation, moins la participation y sera élevée et plus la<br />

participation ordinaire au système fiscal augmente.<br />

Une augmentation du taux d'impôt de l'amnistie provoque une diminution de la participation totale<br />

au système fiscal, c'est à dire (X +A) diminue (A. & B., 1990, p. 437). Autrement dit, si l'incitation<br />

procurée par l'amnistie est réduite, la réduction <strong>des</strong> montants déclarés dans le cadre de l'amnistie est<br />

plus que proportionnelle à l'augmentation <strong>des</strong> montants déclarés par la voie ordinaire. Dans<br />

l'optique d'un objectif d'augmentation de la participation au système fiscal, ce résultat signifie que,<br />

si une amnistie est octroyée, le gouvernement à intérêt à fixer une incitation aussi élevé que<br />

possible.<br />

En terme de recettes <strong>fiscales</strong> par contre, l'effet qui résulte d'une diminution de A est incertain. Il<br />

dépend de l'élasticité de la part de revenu déclarée dans le cadre de l'amnistie, A, par rapport à t A .<br />

Les recettes <strong>fiscales</strong> diminueront si la valeur absolue de l'élasticité de A par rapport à t A est<br />

importante(A. & B., 1990, p. 437).<br />

Les effets d'une variation du taux de pénalité et de la probabilité de détection -


Sans entrer dans les détails 1 , il apparaît encore intéressant de mentionner les résultats du modèle<br />

lorsque p et f varient. Dans le premier chapitre, nous avons mentionné que les conditions entourant<br />

l'édiction d'une amnistie fiscale revêtaient une importance particulière quant à son succès. Plus<br />

précisément, une augmentation <strong>des</strong> pénalités ainsi qu'une plus grande probabilité d'être détecté<br />

seraient en mesure d'améliorer la performance de l'amnistie. Les résultats dérivés du modèle<br />

montrent qu'une augmentation de f ou p provoque toujours un accroissement du montant total de<br />

revenu déclaré (X +A) (A. & B., 1990, pp. 437 et 449, appendix 1). Ce résultat rejoint les<br />

conclusions du modèle de base. Considérés isolément, les effets sur A respectivement sur X sont<br />

ambigus. Malgré cette ambiguité, il ressort que, dans tous les cas de figure, X et A varient en sens<br />

opposé lorsque f ou p varient. Les paramètres induisent donc également un effet d'arbitrage.<br />

Toutefois, l'ambiguité peut être levée si on considère une aversion absolue au risque constante (voir<br />

encadré 7.1.). Notons que Alm et Beck font cette hypothèse a priori et sans se référer explicitement<br />

à <strong>des</strong> résultats empiriques ou expérimentaux. Par conséquent, les résultats clairs que permet de<br />

dégager cette hypothèse n'ont, à ce stade qu'une valeur théorique et sont conditionnés à la validation<br />

empirique de l'hypothèse formulée. Ainsi, dans le cas d'une aversion absolue au risque constante, la<br />

variation de X et A dépendra de l'hypothèse concernant les taux d'impôts. Si t X < t A , alors un<br />

accroissement de p ou f réduira A et augmentera X . Alors que, si t X > t A , un accroissement de p ou f<br />

augmentera A et réduira X (A & B, 1990, pp. 438). Par conséquent, la participation à une amnistie<br />

fiscale offrant une réduction du taux d'impôt effectif augmentera si celle ci est couplée à un<br />

renforcement <strong>des</strong> mesures de contrôle et de pénalité. Mais le succès de l'amnistie se fait alors au<br />

détriment de la participation régulière au système fiscal. En terme d'impact sur les recettes <strong>fiscales</strong>,<br />

même si (X + A) augmente lorsque p ou f augmentent, le modèle de Alm et Beck ne permet de tirer<br />

aucune conclusion claire puisque dans tous les cas de figure X et A varie en sens opposé (A & B.,<br />

1990, pp. 439). De plus, pour une même augmentation de p ou f , le résultat net, même positif, en<br />

terme de recettes <strong>fiscales</strong> est plus faible qu'il le serait dans le modèle d'Allingham et Sandmo, c'està-dire<br />

sans amnistie fiscale (A. & B., 1990, pp. 439).<br />

En conclusion, le modèle présenté ne plaide pas en faveur de l'utilisation d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dans la<br />

lutte contre l'évasion fiscale puisque d'une part l'impact en terme de recettes <strong>fiscales</strong> est incertain et<br />

que d'autre part le renforcement <strong>des</strong> outils traditionnels de lutte contre l'évasion fiscale (pénalité et<br />

contrôles) permet d'obtenir de meilleurs résultats sans la présence d'une amnistie. Toutefois les<br />

résultats du modèle sont à considérer avec précaution puisqu'ils dépendent largement <strong>des</strong><br />

hypothèses faites par les auteurs.<br />

113<br />

1 Pour le détail de l'analyse formelle voir Alm et Beck, 1990, pp. 448-449, appendix 1


114<br />

8.3.Les limites du modèle d'Alm et Beck (1990)<br />

Limite de l'hypothèse concernant l'incitation - L'élément déterminant du modèle<br />

présenté par rapport au modèle d'Allingham et Sandmo est le fait de modéliser une amnistie fiscale<br />

par le biais de l'incitation qu'elle procure. A cet égard il a été mentionné que l'hypothèse t X ≠ t A était<br />

centrale. Afin d'établir <strong>des</strong> résultats clairs concernant le lien entre incitation et participation à<br />

l'amnistie fiscale, cette hypothèse doit être affinée. Dans leur modèle, Alm et Beck choisissent<br />

d'analyser une variation de t A lorsque t X < t A . Cette hypothèse n'est pas cohérente avec le modèle. En<br />

effet, une telle hypothèse devrait être justifiée par un taux d'impôt de l'amnistie intrinsèquement plus<br />

élevé que le taux d'impôt ordinaire. Or, Alm et Beck justifient cette hypothèse en expliquant que<br />

certains types d'amnistie augmentent le taux d'impôt en y ajoutant le paiement <strong>des</strong> intérêts et les<br />

pénalités (A. & B., 1990, p. 437). En fait, il y a confusion entre taux effectif, pénalités et intérêts de<br />

la part <strong>des</strong> auteurs. D'une part, une augmentation du taux effectif d'impôt à cause <strong>des</strong> pénalités<br />

devrait être formalisée par (t + f ). D'autre part une augmentation du taux effectif par les intérêts de<br />

retard est théoriquement incohérent. Les intérêts expriment la valeur temporelle <strong>des</strong> impôts dûs par<br />

le contribuable. Le modèle présenté étant statique, le concept d'intérêts de retard n'a pas de sens<br />

dans le cadre théorique donné.<br />

Ainsi, l'hypothèse t X < t A , qui est centrale au modèle, en constitue la principale limite. Si, toutes<br />

choses égales par ailleurs, on considère t X > t A , hypothèse plus logique et plus en phase avec la<br />

réalité, alors on obtient le résultat décrit par l'inégalité (8.10).<br />

A<br />

t A<br />

0 (8.10.)<br />

Ce résultat signifie qu'une diminution de l'incitation offerte par l'amnistie fiscale entraîne une<br />

augmentation <strong>des</strong> montants déclarés dans le cadre de l'amnistie. Eu égard aux arguments théoriques<br />

avancés dans le chapitre 3, ce résultat n'est de toute évidence pas logique et remet en question le<br />

modèle présenté. En fait en se focalisant sur l'incitation que procure l'amnistie, le modèle élude la<br />

question découlant <strong>des</strong> limites du modèle d'Allingham et Sandmo de savoir si même la forme la<br />

plus simple de l'amnistie, c'est-à-dire n'offrant qu'une réduction <strong>des</strong> pénalités, peut être capable de<br />

modifier la décision du contribuable. Malik et Schwab propose un modèle visant à répondre à cette<br />

question.<br />

L'absence d'hypothèses concernant la temporalité 1 - Eu égard à la typologie<br />

proposée dans le premier chapitre, le modèle présenté reste incomplet par rapport à l'ambition de<br />

modéliser un type d'amnistie précis. En effet, aucune hypothèse sur la temporalité n'est formulée de<br />

manière explicite. Cet état de fait empêche de cerner précisément le type d'amnistie analysé et donc<br />

1 La notion de temporalité a été définie dans le cadre de l'élaboration d'une typologie <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>


d'y attribuer les résultats théoriques. Toutefois, en observant le modèle, un constat s'impose :<br />

l'amnistie est considérée comme donnée. Ce constat peut être interprété de deux manières. Soit le<br />

modèle représente une amnistie permanente. Celle-ci est en effet octroyée de manière certaine et<br />

peut-être utilisée par le contribuable en tout temps. Soit le modèle représente la situation ex post<br />

d'une amnistie unique qui n'aurait pas été anticipée du tout par le contribuable et qui introduit un<br />

changement soudain d'un paramètre, en l'occurence le taux d'impôt (Malik et Schwab, 1989, p.43).<br />

Le modèle permettrait ainsi d'analyser comment le contribuable répond à un tel changement (Malik<br />

et Schwab, 1989, p.43). Quelle que soit l'interprétation donnée, le flou qu'il laisse planer quant au<br />

type d'amnistie traité constitue une importante limite du modèle 1 . Or, le traitement théorique <strong>des</strong><br />

<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> ne peut pas se passser de formuler <strong>des</strong> hypothèses explicites quant au type<br />

d'amnistie fiscale analysé si l'on entend obtenir <strong>des</strong> résultats pertinents.<br />

115<br />

1 Alm et Beck proposent également une formalisation du modèle avec une hypothèse sur la temporalité de l'amnistie (Alm et Beck, 1990, pp. 439-<br />

442). Etant donnée la première limite énoncée, une présentation de cette variante n'a que peu d'intérêt.


9.L'introduction d'une amnisitie fiscale dans un contexte d'incertitude<br />

Le modèle présenté dans cette section permet de dépasser certaines limites du modèle d'Allingham<br />

et Sandmo et du premier modèle d'amnistie fiscale présenté. Dans cette perspective, l'intérêt du<br />

présent modèle est double. D'une part il introduit un élément d'incertitude supplémentaire par<br />

rapport aux deux autres modèles. En effet, une <strong>des</strong> critiques du modèle d'Allingham et Sandmo était<br />

que les paramètres pesant sur la décision du contribuable étaient parfaitement connus de ce dernier,<br />

raison pour laquelle il ne modifiait pas sa décision ex post. Ainsi, en introduisant de l'incertitude au<br />

niveau <strong>des</strong> préférences du contribuable, le présent modèle permet de relâcher une hypothèse<br />

restrictive du modèle et l'octroi d'une amnistie fiscale peut être à même de modifier la décision du<br />

contribuable.<br />

D'autre part, le présent modèle dépasse la limite du modèle de Alm et Beck (1990) concernant la<br />

temporalité de l'amnistie. En effet, le modèle du chapitre 8 ne fait aucune hypothèse sur la<br />

temporalité de l'amnistie fiscale étudiée laissant la porte ouverte aux interprétations. Ainsi le<br />

modèle traité dans cette section remédie à cette insuffisance en formulant une hypothèse explicite<br />

sur la temporalité de l'amnistie étudiée.<br />

9.1.Les hypothèses de base du modèle de Malik et Schwab<br />

Les éléments du modèle - Le modèle, proposé par Malik et Schwab (1989) 1 , reprend<br />

les éléments du modèle d'Allingham et Sandmo et y rajoute plusieurs éléments. Le tableau 9.1.<br />

propose un aperçu synthétique <strong>des</strong> éléments du modèle. Comme dans le modèle précédent, W est<br />

exogène et X et A sont les variables de décision du contribuable (Malik et Schwab, 1989, p.32) 2 . A la<br />

différence du modèle précédent, autant X que A se rapportent à W, c'est-à-dire que le modèle ne fait<br />

pas l'hypothèse d'une évasion fiscale préexistante. Si le contribuable fait l'objet d'un audit, alors la<br />

totalité du revenu non déclaré est soumis au taux de pénalité, f 3 . Par contre, tout élément du revenu<br />

déclaré dans le cadre de l'amnistie vient s'ajouter au montant initialement déclaré, X. Par<br />

conséquent, il n'est pas concerné par le taux de pénalité mais uniquement par le taux d'impôt. Le<br />

paramètre α est l'élément qui introduit une hypothèse sur la temporalité de l'amnistie qui est traitée.<br />

En effet, en exprimant le fait que l'amnistie soit octroyée comme une possibilité soumise à<br />

incertitude, les auteurs font implicitement le choix d'étudier une amnistie de type unique ou<br />

intermittente ou plus précisément font le choix de ne pas considérer l'amnistie permanente qui, par<br />

définition, est parfaitement anticipée et est octroyée avec une probabilité de 1. Les symboles U et V<br />

ainsi que le paramètre θ sont liés aux hypothèses sur la fonction d'utilité qui constitue l'élément<br />

central du modèle.<br />

116<br />

1 Voir Malik et Schwab, 1989, pp. 32-36<br />

2 Par commodité, il sera fait référence à Malik et Schwab sous la forme "M & S"<br />

3 Avec f > t


117<br />

Symbole<br />

Z<br />

U,V<br />

W<br />

X<br />

A<br />

G<br />

T<br />

t<br />

p<br />

f<br />

α<br />

θ<br />

c<br />

Signification<br />

Tableau 9.1. – Les éléments du modèle de Malik et Schwab (1989)<br />

Utilité totale du contribuable<br />

Utilité du contribuable associée à une certaine fonction d'utilité<br />

Revenu réel du contribuable<br />

Revenu déclaré par le contribuable<br />

Montant de revenu supplémentaire déclaré dans le cadre de l'amnistie<br />

Montant investi par le gouvernement pour améliorer la politique fiscale<br />

Recettes <strong>fiscales</strong><br />

Taux d'impôt<br />

Probabilité que le contribuable subisse un contrôle fiscal<br />

Taux de pénalité appliqué si le contribuable est découvert par l'administration<br />

Probabilité qu'une amnistie fiscale soit octroyée ou fréquence <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong><br />

Probabilité associée au fait que la vraie fonction d'utilité du contribuable soit d'un certain type<br />

Coût lié à la perception <strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong><br />

δ, γ Multiplicateurs de Lagrange<br />

Elaboration personnelle 1<br />

La fonction d'utilité - Afin de modéliser l'argument selon lequel le contribuable est<br />

incertain quant à la désutilité liée au fait d'être détecté, le modèle substitue le concept d'utilité<br />

adaptative à celui de la simple utilité espérée 2 (M. & S., 1989, p. 31). L'utilité adaptative utilise en<br />

fait deux fonctions d'utilité à chacune <strong>des</strong>quelles est associée une certaine probabilité. Chaque<br />

fonction d'utilité décrit une relation différente entre le niveau d'utilité du contribuable et le niveau<br />

<strong>des</strong> montants soustraits à l'administration fiscale. Ainsi, l'utilité (ou la désutilité) du contribuable<br />

associée au fait de ne pas déclarer la totalité de son revenu ne sera pas la même suivant que ses<br />

vraies préférences s'avèrent ex post être décrites par l'une ou l'autre fonction. Le principe veut donc<br />

que le contribuable prenne une décision ex ante sur la base de la probabilité que chaque fonction<br />

d'utilité soit effectivement la sienne. Puis, une fois que le contribuable a déclaré un certain montant<br />

de revenu, il découvre ex post sa vraie fonction d'utilité. Connaissant ses préférences effectives, le<br />

contribuable peut vouloir modifier son premier choix (M. & S.,1989, p. 31). A partir de cette<br />

nouvelle représentation <strong>des</strong> préférences du contribuable et <strong>des</strong> hypothèses sur les éléments du<br />

modèle, les deux fonctions d'utilité sont données par les équations 9.1. et 9.2. (M. & S., 1989, p. 32).<br />

V X =1− pv W −tX pv W −tX − f W − X (9.1.)<br />

U X =1− puW −tX puW −tX − f W − X (9.2.)<br />

Le fait que le contribuable ne connaisse pas sa fonction d'utilité avec certitude est formalisé par<br />

l'introduction d'une probabilité supplémentaire. En l'occurence, la probabilité θ est attribuée au fait<br />

que la vraie fonction d'utilité soit V (M. & S.,1989, p. 32). Par conséquent, la probabilité que la vraie<br />

1 Elaboré à partir de Malik et Schwab, 1989, pp. 32-41. N.B. La notation a été modifiée de manière à assurer une certaine continuité par rapport<br />

aux modèles précédents<br />

2 Le concept d'utilité adaptative utilisé dans le modèle est celle de Cyert et DeGroot. (voir Cyert, R. M. and DeGroot, M.H., "Bayesian analysis<br />

and uncertainty in econmic theory"., Rowman and Littlefield Press, Totowa, NJ, 1987)


fonction d'utilité du contribuable soit U est (1-θ ) 1 (M. & S.,1989, p. 32).<br />

Afin de modéliser l'argument théorique de manière cohérente, il est important d'énoncer un certain<br />

nombre de conditions sur les fonctions d'utilité. V et U sont strictement concaves par rapport à X et<br />

W (M. & S.,1989, p. 32). En outre, une façon commode de différencier U de V est d'attribuer à V une<br />

aversion absolue au risque plus élevée que pour U (M. & S.,1989, p. 32). Cette hypothèse est<br />

centrale au modèle présenté et signifie que, toutes choses égales par ailleurs, le contribuable désirera<br />

déclarer un montant de revenu plus important si sa fonction d'utilité s'avère être V (M. & S.,1989, p.<br />

33). Les caractéristiques de U et V sont définies par les expressions 9.3. à 9.6. 2 (M. & S.,1989, p. 33).<br />

V ' X v =U ' X u =0 (9.3.)<br />

X v X u (9.4.)<br />

∀ X 0 , V ' X 0⇒U ' X 0 (9.5.)<br />

∀ X 0 , U ' X 0⇒V ' X 0 (9.6.)<br />

Les conditions sur les préférences du contribuable permettent, dans le cadre de l'utilité adaptative et<br />

en accord avec l'argument théorique cité plus haut, de modéliser le choix du contribuable<br />

Les choix du contribuable – Etant donnés les éléments du modèle et les<br />

caractéristiques de la fonction d'utilité, le contribuable doit choisir X * , A v et A u tels qu'ils<br />

maximisent l'expression 9.7. 3 (M. & S.,1989, p. 33).<br />

Z=1−[1−U X * V X * ][1−U X * A u V X * A v ] (9.7.)<br />

Les conditions de premier ordre permettant de trouver une solution sont données par les expressions<br />

(9.8.) à (9.13.) (M. & S.,1989, pp. 33-34).<br />

118<br />

Z <br />

X =1−[1−U ' X * V ' X * ]<br />

[1−U ' X * A u V ' X * A v ]0<br />

(9.8.)<br />

X * Z<br />

X * =0 (9.9.)<br />

Z<br />

A u =1−U ' X * A u 0 (9.10.)<br />

A u Z<br />

A u =0 (9.11.)<br />

1 Si θ = 0 ou θ = 1, l'élément d'incertitude disparaît et on retrouve le modèle de base d'évasion fiscale (M. & S.,1989, p. 36)<br />

2 Soit X V et X U , strictement positifs, les niveaux de revenu déclarés qui maximise V respectivement U. Ainsi, par définition (M. & S.,1989, p. 33)<br />

3 où X * , le montant de revenu déclaré initialement, A v , le montant supplémentaire de revenu déclaré dans l'amnistie si la fonction d'utilité est V et<br />

A u sont supérieurs ou égaux à zéro (M. & S.,1989, p. 33).


119<br />

Z<br />

A v =V ' X * A v 0 (9.12.)<br />

A v Z<br />

A v =0 (9.13.)<br />

Les conditions de second ordre, V'' < 0 et U'' < 0, sont satisfaites en vertu de la concavité <strong>des</strong> deux<br />

fonctions d'utilité (M. & S.,1989, p. 34). Le modèle ainsi établi permet non seulement d'analyser<br />

l'impact de l'amnistie en terme de bien-être, de revenu déclaré et de recettes <strong>fiscales</strong>, mais donne<br />

également la possibilité de traiter la question de la fréquence optimale <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>.<br />

9.2.Les principaux résultats du modèle de Malik et Schwab<br />

Le modèle présenté permet d'analyser un grand nombre de configurations de X * , A v et A u et donc de<br />

solutions. Afin de faciliter la présentation <strong>des</strong> résultats, il convient de réduire l'ensemble <strong>des</strong><br />

solutions en excluant les configurations qui ne respectent pas les conditions du modèle. Cette phase<br />

comporte un intérêt particulier dans la mesure où le modèle permet de faire la distinction entre les<br />

contribuables restant totalement en dehors <strong>des</strong> rôles fiscaux et les contribuables qui se sont<br />

uniquement soustraits de manière partielle à leurs obligations <strong>fiscales</strong>.<br />

Les contribuables restés en dehors du système fiscal - Pour traiter le cas <strong>des</strong><br />

contribuables restant totalement en dehors du système fiscal, c'est-à-dire lorsque X * = 0, il convient<br />

de s'intéresser aux cas de figure de A v et A u qui respectent les conditions du modèle. Tous les cas de<br />

figure possibles sont récapitulés dans le tableau 9.2. Les cas de figure 1 et 2 peuvent être écartés de<br />

l'analyse dans la mesure où il ne respectent pas l'ensemble <strong>des</strong> conditions (9.8) à (9.13.) (M. &<br />

S.,1989, p. 34).<br />

Tableau 9.2. – Ensemble <strong>des</strong> solutions pour X * = 0<br />

A v > 0 A v = 0<br />

A u > 0 1 2<br />

A u = 0 3 4<br />

Elaboration personnelle 1<br />

D'abord cela signifie que la possibilité qu'un contibuable déclare un montant additionnel de revenu ,<br />

quelle que soit sa fonction d'utilité, est exclue. Ensuite cela signifie que la possibilité qu'il déclare<br />

un montant additionnel de revenu, uniquement si sa fonction d'utilité est U , est également exclue.<br />

Les cas de figure 3 et 4 respectent les conditions du modèle(M. & S., 1989, p. 34). Le cas de figure 4<br />

signifie qu'il peut être optimal pour un contribuable qui n'a strictment rien déclaré au fisc de ne<br />

déclarer aucune partie de son revenu dans le cadre de l'amnistie, quelle que soit sa fonction d'utilité.<br />

Ce cas de figure signifierait que l'amnistie fiscale n'est pas un outil efficace si l'on poursuit l'objectif<br />

d'inscrire aux rôle fiscaux <strong>des</strong> contribuable restés totalement en dehors du système fiscal avant<br />

1 Élaboré à partir de (M. & S., 1989, p. 34)


l'amnistie (M. & S., 1989, p. 34). Le cas de figure 3 signifie qu'un contribuable se trouvant en dehors<br />

du système fiscal ne déclarera une partie de son revenu dans l'amnistie uniquement s'il s'avère que<br />

sa fonction d'utilité est V (M. & S., 1989, p. 34). Quand bien même aucune <strong>des</strong> deux solutions ne<br />

peut être privilégiée a priori, une analyse en terme de statique comparative apparaît délicate et ne<br />

déboucherait sur aucun résultat clair. Il paraît plus intéressant de passer au cas de figure où le<br />

contribuable ne soustrait qu'une partie de son revenu au fisc. Ainsi <strong>des</strong> résultats pourront être établis<br />

et appliqués au moins partiellement au cas du contribuable resté complétement en dehors du<br />

système fiscal.<br />

Les contribuables pratiquant une évasion fiscale partielle - Dans le cas où les<br />

contribuables n'ont dissimulé qu'une partie de leur revenu au fisc, c'est-à-dire 0 < X * < W , le<br />

champs <strong>des</strong> cas de figure possibles se restreint à la seule solution 3 du tableau 9.2.. Les cas de figure<br />

un à trois ne respectent pas les conditions 9.8. à 9.13. (M. & S., 1989, pp. 34-35). Cela signifie qu'un<br />

contribuable s'adonnant partiellement à l'évasion fiscale, participera à l'amnistie uniquement si sa<br />

fonction d'utilité s'avère être V, c'est-à-dire si, ex ante, il a sous estimé la désutilité liée au fait de<br />

pratiquer l'évasion fiscale. Ce cas de figure est donc cohérent avec l'argument théorique que l'on<br />

cherche à modéliser. A partir de cette solution, il est intéressant de considérer la façon dont la<br />

décision du contribuable est modifiée, lorsque les paramètres du modèle changent. Cette démarche<br />

permettra d'établir <strong>des</strong> résultats non seulement en terme de revenu déclaré, de bien-être et de<br />

recettes <strong>fiscales</strong>, mais également concernant la fréquence optimale <strong>des</strong> amisties <strong>fiscales</strong>.<br />

L'impact d'une variation de α en terme de revenu déclaré - En terme de revenu<br />

déclaré, l'impact d'une variation de α est donné par la dérivée 9.14. (M. & S., 1989, pp. 37).<br />

X * <br />

= [V ' X * −V ' X * A v ]<br />

0 (9.14.)<br />

1−U ' ' X * 1−V ' ' X * <br />

Ce résultat montre qu'une augmentation de la probabilité qu'une amnistie soit octroyée entraîne une<br />

diminution du revenu que le contribuable déclare à l'administration fiscale (M. & S., 1989, pp. 37).<br />

Le modèle présenté vient donc confirmer l'argument théorique selon lequel un recours fréquent aux<br />

<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> détériore la participation au système fiscal.<br />

En outre, en calculant la dérivée totale de la condition d'optimalité exprimée par 9.12.,on obtient<br />

l'égalité 9.15. (M. & S., 1989, pp. 37).Cette expression signifie que si le montant déclaré<br />

initialement par le contribuable diminue d'un franc alors le montant supplémentaire qu'il déclarera si<br />

il participe à l'amnistie sera de un franc(M. & S., 1989, pp. 37).<br />

120<br />

A v <br />

=− X * <br />

<br />

(9.15.)


L'expression 9.15. signifie donc que le contribuable, s'il participe à l'amnistie 1 , ne déclarera pas plus<br />

qu'il aurait déclaré s'il avait su sa vraie fonction d'utilité dès le départ (M. & S., 1989, pp. 37). De<br />

plus l'expression 9.15. démontre l'existence d'un arbitrage entre participation à l'amnistie fiscale et<br />

participation au système fiscal par la voie ordinaire lorsque la probabilité qu'une amnistie soit<br />

octroyée varie 2 .<br />

Ainsi, du point de vue de la participation au système fiscal, le moyen d'améliorer la situation est de<br />

faire tendre le paramètre α vers zéro. Ainsi la solution idéale, toutes choses égales par ailleurs, serait<br />

de ne jamais octroyer d'amnistie ou, au maximum, d'octroyer une amnistie unique au sens strict du<br />

terme et qui surprenne les contribuables. Sous ces deux conditions, la probabilité d'octroi, ex ante et<br />

ex post, d'une amnistie pourrait être perçue comme nulle ou très proche de zéro par les<br />

contribuables.<br />

L'impact sur le bien-être d'une variation de la probabilité d'une amnistie – Si<br />

l'augmentation de la probabilité d'une amnistie a un impact négatif sur le revenu déclaré par le<br />

contribuable, on s'attend intuitivement à ce que l'impact d'une variation du paramètre α sur Z, c'està-dire<br />

sur le bien-être du contribuable soit positif. L'objet d'une telle analyse est de déterminer si la<br />

modification de α permet d'augmenter l'intérêt qu'à un contribuable de participer à l'amnistie.<br />

L'impact d'une variation de α sur le bien-être du contribuable est exprimé par la dérivée 9.16. (M. &<br />

S., 1989, pp. 36) 3 .<br />

Z * <br />

=1−[U X * A u −U X * ][V X * A v −V X * ]0 (9.16.)<br />

L'expression 9.16. signifie qu'une augmentation de la probabilité qu'une amnistie fiscale soit<br />

octroyée augmente le bien-être du contribuable (M. & S., 1989, pp. 36). Ainsi, en terme de bien-être,<br />

il semble que <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> octroyées fréquemment (donc avec une probabilité élevée du<br />

point de vue du contribuable) soient de nature à augmenter le bien-être <strong>des</strong> contribuables.<br />

L'impact d'une variation de α en terme de recettes <strong>fiscales</strong> – Si une modification de<br />

la probabilité d'octroi d'une amnistie a un impact sur le revenu déclaré par le contribuable, elle doit<br />

aussi avoir un impact en terme de recettes <strong>fiscales</strong>. Afin de dériver <strong>des</strong> résultats en terme de recettes<br />

<strong>fiscales</strong>, il convient de reformuler les éléments du modèle afin d'exprimer la notion de recettes<br />

<strong>fiscales</strong>. L'expression (1.3.17) proposent une formulation en terme de recettes <strong>fiscales</strong> attendues (M.<br />

& S., 1989, pp. 38).<br />

T =tX * tA v p[ f W − X * −A v ]1− p[ f W − X * ] (9.17.)<br />

121<br />

1 c'est-à-dire si sa fonction d'utilité est V<br />

2 Le premier modèle avait conclut à un tel arbitrage également lorsque l'incitation offerte par l'amnistie varie<br />

3 Le point de référence de l'analyse est Z * , la valeur maximisée de la fonction objectif du contribuable donnée par l'expression (9.7.)


tX * sont les recettes <strong>fiscales</strong> collectées avec certitude (M. & S., 1989, p. 38). t A v sont les recettes<br />

<strong>fiscales</strong> supplémentaires collectées si une amnistie est offerte et que la fonction d'utilité est V,<br />

événement auquel la probabilité αθ est associée(M. & S., 1989, p. 38). f (W X * - A v ) sont les recettes<br />

en terme de pénalités qui sont collectées si le contribuable est contrôlé après avoir participé à<br />

l'amnistie fiscale (M. & S., 1989, p. 38). Cet événement survient avec la probabilité αθp (M. & S.,<br />

1989, pp. 38). Enfin f (W – X * ) sont les recettes en terme de pénalités si le contribuable ne participe<br />

pas à l'amnistie (ou qu'elle n'est pas octroyée) (M. & S., 1989, p. 38). Cet événement survient avec la<br />

probabilité (1 – αθ)p (M. & S., 1989, pp. 38). L'equation (9.18.) exprime la dérivée <strong>des</strong> recettes<br />

<strong>fiscales</strong> par rapport à la probabilité qu'une amnistie soit octroyée (M. & S., 1989, p. 38).<br />

*<br />

T <br />

X<br />

=t− pf [1−<br />

Av ] (9.18.)<br />

Le signe de l'expression 9.18. reste indéterminé 1 . Lever une telle indétermination suppose de<br />

formuler une hypothèse sur le signe de l'expression et de tester empiriquement cette hypothèse.<br />

Ainsi l'impact d'une augmentation de la probabilité qu'une amnistie soit octroyée sur les recettes<br />

ficales est ambigu (M. & S., 1989, p. 38). Il dépend de l'arbitrage entre les recettes perdues à cause<br />

de la détérioration de la participation au système fiscal et le gain provenant d'une plus grande<br />

fréquence <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> (M. & S., 1989, p. 38). Du point de vue <strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong>, le modèle<br />

présenté ne permet donc pas de tirer de conclusion sur la fréquence avec laquelle les <strong>amnisties</strong><br />

<strong>fiscales</strong> devraient être octroyées 2 .<br />

La fréquence optimale <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> – Afin de déterminer la fréquence<br />

optimale <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>, il convient de reformuler le modèle dans la perspective d'une<br />

politique fiscale globale. Le problème consiste pour le gouvernement à choisir α, p et t tels qu'ils<br />

maximisent l'expression 9.19. (M. & S., 1989, p. 40) 3 . Parmi les conditions de premier ordre que<br />

requiert ce problème, la condition portant sur α est exprimée par la dérivée 9.20. (M. & S., 1989, p.<br />

40). En l'état, l'expression 9.20. ne permet pas de tirer de résultat clair sur le niveau optimal de α. En<br />

effet, nous avons démontré que ∂ Z * /∂ α est positif alors que le signe de ∂ T /∂ α n'était pas<br />

déterminé a priori. Afin de pouvoir discuter de la probabilité optimale d'une amnistie, il convient de<br />

faire une hypothèse supplémentaire sur le signe de ∂ T /∂ α.<br />

Z * , p ,t (9.19.)<br />

s.c. T , p ,t−c p−G0<br />

1−0<br />

122<br />

1 Nous avons démontré que ∂X * /∂α < 0<br />

2 Ce résultat dépend étroitement de l'hypothèse d'aversion au risque. Sous l'hypothèse d'un contribuable neutre face au risque, l'expression 9.18.<br />

est clairement négative (M. & S., 1989, p. 38).<br />

3 Le fait d'adopter le point de vue du gouvenement signifie que dès lors les paramètres du modèles sont devenues les variables


123<br />

Z *<br />

T<br />

−=0 (9.20.)<br />

<br />

i) Si ∂ T /∂ α > 0, alors l'expression 9.20. est positive et α doit être égal à 1 1 . Ce résultat<br />

signifie que la fréquence optimale <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> consiste, pour le gouvernement, à octroyer<br />

une amnistie chaque année (M. & S., 1989, pp. 40-41). Ce résultat pourrait donc expliquer pourquoi<br />

certains gouvernements, bien que n'édictant que <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> uniques de jure, appliquent <strong>des</strong><br />

programmes d'<strong>amnisties</strong> intermittentes de facto. Le modèle démontre qu'il peut être profitable pour<br />

le gouvernement et le contribuable que <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> soient octroyées avec la plus grande<br />

fréquence possible. A l'extrême, ce résultat implique même une certaine supériorité <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong><br />

permanentes sur les autres formes d'<strong>amnisties</strong>.<br />

ii) Si ∂ T /∂ α < 0, alors la valeur optimale de α est inférieure à 1 (M. & S., 1989, p. 41).<br />

Ainsi, sans donner une <strong>des</strong>cription précise du niveau optimal auquel devrait être fixé α, ce résultat<br />

montre qu'une amnistie fiscale ne devrait pas être octroyée chaque année. Ce résultat impliquerait<br />

même une certaine supériorité <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> intermittantes et uniques sur les <strong>amnisties</strong> permanentes.<br />

A l'extrême, il pourrait se révéler optimal de ne jamais octroyer d'amnistie.<br />

iii) L'ambiguïté <strong>des</strong> résultats théoriques montre la nécessité de tester empiriquement la<br />

relation entre recettes <strong>fiscales</strong> et probabilité d'octroi d'une amnistie si un gouvernement entend<br />

déterminer avec qu'elle fréquence les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> doivent être intégrées dans une politique<br />

fiscale optimale.<br />

La relation entre fréquence de l'amnistie fiscale et le taux d'impôt – La contrainte<br />

budgétaire de l'expression 9.19. fait apparaître que les variables α, p et t sont <strong>des</strong> substituts 2 et sont<br />

donc fonction les unes <strong>des</strong> autres (M. & S., 1989, p. 41). Par conséquent, si ∂ T /∂ α < 0,<br />

l'expression 9.21. peut être dérivée à partir du problème de maximisation 9.19. 3 (M. & S., 1989, p.<br />

41). L'expression 9.21. signifie que, lorsque la fréquence <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> augmente, une politique<br />

fiscale optimale requiert une augmentation du taux d'impôt.<br />

t T T<br />

=− /<br />

t 0 (9.21.)<br />

Ce résultat implique qu'une politique fiscale consistant, de facto, à accroître la fréquence <strong>des</strong><br />

<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> va contraindre le gouvernement à hausser les impôts et risque d'instaurer un<br />

cercle vicieux hausses d'impôt-<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>.<br />

1 N.B. L'hypothèse ∂T/∂α > 0 signifie que le contribuable est considéré comme neutre face au risque<br />

2 Le terme "substituts" signifie ici que toute diminution d'un <strong>des</strong> paramètres peut être compensée par une augmentation de l'un ou <strong>des</strong> deux autres<br />

afin de maintenir le même niveau de bien-être.<br />

3 Sous l'hypothèse que ∂T/∂α < 0 ainsi que les conditions de premier ordre qui définissent que ∂T/∂t > 0 (M. & S., 1989, p. 40-41)


9.3.Les limites du modèle de Malik et Schwab<br />

Le modèle présenté permet de dériver un grand nombre de résultats intéressants concernant les<br />

<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>. Il démontre malheureusement que les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> sont autant capables<br />

d'engendrer <strong>des</strong> coûts que <strong>des</strong> bénéfices, tant et si bien qu'il est impossible de déterminer l'effet<br />

global exact d'une amnistie. Plus précisément les résultats dépendent <strong>des</strong> hypothèses retenues sur<br />

certains éléments du modèle. Modifier ces hypothèses modifie directement les résultats. Il convient<br />

donc de s'interroger sur la pertinence <strong>des</strong> hypothèses retenues.<br />

L'incertitude sur les préférences – En ayant recours à l'utilité adaptative, le modèle<br />

introduit un élément d'incertitude au niveau <strong>des</strong> préférences du contribuable. L'hypothèse qu'un<br />

contribuable, au moment de remplir sa déclaration d'impôt soit incertain sur la désutilité qu'il<br />

pourrait retirer d'être contrôlé est évidemment contestable. Il semble en effet plus réaliste de penser<br />

qu'un contribuable, lorsqu'il prend la décision de pratiquer l'évasion fiscale, le fait, dans la majorité<br />

<strong>des</strong> cas, en toute connaissance de cause du point de vue de ses préférences. Alors que le seul moyen<br />

de clarifier ce point consisterait à analyser empiriquement les raisons pour lesquelles certains<br />

contribuables ont participé à <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>, une solution théorique peut être apportée à ce<br />

problème (M. & S., 1989, p. 42). En effet, le même modèle peut être construit en se fondant sur<br />

l'hypothèse qu'un contribuable participera à une amnistie fiscale parce qu'il est incertain quant à un<br />

autre paramètre du modèle (M. & S., 1989, p. 42). En l'occurence, faire l'hypothèse d'une incertitude<br />

sur la probabilité de détection apparaît particulièrement réaliste dans la mesure où l'administration<br />

fiscale est en mesure de ne pas dévoiler cette information. En outre cette démarche présente<br />

l'avantage de ne pas modifier les résultats dérivés précédemment, tout du moins concernant l'octroi<br />

d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> (M. & S., 1989, p. 42).<br />

L'hypothèse concernant la temporalité de l'amnistie – Le modèle présenté introduit<br />

une hypothèse sur la temporalité par le biais du paramètre α. Le modèle étant une formalisation de<br />

la décision du contribuable, α devrait donc renvoyer à la notion d'anticipation qui est cruciale pour<br />

déterminer le succès d'une amnistie. Une formalisation de la notion d'anticipation impliquerait<br />

d'avoir recours au concept de probabilité subjective, c'est-à-dire que le contribuable fait une<br />

hypothèse sur ce qu'il croit être la probabilité qu'une amnistie soit octroyée. Cela signifierait<br />

introduire une incertitude supplémentaire au niveau de α. Or, le modèle utilise le concept de<br />

probabilité objective, c'est-à-dire que la probabilité α est parfaitement connue du contribuable<br />

lorsqu'il prend la décision d'avoir recours à l'évasion fiscale. L'hypothèse sur la temporalité<br />

n'apparaît donc pas très réaliste<br />

De plus, cette hypothèse renvoie au débat entre amnistie unique et permanente car il fait le choix<br />

124


implicite d'écarter initialement de l'analyse une amnistie permanente 1 . Paradoxalement, le modèle<br />

présenté arrive au résultat que, sous certaines conditions, une amnistie fiscale devrait être octroyée<br />

chaque année, c'est-à-dire avec une probabilité de 1. Ce résultat amène naturellement à se demander<br />

si une amnistie ne serait donc pas plus profitable si elle était implémentée de manière permanente et<br />

si, par conséquent, l'analyse théorique ne devrait pas se focaliser sur ce type d'amnistie.<br />

Absence de modélisation de l'incitation - L'hypothèse de base du modèle du chapitre 8<br />

était que l'amnistie fiscale procurait une incitation telle que le contribuable avait intérêt à y<br />

participer. Ce modèle présentait la lacune de ne s'interroger ni sur la façon de modéliser la forme<br />

d'amnistie la plus élémentaire ni sur la pertinence du cadre théorique et arrivait à <strong>des</strong> résultats<br />

incohérents. Le modèle présenté remédie très clairement à cette insuffisance en modifiant le cadre<br />

théorique et en considérant un type d'amnistie qui ne réduit que les pénalités. Toutefois, il présente<br />

automatiquement la lacune de ne livrer aucun résultat sur une augmentation de l'incitation que<br />

pourrait offrir une amnistie. Or, maintenant que la principale insuffisance du premier modèle a été<br />

surmontée, la question de l'incitation retrouve son intérêt.<br />

L'hypothèse concernant les recettes <strong>fiscales</strong> – Un <strong>des</strong> résultats du modèle est<br />

l'ambiguité du signe de ∂ T /∂ α. Afin de dériver certains résultats du modèle, il a été nécessaire de<br />

formuler une hypothèse sur le signe de ∂ T /∂ α. Or ces hypothèse ont été formulées a priori sans<br />

pouvoir être justifiées. Il ressort donc de ce modèle qu'un test empirique sur le comportement <strong>des</strong><br />

recettes <strong>fiscales</strong> lorsque la fréquence <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> varie s'avère nécessaire si l'on entend<br />

confirmer ou infirmer certains résultats.<br />

125<br />

1 Dans la mesure où une amnistie permanent e est parfaitement anticipée, α aurait la valeur 1 dans le modèle et pourrait par conséquent être ignoré


10.L'incitation de l'amnistie dans un contexte d'incertitude : un modèle<br />

synthétique<br />

Le modèle traité dans cette section, et proposé par Andreoni (1991), présente un double intérêt à ce<br />

stade de la discussion. Le premier élément digne d'intérêt est qu'il constitue une forme de synthèse<br />

<strong>des</strong> deux modèles d'amnistie fiscale présentés précédemment. D'une part, il reprend d'une certaine<br />

manière le cadre théorique du second modèle dans la mesure où il introduit un degré d'incertitude<br />

supplémentaire par rapport au modèle d'Allingham et Sandmo. D'autre part, il propose une<br />

modélisation de l'incitation procurée par une amnistie fiscale comme le faisait le premier modèle<br />

mais en l'améliorant.<br />

Le second élément digne d'intérêt est que le présent modèle permet de dépasser le modèle précédant<br />

sur le plan de la temporalité <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>. En effet, le modèle précédant proposait une<br />

analyse <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> uniques et intermittentes mais arrivait à la conclusion que, sous certaines<br />

conditions, il est optimal que le gouvernement octroi une amnistie chaque année. Ainsi la question<br />

qui se posait logiquement était de savoir si, dans la mesure où une amnistie fiscale s'avère efficace,<br />

il n'était pas plus profitable de l'implémenter sur une base permanente. L'intérêt du modèle qui va<br />

suivre est justement de proposer une analyse <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> permanentes .<br />

Comme les deux précédents modèles, le présent modèle repose sur l'argument selon lequel<br />

l'amnistie offre aux contribuables une forme d'assurance contre le risque d'être contrôlé. Par contre,<br />

ce modèle offre, de ce point de vue, un résultat supplémentaire dans la mesure où il montre qu'une<br />

amnistie fiscale peut fonctionner comme une forme d'assurance sociale (partielle).<br />

10.1.Les hypothèses de base du modèle d'Andreoni<br />

Les éléments du modèle - Le modèle de la présente section reprend naturellement une<br />

partie <strong>des</strong> éléments du modèle d'Allingham et Sandmo, en modifie certains et en rajoute d'autres. Le<br />

tableau 10.1 donne un aperçu <strong>des</strong> éléments considérés dans le modèle. Tout d'abord, U est fonction<br />

de C et est donnée par une fonction d'utilité du même type que celle utilisé dans les modèles<br />

précédants et décrivant le contribuable comme averse au risque, c'est-à-dire avec U' > 0 et U'' < 0<br />

(Andreoni, 1990, p.145). Ensuite, le revenu réel W est exogène au modèle et inconnu de<br />

l'administration (Andreoni, 1990, p.145). Par contre, si le contribuable fait l'objet d'un contrôle<br />

fiscal, alors le gouvernement découvre toujours son revenu réel (Andreoni, 1990, p.145). Si le<br />

contribuable est détecté, alors la pénalité f s'applique au montant soustrait X 1 . Enfin les conditions<br />

sur les paramètres pour que le modèle décrive une situation telle que le contribuable pratique<br />

l'évasion fiscale sont remplies (Andreoni, 1990, p.146). L'hypothèse est faite que le taux d'impôt est<br />

fixé de manière optimale, de même que les paramètres de contrôle fiscal (Andreoni, 1990, p.146)<br />

1 X a donc un sens légèrement différent au sens qu'il avait dans les deux autres modèles puisqu'il se réfère directement à l'évasion fiscale et non au<br />

revenu déclaré<br />

126


127<br />

Tableau 10.1. – Les éléments du modèle d'Andreoni (1991)<br />

Symbole Signification<br />

U Utilité que le contribuable retire de son niveau de consommation<br />

Z Utilité nette ex post retirée d'une participation à l'amnistie<br />

C Niveau de consommation du contribuable à l'exclusion du choc<br />

W Revenu réel du contribuable<br />

X Montant de revenu non-déclaré au fisc<br />

S Ensemble <strong>des</strong> chocs sur C pour lesquels l'amnistie est relevante<br />

c Niveau de consommation du contribubale, choc inclu<br />

t Taux d'impôt<br />

p Probabilité que le contribuable subisse un contrôle fiscal<br />

f Taux de pénalité appliqué si le contribuable est découvert par l'administration<br />

β Taux d'incitation de l'amnistie<br />

σ Probabilité ex ante que le contribuable participe à l'amnistie<br />

ε Choc que le contribuable subit sur son niveau de consommation C<br />

Elaboration personnelle 1<br />

Les possibilités offertes au contribuable - Etant donnés les éléments précédents, trois<br />

possibilités s'offrent au contribuable en deux temps. Dans un premier temps, le contribuable décide<br />

ex ante dans quelle mesure il va pratiquer l'évasion fiscale. Ex post deux situations peuvent se<br />

présenter. Soit le contribuable est détecté par l'administration fiscale, son niveau de consommation<br />

est alors défini par l'expression 10.1. (Andreoni, 1990, p.145). Soit il n'est pas détecté et son niveau<br />

de consommation est alors défini par l'expression 10.2. (Andreoni, 1990, p.145).<br />

C D =W 1−t− fX (10.1.)<br />

C ND =W 1−ttX (10.2.)<br />

Etant donnée la probabilité p d'être détecté, le choix du contribuable est effectué suivant<br />

l'expression (10.3.) (Andreoni, 1990, p.145).<br />

max U = p uC D 1− p uC ND (10.3.)<br />

Dans un deuxième temps, le gouvernement octroie une amnistie, offrant une troisième possibilité au<br />

contribuable. Si le contribuable décide de participer à l'amnistie, alors la pénalité f s'appliquant au<br />

montant soustrait X est réduite à hauteur du facteur (1-β) et son niveau de consommation est donné<br />

par l'expression (10.4.) (Andreoni, 1990, p.146).<br />

C A =W 1−t−1− f X (10.4.)<br />

β détermine l'importance de la réduction de pénalité accordée au contribuable, autrement dit<br />

l'incitation offerte par l'amnistie. Si β = 1, alors la totalité de la pénalité est abandonnée (Andreoni,<br />

1990, p.146). β = 0 revient à ne pas accorder d'amnistie (Andreoni, 1990, p.146). Cet élément<br />

1 Elaboré à partir de Andreoni, 1990, pp. 143-159


permettra d'analyser l'impact d'une variation de l'incitation sur les variables du modèle.<br />

Comme il a déjà été mentionné lors de la présentation du modèle d'Allingham et Sandmo, cette<br />

troisième alternative n'est pas de nature à modifier le choix du contribuable sur X dans la mesure où<br />

celui-ci connaît les paramètres du problème et a choisi X de manière optimale. Pour que le<br />

contribuable soit susceptible de profiter de l'amnistie fiscale, il convient d'introduire un élément<br />

d'incertitude dans le modèle (Andreoni, 1990, pp.146-147).<br />

L'introduction d'un choc sur la consommation - Afin d'expliquer pourquoi le<br />

contribuable peut avoir intérêt à participer à l'amnistie, un élément supplémentaire d'incertitude doit<br />

être introduit dans le modèle. Le modèle d'Allingham et Sandmo arrivait au résultat qu'une aministie<br />

fiscale n'a aucun impact sur la décision de contribuable car celui-ci, au moment de déclarer son<br />

revenu, connaît avec certitude tous les paramètres. Ainsi pour que l'introduction d'une amnistie<br />

fiscale ait un effet sur la décision du contribuable, un <strong>des</strong> moyens consiste à introduire un élément<br />

d'incertitude sur l'un <strong>des</strong> paramètres. Alors que le modèle précédent introduisait l'élément<br />

d'incertitude au niveau <strong>des</strong> préférences du contribuable, le présent modèle introduit un choc<br />

aléatoire et non-assurable sur le niveau de consommation du contribuable (Andreoni, 1990, p.147) 1 .<br />

Une telle hypothèse peut s'avérer plus réaliste que celle qui consiste à considérer le revenu et donc<br />

la consommation comme donnée. En effet, un individu peut subir <strong>des</strong> variations imprévues<br />

(variations conjoncturelles p.ex.) de son revenu et donc de son niveau de consommation.<br />

Formellement le choc est exprimé par une variable aléatoire, ε, dont la distribution de probabilité est<br />

g(ε) (Andreoni, 1990, p.147) 2 . L'égalité (10.5.) exprime la transformation que la variable aléatoire<br />

fait subir au niveau de consommation du contribuable (Andreoni, 1990, p.147).<br />

c j =C j , j=A , ND , D (10.5.)<br />

Ainsi, le contribuable choisit X en connaissant g(ε) mais pas la réalisation de ε et, une fois la<br />

réalisation de ε connue, se voit offrir l'opportunité d'une amnistie qu'il peut accepter ou refuser.<br />

Ainsi, si le contribuable accepte l'amnistie, son utilité nette ex post est donnée par l'équation 10.6.<br />

(Andreoni, 1990, p.147)<br />

Z X ;=uc A − p uc D −1− puc ND (10.6.)<br />

D'après l'expression 10.6., un contribuable participera à l'amnistie si et seulement si il en retire une<br />

utilité supplémentaire, c'est-à-dire Z ≥ 0 (Andreoni, 1990, p.147). Il convient donc de déterminer<br />

l'ensemble <strong>des</strong> couples (X ;ε) pour lesquels cette condition est vérifiée. Or, s'il n'a pas d'influence sur<br />

1 Andreoni mentionne qu'un élément d'incertitude pourrait être introduit dans le modèle sous la forme de marchés <strong>des</strong> capitaux imparfaits. Il<br />

indique toutefois qu'une telle hypothèse ne modifie pas fondamentalement les effets de l'amnistie mais qu'elle augmenterait les bénéfices retirés<br />

d'une amnistie (Andreoni, p. 146, note 7)<br />

∞<br />

2 Avec - ∞ < ε < ∞ et ∫ g d =1 (Wiegard et Halbauer, 2003, pp. 11 et 16)<br />

−∞<br />

128


ε, le contribuable détermine X (Andreoni, 1990, p.147). Par conséquent, l'ensemble <strong>des</strong> chocs pour<br />

lesquels Z ≥ 0 est une fonction de X et peut être défini par l'expression 10.7. (Andreoni, 1990,<br />

p.147).<br />

S X ={: Z X ;0} (10.7.)<br />

Cela signifie que, si ε ∈ S (X ), alors le contribuable participera à l'amnistie (Andreoni, 1990,<br />

p.147). Comme la distribution de probabilité de ε est continue, S nous donne l'ensemble <strong>des</strong> ε sur<br />

lequel intégrer la distribution de probabilité pour obtenir l'utilité espérée du contribuable dans<br />

l'éventualité où il participe à l'amnistie et qui est exprimée par l'équation 10.8. (Andreoni, 1990,<br />

p.148). La première intégrale est l'utilité espérée dans le cas où aucune amnistie n'est octroyée<br />

(Andreoni, 1990, p.148). La seconde intégrale est le supplément d'utilité espérée dans le cas où une<br />

amnistie est octroyée et le contribuable y participe. Comme la seconde intégrale est non négative par<br />

définition, le contribuable tirera toujours avantage à participer à une amnistie fiscale (Andreoni,<br />

1990, p.148).<br />

∞<br />

EU A =∫ p uc D 1− puc ND g d ∫ Z X ; g d (10.8.)<br />

−∞<br />

S x<br />

Le modèle ainsi construit permet d'analyser le comportement du contribuable dans un contexte où<br />

celui-ci est susceptible de profiter d'une amnistie. Plus précisément, il est intéressant de concentrer<br />

l'analyse sur la probabilité que le contribuable participe à l'amnistie ainsi que sur sa décision de<br />

pratiquer l'évasion fiscale.<br />

10.2.Les résultats du modèle d'Andreoni<br />

Une question que permet de traiter ce modèle théorique est celle de la probabilité qu'un contribuable<br />

participe à l'amnistie fiscale. Dans ce modèle la probabilité ex ante qu'un contribuable participe à<br />

l'amnistie est définie par l'équation 10.9. (Andreoni, 1990, p.148).<br />

X = ∫ g d (10.9.)<br />

S x<br />

Cette expression permet donc d'analyser comment le contribuable modifie son comportement vis-àvis<br />

de l'amnistie lorsque le niveau de revenu dissimulé, l'incitation procurée par l'amnistie ou encore<br />

le choc sur le niveau de consommation varient.<br />

L'impact sur σ d'une variation du montant d'évasion fiscale - Le problème dont il<br />

est question dans ce paragraphe est de savoir si un contribuable aura d'autant plus intérêt à participer<br />

à l'amnistie fiscale qu'il a soustrait un montant X important. D'après le modèle, l'impact d'une<br />

variation de X sur σ dépend du comportement de l'ensemble S lorsque X varie (Andreoni, 1990,<br />

129


p.148). Or, d'après l'expression 10.6. ainsi que les hypothèses sur la fonction d'utilité, lorsque X<br />

s'accroît, à partir de 0, Z devient négative et, en vertu de l'expression 10.7., S = ∅. Par conséquent,<br />

sans une hypothèse supplémentaire sur le comportement de Z par rapport à X , il n'est pas possible<br />

d'étudier de manière pertinente l'impact d'une variation de X sur S et donc sur σ. Pour clarifier la<br />

situation, il convient de définir, pour tout ε , au moins un X * > 0 tel que Z(X * ;ε) = 0 (Andreoni,<br />

1990, pp.148-149). Ensuite, le comportement de Z par rapport à X * est défini par les expressions<br />

10.10. et 10.11. (Andreoni, 1990, pp.148-149).<br />

∀ 0 X X * , Z X ;0 (10.10.)<br />

∀ X * X , Z X ;0 (10.11.)<br />

Ainsi, lorsque X ≥ X * , la dérivée de la probabilité de participation par rapport à X est positive<br />

comme le montre l'expression 10.12. (Andreoni, 1990, p.149).<br />

X <br />

0 (10.12.)<br />

X<br />

Ce résultat signifie que la probabilité qu'un contribuable participe à l'amnistie fiscale est d'autant<br />

plus élevé que le montant qu'il a dissimulé au fisc est important, pour autant que ce montant dépasse<br />

un certain niveau. Ce résultat démontre que ce sont les plus gros "tricheurs" qui ont le plus grand<br />

intérêt à participer à une amnistie alors que les contribuables n'ayant dissimulé que de faibles<br />

montants n'ont que peu voire, en <strong>des</strong>sous d'un certain seuil d'évasion, aucun intérêt à y participer.<br />

L'impact sur σ d'une variation de l'incitation – Une seconde question d'intérêt est de<br />

se demander comment évolue la probabilité qu'un contribuable participe à l'amnistie fiscale lorsque<br />

le niveau d'incitation varie (Andreoni, 1990, p.149). Pour <strong>des</strong> raisons analogues à celles exprimées<br />

dans le paragraphe précédent, une condition supplémentaire doit être introduite concernant le<br />

comportement de Z par rapport à β 1 . Cette condition est de même nature que la précédente et<br />

permet de définir un β * à partir duquel Z ≥ 0. Ainsi, lorsque β * ≥ β , on obtient la dérivée 10.13.<br />

(Andreoni, 1990, p.149).<br />

X ;<br />

0 (10.13.)<br />

<br />

Ce résultat signifie qu'une augmentation de l'incitation procurée par l'amnistie augmentera la<br />

probabilité que le contribuable participe à l'amnistie uniquement si l'incitation est suffisament élevé.<br />

Sur le plan de l'incitation, ce modèle théorique confirme l'argument selon lequel une incitation<br />

130<br />

1 ∀ (X; ε), il existe au plus un β*, 0 ≤ β* ≤ 1, tel que Z(X; ε, β*) = 0. En outre ∀ 0 ≤ β ≤ β*, Z(X; ε, β*) ≤ 0 et ∀ ≤ β* ≤ β ≤ 1, Z(X; ε, β*) ≥ 0<br />

(Andreoni, 1990, p.149)


élevée est en mesure de maximiser le résultat d'une amnistie fiscale.<br />

La probabilité de participation à l'amnistie et le choc sur la consommation –<br />

L'objectif de ce paragraphe est de déterminer, toutes choses égales par ailleurs, comment se<br />

comporte la probabilité que le contribuable accepte l'amnistie si le choc sur son niveau de<br />

consommation est élevé ou faible (Andreoni, 1990, p.149). Par analogie aux deux paragraphes<br />

précédents, une condition supplémentaire est introduite permettant de définir un ε * tel que Z (X ;ε * )<br />

= 0 (Andreoni, 1990, p.150) 1 . En outre, cette condition définit que Z (X ;ε * ) ≥ 0 lorsque ε ≤ ε * et Z<br />

(X ;ε * ) < 0 lorsque ε > ε * (Andreoni, 1990, p.150). Cette condition implique une définition plus<br />

précise de l'ensemble S et de la probabilité σ , comme le démontre les expressions 10.14. et 10.15.<br />

(Andreoni, 1990, p.150).<br />

∈S X ⇔ * (10.14.)<br />

* x<br />

∀ X , X = ∫<br />

−∞<br />

f d (10.15.)<br />

Sous ces conditions, on obtient la dérivée 10.16. (Wiegard und Halbauer, 2003, p.16).<br />

X ;<br />

0 (10.16.)<br />

<br />

Ce résultat signifie que, pour ε ≤ ε * , plus le choc sur la consommation est important (plus ε est<br />

faible), c'est-à-dire plus l'écart entre ε et ε * est important, plus la probabilité que le contribuable<br />

participe à l'amnistie est élevée (Wiegard und Halbauer, 2003, p.16). D'une manière générale, cela<br />

implique que l'amnistie profitera d'abord aux individus "malchanceux". Le terme "malchanceux"<br />

s'applique, dans le contexte du modèle, aux contribuables qui subissent les chocs négatifs ex post<br />

(autrement dit les diminutions réalisées et non attendues) les plus importants sur leur niveau de<br />

consommation (Andreoni, 1990, p.150-151). En effet, les individus faisant face à une importante<br />

diminution de leur niveau de consommation se retrouve avec un niveau de revenu plus faible et<br />

donc, selon les hypothèses du modèle, avec une aversion au risque plus élevée. Ils ne sont donc plus<br />

prêts à supporter le niveau de risque induit par le montant de revenu soustrait initialement et vont<br />

exercer l'option de l'amnistie pour diminuer le niveau de risque auquel ils font face et augmenter<br />

leur bien-être (Andreoni, 1990, p.151). En ce sens une amnistie fiscale est un instrument équitable et<br />

peut fonctionner comme une sorte d'assurance sociale partielle(Andreoni, 1990, p.153 et 151).<br />

L'impact de l'amnistie sur le niveau d'évasion fiscale - Finalement, le modèle<br />

présenté permet de s'intéresser à l'effet sur le niveau d'évasion fiscale lorsque l'on modifie<br />

131<br />

1 Cette condition peut être introduite grâce à un fameux résultat de Diamond et Stiglitz (voir Diamond, P.A. And Stiglitz, J.E., "Increases in risk<br />

and risk aversion", Journal of economic theory, no 8, pp. 337-360, 1987.)


l'incitation procurée par l'amnistie. Pour cela, il convient de considérer β * > β, ce qui permet de<br />

formuler l'expression 10.8. sous la forme proposée par l'expression 10.17. (Andreoni, 1990, p 151).<br />

* x<br />

EU A =EU N ∫ Z X ; g d (10.17.)<br />

−∞<br />

Le premier terme du membre de droite de l'équation 10.17. est l'utilité attendue lorsqu'aucune<br />

amnistie n'est octroyée. Le second terme est l'utilité supplémentaire attendue lorsqu'une amnistie est<br />

octroyée et que le choc négatif subi par le contribuable est suffisamment important, c'est-à-dire<br />

inférieur ou égal au seuil ε * . En différenciant totalement la dérivée première par rapport à X de<br />

l'expression 10.17., on obtient l'expression 10.18. (Andreoni, 1990, p 151).<br />

d X<br />

d =− 1 D [ Z *<br />

<br />

*<br />

X f * Z *<br />

X<br />

*<br />

* x<br />

f * ∫<br />

2 Z<br />

−∞<br />

X f d ] (10.18.)<br />

En vertu <strong>des</strong> conditions posées précédemment, il ressort que l'expression 10.18. est positive<br />

(Andreoni, 1990, pp.151-152). Par conséquent, plus une amnistie est généreuse en terme<br />

d'incitation, plus le montant dissimulé initialement sera important. Le modèle démontre donc qu'une<br />

amnistie fiscale n'est non seulement pas un outil approprié pour réduire le niveau d'évasion fiscale<br />

mais peut, à partir d'un certain niveau d'incitation, accroître l'évasion fiscale. Malgré cela, le modèle<br />

ne permet pas de conclure catégoriquement à une baisse équivalente <strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong> à cause de<br />

l'arbitrage qui existe entre la probabilité que le contribuable participe à l'amnistie et la participation<br />

au système fiscal. Le paragraphe suivant démontre l'existence d'un tel arbitrage.<br />

La relation entre le succès de l'amnistie et son impact sur le niveau d'évasion<br />

fiscale – En vertu de la condition énoncée pour définir ε * , il est possible de réarranger l'expression<br />

10.18. de la manière suivante (Andreoni, 1990, p.152).<br />

d X<br />

d =− 1 D [2 ∂ Z * <br />

∂ <br />

* x<br />

∂ X ∂ ∂<br />

∫<br />

2 Z<br />

−∞<br />

∂ X ∂ <br />

f d ] (10.19.)<br />

Le membre de droite de l'expression 10.19., correspond, à une transformation affine près, à la<br />

dérivée partielle de la probabilité que le contribuable participe à l'amnistie par rapport à l'incitation<br />

de l'amnistie(Andreoni, 1990, p.152). Autrement dit la dérivée 10.19. peut être exprimée<br />

simplement par l'égalité 10.20.<br />

d X<br />

d =K ∂ L (10.20.)1<br />

∂ <br />

132<br />

1 Avec K, L ≥ 0 et K = L = 0, si S = ∅


L'expression 10.20. montre qu'un accroissement de l'incitation offerte par l'amnistie accroît non<br />

seulement le niveau d'évasion fiscale mais également la probabilité que le contribuable participe à<br />

l'amnistie (Andreoni, 1990, p.152). De plus l'accroissement de X et σ est directement proportionnel<br />

(Andreoni, 1990, p.152). Par conséquent une amnistie accroîtra l'évasion fiscale uniquement dans la<br />

mesure où elle encourage les contribuables à participer au programme d'amnistie (Andreoni, 1990,<br />

p.152). Ainsi, le modèle ne permet pas de tirer de conclusion a priori sur l'effet de l'amnistie sur les<br />

recettes <strong>fiscales</strong> puisque l'effet sur le niveau d'évasion est compensé par l'effet sur la participation à<br />

l'amnistie. Par contre, le modèle démontre par l'expression 10.20. que, au pire et en vertu de<br />

l'arbitrage existant, une amnistie tend financièrement vers un équilibre (Andreoni, 1990, p.144). Il<br />

est même possible que, si <strong>des</strong> montants ont été soustraits au fisc et accumulés durant les pério<strong>des</strong><br />

antérieures, alors l'amnistie permettra au gouvernement de récupérer ces recettes (Andreoni, 1990,<br />

pp.152-153). Dans ce cas, l'amnistie peut s'avérer être un outil efficace en terme de recettes <strong>fiscales</strong><br />

(Andreoni, 1990, p.153)<br />

Les résultats <strong>des</strong> premières tentatives de modélisation <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> –<br />

Avant d'aborder les limites du modèle d'Andreoni, limites qui, par extension, s'appliqueront à<br />

l'ensemble <strong>des</strong> modèles présentés dans cette partie, il convient de récapituler la démarche et les<br />

hypothèses <strong>des</strong> principaux résultats obtenus grâce aux premiers modèles formalisés d'<strong>amnisties</strong><br />

<strong>fiscales</strong>. Le tableau 10.2. propose un aperçu synthétique <strong>des</strong> principaux résultats. Dans la mesure où<br />

ces résultats ont été démontrés formellement et de manière exhaustive dans le cadre de la présente<br />

partie, il n'apparaît pas nécessaire de les traiter en détail à nouveau. Rappelons simplement que les<br />

modèles présentés suggèrent que...<br />

i) ...l'amnistie fiscale provoque une réaction du contribuable si elle lui procure une<br />

incitation suffisante...<br />

ii) ...ou si la situation ou l'environnement de l'individu a subi une modification comme,<br />

par exemple, un choc exogène sur son niveau de consommation.<br />

iii)...l'amnistie fiscale induit un arbitrage entre la participation ordinaire du contribuable<br />

au système fiscal et sa participation dans le cadre de l'amnistie fiscale<br />

iv)...le niveau d'évasion fiscale préexistant à l'amnistie semble être un élément<br />

déterminant de la capacité de l'amnistie fiscale à lever <strong>des</strong> recettes supplémentaires.<br />

133


134<br />

Tableau 10.2 - Les premiers modèles d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> : tableau récapitulatif<br />

Année Auteur(s) Démarche théorique Type d'amnistie Hypothèse(s)principale(s) Principaux résultats<br />

1972 Allingham<br />

et Sandmo<br />

1990 Alm et<br />

Beck<br />

1989 Malik et<br />

Schwab<br />

Représentation de l'évasion<br />

fiscale comme un choix du<br />

contribuable en<br />

environnement incertain<br />

Démontrer qu'il existe un<br />

arbitrage entre participation<br />

à l'amnistie et participation<br />

ordinaire au système fiscal<br />

Montrer que le<br />

contribuable peut avoir<br />

intérêt à participer à une<br />

amnistie fiscale même si<br />

celle-ci n'offre qu'une<br />

réduction <strong>des</strong> pénalités<br />

-(Pas<br />

d'introduction<br />

implicite ou<br />

explicite d'une<br />

amnistie fiscale)<br />

Amnistie non<br />

anticipée<br />

Réduit les<br />

pénalités et<br />

modifie le taux<br />

d'impôt<br />

Amnistie<br />

anticipée<br />

Réduction<br />

uniquement <strong>des</strong><br />

pénalités<br />

Aversion au le risque<br />

Conditions sur les<br />

paramètres telles qu'il est<br />

possible d'étudier une<br />

situation d'évasion fiscale<br />

Aversion au risque<br />

absolue et décroissante<br />

Le taux d'impôt ordinaire<br />

est inférieur au taux<br />

d'impôt de l'amnistie<br />

(formalisation de<br />

l'incitation)<br />

Utilisation du concept<br />

d'utilité adaptative : le<br />

contribuable ne connaît<br />

pas avec certitude sa<br />

fonction d'utilité lorsqu'il<br />

fait son choix,<br />

Introduction de la<br />

probabilité d'octroi de<br />

l'amnistie<br />

Inutilité de l'amnistie fiscale : les paramètres p et<br />

f suffisent à annuler l'évasion fiscale<br />

Inefficacité de l'amnistie fiscale : le contribuable<br />

ne modifie pas sa décision<br />

Existence d'un arbitrage entre la participation<br />

ordinaire au système fiscale et la participation à<br />

l'amnistie lorsque l'incitation varie<br />

Une réduction de l'incitation de l'amnistie réduit<br />

la participation totale <strong>des</strong> contribuables<br />

Existence d'un arbitrage entre participation au<br />

système fiscal et participation à l'amnistie lorsque<br />

la probabilité qu'une amnistie soit octroyée<br />

varie.<br />

L'augmentation de la probabilité qu'une amnistie<br />

soit octroyée...<br />

...diminue la participation au système fiscal<br />

...augmente le bien-être du contribuable<br />

Si l'augmentation de la probabilité qu'une<br />

amnistie soit octroyée a un impact positif sur les<br />

recettes <strong>fiscales</strong>, alors une amnistie fiscale devrait<br />

être octroyée chaque année.<br />

1990 Andreoni Démontrer qu'il peut être<br />

profitable d'introduire une<br />

amnistie fiscale sur une<br />

base permanente dans la<br />

mesure où celle-ci<br />

fonctionne comme une<br />

assurance sociale partielle<br />

Amnistie<br />

permanente,<br />

parfaitement<br />

anticipée<br />

Réduction<br />

uniquement <strong>des</strong><br />

pénalités<br />

Introduction d'un choc<br />

aléatoire sur le niveau de<br />

consommation du<br />

contribuable<br />

Formalisation de<br />

l'incitation de l'amnistie<br />

par l'introduction d'un<br />

taux de réduction <strong>des</strong><br />

pénalités<br />

Si l'augmentation de la probabilité qu'une<br />

amnistie soit octroyée a un impact négatif sur les<br />

recettes <strong>fiscales</strong>, alors une augmentation de la<br />

probabilité qu'une amnistie soit octroyée<br />

nécessite une hausse d'impôt<br />

La probabilité qu'un contribuable participe à<br />

l'amnistie fiscale est d'autant plus importante...<br />

...qu'il a soustrait un montant d'impôts important<br />

...que l'incitation de l'amnistie est élevée<br />

...qu'il subit un choc négatif important sur sa<br />

consommation<br />

Plus une amnistie est généreuse en terme<br />

d'incitation, plus le montant dissimulé<br />

initialement par le contribuable sera important<br />

Elaboration personnelle<br />

Il existe un arbitrage entre le niveau d'évasion<br />

fiscale et la probabilité qu'un contribuable<br />

participe à l'amnistie lorsque l'incitation varie


135<br />

10.3.Les limites <strong>des</strong> premiers modèles d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong><br />

La fonction d'assurance sociale de l'amnistie fiscale - Le modèle d'Andreoni<br />

démontre que, si elle est implémentée de manière permanente, une amnistie fiscale est profitable car<br />

elle fonctionne comme une assurance sociale partielle. Malheureusement, si une amnistie présente<br />

les caractéristiques d'une assurance, alors <strong>des</strong> problèmes de hasard moral peuvent survenir<br />

(Andreoni, 1990, p.158). Andreoni estime que cela n'est pas un problème. En présence de hasard<br />

moral, l'amnistie pousserait l'individu à prendre plus de risque [dans l'allocation de ses ressources<br />

qu'il ne le ferait sans amnistie](Andreoni, 1990, p.158). Et, pour autant que la prise de risque soit<br />

bonne pour l'économie, l'individu se retrouvera dans une meilleure situation (Andreoni, 1990,<br />

p.158). Andreoni démontre par son argument la limite du modèle présenté. Le modèle d'Andreoni<br />

comme le modèle d'Allingham et Sandmo représente l'évasion fiscale comme un choix de<br />

portefeuille. Le contribuable investit dans l'activité "évasion fiscale" qui constitue un actif risqué.<br />

En se référant à d'autres activités risquées dans lesquelles l'individu pourrait investir, Andreoni<br />

démontre que le bénéfice d'une amnistie en terme de bien-être s'explique par <strong>des</strong> éléments exogènes<br />

au modèle puisque celui-ci ne considère que la décision du contribuable "d'investir" dans l'activité<br />

"évasion fiscale" et ne se préoccupe pas <strong>des</strong> autres décisions d'investissement du contribuable<br />

(Allingham and Sandmo, 1972, pp. 337-338).<br />

Les montants soustraits préexistant - En terme de recettes <strong>fiscales</strong> ou de revenu<br />

déclaré, le modèle démontre qu'une amnistie implémentée sur une base permanente peut permettre<br />

d'obtenir l'équilibre, c'est-à-dire que les sommes supplémentaires soustraites initialement sont<br />

restituées dans le cadre de l'amnistie. Alors que les gains en terme d'assurance semble aléatoires du<br />

fait du hasard moral, une amnistie permanente ne semble pas en mesure de lever <strong>des</strong> recettes<br />

<strong>fiscales</strong> supplémentaires. Par conséquent, le modèle présenté ne permet pas de conclure à une<br />

supériorité de l'amnistie permanente sur une amnistie unique. Toutefois Andreoni signale que, en<br />

plus de récupérer les recettes <strong>fiscales</strong> perdues à cause de l'amnistie, cette dernière est capable de<br />

dégager un surplus de recettes <strong>fiscales</strong> pour autant que le contribuable ait soustraits <strong>des</strong> montants<br />

d'impôts qu'il a accumulé dans le passé (Andreoni, 1990, p.153). Andreoni ajoute même que la<br />

variable cruciale qui détermine la capacité d'une amnistie à lever <strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong><br />

supplémentaires est le niveau d'évasion fiscale préexistant (Andreoni, 1990, p.157). Si cet argument<br />

semble tout à fait pertinent, il met à nouveau en lumière une limite du modèle puisque le modèle<br />

n'inclut pas une telle variable. Par conséquent le modèle tel qu'il est contruit ne démontre pas<br />

l'efficacité potentielle <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> et ne prouve pas que la meilleure forme d'amnistie est l'amnistie<br />

permanente.<br />

L'incitation de l'amnistie - Alors que le modèle propose une approche pertinente de


l'incitation procurée par une amnistie fiscale, cette incitation ne porte que sur les pénalités infligées<br />

aux contribuables. Par conséquent il n'est pas possible d'étudier dans quelle mesure les résultats<br />

seraient modifiés ou confirmés si l'analyse était étandue à une possible réduction du taux d'impôt<br />

par exemple.<br />

Le type d'amnistie fiscale - Ormis les hypothèses sur l'incitation de l'amnistie, le<br />

modèle présenté reste relativement simplificateur eu égard au type d'amnistie analysé. Précisément<br />

ils ne fait pas d'hypothèse explicite concernant la procédure d'édiction ou l'éligibilité <strong>des</strong><br />

contribuables. De plus, ils ne prend en considération que les <strong>amnisties</strong> portant sur l'impôt <strong>des</strong><br />

personnes physique. Ces modèles excluent du même coup toutes les <strong>amnisties</strong> portant sur les impôts<br />

sur les personnes morales ou sur la consommation. Cette critique ne saurait s'appliquer au seul<br />

modèle qui vient d'être présenté mais s'appliquent également aux deux modèles précédents. Par<br />

ailleurs une série d'autres critiques s'appliquent à l'ensemble <strong>des</strong> modèles de référence.<br />

L'absence d'impact sur les contribuables honnêtes – Un <strong>des</strong> arguments critiques,<br />

énoncés dans le premier chapitre en défaveur <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>, est qu'elles peuvent créer un<br />

sentiment d'injustice au sein <strong>des</strong> contribuables honnêtes qui paient régulièrement la totalité de leurs<br />

impôts. Ce sentiment d'injustice pourrait même pousser les contribuables honnêtes à ne pas le rester<br />

et ainsi accroître encore les pratiques d'évasion fiscale. Les modèles présentés dans ce chapitre ne<br />

tiennent pas du tout compte de cet effet, pourtant crucial <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> (Andreoni, 1990,<br />

p.153). Cette difficulté pourrait être contournée en assimilant la notion d'honnêteté à <strong>des</strong> différences<br />

d'aversion au risque (Andreoni, 1990, p.135). Toutefois, dans les trois modèles présentés, <strong>des</strong><br />

différences d'aversion ne peuvent survenir que dans la mesure où deux contribuables possèdent<br />

deux niveaux de revenu et donc de consommation différents. Un tel point de vue signifie donc que<br />

les contribuables bénéficiant d'un revenu élevé seront forcément malhonnêtes puisque présentant<br />

une aversion au risque plus faible. Cette difficulté est due au fait que les modèles considèrent un<br />

contribuable représentatif de l'ensemble <strong>des</strong> contribuables.<br />

L'évasion fiscale comme norme du comportement – Les trois modèles abordés dans<br />

cette partie sont basés sur la théorie microéconomique du consommateur, en particulier la théorie de<br />

l'utilité espérée. En présentant l'évasion comme un choix de portefeuille analogue à tout autre choix<br />

de portefeuille, le modèle fait l'hypothèse implicite que soustraire son revenu au fisc est la norme<br />

alors que payer ses impôts volontairement est l'exception. En effet, les trois modèles présentés<br />

suggèrent que les individus payent leurs impôts uniquement dans la mesure où ils sont effrayés par<br />

les pénalités qui pourraient leur être infligées s'ils ne le font pas (Alm et Beck,1990, p.442). De toute<br />

évidence, le point de vue adopté par ces modèles ignore d'autres raisons plausibles pour lesquelles<br />

les individus payent leurs impôts.<br />

136


L'absence d'interaction entre les décisions économiques du contribuable - Une<br />

importante limite <strong>des</strong> modèles présentés est le fait qu'ils ne tiennent compte que d'une décision du<br />

contribuable. Ils ignorent le fait que l'individu est notamment actif sur les autres marchés de<br />

l'économie. Ainsi les modèles pourraient être améliorés en y incorporant le marché du travail et la<br />

décision qu'il implique pour le contribuable au niveau de l'offre ou encore en prenant en compte <strong>des</strong><br />

décisions d'investissement du contribuable (Allingham et Sandmo, 1972, pp. 337-338).<br />

Les hypothèses sur les paramètres - Les modèles présentés apparaissent également<br />

réducteurs quant aux hypothèses qu'ils présentent sur les paramètres. Par exemple le taux d'impôt<br />

est toujours considéré comme un taux strictement proportionnel alors que de nombreux systèmes<br />

fiscaux proposent en réalité <strong>des</strong> barèmes à taux progressifs (Allingham et Sandmo, 1972, p. 338). De<br />

plus les hypothèses retenues sur la probabilité d'inspection ignorent certaines caractéristiques <strong>des</strong><br />

programmes d'amnistie. En considérant la probabilité de détection comme fixe, les modèles font<br />

l'hypothèse que l'administration fiscale n'est pas en mesure d'utiliser toute l'information dont elle<br />

dispose pour optimiser l'efficacité <strong>des</strong> contrôles (Alm et Beck,1990, p.451, note 4).<br />

L'absence de comportements stratégiques - Une <strong>des</strong> hypothèses retenues dans les<br />

trois modèles et qui ne semble pas réaliste est l'absence de comportement stratégique de la part <strong>des</strong><br />

acteurs concernés. Les modèles considèrent en fait que le gouvernement met toujours en place<br />

exactement la politique fiscale qu'il annonce (Andreoni, 1990, p.145). Par conséquent, il jouit d'une<br />

parfaite crédibilité vis-à-vis <strong>des</strong> contribuables. Ces derniers prennent donc leur décision sur la base<br />

de la politique annoncée. Ces hypothèses semblent bien réductrices, notamment par rapport à la<br />

capacité que possède le gouvernement d'utiliser l'amnistie fiscale comme un moyen d'envoyer un<br />

certain signal au contribuable sur la politique fiscale qu'il mène ou prétend mener.<br />

Le caractère statique <strong>des</strong> modèles - Une importante limite <strong>des</strong> modèles présentés est le<br />

fait qu'ils soient essentiellement statiques. Ce cadre théorique limité ne permet pas d'analyser les<br />

effets de moyen ou long terme <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>. Cette limite rend notamment impossible<br />

d'analyser le fait qu'une amnistie puisse faciliter le passage à une politique d'exécution fiscale plus<br />

stricte, d'étudier l'impact <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> sur les recettes <strong>fiscales</strong> futures ou encore sur la participation<br />

future <strong>des</strong> contribuables au système fiscal (Malik and Schwab, 1989, p. 41 note 16 et p. 45).<br />

Le contexte d'élaboration <strong>des</strong> modèles - Enfin, bien que les auteurs aient cherché à<br />

obtenir <strong>des</strong> résultats les plus généraux possibles dans une tentative d'abstraction de la problématique<br />

<strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>, force est de constater que les modèles restent "prisonniers" du contexte dans<br />

lequel ils ont été élaborés. En effet, les trois modèles d'amnistie fiscale présentés ont été élaborés<br />

par <strong>des</strong> auteurs américains et s'inspiraient de la vague d'<strong>amnisties</strong> qu'ont connus les Etats-Unis dans<br />

les années 80 (Alm et Beck, 1990 p.433; Andreoni, pp. 143-144 et Malik et Schwab, 1989, p.29). Par<br />

137


conséquent, ces trois modèles se bornent finalement à analyser le type d'amnistie qui est apparu dans<br />

le différents états américains à cette période, notamment <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> qui ne portent que sur le taux<br />

de pénalité et pas le taux d'impôt (Macho-Stadler et alii, 1999, p.441). Ils peuvent donc ne pas être<br />

adéquats pour analyser les types d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> edictés dans d'autres pays du monde ou à<br />

d'autres pério<strong>des</strong>.<br />

138<br />

Malgré un certain nombre de résultats intéressants en relation avec le débat <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>, la<br />

liste <strong>des</strong> limites énoncées démontrent la difficulté que représente une tentative d'élaborer un modèle<br />

théorique général d'amnistie fiscale ainsi que le potentiel d'amélioration <strong>des</strong> modèles présentés dans<br />

ce chapître. Sur la base <strong>des</strong> critiques dont ont fait l'objet les modèles de ce chapitre, il convient de<br />

s'intéresser, dans la suite de ce travail, aux améliorations qui pourrait leur être apportées. En outre,<br />

un certain nombre d'arguments relatifs aux <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> ne peuvent simplement pas être traités<br />

dans le cadre théorique général offert par ce type de modèle. Il convient donc également de<br />

s'intéresser à <strong>des</strong> modèles adoptant une perspective différente <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> et qui<br />

permettent ainsi de répondre à <strong>des</strong> questions laissées ouvertes.


139<br />

IV.Développements récents et validations empiriques <strong>des</strong> modèles<br />

d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong><br />

La troisième partie de ce travail avait pour objectif de montrer comment l'analyse économique<br />

permet d'appréhender formellement le phénomène <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>. Les trois modèles<br />

d'amnistie fiscale présentés étaient basés très étroitement sur le modèle d'évasion fiscale<br />

d'Allingham et Sandmo. Ils avaient d'ailleurs en commun de tirer leur inspiration de la critique de<br />

l'un ou l'autre aspect de ce modèle fondateur. Néanmoins ils restaient, sur le plan théorique,<br />

extrêmement proche du modèle d'Allingham et Sandmo, limitant de ce fait les résultats théoriques<br />

qu'ils permettent d'obtenir. En effet, ces modèles restent d'une part étroitement basés sur le modèle<br />

de l'utilité espérée et d'autre part ils retiennent parfois <strong>des</strong> hypothèses peu réalistes concernant les<br />

différents paramètres. En outre nous avons vu que ces modèles ne formulaient que peu d'hypothèses<br />

explicites sur le type d'amnistie analysé. En fait, tous les auteurs de ces modèles étant américains, ils<br />

se référaient implicitement aux types d'<strong>amnisties</strong> ayant été édictés aux Etats-Unis dans les années<br />

huitante. Enfin ces modèles constituaient un exercice pur de modélisation économique <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong><br />

<strong>fiscales</strong> dont l'objectif est de dériver <strong>des</strong> résultats théoriques. Par conséquent, ces modèles n'ont<br />

alors pas directement fait l'objet de tests empiriques par leurs auteurs.<br />

Ainsi, l'objectif de cette dernière partie est d'offrir, de manière non formalisée un aperçu d'un certain<br />

nombre de modèles qui permettent de compléter, développer ou dépasser les premières tentatives de<br />

modélisation soit sur le plan théorique, soit sur le plan empirique. Dans le chapitre 11, nous<br />

présenterons d'abord les améliorations et innovations que certains modèles fournissent sur le plan du<br />

cadre théorique utilisé pour l'analyse <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>. Le chapitre 12 traitera <strong>des</strong> innovations<br />

concernant les hypothèses sur les paramètres entourant l'octroi d'une amnistie fiscale. Puis une<br />

présentation <strong>des</strong> nouveaux types d'amnistie que les modèles sous revue dans cette partie permettent<br />

de formaliser sera proposée dans le chapitre 13. Enfin, nous verrons dans le chapitre 14 que certains<br />

modèles ont également été conçus afin de permettre de tester empiriquement certains résultats.<br />

11.Essai de classification de modèles plus aboutis : cadres théoriques et résultats<br />

Le présent chapitre propose une analyse <strong>des</strong> différents cadres théoriques de modèles proposant un<br />

enrichissement par rapport aux modèles de la troisième partie. Ainsi que les principales innovations<br />

que ceux-ci amènent à l'analyse <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> seront abordées. Un certain nombre de<br />

modèles restent relativement proches <strong>des</strong> premiers modèles d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> d'un point de vue<br />

théorique avec une approche stricte en terme d'utilité espérée à laquelle seules quelques<br />

modifications sont apportées. D'autres s'en distancient par un élargissement de l'analyse à d'autres<br />

agents que le seul contribuable-type considéré par les premiers modèles. Enfin plusieurs modèles ,


en mobilisant <strong>des</strong> théories économiques d'inspirations fort diverses, représentent un changement<br />

radical par rapport à l'approche en terme d'utilité espérée.<br />

11.1.Les modifications et améliorations <strong>des</strong> modèles d'utilité espérée<br />

Les modèles présentés dans la partie précédente sont <strong>des</strong> modèles reposant étroitement sur la théorie<br />

de l'utilité espérée. Malgré la pertinence théorique de la démarche de ces modèles, ils souffraient de<br />

certaines insuffisances. Les modèles considérés dans cette section permettent d'enrichir les<br />

premières tentatives de modélisation <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> sous plusieurs aspects.<br />

D'abord les modèles présentés dans la deuxième partie utilisaient tous un cadre d'analyse statique<br />

qui ne permet pas une éventuelle analyse <strong>des</strong> effets de long terme <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>, effets<br />

pourtant souvent décrits comme cruciaux dans la littérature. Ainsi, certains modèles plus aboutis<br />

proposent de replacer l'analyse <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dans un cadre théorique dynamique.<br />

Ensuite les premiers modèles d'<strong>amnisties</strong> faisaient notamment l'hypothèse réductrice que tous les<br />

contribuables sont identiques, c'est-à-dire que ces modèles adoptaient une approche en terme de<br />

contribuable-type. Or il semble clair que cette hypothèse manque de réalisme. Afin de remédier à<br />

cette insuffisance certains modèles font l'hypothèse que les contribuables sont hétérogènes,<br />

notamment au niveau du revenu ou du degré d'aversion au risque.<br />

Enfin, les premiers modèles d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> débouchaient sur <strong>des</strong> résultats ambigus dûs au<br />

manque de précision <strong>des</strong> hypothèses concernant le comportement du contribuable face au risque 1 .<br />

Alors que certains <strong>des</strong> modèles qui vont être présentés contournent le problème en faisant<br />

l'hypothèse de contribuables neutres face au risque, d'autres modèles tentent d'affiner ex ante<br />

l'hypothèse d'aversion au risque. Avant d'aborder ces trois aspects de l'analyse théorique, il convient<br />

de donner un aperçu <strong>des</strong> différents modèles qui seront traités.<br />

11.1.1.Un aperçu synthétique <strong>des</strong> modèles d'utilité espérée : les améliorations apportées<br />

Le tableau 11.1. propose un aperçu du cadre théorique proposé par les différents modèles reposant<br />

sur la théorie de l'utilité espérée mais qui permettent d'affiner les modèles présentés dans la<br />

deuxième partie sous différents aspects. Les deux premières colonnes permettent d'identifier les<br />

modèles selon l'année de publication et les auteurs. Les trois colonnes suivantes proposent les<br />

caractéristiques principales permettant de définir le cadre théorique d'un modèle, à savoir la<br />

perspective du modèle concernant le(s) contribuable(s) considéré(s), le comportement du<br />

contribuable face au risque et le traitement du temps dans le modèle. La dernière colonne présente<br />

l'hypothèse retenu dans chaque modèle concernant l'objectif poursuivi par le contribuable.<br />

140<br />

1 Les modèles de référence retenaient l'hypothèse d'aversion au risque sans préciser ex ante le comportement de<br />

l'aversion au risque lorsque le revenu varie. Devant l'ambiguité <strong>des</strong> résultats ainsi obtenus, l'hypothèse adoptée ex<br />

post était en général une aversion au risque absolue et décroissante par rapport au revenu (DARA).


141<br />

Références<br />

Tableau 11.1.– le cadre théorique <strong>des</strong> modèles d'utilité espérée<br />

Hypothèses<br />

Date Auteurs Agents Risque Temps<br />

1991 Pommerehne<br />

et Zweifel<br />

1993 Graetz and<br />

Wilde<br />

1999 Macho-<br />

Stadler et<br />

alii<br />

1999 Marchese et<br />

Privileggi<br />

2001 Marchese et<br />

Privileggi<br />

Source : élaboration personnelle<br />

Objectif<br />

contribuable-type Neutralité Statique Maximisation du revenu final espéré<br />

Hétérogènes Neutralité Dynamique Maximisation du revenu net espéré<br />

Hétérogènes Neutralité Dynamique Minimisation <strong>des</strong> montants d'impôts et de pénalités<br />

attendues<br />

Hétérogènes CARA, IRRA Statique Maximisation de l'utilité espérée<br />

Hétérogénéité CRRA Statique Maximisation de l'utilité espérée<br />

11.1.2.L'objectif du contribuable : la minimisation <strong>des</strong> impôts<br />

Sur le plan de l'objectif du contribuable, les modèles d'utilité espérée ne proposent pas réellement de<br />

modification radicale. A noter que Macho-Stadler et alii inversent le problème de maximisation du<br />

contribuable retenu dans les modèles de référence. Ils expriment en effet l'objectif du contribuable<br />

en terme de minimisation <strong>des</strong> montants d'impôts et de pénalités attendues (Macho-Stadler et alii,<br />

1999, p. 444). Il est intéressant de noter également que deux modèles expriment le problème de<br />

maximisation directement en terme de revenu et non en terme d'utilité espérée. Cela découle de<br />

l'hypothèse retenue sur le comportement du contribuable selon laquelle celui-ci est neutre face au<br />

risque. Les hypothèses retenues sur les caractéristiques du contribuables et qui déterminent son<br />

comportement sont les éléments au niveau <strong>des</strong>quels les modèles d'utilité espérée apportent les<br />

modifications les plus intéressantes.<br />

11.1.3.<strong>L'analyse</strong> dynamique <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong><br />

Une importante lacune <strong>des</strong> premières tentatives de modélisation était leur cadre d'analyse<br />

exclusivement statique. Certains modèles permettent de dépasser cette insuffisance en inscrivant<br />

l'analyse dans une perspective dynamique. Une approche théorique dynamique permet d'affiner<br />

l'analyse en la rendant certainement plus réaliste.<br />

Des modèles à deux pério<strong>des</strong> - Parmi les modèles d'utilité espérée, deux offrent un<br />

cadre d'analyse dynamique. Le modèle de Graetz and Wilde fait l'hypothèse que le contribuable<br />

maximise sa fonction objectif sur deux pério<strong>des</strong> (Graetz and Wilde, 1993, p.272). Macho-Stadler et<br />

alii mobilisent eux un modèle à générations imbriquées de deux pério<strong>des</strong> également (Macho-<br />

Stadler et alii, 1999, p.440). A chaque période apparaît un certain ensemble d'individus et leurs<br />

obligations <strong>fiscales</strong> durent deux pério<strong>des</strong> (Macho-Stadler et alii, 1999, p.440). Ces modèles<br />

dynamiques permettent d'obtenir certains résultats que les premières tentatives de modélisation ne<br />

permettaient pas d'obtenir.<br />

<strong>L'analyse</strong> dynamique : principaux résultats – L'intérêt essentiel de l'analyse


dynamique est l'obtention <strong>des</strong> résultats concernant les effets de long terme <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>.<br />

D'une part ces modèles montrent qu'un contribuable peut, dans une période ultérieure, être amené à<br />

réviser sa décision initiale d'évasion fiscale et à participer à une amnistie (Graetz and Wilde, 1993,<br />

p.276). Notons que ce résultat n'est pas uniquement dû à l'utilisation de l'analyse dynamique mais<br />

est également dépendant du fait que d'autres paramètres subissent <strong>des</strong> modifications d'une période à<br />

l'autre. Par exemple, le revenu du contribuable est distribué de manière aléatoire entre les pério<strong>des</strong><br />

(Graetz and Wilde, 1993, p.272). Plus intéressant est le résultat obtenu par Macho-Stadler et alii qui<br />

montrent que les effets ex post d'une amnistie, extensive et non anticipée, ne sont, à terme, que<br />

transitoires si l'amnistie n'est pas accompagnée d'une modification au niveau <strong>des</strong> paramètres, par<br />

exemple un renforcement <strong>des</strong> contrôles fiscaux ou une augmentation <strong>des</strong> pénalités (Macho-Stadler<br />

et alii, 1999, p.441). Ce résultat est extrêment important dans le débat sur l'utilisation <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong><br />

<strong>fiscales</strong>. Il démontre en effet que, à long terme, une amnistie fiscale est intrinsèquement incapable<br />

de modifier le comportement <strong>des</strong> contribuables et ainsi de lutter durablement contre l'évasion<br />

fiscale. Ce résultat suggère donc que l'efficacité <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> à long terme n'est pas assurée<br />

et qu'elle nécessite la mise en oeuvre de mesures complémentaires.<br />

11.1.4.L'hypothèse d'hétérogénéité <strong>des</strong> contribuables<br />

Une insuffisance <strong>des</strong> premières tentatives de modélisation <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> est la perspective<br />

en terme de contribuable-type. Cette dernière implique que tous les contribuables sont considérés<br />

comme identiques. Comme le montre le tableau 11.1., plusieurs modèles d'utilité espérée permettent<br />

de dépasser cette hypothèse simplificatrice. Un certain degré d'hétérogénéité peut être introduit par<br />

le biais de différentes caractéristiques <strong>des</strong> contribuables.<br />

Les différentes formes d'hétérogénéité – Les différents modèles considérés dans le<br />

tableau 11.1., introduisent de l'hétérogénéité au niveau de l'aversion au risque (Marchese et<br />

Privileggi, 2001, p.4). Les modèles retenant l'hypothèse de contribuables neutres vis-à-vis du risque<br />

n'introduisent évidemment pas l'hypothèse d'hétérogénéité à ce niveau. Ils l'introduisent alors soit<br />

par le biais du revenu (Graetz and Wilde, 1993, p. 272). Soit ils l'introduisent par le biais de la<br />

probabilité que les montants dissimulés par un contribuable soient découverts par l'administration<br />

fiscale en cas de contrôle (Macho-Stadler et alii, 1999, p.444). Evidemment, les contribuables<br />

peuvent se différencier selon plusieurs caractéristiques à la fois (Marchese et Privileggi, 2001, p.4).<br />

L'hypothèse d'hétérogénéité : implications et résultats - L'intérêt principal de<br />

l'introduction de l'une ou l'autre forme d'hétérogénéité dans le modèle est d'expliquer pourquoi<br />

certains contribuables participent à une amnistie fiscale et d'autres non. Les modèles comprenant<br />

une forme d'hétérogénéité <strong>des</strong> contribuables permettent également de déterminer les caractéristiques<br />

<strong>des</strong> contribuables susceptibles de participer à une amnistie. Graetz et Wilde montrent sous certaines<br />

142


conditions que ce sont les contribuables dont le revenu est inférieur à un certain seuil qui seront<br />

susceptibles de participer à une amnistie (Graetz et Wilde, 1993, p.276). D'autres modèles<br />

aboutissent au même type de résultat au niveau de l'aversion au risque, paramètre crucial <strong>des</strong><br />

modèles d'utilité espérée.<br />

11.1.5.Le comportement du contribuable face au risque<br />

Dans les premières tentatives de modélisation <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>, l'hypothèse était formulée que<br />

le contribuable présentait de l'aversion pour le risque. Cette hypothèse reste générale et ne permet<br />

pas d'obtenir de résultats théoriques clairs. En effet l'hypothèse d'aversion au risque implique que<br />

l'amnistie fiscale constitue une assurance pour le contribuable qui désire se protéger contre le risque<br />

d'un contrôle. Toutefois l'avantage que le contribuable retire de cette forme d'assurance, et donc son<br />

intérêt à participer à une amnistie, dépend du degré d'aversion au risque du contribuable et de la<br />

façon dont cet élément varie par rapport à d'autres paramètres ou variables, notamment le revenu.<br />

L'obtention de résultats dénués de toute ambiguité nécessite donc que le comportement de l'aversion<br />

au risque, notamment par rapport au revenu, soit précisé. Or, préciser le comportement de l'aversion<br />

au risque du contribuable, a priori et sans l'aide de données empiriques, ne constitue pas un exercice<br />

aisé. Comme le montre le tableau 11.1., une solution théorique, adoptée dans plusieurs modèles,<br />

consiste à retenir l'hypothèse selon laquelle le contribuable est neutre face au risque.<br />

La neutralité face au risque - D'une part l'avantage de l'hypothèse de neutralité au<br />

risque est de permettre à un modèle d'isoler certains effets <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> autres que celui de<br />

procurer une forme d'assurance au contribuable. Par exemple, Graetz et Wilde font l'hypothèse d'un<br />

contribuable neutre face au risque afin de focaliser l'analyse exclusivement sur les facteurs<br />

stratégiques qui font que les contribuables sont susceptibles de ne pas déclarer leur revenu (Graetz<br />

and Wilde, 1993, p.273). D'autre part l'analyse <strong>des</strong> premières tentatives de modélisation a démontré<br />

que le contribuable, s'il découvre que son aversion au risque est plus importante que ce qu'il croyait,<br />

désirera déclarer une part plus importante de son revenu (Malik et Schwab,1991, p.32-33). Dans ce<br />

cas le contribuable participera à une amnistie fiscale. Cela illustre indirectement l'avantage<br />

théorique de l'hypothèse de neutralité. Si, toutes choses égales par ailleurs, un modèle démontre,<br />

sous l'hypothèse de neutralité au risque, qu'une amnistie est efficace en terme de participation ou de<br />

recettes <strong>fiscales</strong>, alors cela sera d'autant plus vrai si le contribuable présente de l'aversion pour le<br />

risque, et ce quel que soit la façon dont varie le degré d'aversion par rapport aux autres variables ou<br />

paramètres. La raison est que, si le contribuable présente de l'aversion pour le risque, alors, aux<br />

bénéfices démontrés de l'amnistie, peut s'ajouter l'effet d'assurance pour le contribuable vis-à-vis <strong>des</strong><br />

risques d'être contrôlé et de payer la pénalité (Das-Gupta et Mookherjee, 1995, p.32). Toutefois,<br />

sous l'hypothèse d'un contribuable neutre face au risque, Graetz et Wilde mentionnent que les<br />

143


ecettes <strong>fiscales</strong> attendues devraient diminuer si une amnistie fiscale est accordée (Graetz et Wilde<br />

1993, p. 279).<br />

L'avantage théorique procuré par l'hypothèse de neutralité au risque met en lumière sa limite. En<br />

effet, un modèle qui, sous l'hypothèse de neutralité pour le risque, conclut à l'inefficacité <strong>des</strong><br />

<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> , notamment en terme de recettes <strong>fiscales</strong>, pourrait, toutes choses égales par<br />

ailleurs, arriver à la conclusion inverse en supposant le contribuable comme averse au risque. Par<br />

conséquent, une analyse pertinente <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> nécessite une représentation fidèle du<br />

comportement du contribuable face au risque.<br />

La clarification de l'hypothèse d'aversion au risque - Face à l'ambiguité <strong>des</strong> résultats<br />

liée à l'hypothèse d'aversion au risque, l'autre démarche consiste à préciser comment varie le degré<br />

d'aversion au risque plutôt que de contourner la difficulté en faisant l'hypothèse d'une neutralité du<br />

contribuable face au risque. Certains <strong>des</strong> premiers modèles présentés dans la troisième partie, afin<br />

de clarifier ex post les résultats obtenus, formulaient a posteriori l'hypothèse selon laquelle<br />

l'aversion absolue au risque était décroissante par rapport au revenu ( DARA ou decreasing absolute<br />

risk aversion en anglais). Cette hypothèse a le désavantage de relier directement le comportement<br />

face au risque au niveau de revenu. Or un contribuable "riche" ne peut être considéré a priori<br />

comme moins averse au risque qu'un contribuable moins "riche".<br />

Le modèle de Marchese et Privileggi permet d'affiner les premiers modèles en formulant l'hypothèse<br />

d'une aversion absolue au risque constante (Marchese et Privileggi, 1999, p.2). Dans le tableau x<br />

cette hypothèse est dénotée par CARA, qui signifie constant absolute risk aversion en anglais. Bien<br />

que cette hypothèse décrit un comportement a priori identique entre contribuables riches et pauvres,<br />

elle est en fait utilisée en combinaison avec une fonction d'utilité exponentielle (Marchese et<br />

Privileggi, 1999,p.4). Le recours à une fonction d'utilité exponentielle implique que l'aversion<br />

relative au risque augmente avec le niveau de revenu, ce qui replace l'analyse dans un contexte où le<br />

degré d'aversion au risque du contribuable varie avec le revenu (Marchese et Privileggi, 1999, p.4).<br />

Afin de dépasser ce problème, l'hypothèse d'une aversion relative constante face au risque peut être<br />

formulée (Marchese et Privileggi, 2001, p.3). Elle est dénotée par CRRA (constant relative risk<br />

aversion) dans le tableau 11.1. Cette hypothèse implique effectivement que le niveau d'aversion au<br />

risque et donc le montant de l'évasion fiscale est indépendante du niveau de revenu. Ainsi les<br />

participants à une amnistie ne seront pas forcément les contribuables les plus riches.<br />

L'aversion au risque constante : principaux résultats - Si l'on retient une aversion<br />

absolue au risque constante (CARA), alors il est possible de définir un certain seuil d'aversion au<br />

risque, en <strong>des</strong>sous duquel les contribuables accepteront l'amnistie indépendamment de leur niveau<br />

de revenu (Marchese et Privileggi 1999, p. 4). Cela signifie qu'une amnistie permet de sélectionner<br />

144


les contribuables ayant l'aversion au risque la plus faible et qui ont, par conséquent, soustraits les<br />

montants les plus importants. Toutefois, comme nous l'avons vu, le modèle réstitue un lien entre<br />

revenu et aversion au risque parce qu'il a recours à une fonction d'utilité exponentielle (Marchese et<br />

Privileggi 1999, p. 4). Cela signifie que, pour un taux d'impôt de l'amnistie donné, les contribuables<br />

qui participent à l'amnistie sont tout de même ceux qui ont soustrait un montant suffisament élevé<br />

en pourcentage de leur revenu pour qu'une telle participation soit justifiée (Marchese et Privileggi,<br />

1999, p. 4). Il existe donc également un seuil d'évasion fiscale en proportion du revenu en deçà<br />

duquel le contribuable ne participe pas à l'amnistie.<br />

Le résultat précédant suggère donc qu'une amnistie est capable d'inciter les contribuable ayant<br />

soustrait les plus gros montants d'impôt à les déclarer et ainsi d'accroître les recettes <strong>fiscales</strong>.<br />

Marchese et Privileggi testent la sensibilité du modèle et de ses résultats à une modification de<br />

l'hypothèse d'aversion au risque. Si l'on retient l'hypothèse d'une aversion relative au risque<br />

constante (CRRA), alors les contribuables qui participent à l'amnistie ne sont plus ceux dont le<br />

degré d'aversion au risque est inférieur à un certain seuil mais ceux dont le degré d'aversion au<br />

risque tombe dans un certain intervalle (Marchese et Privileggi, 1999, p.3). De même, ne<br />

participeront à l'amnistie, que les contribuables dont les montants soustraits en pourcentages du<br />

revenu réel sont compris dans un certain intervalle. Ainsi, dans les cas où la borne inférieure de<br />

l'intervalle d'aversion au risque est non nulle, une amnistie sera incapable d'induire les contribuables<br />

qui présentent l'aversion au risque la plus faible et ont soustraits les montants les plus importants à<br />

les déclarer. En effet, les contribuables ayant soustraits <strong>des</strong> impôts et dont le degré d'aversion au<br />

risque se trouve en deçà de la borne inférieur de l'intervalle sont ceux qui ont à la fois soustraits les<br />

montants les plus importants et ne participeront pas à l'amnistie. La validation <strong>des</strong> hypothèses<br />

évoquées et <strong>des</strong> résultats qu'elles impliquent nécessite un test empirique que nous aborderons dans<br />

le chapitre 14.<br />

Les modèles, dits d'utilité espérée, qui ont été présentés dans cette section ont en commun le fait<br />

qu'ils se focalisent uniquement sur le comportement du contribuable. Ainsi il ne prennent pas en<br />

compte d'éventuelles influences entre les décisions de différents agents économiques. Les modèles<br />

dits d'interactions stratégiques permettent de dépasser cette insuffisance.<br />

11.2.Les modèles d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> avec interactions stratégiques<br />

Une insuffisance <strong>des</strong> modèles présentés jusqu'ici est constituée par le fait qu'ils se focalisent de<br />

manière étroite sur la formalisation du comportement du contribuable. Cette démarche implique que<br />

l'analyse ne tient ni compte de l'impact de la décision du contribuable sur d'autres agents<br />

économiques ni de l'effet réciproque <strong>des</strong> autres agents sur la décision du contribuable. Certains<br />

modèles que nous qualifierons de modèles d'interactions stratégiques permettent de dépasser cette<br />

145


insuffisance soit en intégrant dans le problème du contribuable la décision <strong>des</strong> autres agents, soit en<br />

formalisant les objectifs propres <strong>des</strong> autres agents et leur influence sur la décision du contribuable.<br />

11.2.1.Un aperçu synthétique <strong>des</strong> modèles d' interactions stratégiques<br />

Le tableau 11.2. reprend les critères utilisés pour distinguer les modèles d'utilité espérée les uns par<br />

rapport aux autres et propose un aperçu synthétique <strong>des</strong> modèles dits d'interactions stratégiques.<br />

Références<br />

Tableau 11.2.– Le cadre théorique <strong>des</strong> modèles d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> avec interactions stratégiques<br />

Objectifs<br />

Date Auteur(s) Contribuable(s) Gouv./ Administration Cont Gvt<br />

2004 Torgler et<br />

Schaltegger<br />

1995 Das-Gupta et<br />

Mookherjee<br />

2000 Marceau et<br />

Mongrain<br />

1996 Das-Gupta et<br />

Mookherjee<br />

Maximisation de la valeur attendue<br />

Maximisation de la valeur attendue de la<br />

richesse<br />

Maximisation de l'utilité espérée<br />

Maximisation de la valeur finale<br />

attendue de la fortune après impôts<br />

Maximisation <strong>des</strong> recettes nettes<br />

attendues<br />

Minimsation <strong>des</strong> coûts liés à<br />

l'évasion fiscale<br />

Maximisation <strong>des</strong> recettes nettes<br />

attendues<br />

1996 Franzoni Maximisation de l'utilité espérée Maximisation <strong>des</strong> recettes<br />

<strong>fiscales</strong> nettes<br />

1991 Stella Maximisation de l'utilité espérée Minimisation <strong>des</strong> coûts liés à la<br />

collecte <strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong><br />

Source : élaboration personnelle<br />

-<br />

Hétérogènes<br />

Hypothèses<br />

Agents Risque Temps<br />

-<br />

Neutralité<br />

Stat/Dyn<br />

Cont.-type Type Neutralité Statique<br />

Hétérogènes Type Neutralité Statique<br />

146<br />

Cont.-type Type Neutralité Dynamique<br />

Hétérogènes Type DARA Statique<br />

Cont.-type Hétér. Aversion Dynamique<br />

Le tableau 11.2. montre que les modèles d'interactions stratégique ne proposent pas qu'un cadre<br />

d'analyse statique. Certains en effet proposent un cadre théorique dynamique permettant d'obtenir<br />

<strong>des</strong> résultats sur les effets de long terme <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>. Le tableau 11.2. montre encore que<br />

la plupart <strong>des</strong> modèles d'interactions stratégiques adopte l'hypothèse que les contribuables sont<br />

neutres face au risque. Le modèle de Stella soutient l'hypothèse d'une aversion au risque sans la<br />

préciser alors que Franzoni adopte lui une aversion au risque absolue et décroissante. Ces éléments<br />

ayant été largement traités dans le cadre <strong>des</strong> modèles d'utilité espérée, il n'apparaît pas nécessaire d'y<br />

revenir. La colonne mentionnant les agents considérés montre que ces modèles, contrairement aux<br />

modèles d'utilité espérée, prennent également en compte la perspective du gouvernement ou de<br />

l'administration fiscale. Cette prise en compte du comportement d'autres agents permet la<br />

formalisation d'interactions stratégiques entre ces agents sous diverses formes.<br />

11.2.2.Les formes d'interactions stratégiques<br />

Il ressort du tableau 11.2. que deux types différents d'agent sont considérés : le contribuable et le<br />

gouvernement. Théoriquement il est donc possible d'obtenir trois formes d'interactions : une<br />

interaction entre contribuables, une interaction entre contribuable et gouvernement ou une<br />

interaction entre gouvernements. Sur le plan formelle, l'interaction s'exprime par l'introduction de la<br />

variable stratégique de chaque agent dans la fonction d'objectif de l'autre.<br />

L'interaction entre contribuables - Le tableau 11.2. montre que la premier modèle


considéré ne formule pas de fonction d'objectif pour le gouvernement. Cela s'explique par le fait que<br />

le modèle de Torgler et Schaltegger considère une interaction entre contribuables. En effet, le<br />

modèle fait l'hypothèse que le contribuable maximise sa fonction d'objectif en considérant l'action<br />

<strong>des</strong> autres individus comme donnée (Torgler et Schaltegger, 2004, p.13). Cela signifie que la<br />

décision <strong>des</strong> autres contribuables joue un rôle dans le comportement maximisateur du contribuable<br />

considéré. Sur le plan théorique, l'hypothèse d'une interaction entre contribuables a pour implication<br />

que l'ampleur initiale de l'évasion fiscale est moindre en comparaison <strong>des</strong> modèles qui ne font pas<br />

cette hypothèse 1 . Ainsi, la probabilité qu'une amnistie soit efficace sera, toutes choses égales par<br />

ailleurs, plus faible puisque les montants évadés initiaux sont eux-mêmes moindres.<br />

L'interaction entre le(s) contribuable(s) et le gouvernement - Les autres modèles<br />

d'interactions stratégiques adoptent une forme contribuable(s)-gouvernement. Cette forme<br />

d'interaction nécessite la formulation d'une fonction objectif pour le gouvernement, ce que les<br />

modèles d'utilité espérée ne proposent pas. L'objectif du gouvernement est exprimé essentiellement<br />

de deux façons différentes. Soit le gouvernement cherche à minimiser les coûts liés à l'évasion<br />

fiscale et à la collecte <strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong>. Ces coûts recouvrent essentiellement la perte de recettes<br />

<strong>fiscales</strong> due à la non déclaration de certains revenus ainsi que les coûts liés à la mise en place de<br />

contrôles fiscaux et à l'ouverture de procédure de poursuite si <strong>des</strong> montants dissimulés sont<br />

découverts (voir notamment Marceau et Mongrain, 2000, p. 265 et Stella, 1991, pp. 388-389). Soit<br />

le gouvernement cherche à maximiser les recettes <strong>fiscales</strong> collectées nettes <strong>des</strong> coûts liées à leur<br />

collecte ou aux mesures visant au respect de la législation fiscale (voir notamment Das-Gupta et<br />

Mookherjee, 1995, p. 7). L'interaction intervient d'une part dans la mesure où le contribuable<br />

détermine les montants qu'il déclare notamment en fonction de la probabilité d'être détecté, de la<br />

pénalité ordinaire ainsi que de la pénalité pratiquée dans le cadre de l'amnistie, éléments qui sont<br />

déterminés par le gouvernement (voir Das-Gupta et Mookherjee, 1995, p.7). L'interaction intervient<br />

d'autre part dans la mesure où l'objectif du gouvernment dépend par exemple <strong>des</strong> actifs illégaux que<br />

le contribuable déclare dans le cadre de l'amnistie et <strong>des</strong> revenus courants qu'il déclare par la voie<br />

ordinaire. A ce titre il est intéressant de voir dans le tableau 11.2. qu'aucun modèle d'interactions<br />

stratégiques ne propose une augmentation de la croissance comme un objectif du gouvernement.<br />

Toutefois le modèle de Das-Gupta et Mookherjee permet une première approche. Ce modèle<br />

montre, dans un cadre statique, qu'une amnistie non seulement permet au gouvernement de réaliser<br />

un gain net par la diminution <strong>des</strong> coûts liés aux mesures visant à faire respecter la législation fiscale<br />

mais qu'elle est aussi capable, moyennant une incitation suffisamment élevée, d'induire les<br />

147<br />

1 En effet, dans le modèle de Torgler et Schaltegger, la condition qui garantie que le contribuable déclare la totalité de<br />

son revenu est moins stricte par rapport à celle du modèle initial d'Allingham et Sandmo si l'on fait l'hypothèse d'une<br />

interaction entre contribuables (voir Torgler et Schaltegger, 2004, p.14, équation (2) )


contribuables à "blanchir" <strong>des</strong> actifs qu'ils détenaient illégalement et ainsi de réduire l'importance de<br />

l'économie souterraine (Das-Gupta et Mookherjee, 1995, p.7).Bien que ce modèle ne permette pas<br />

de le démontrer, il est possible de penser que la réallocation <strong>des</strong> actifs vers l'économie formelle<br />

puisse accélérer la croissance sous l'hypothèse que les dits actifs jouiraient d'un rendement plus<br />

élevé dans l'économie formelle.<br />

A noter finalement qu'aucun modèle d'interactions stratégiques à notre connaissance ne se réfère à<br />

une forme d'interaction qui concernerait le gouvernement d'une part et une entreprise d'autre part.<br />

Cette forme d'interaction stratégique particulière dans le cadre d'une amnistie fiscale est donc<br />

susceptible d'être explorée dans une recherche future.<br />

L'interaction entre gouvernements - Enfin la forme d'interaction stratégique qui<br />

consisterait à considérer deux ou plusieurs gouvernments a, à notre connaissance, été laissé hors du<br />

champs de l'analyse économique <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> jusqu'ici 1 . Or une telle démarche théorique<br />

ne serait pas dénuée d'intérêt étant donnée le phénomène de "vagues" d'<strong>amnisties</strong> observées aux<br />

Etats-Unis et également en Europe. Notamment, une interaction entre gouvernements profitant de<br />

l'évasion fiscale et ceux qui en souffrent apparaît plausible 2 . <strong>L'analyse</strong> <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> sous cet<br />

angle apparaît être un champs de recherche possible à l'avenir.<br />

En plus <strong>des</strong> différentes formes possibles d'interactions, les modèles d'interactions stratégiques ont<br />

<strong>des</strong> caractéristiques propres qui permet de les distinguer les uns <strong>des</strong> autres. Ces caratéristiques sont<br />

l'objet de la prochaine section.<br />

11.2.3.Les caractéristiques propres aux modèles d'interactions stratégiques<br />

Bien que tous les modèles d'interactions stratégiques ne le mentionnent pas explicitement, ce type<br />

de modèle mobilise de manière plus ou moins importante les concepts de la théorie <strong>des</strong> jeux 3 . Le<br />

tableau 11.3. propose un aperçu <strong>des</strong> modèles d'interactions stratégiques selon quatre concepts<br />

importants de la théorie <strong>des</strong> jeux : la stratégie <strong>des</strong> agents, la forme du jeu, l'information et le type<br />

d'équilibre.<br />

148<br />

1 Stella introduit une hypothèse d'hétérogénéité concernant le gouvernment. Cette hypothèse ne signifie toutefois pas<br />

qu'il y ait interaction entre plusieurs gouvernements. L'hétérogénéité est en fait inhérente à une asymétrie<br />

d'information en défaveur du contribuable, du point de vue duquel le gouvernment a potentiellement différentes<br />

formes de fonction de coûts <strong>des</strong> contrôles fiscaux (Stella, 1991, p.389).<br />

2 En Suisse, plusieurs réactions <strong>des</strong> parlementaires ont fait suite à l'amnistie fiscale italienne de 2003. Notamment la<br />

conseillère nationale Barabara Polla déposa une initiative sur une amnistie fiscale générale. Un <strong>des</strong> arguments<br />

avancés étaient le fait que de nombreux pays européens mettaient en place <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> et qu'une amnistie<br />

en suisse permettrait de compenser le départ <strong>des</strong> capitaux européens (Polla, 2003).<br />

3 La théorie <strong>des</strong> jeux est un outil théorique, dont les bases ont notamment été posées par les mathématiciens Emile<br />

Borel (1871-1956) et John von Neumann (1903-1957), et qui permet d'étudier les situations dans lesquelles les<br />

agents interagissent (Osbourne, 2004, pp.1-2). En collaboration avec Oscar Morgenstern, Von Neumann a apporté<br />

<strong>des</strong> développements décisifs à la théorie <strong>des</strong> jeux. (Voir Von Neumann J. And Morgenstern, O., "The Theory of<br />

Games and Economic Behaviour", Princeton, N.J., Princeton Univerity Press, 1944.)


149<br />

Date<br />

Références<br />

Auteur(s)<br />

2004 Torgler et<br />

Schaltegger<br />

1995 Das-Gupta et<br />

Mookherjee<br />

2000 Marceau et<br />

Mongrain<br />

Tableau 11.3. – Caractéristiques <strong>des</strong> modèles d'interaction stratégiques<br />

Forme<br />

Cont<br />

Stratégie(s)<br />

Gvt<br />

Information<br />

Equilibre<br />

normale pure pure parfaite -<br />

normale pure pure parfaite Fonctions de réaction<br />

extensive mixte pure imparfaite Nash parfait en sous-jeu<br />

1996 Franzoni extensive pure pure parfaite Fonctions de réaction<br />

1991 Stella normale pure mixte Incomplète Nash<br />

Source : élaboration personnelle<br />

Les stratégies <strong>des</strong> agents – Le tableau 11.3. montre que la plupart <strong>des</strong> modèles<br />

d'interactions stratégiques propose un jeu en stratégie pure (voir encadré 11.1.). Toutefois Marceau<br />

et Mongrain propose une stratégie mixte pour le contribuable. En effet, le choix du contribuable est<br />

déterminé par un choc aléatoire sur le gain lié à l'évasion (Marceau et Mongrain, 2000, p.261). Ce<br />

choc est aléatoire et survient selon une loi de probabilité (Marceau et Mongrain, 2000, p.261). Par<br />

conséquent, la décision du contribuable de participer à l'amnistie dépend de cette probabilité. Stella,<br />

lui introduit, la possibilité d'une stratégie mixte pour le gouvernment au niveau du taux de contrôle<br />

fiscal (Stella, 1991, p.393).<br />

Notons finalement que l'élément crucial eu égard à la stratégie d'un agent est la variable qu'il<br />

maîtrise. Dans les modèles d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> avec interactions strategiques, la variable stratégique<br />

retenue concernant le contribuable peut être le montant de revenu ou de fortune dissimulé<br />

(Franzoni, 1996, p.8), le revenu déclaré (Torgler et Schaltegger, 2004, p. 13) ou simplement le<br />

choix entre commettre un crime ou non, en l'occurence l'évasion fiscale (Marceau et Mongrain,<br />

2000, p. P.261) d'une part. D'autre part le contribuable détermine si oui ou non il participe à<br />

l'amnistie et dans quelle mesure il le fait (Marceau et Mongain, 2000, p.262). Les variables<br />

stratégiques retenues pour le gouvernement varient en fonction de ce que cherche à démontrer le<br />

modèle. On trouve principalement l'incitation offerte par l'amnistie (Marceau et Mongrain, 2000,<br />

p.265) et le taux de contrôle fiscal (Stella, 1991, p.389). Par ailleurs, ormis les stratégies respectives<br />

<strong>des</strong> agents, une autre caractéristique importante <strong>des</strong> modèles d'interactions stratégiques eu égard aux<br />

résultats visés est constituée par la séquence selon laquelle se déroule le jeu, on parle de la forme<br />

d'un jeu (voir encadré 11.1.).


150<br />

Encadré 11.1 – Les éléments de la théorie <strong>des</strong> jeux<br />

La notion de stratégie - En théorie <strong>des</strong> jeux, une stratégie est une règle de décision qui spécifie la façon dont l'agent (ré)agit dans<br />

chaque situation qui peut se présenter à lui et qui nécessite un mouvement de sa part (Mas-Colell et alii, 1995, p.228). La théorie <strong>des</strong><br />

jeux distingue deux types de stratégie : la stratégie pure et la stratégie mixte. Un jeu en stratégie pure signifie que le joueur choisi sa<br />

stratégie de manière déterministe alors qu'on parle de stratégie mixte pour un joueur lorsqu'il existe une distribution de probabilité sur<br />

son ensemble de stratégies (Mas-Colell et alii, 1995, pp.231-232). Cela signifie que chaque stratégie d'un joueur n'a pas forcément la<br />

même probabilité d'être jouée qu'une autre.<br />

La forme du jeu - La théorie <strong>des</strong> jeux distingue deux principales formes de jeux : les jeux sous forme normale et les jeux sous forme<br />

extensive. Un jeu sous forme normale est un jeu où tous les joueurs prennent leur décision simultanément (Caparros et alii, 2005,<br />

pp.33-35). Un jeu sous forme extensive est caractérisé par une séquence particulière dans la prise de décision <strong>des</strong> différents agents<br />

(Caparros et alii, 2005, pp.33-35).<br />

Le concept d'équilibre et la fonction de réaction - Un équilibre est, de manière générale, une stratégie présentant certaines propriétés<br />

impliquant que cette stratégie a été choisie par l'agent choisie par l'agent. En théorie <strong>des</strong> jeux, l'équilibre de référence est l'équilibre de<br />

Nash, formulé par le mathématicien John Nash au début <strong>des</strong> années 50 (Osborne, 2004, pp.1-2). Dans le cadre d'un jeu sous forme<br />

normal à deux joueurs par exemple, l'équilibre de Nash peut être défini comme la stratégie de laquelle chaque joueur n'a pas intérêt à<br />

dévier étant donnée la stratégie de l'autre (Osborne, 2004, p.22). Dans le cadre d'un jeu sous forme extensive, on parle d'un équilibre<br />

parfait en sous-jeu pour définir un équilibre de Nash qui présente la caractéristique d'être robuste à l'équilibre stationnaire (Osborne,<br />

2004, p.164). Par conséquent, tout équilibre parfait en sous-jeu est un équilibre de Nash et tout équilibre parfait en sous-jeu est une<br />

stratégie qui génère un équilibre de Nash pour chaque sous-jeu (Osborne, 2004, p.164). Certains modèle ne s'intéresse pas à l'équilibre<br />

mais uniquement à la façon dont réagit un agent à chaque stratégie de l'autre. L'ensemble <strong>des</strong> réactions optimales de l'agent concerné est<br />

alors décrit par une fonction de réaction ou fonction de meilleure réponse.<br />

L'information – La théorie <strong>des</strong> jeux distingue les jeux en information complète <strong>des</strong> jeux en information incomplète. Un jeu en<br />

information complète est un jeu dans le cadre duquel les agents connaissent toutes les informations pertinentes concernant les autres<br />

joueurs (Mas-Colell et alii, 1995, p. 253). Un jeu en information incomplète est a contrario un jeu dans lequel une ou plusieurs<br />

informations concernant un ou plusieurs agents ne sont pas connues <strong>des</strong> autres agents. Dans une telle situation, les joueurs sont appelés<br />

à formuler une estimation <strong>des</strong> préférences <strong>des</strong> autres agents et vice-versa. Cette difficulté peut être contournée en supposant que les<br />

péférences <strong>des</strong> agents sont déterminer par la réalisation d'une variable aléatoire. Si la distribution de probabilité de la variable aléatoire<br />

est connue de tous les agents, sa réalisation n'est observée que par l'agent concerné. On parle alors de jeu en information imparfaite<br />

(Mas-Colell et alii, 1995, pp.253-254).<br />

Sources : Osborne, Mas Colell et alii et Caparros et alii<br />

La forme du jeu – Le tableau 11.3. montre que les modèles d'interactions stratégiques<br />

retiennent majoritairement une forme normale de jeu. Toutefois deux modèles, ceux de Franzoni et<br />

Marceau et Mongrain adoptent une forme de jeu extensive. Par exemple, Marceau et Mongrain<br />

(2000) déterminent très précisément la séquence selon laquelle se déroule les prises de décision<br />

entre contribuable et gouvernement. Dans l'ordre, le gouvernment annonce d'abord la mise en place<br />

d'une certaine politique de contrôle fiscal ainsi que l'éventuel octroi d'une amnistie. L'individu<br />

décide ensuite s'il va déclarer la totalité de son revenu ou non. Après que l'individu ait subit un choc<br />

au niveau du gain qu'il retire du fait de soustraire ses impôts au gouvernement, le gouvernement<br />

déclare l'amnistie. Les contribuables décident s'ils participent ou non à l'amnistie. Enfin les<br />

contrôles fiscaux sont exécutés et permettent de détecter un certain nombre de contribuables qui<br />

n'ont pas complétement déclarer leur dû et n'ont pas participé à l'amnistie (Marceau et Mongrain,<br />

2000, p.262). La forme que prend un jeu en général et dans le domaine <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> en<br />

particulier, joue un rôle important notamment dans l'équilibre auquel le jeu va aboutir.<br />

L'équilibre <strong>des</strong> modèles et les fonctions de réactions – La plupart <strong>des</strong> modèles<br />

d'interactions stratégiques ne calculent pas d'équilibre mais concentrent l'analyse sur les fonctions de<br />

réaction (voir encadré) <strong>des</strong> agents car ce sont elles qui sont déterminantes eu égard à la notion<br />

d'interactions stratégiques. Par exemple, la réponse du contribuable en terme de participation à<br />

l'amnistie dépend du niveau de l'incitation fixé par le gouvernement (Das-Gupta et Mookherjee,<br />

1995, p.7 et Franzoni, 1996, p.8). Et le niveau <strong>des</strong> recettes nettes du gouvernement dépend lui


même de la réaction du contribuable (Das-Gupta et Mookherjee, 1995, p.7 et Franzoni, 1996, p.10).<br />

Dans le modèle de Stella la fonction de réaction du contribuable établit la relation entre le taux de<br />

contrôle fiscal pratiqué par le gouvernement observé par le contribuable et la proportion <strong>des</strong> revenus<br />

que le contribuable déclare au gouvernement (Stella, 1991, p.390).<br />

Notons tout de même que, malgré le fait qu'ils ne les calculent pas complètement, certains modèles<br />

mentionnent le type d'équilibre auquel ils se réfèrent. Le tableau 11.3. montre que les modèles de<br />

Stella ainsi que celui de Marceau et Mongrain se réfèrent à l'équilibre de Nash (voir encadré). Le<br />

modèle de Marceau et Mongrain analyse la problématique <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> à l'aide du concept<br />

d'équilibre de Nash parfait en sous-jeu (Marceau et Mongrain 2004, p.262). Ainsi, à l'aide de cet<br />

outil théorique, Marceau et Mongrain analysent la décision du contribuable de participer à une<br />

amnistie comme un choix stratégique étant donnée l'offre d'une amnistie par le gouvernement.<br />

L'information – La dernière caractéristique qu'il convient de traiter est le niveau<br />

d'information dont jouissent les différents agents. Evidemment l'analyse <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong><br />

comme moyen de lutte contre l'évasion présuppose que le gouvernment ne connaisse pas a priori le<br />

revenu du contribuable. De ce point de vue tous les modèles d'amnistie fiscale présuppose qu'il y ait<br />

une asymétrie d'information en faveur <strong>des</strong> contribuables. Par conséquent les mentions du tableau<br />

11.3. ne prennent pas en compte cet élément puisqu'il est inhérent à tous les modèles. Le tableau<br />

11.3. montre que les modèles de Marceau et Mongrain et de Stella propose une analyse en<br />

information imparfaite et incomplète respectivement.<br />

Le modèle de Marceau et Mongrain introduit un choc aléatoire sur le gain que le contribuable retire<br />

de l'évasion fiscale (Marceau et Mongrain, 2000, p.261). Suivant la définition d'un jeu en<br />

information imparfaite, seul le contribuable observe la réalisation du choc et décide en fonction s'il<br />

participe à l'amnistie ou pas. Le gouvernement connaît uniquement la distribution de probabilité<br />

concernant le choc, c'est-à-dire la probabilité qu'un contribuable soit affecté par un choc négatif.<br />

Ainsi, le choc sur le gain lié à l'évasion est nécessaire pour que l'amnistie ait un impact sur la<br />

décision du contribuable. Le caractère stratégique du modèle et le fait qu'il intègre le problème du<br />

gouvernment, implique que le choc influence également le niveau auquel le gouvernment fixe le<br />

niveau de contrôle fiscal et le niveau d'incitation de l'amnistie, en l'occurence la réduction du taux<br />

de pénalité (Marceau et Mongrain, 2000, p.265). Le modèle de Marceau et Mongrain montre qu'il<br />

peut être profitable pour le gouvernement d'octroyer une amnistie dans la mesure ou cela lui permet<br />

de réduire les coûts engendrer par le contrôle fiscal (Marceau et Mongrain, 2000, p.269). En effet,<br />

si la proportion de contribuables concernés par un choc négatif sur les gains issus de l'évasion<br />

fiscale est suffisamment importante, le gouvernment pourra réintégrer ces contribuables dans le<br />

système fiscal par le biais de l'amnistie tout en diminuant les coûts liés au contrôle fiscal.<br />

151


Le modèle de Stella est un modèle en information incomplète dans la mesure où les contribuables<br />

ne connaissent pas la fonction de coût de l'administration fiscale (Stella, 1991,p.389). Les<br />

contribuables sont ainsi appelés à formuler une estimation de la capacité de l'autorité fiscale à mener<br />

<strong>des</strong> contrôle fiscaux. Les contribuables prennent leur décision sur la base <strong>des</strong> informations que leur<br />

livre le gouvernement, en l'occurence le taux de contrôle, et ajustent leurs anticipations selon la loi<br />

de Bayes (Stella, 1991, p.390). Ce cadre théorique permet de lever une hypothèse explicite ou<br />

implicite présente dans tous les modèles d'amnistie fiscale sous revue, c'est-à-dire l'hypothèse selon<br />

laquelle le gouvernement met en place exactement la politique annoncée au préalable (voir par<br />

exemple Marceau et Mongrain, 2000, p.262). Le relâchement de cette hypothèse implique qu'une<br />

amnistie temporaire est peu à même de véritablement engendrer <strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong> additionnelles<br />

pour l'administration fiscale (Stella, 1991, p. 397). Seuls participeront à une amnistie les<br />

contribuables dont la peur de l'augmentation attendue <strong>des</strong> mesures de contrôle fiscal dépassera la<br />

perte inhérente au fait de déclarer les montants soustraits par le passé (Stella, 1991, p.397). Or cette<br />

condition est difficilement remplie parce que d'une part les contribuables sont conscients que le<br />

gouvernement a intérêt à annoncer une politique de contrôle fiscal, en l'occurrence le taux d'audit,<br />

plus stricte que celle réellement mise en place (Stella, 1991, p.386). Par conséquent, la probabilité<br />

que les contribuables craignent une augmentation future <strong>des</strong> mesures de contrôle fiscal est faible.<br />

D'autre part, les contribuables ayant dissimulé d'importants montants par le passé sont<br />

particulièrement peu susceptibles de participer à l'amnistie dans la mesure où ils sont les<br />

contribuables pour lesquels la perte inhérente au fait de déclarer, dans le cadre de l'amnistie, les<br />

montants soustraits est la plus importante (Stella, 1991, p.397).<br />

Malgré une importante modification du cadre théorique, les modèles reposant sur la théorie <strong>des</strong> jeux<br />

ne sont pas réellement en rupture par rapport aux modèles de références dans la mesure où ils<br />

replacent dans un cadre théorique plus large le concept de l'utilité espérée. La théorie de l'utilité<br />

espérée reste l'ensemble d'hypothèses privilégié pour décrire le comportement du contribuable.<br />

Toutefois d'autres modèles s'appuient sur <strong>des</strong> outils théoriques marquant une rupture claire par<br />

rapport à l'approche en terme d'utilité espérée.<br />

152


11.3.<strong>L'analyse</strong> <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> par la théorie <strong>des</strong> perspectives<br />

Dans un article paru en 1990, Alm et Beck mobilisent un instrument original de la théorie<br />

économique afin de l'appliquer à la problématique <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> : la théorie <strong>des</strong> perspectives<br />

ou prospect theory en anglais 1 . Cette démarche constitue une réelle rupture par rapport à la théorie<br />

de l'utilité espérée et mérite pour cela d'être traitée plus en détail. Sur la base de critiques<br />

initialement formulées à l'encontre de la théorie de l'utilité espérée, Kahnemann et Tversky (1979)<br />

ont développé une autre approche de la décision <strong>des</strong> individus dans un contexte d'incertitude à l'aide<br />

de plusieurs concepts innovants.<br />

11.3.1.Les éléments de la théorie <strong>des</strong> perspectives<br />

Les critiques adressées à la théorie de l'utilité espérée - Bien que la théorie <strong>des</strong><br />

perspectives présente certaines caractéristiques de l'utilité espérée (Alm et Beck, 1990, p.442), la<br />

mobilisation de ce corpus théorique marque une rupture claire avec le cadre théorique de l'utilité<br />

espérée. Ceci s'explique par la genèse de la théorie <strong>des</strong> perspectives. En effet, l'élaboration de cette<br />

théorie a été motivée par la recherche d'une alternative à la théorie de l'utilité espérée afin<br />

d'expliquer le comportement <strong>des</strong> individus dans un environnement d'incertitude (Kahnemann et<br />

Tversky, 1979, p. 263). Le développement de la théorie <strong>des</strong> perspectives repose essentiellement sur<br />

deux critiques adressées à la théorie de l'utilité espérée et initialement exprimées par l'économiste<br />

français Maurice Allais en 1953 2 .<br />

La première critique mentionne que les individus, lorsqu'ils font un choix soumis à incertitude,<br />

tendent à écarter les éléments qui sont communs à tous les événements possibles afin de ne se<br />

focaliser que sur les éléments qui les distinguent, simplifiant ainsi la prise de décision (Kahnemann<br />

et Tversky, 1979, p. 271). On parle alors d'un "effet d'isolement" (Kahnemann et Tversky, 1979, p.<br />

271). Ainsi, l'individu ne tient pas compte de chaque événement un à un mais <strong>des</strong> différences<br />

existants entre les différents éléments.<br />

La seconde critique mentionne, contrairement à ce que postule la théorie de l'utilité espérée, que<br />

l'individu ne perçoit pas les probabilités liées aux événements de la même manière (Kahnemann et<br />

Tversky, 1979, p. 263). Cela signifie que les événements ne pèsent pas sur la décision de l'indivdu<br />

en proportion exacte <strong>des</strong> probabilités qui leurs sont associées. Conséquemment aux critiques<br />

formulées, la rupture au niveau théorique est cristalisée par le recours à deux éléments : la fonction<br />

de valeur et la fonction de pondération.<br />

Les éléments innovants de la théorie <strong>des</strong> perspectives - Alors que la théorie de<br />

153<br />

1 La théorie <strong>des</strong> perspectives étudie, comme l'utilité espérée, le comportement <strong>des</strong> individus en contexte d'incertitude.<br />

Le terme perspectives se réfère donc ici au concept de loterie, qui représente plusieurs alternatives risquées.<br />

2 Voir Allais, M, "Le comportement de l'homme rationnel devant le risque : critique <strong>des</strong> postulats et axiomes de l'école<br />

Américaine, Econometrica 21, pp. 503-546, 1953.


l'utilité espérée est construite sur la base d'une fonction d'utilité de type Von Neumann et<br />

Morgenstern, la théorie <strong>des</strong> perspectives substitue à la fonction d'utilité une fonction de valeur. Une<br />

fonction d'utilité de Von Neumann et Morgenstern associe un certain niveau d'utilité auquel se<br />

retrouve l'individu à la réalisation de chaque événement. Au contraire, une fonction de valeur<br />

associe une certaine valeur au gain (ou à la perte) que procure la réalisation d'un événement<br />

(Kahnemann et Tversky, 1979, p. 263). Trois éléments caractérisent cette fonction de valeur.<br />

D'abord, le fait de considérer <strong>des</strong> variations en terme de pertes et gains et non la situation finale de<br />

l'individu implique de définir ces variations par rapport à un point de référence (Kahnemann et<br />

Tversky, 1979, p. 274). D'une manière générale, ce point de référence correspond à la position<br />

courante de l'individu en terme de richesse, position par rapport à laquelle les montants coïncidant<br />

aux pertes et aux gains sont payés respectivement reçus (Kahnemann et Tversky, 1979, p. 274).<br />

Ensuite, cette fonction de valeur est concave s'agissant <strong>des</strong> gains, c'est-à-dire au-delà du point de<br />

référence 1 , et convexe s'agissant <strong>des</strong> pertes, c'est-à-dire en-deçà du point de référence (Kahnemann<br />

et Tversky, 1979, p. 274). Cette caractéristique de la fonction de valeur implique d'une part que la<br />

valeur marginale est décroissante autant par rapport à l'amplitude <strong>des</strong> gains que par rapport à<br />

l'amplitude <strong>des</strong> pertes (Alm et Beck 1990, p.442-443). Elle implique d'autre part que le contribuable<br />

présente de l'aversion pour le risque s'agissant <strong>des</strong> gains et qu'il présente du goût pour le risque<br />

s'agissant <strong>des</strong> pertes. En effet, la fonction de valeur étant convexe s'agissant <strong>des</strong> pertes, le<br />

contribuable préférera à une perte certaine son équivalent risqué dans la mesure où la perte certaine<br />

amène le contribuable à un niveau de la fonction de valeur moins élevé.<br />

Enfin, la fonction de valeur est plus "inclinée" 2 s'agissant <strong>des</strong> pertes que s'agissant <strong>des</strong> gain<br />

(Kahnemann et Tversky, 1979, p. 279). Cela implique que la réduction de valeur induite par une<br />

perte est plus que proportionnelle à l'augmentation de valeur induite par un gain équivalent (à la<br />

perte)(Alm et Beck, 1990, p. 442).<br />

Le second élément marquant la rupture avec la théorie de l'utilité espérée est la fonction de<br />

pondération. Cette fonction attribue un poids à la valeur de chaque événement , appelé "poids de<br />

décision" (Kahnemann et Tversky, 1979, p. 280). Ce poids mesure l'impact de certains événements<br />

sur le choix d'un individu confronté à <strong>des</strong> alternatives risquées (Kahnemann et Tversky, 1979, p.<br />

280). La fonction de pondération présente trois propriétés importantes. Premièrement, le poids de<br />

décision est une fonction croissante de la probabilité qu'un événement se réalise (Kahnemann et<br />

Tversky, 1979, p. 280). Deuxièmement, la fonction de pondération "sur-pondèrent" les événements<br />

154<br />

1 D'un point de vue graphique, ce point de référence correspond à l'origine. Pour une représentation graphique d'une<br />

fonction de valeur voir Kahnemann et Tversky, 1979, p279<br />

2 En termes mathématiques cela signifie que la valeur absolue de la dérivée première de la fonction de valeur<br />

s'agissant d'une perte est supérieure à la valeur absolue de la dérivée première de la fonction de valeur pour un gain<br />

équivalent.


présentant une très faible probabilité (Kahnemann et Tversky, 1979, p. 281). Cette propriété signifie<br />

que le poids accordé à un événement ayant une faible probabilité de se réaliser est supérieur à cette<br />

probabilité. Troisièmement, la fonction de pondération "sous-pondère" les événements présentant<br />

une probabilité élevée (Alm et Beck, 1990, p.443).<br />

11.3.2.<strong>L'analyse</strong> par la théorie <strong>des</strong> perspectives : principaux résultats<br />

L'ambiguité de l'impact du taux de pénalité – Dans leur modèle de 1991, Alm et<br />

Beck appliquent la théorie <strong>des</strong> perspectives à la problématique <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> et dérivent <strong>des</strong><br />

résultats en terme de statique comparative. Par rapport aux résultats obtenus sur la base <strong>des</strong> modèles<br />

d'utilité espérée, seules les prédictions concernant le taux de pénalité apparaissent différentes.<br />

L'effet d'une variation du taux de pénalité pratiqué dans le cadre de l'amnistie sur la participation à<br />

l'amnistie est ambigu contrairement à ce que prédit les modèles d'utilité espérée (Alm et Beck, 1990,<br />

p.446). Cela est dû au fait que la pénalité ne concerne que la partie négative de la fonction de valeur,<br />

celle <strong>des</strong> pertes (Alm et Beck, 1990, p.446). Or, sur cette portion de la fonction de valeur, le<br />

contribuable est caractérisé par un goût pour le risque (Alm et Beck, 1990, p.446). Par conséquent<br />

une augmentation du taux de pénalité peut aussi bien augmenter que diminuer la participation du<br />

contribuable à l'amnistie fiscale (Alm et Beck, 1990, p.446). L'effet exact dépend en fait de l'ampleur<br />

avec laquelle le contribuable présente du goût pour le risque. Si le contribuable présente un goût<br />

pour le risque suffisamment important, alors le revenu déclaré dans le cadre de l'amnistie diminue<br />

lorsque la pénalité appliquée dans le cadre de l'amnistie augmente (Alm et Beck, 1990, p.446). Dans<br />

ce cas les résultats rejoignent ceux obtenus dans le cadre <strong>des</strong> modèles d'utilité espérée.<br />

L'importance de l'information entourant une amnistie fiscale - Toutefois le réel<br />

intérêt de l'utilisation de la théorie <strong>des</strong> perspectives dans le domaine <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> fiscale réside<br />

dans la présence d'un point de référence à partir duquel les variations de revenu sont évaluées. Les<br />

modèles d'utilité espéré sont dépourvu d'un tel élément et adopte implicitement le point de vue d'un<br />

contribuable pour lequel la norme est de ne pas déclarer son revenu. Dans le cadre de la théorie <strong>des</strong><br />

perspectives, l'impact d'une amnistie réduisant le taux d'impôt dépend du point de référence du<br />

contribuable (Alm et Beck, 1990, p.443). Si son point de référence est l'ensemble <strong>des</strong> montants<br />

soustraits et accumulés par le passé, c'est-à-dire si l'évasion fiscale constitue la norme, alors il est<br />

peu probable que le contribuable participe à l'amnistie (Alm et Beck, 1990, p.445). Si au contraire le<br />

fait de payer <strong>des</strong> impôts est considéré comme la norme, alors le contribuable est plus susceptible de<br />

déclarer la totalité <strong>des</strong> montants dûs à l'administration (Alm et Beck, 1990, p.445). Un résultat<br />

important découlant de l'utilisation de la théorie <strong>des</strong> perspectives dans l'analyse <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong><br />

<strong>fiscales</strong> est donc que le but d'un projet d'amnistie peut être de modifier le point de référence du<br />

contribuable (Alm et Beck, 1990, p.446). En effet, par la campagne d'information entourant<br />

155


l'amnistie, le gouvernement peut rendre les contribuables conscients du caractère criminel de<br />

l'évasion fiscale et du fait que payer ses impôts est la norme (Alm et Beck, 1990, p.446). A contrario<br />

il est important de noter que le risque existe qu'une amnistie puisse également engendrer une<br />

détérioration de la participation <strong>des</strong> contribuables honnêtes au système fiscal en faisant apparaître le<br />

fait de ne pas payer ses impôts comme la norme (Alm et Beck, 1990, p.447).<br />

La théorie <strong>des</strong> perspectives qui vient d'être présentée constituait une approche différente de celle<br />

proposée pas la théorie de l'utilité espérée et permet d'obtenir <strong>des</strong> résultats nouveaux concernant la<br />

réaction du contribuable à une amnistie fiscale. Toutefois, autant les modèles d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong><br />

basés sur la théorie <strong>des</strong> perspectives que sur l'utilité espérée ne prennent pas en compte un type<br />

particulier de contribuables : les entreprises. La prochaine section présente un modèle qui traite plus<br />

particulièrement de la réaction d'une entreprise face à l'octroi d'une amnistie fiscale.<br />

11.4.La théorie <strong>des</strong> options réelles d'investissement<br />

La théorie de l'utilité espérée, mobilisée par les modèles de référence, transpose à la problématique<br />

<strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> un outil utilisé originellement pour analyser les décisions du consommateur<br />

dans un contexte d'incertitude (Mas-Colell et alii, 1995, p.167). Or, cet outil théorique se réfère aux<br />

concepts de la théorie du consommateur que sont l'utilité et les préférences. Si, comme le font les<br />

premiers modèles d'amnistie fiscale, la transposition de cet outil théorique pour analyser la décision<br />

du citoyen -contribuable en présence d'une amnistie paraît pertinente, tel n'est pas forcément le cas<br />

si le contribuable se trouve être une entreprise. Par conséquent, les modèles présentés jusqu'ici ne<br />

permettent pas automatiquement d'analyser la décision d'une entreprise face à une amnistie fiscale<br />

de manière pertinente. Sur ce plan, un modèle élaboré par de Mello-e-Souza (2004) analyse la<br />

décision d'une entreprise face à l'opportunité d'une amnistie fiscale en mobilisant la théorie de<br />

l'investissement en adoptant une approche par les options réelles d'investissement ou real options<br />

approach to investment en anglais.<br />

11.4.1.L'application de la théorie <strong>des</strong> options réelles aux <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong><br />

Les éléments de la théorie <strong>des</strong> options réelles d'investissement - La théorie <strong>des</strong><br />

options réelles d'investissement (dénommée théorie <strong>des</strong> options réelles par la suite) qui propose une<br />

explication de la décision d'une entreprise de procéder à un investissement repose sur une critique<br />

de la théorie néoclassique de l'investissement qui consiste à calculer la valeur présente nette d'un<br />

investissement (Dixit et Pindyck, 1994, pp. 4-5). Or, la méthode de la valeur présente nette repose<br />

sur <strong>des</strong> hypothèses implicites qui ne sont pas forcément vérifiées en réalité. En adoptant une<br />

position critique par rapport à la théorie néoclassique, la théorie <strong>des</strong> options réelles met en évidence<br />

trois caractéristiques essentielles d'une décision d'investissement (Dixit et Pindyck, 1994, p.3).<br />

D'abord un investissement est partiellement ou complétement irréversible (Dixit et Pindyck, 1994,<br />

156


p.3). Cela signifie que tout ou partie <strong>des</strong> coûts liés à l'investissement ne peuvent pas être récupérés<br />

par l'entreprise si l'investissement s'avère ex post moins rentable que prévu initialement (Dixit et<br />

Pindyck, 1994, p.6). Ensuite, le rendement de l'investissement est lui-même incertain. Au mieux<br />

une distribution de probabilité peut être attribuée aux différents événements possibles, chacun<br />

correspondant à <strong>des</strong> profits plus ou moins importants (Dixit et Pindyck, 1994, p.3). Enfin, étant<br />

donnée l'incertitude à laquelle elle est soumise l'entreprise dispose d'une marge de manoeuvre dans<br />

la mesure où elle maîtrise le timing de l'investissement, c'est-à-dire le moment auquel il est engagé<br />

effectivement (Dixit et Pindyck, 1994, p.3). En repoussant l'investissement dans le temps,<br />

l'entreprise peut réduire l'incertitude en accumulant de nouvelles informations concernant sa<br />

situation future (Dixit et Pindyck, 1994, p.3). Cet élément a donné son nom à la théorie <strong>des</strong> options<br />

réelles. Par analogie aux options d'achat sur les actifs financiers, la possibilité pour une entreprise<br />

d'engager un investissement réel ou non peut être considérée comme une "option réelle"(Dixit et<br />

Pindyck, 1994, p.7). Le caractère irréversible de l'investissement implique que la décision de<br />

l'entreprise de procéder effectivement à l'investissement "tue" l'option dont bénéficiait l'entreprise,<br />

créant un coût d'opportunité pour l'entreprise (Dixit et Pindyck, 1994, p.6).<br />

L'amnistie fiscale comme une option réelle d'investissement – Dans un modèle de<br />

2004, de Mello-e-Souza formalise, à l'aide de la théorie <strong>des</strong> options réelles, la situation d'une<br />

entreprise dont le gouvernement exige le paiement d'impôts de retard et de pénalités et à laquelle est<br />

proposée une amnistie (de-Mello-e-Souza, 2004, p.5). L'entreprise cherche à minimiser le paiement<br />

futur d'impôts dans un contexte où elle est susceptible de faire faillite et ses rendements sont soumis<br />

à incertitude (de-Mello-e-Souza, 2004, pp.5-6). Le paiement <strong>des</strong> arriérés et <strong>des</strong> pénalités peut être<br />

évité si l'entreprise gagne son procès contre l'administration, procès dont l'issue est incertaine (de<br />

Mello-e-Souza, 2004, pp.5-6). Le paiement peut être également réduit par la participation à<br />

l'amnistie (de Mello-e-Souza, 2004, pp.5-6). La décision de participer à une amnistie est analogue à<br />

un investissement en ce sens qu'elle peut permettre à l'entreprise de réduire le paiement total <strong>des</strong><br />

impôts qu'elle doit à l'administration sur plusieurs pério<strong>des</strong> et ainsi accroître sa profitabilité. La<br />

principale variable de décision en main de l'entreprise est celle de participer ou non à l'amnistie,<br />

étant donnée l'éventualité que l'offre d'une amnistie soit réitérée (de-Mello-e-Souza, 2004, p.5).<br />

Conformément à la théorie <strong>des</strong> options réelles, la décision de participer à une amnistie est prise dans<br />

un contexte d'incertitude. Elle est irréversible car dès que l'entreprise a décidé d'y participer cela<br />

implique un retrait de la plainte de l'entreprise et par conséquent l'impossibilité de gagner son procès<br />

d'une part (de-Mello-e-Souza, 2004, p.6). D'autre part l'entreprise est ensuite tenue d'immédiatement<br />

commencer à verser à l'administration les montants d'impôts dûs dans le cadre de l'amnistie (de-<br />

Mello-e-Souza, 2004, p.6). La probabilité qu'une seconde amnistie soit éventuellement octroyée<br />

157


dans le future donne son caractère d'"option" à l'amnistie. L'entreprise peut ne pas participer à<br />

l'amnistie courante et attendre <strong>des</strong> informations supplémentaires concernant notamment les profits<br />

ou la probabilité de gagner le procès (de-Mello-e-Souza, 2004, p.6). Ce modèle permet notamment<br />

de comparer le comportement optimal d'une entreprise d'une part lorsqu'une seule amnistie est<br />

octroyée et d'autre part lorsque la probabilité d'une seconde amnistie existe.<br />

11.4.2.L'amnistie fiscale et le comportement de l'entreprise : principaux résultats<br />

Il ressort du modèle de de Mello-e-Souza que les variables qui déterminent le comportement d'une<br />

entreprise lors de l'octroi d'une amnistie fiscale ne sont pas identiques aux variables déterminant la<br />

réaction d'un individu. En effet, son comportement dépend de variables qui sont propres à son<br />

environnement comme le risque de tomber en faillite, la classe de risque à laquelle elle appartient et<br />

la probabilité de gagner en cas de procès contre l'administration fiscale (de Mello-e-Souza, 2004,<br />

p.15). A noter que cette dernière variable pourrait également influencer la décision d'un individu de<br />

participer à une amnistie fiscale. Elle n'a toutefois été mobilisée dans aucun modèle à notre<br />

connaissance.<br />

L'objectif essentiel de de Mello-e-Souza (2004) est en fait de démontrer comment réagit une<br />

entreprise lorsqu'elle est en présence d'une amnistie unique et lorqu'une seconde amnistie est<br />

octroyée, c'est-à-dire en présence d'<strong>amnisties</strong> intermittentes. Pour cela, il compare la solution du<br />

modèle losqu'une seule amnistie est octroyée à la solution du modèle lorsque la probabilité qu'une<br />

seconde amnistie soit octroyée existe (de Mello-e-Souza, 2004, pp.9-13). L'enseignement essentiel<br />

de ce modèle est le fait qu'une entreprise, si elle anticipe l'octroi ultérieur d'une nouvelle amnistie,<br />

sera plus tentée de ne pas participer à l'amnistie courante que si elle avait estimé cette amnistie<br />

comme unique. Par conséquent, du point de vue de l'administration, une amnistie ciblant les<br />

entreprises sera d'autant moins susceptible d'être efficace que les entreprises en question anticipent<br />

d'autres <strong>amnisties</strong> dans le futur. Ces résultats rejoignent ceux obtenus par les modèles considérant<br />

les personnes physiques.<br />

Les deux derniers modèles présentés proposaient d'une part une approche du comportement du<br />

contribuable en rupture avec l'approche basée sur l'utilité espérée et proposaient d'autre part une<br />

approche du comportement de l'entreprise, type de contribuable qui avait été jusque là laissé hors du<br />

champs de l'analyse économique <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>. En outre, les modèles d'interactions<br />

stratégiques proposaient également une formalisation de l'objectif du gouvernement sans toutefois<br />

se référer à un cadre théorique précis concernant le comportement du gouvernement. La prochaine<br />

section aborde un modèle qui offre une explication théorique à l'octroi d'amnistie par un<br />

gouvernement.<br />

158


11.5.L'amnistie fiscale comme une discrimination par les prix : une application de la<br />

théorie du monopole discriminant<br />

A l'instar <strong>des</strong> démarches entreprises pour expliquer le comportement du contribuable, certains<br />

auteurs ont essayé d'offrir une <strong>des</strong>cription théorique du comportement du gouvernement dans le<br />

cadre d'une amnistie fiscale. Une telle démarche théorique est poposée par Marchese et Cassone<br />

dans un modèle qui appréhende les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> comme une forme de discrimination par les<br />

prix et décrit le comportement du gouvernement à l'aide de la théorie du monopole.<br />

11.5.1.Les éléments de la théorie du monopole discriminant<br />

Le modèle économique du monopole pur repose sur quatre hypothèses fondamentales qui sont :<br />

l'homogénéité du produit, l'information parfaite, l'unicité du vendeur (et l'atomicité <strong>des</strong> acheteurs),<br />

et enfin l'impossibilité d'entrer sur le marché (Pinola and Sher, 1981, pp. 351-352). Ce sont<br />

essentiellement les deux dernières hypothèses mentionnées qui assure l'existence d'un monopole<br />

dont le profit est maximisé par la quantité (et le prix) qui égalise(nt) le coût marginal à la recette<br />

marginale au point où la pente de la fonction de coût marginal est supérieure à la pente de la<br />

fonction de recette marginale (Pinola and Sher, 1981, pp.352 et 358-329). Le fait que le profit du<br />

monopole soit maximisé pour un prix (et une quantité) unique(s) repose sur l'hypothèse implicite<br />

que les acheteurs sont homogènes, qu'ils ont tous la même fonction de demande. Si par contre, les<br />

élasticités <strong>des</strong> courbes de demande <strong>des</strong> consommateurs ne sont pas identiques, alors il peut être<br />

profitable pour le monopole de pratiquer <strong>des</strong> prix différents (Pinola and Sher, 1981, p. 366). On<br />

parle alors de discrimination par les prix.<br />

11.5.2.L'amnistie fiscale et la théorie du monopole discriminant : application et résultats<br />

L'amnistie fiscale comme forme de discrimination par les prix – Marchese et<br />

Cassone utilisent ce modèle théorique pour décrire l'octroi d'une amnistie extensive, c'est à dire qui<br />

réduit le taux d'impôt, par un gouvernement dont le comportement est celui d'un monopole<br />

(Marchese et Cassone, 2000, p.21). Le gouvernement monopoleur "vend" aux contribuables un<br />

service de "libération fiscale", qui assure aux contribuables de ne pas faire l'objet de contrôle et<br />

d'éventuelles sanctions (Marchese et Cassone, 2000, p.23). Le prix de ce service n'est autre que<br />

l'impôt dont les contribuables s'acquittent. L'objectif du gouvernement est donc de fixer un taux<br />

d'impôt tel qu'il maximise ses recettes <strong>fiscales</strong> en fixant le prix qui lui permet d'extraire<br />

complètement la rente du "consommateur" (contribuable) (Marchese et Cassone, 2000, p.23). Si les<br />

contribuables sont hétérogènes quant à leur demande pour le service de libération fiscale, c'est-àdire<br />

si certains contribuables sont plus enclins à soustraire leur revenu que d'autre, alors il peut être<br />

profitable pour le gouvernement de discriminer en octroyant une amnistie fiscale et en pratiquant<br />

ainsi deux prix (taux d'impôt) différents.<br />

159


La discrimination par les "prix" et l'accroissement <strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong> – En<br />

modélisant le gouvernment comme un monopoleur qui "vend" un service de "libération fiscale"<br />

permettant d'éviter une éventuelle sanction, Marchese et Cassone cherchent à démontrer qu'il peut<br />

être profitable pour le gouvernment de discriminer entre les contribuables si ceux-ci sont<br />

hétérogènes. En comparant les recettes <strong>fiscales</strong> collectées lorsque le gouvernement pratique un seul<br />

taux d'impôt et lorsqu'il discrimine entre les contribuables en édictant une amnistie extensive, il est<br />

possible de déterminer si et dans quelles conditions une discrimination est profitable. Ce modèle<br />

démontre qu'il est effectivement profitable pour le gouvernment de discriminer entre le contribuable<br />

si la part <strong>des</strong> contribuables contrôlés par l'administration fiscale diminue dans le temps (Cassone et<br />

Marchese, 2000, p.25). Cette condition au succès d'une amnistie fiscale présuppose par exemple que<br />

les contribuables les plus enclins à dissimuler leur revenu soient plus difficiles à détecter que les<br />

contribuables qui sont plus participatifs (Cassone et Marchese, 2000, p.25).<br />

160<br />

Le présent chapitre a proposé une revue relativement exhaustive <strong>des</strong> différents cadres théoriques<br />

utilisés pour analyser le phénomène <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> et les principaux résultats qu'ils<br />

permettent d'obtenir. Il a exposé <strong>des</strong> approches parfois très différentes correspondant à autant de<br />

tentatives différentes de mettre en lumière les multiples problèmes posés par les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>.<br />

Avant de présenter quelques validations empiriques dont certains résultats théoriques ont fait l'objet,<br />

il convient encore de présenter d'une part les innovations qu'ils apportent au niveaux <strong>des</strong> conditions<br />

entourants les <strong>amnisties</strong>. Pour cela le chapitre qui suit propose un retour sur les différents<br />

paramètres pesant sur la décision <strong>des</strong> agents et présente les résultats les plus intéressants liés à ces<br />

paramètres. D'autre part il conviendra dans le troisième chapitre de présenter les différents types<br />

d'<strong>amnisties</strong> appréhendés à travers ces modèles ainsi que les différents résultats touchant aux types<br />

d'<strong>amnisties</strong>.


161<br />

12.Un retour sur les principaux paramètres pertinents<br />

Une analyse pertinente <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> nécessite d'établir <strong>des</strong> hypothèses précises et les plus<br />

réalistes possibles sur les conditions entourant leur édiction et les paramètres pesant sur la décision<br />

<strong>des</strong> agents concernés. Certaines hypothèses concernant les paramètres <strong>des</strong> premiers modèles ,<br />

présentés dans la troisième partie, étaient apparues clairement simplificatrices ou irréalistes. En<br />

outre les premières tentatives de modélisation étant étroitement basées sur le modèle d'évasion<br />

fiscale d'Allingham et Sandmo, il paraît clair que certains paramètres pesant sur la décision <strong>des</strong><br />

agents n'aient pas été pris en compte dans le modèle. Le présent chapitre propose de passer en revue<br />

les améliorations et innovations qu'apportent certains modèles par rapport aux premières tentatives<br />

de modélisation au niveau <strong>des</strong> différents paramètres que sont le revenu, les impôts, les pénalités et<br />

les contrôles fiscaux.<br />

12.1.Le revenu<br />

Les premiers modèles d'amnistie fiscale étaient construits sur <strong>des</strong> hypothèses en partie réductrices,<br />

explicites ou implicites concernant le revenu. Le revenu était à la fois donné de manière exogène et<br />

donné de manière certaine. Les modèles ne considéraient que les contribuables déclarant leur revenu<br />

de manière partielle et le revenu était considéré uniquement comme revenu <strong>des</strong> personnes physiques<br />

et non <strong>des</strong> personnes morales. Cette sous-section présente la façon dont certains <strong>des</strong> modèles<br />

permettent d'affiner l'analyse sur le plan du revenu.<br />

12.1.1.Le caractère aléatoire du revenu<br />

Le fait que le revenu soit donné de manière certaine, ne prend pas en compte deux éléments : les<br />

fluctuations temporelles du revenu et la variation du niveau de revenu entre différents contribuables.<br />

D'une part le revenu peut s'avérer être un flux dont le montant est soumis à une certaine incertitude<br />

due par exemple à <strong>des</strong> fluctuations conjoncturelles. Le revenu, ou une part du revenu a donc en<br />

réalité une composante aléatoire. Certains modèles ont intégré cet élément dans l'analyse en<br />

formulant l'hypothèse que le revenu est une variable aléatoire (Macho-Stadler et alii, 1999, p.443,<br />

Graetz and Wilde, 1993, p.272). Il est important de distinguer cette hypothèse de l'introduction d'un<br />

choc aléatoire tel qu'il est utilisé, par exemple, dans le modèle d'Andreoni (voire Partie II, chap...).<br />

D'aucun pourrait penser qu'un tel choc exprime déjà l'idée d'un revenu alétoire. En fait, les deux<br />

hypothèses son différentes. Le choc aléatoire est un événement qui affecte le niveau de revenu du<br />

contribuable de manière ex post et explique pourquoi celui-ci désire modifier sa décision de se<br />

soustraire à ces obligations et ainsi participer à l'amnistie. L'hypothèse d'un revenu aléatoire<br />

implique, elle, que le revenu est aléatoire ex ante, mais qu'il est connu du contribuable au moment<br />

de le déclarer. Dans cette perspective, cette hypothèse n'apporte pas d'innovation radicale mais


permet uniquement de rendre le modèle plus réaliste.<br />

D'autre part, l'hypothèse d'un revenu distribué aléatoirement apparaît plus intéressant si elle permet<br />

d'introduire une forme d'hétérogénéité entre les contribuables. Ainsi, l'utilisation d'une distribution<br />

aléatoire du revenu au sein <strong>des</strong> contribuables permet de faire l'hypothèse qu'ils sont hétérogènes<br />

quant à leur niveau de revenu (Franzoni, 1996, p.6). Dans ce cas le revenu n'est pas aléatoire du<br />

point de vue d'un contribuable type mais il est distribué aléatoirement entre plusieurs contribuables.<br />

L'introduction d'une hétérogénéité entre les contribuables permet notamment d'analyser les raisons<br />

pour lesquelles certains individus participent aux <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> et d'autres non.<br />

12.1.2.L'endogénéisation du revenu<br />

Les difficultés liées à l'endogénéisation du revenu – Dans les premières tentatives de<br />

modélisation <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>, le revenu est considéré comme exogène afin de simplifier<br />

l'analyse. Cette hypothèse simplifie l'analyse dans la mesure où elle permet d'éviter une mauvaise<br />

définition du modèle ou <strong>des</strong> effets de circularité qui empêcheraient l'obtention de résultats clairs. En<br />

effet, une endogénéisation du revenu du travail par exemple nécessiterait une hypothèse sur la façon<br />

dont celui-ci est généré en introduisant l'offre de travail dans le modèle. Or une <strong>des</strong> variables<br />

déterminant l'offre de travail est le taux d'impôt. Dans un tel modèle d'amnistie fiscale, le taux<br />

d'impôt influencerait le revenu déclaré à la fois directement et à la fois indirectement à travers le<br />

choix de l'individu entre loisir et travail, provoquant une instabilité du modèle. Il pourrait être aussi<br />

considéré qu'une part <strong>des</strong> revenus du contribuable sont <strong>des</strong> subventions versées par le<br />

gouvernement. Dans ce cas le revenu déclaré serait déterminé notamment par le montant <strong>des</strong><br />

subventions reçues, qui seraient déterminées par l'ampleur <strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong>, elles-mêmes<br />

déterminées par le revenu déclaré par le contribuable, créant un phénomène de circularité dans le<br />

modèle (Marchese et Privileggi, 1999, p.3, note 2).<br />

Une tentative d'endogénéisation du revenu - L'endogénéisation du revenu apparaît<br />

donc être un exercice délicat. En fait, parmi les modèles plus aboutis, le modèle de Das-Gupta et<br />

Mookherjee tente une endogénéisation du revenu. Pour cela le modèle formalise la notion de source<br />

de revenu dans un cadre dynamique (Das-Gupta et Mookherjee, 1996, p.412). En première période,<br />

l'hypothèse est effectivement formulée que les revenus du contribuables sont le rendement d'actifs,<br />

formels et informels 1 qu'il détient (Das-Gupta et Mookherjee, 1996, p.412). Or certains actifs sont<br />

<strong>des</strong> actifs informels qui n'ont pas été déclarés à l'administration fiscale auparavant. A la première<br />

période, le contribuable détermine quelle part de ses revenus, légaux et illégaux, il entend déclaré à<br />

l'administration (Das-Gupta et Mookherjee, 1996, p.412). L'endogénéisation intervient à la<br />

1 Das-Gupta et Mookherjee ne définissent pas exactement ce qu'ils entendent par actifs "illégaux" (black assets en<br />

anglais). Ce concept peut vraisemblablement être rapproché de celui d'économie souterraine. Pour une définition<br />

voir Schneider et Enste, 2000, p.79.<br />

162


deuxième période (Das-Gupta et Mookherjee, 1996, p.412). En effet, le montant <strong>des</strong> revenus que le<br />

contribuable a décidé de ne pas déclarer en première période vient s'ajouter au montant <strong>des</strong> actifs<br />

illégaux qui, eux-mêmes engendrent en partie le revenu du contribuable pour la deuxième période<br />

(Das-Gupta et Mookherjee, 1995, p.412). De plus le modèle fait l'hypothèse que les actifs informels<br />

ont un taux de rendement plus élevé que les actifs de l'économie formelle (Das-Gupta et<br />

Mookherjee, 1996, p.412). Sous cette hypothèse le contribuable n'a donc pas d'incitation naturelle à<br />

déclarer les actifs qu'il détient illégalement. Une amnistie pourrait donc être à même de procurer<br />

l'incitation nécessaire.<br />

12.1.3.L'endogénéisation de l'accumulation <strong>des</strong> montants soustraits<br />

L'endogénéisation du revenu présentée est inhérente au caractère dynamique du modèle et n'intègre<br />

pas la décision du contribuable sur le marché du travail ou le retour <strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong> sous forme<br />

de subventions et ne permet donc pas, de ce point de vue, de réellement dépasser certaines limites<br />

premières tentatives de modélisation. Toutefois cette approche permet de dépasser une autre limite<br />

<strong>des</strong> premiers modèles. En endogénéisant le revenu par le biais <strong>des</strong> capitaux qui le génèrent et en<br />

faisant l'hypothèse d'une économie souterraine (actifs illégaux), ce modèle permet d'endogénéiser le<br />

montant d'évasion fiscale préexistant. En effet les actifs illégaux sont alimentés à chaque période<br />

par le montants que le contribuable ne déclare pas à l'administration (Das-Gupta et Mookherjee,<br />

1995, p.412). Les actifs illégaux constituent donc une accumulation de l'évasion fiscale. Deux <strong>des</strong><br />

premiers modèles d'amnistie fiscale avaient effectivement identifié ce paramètre comme un élément<br />

décisif du succès d'une amnistie. Alors qu'Andreoni (1990) ne faisait que le mentionner, le modèle<br />

de Alm et Beck (1990) l'avait formalisé mais de manière exogène. L'endogénéisation de<br />

l'accumulation <strong>des</strong> montants soustraits permet donc une analyse plus pertinente de l'impact d'une<br />

amnistie.<br />

Les revenus d'une entreprise – Les modèles de référence formalisent le comportement<br />

du contribuable à l'aide de fonction d'utilité de Von Neumann et Morgenstern. Cette analyse en<br />

terme d'utilité signifie que l'approche consiste à rendre compte du comportement <strong>des</strong> personnes<br />

physiques vis-à-vis d'une amnistie. De facto cette situation écarte les entreprises de l'analyse. Or il<br />

est clair que la notion de revenu utilisée dans les modèles d'utilité espérée ne peut pas s'appliquer<br />

telle quelle à une entreprise. Parmi les modèles sous revue, un modèle analyse le comportement<br />

d'une entreprise en présence d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> (de Mello-e-Souza, 2004, p.ii). Dans ce cadre<br />

théorique, la notion de revenus est rendue par deux éléments. Le premier est constitué par les<br />

prévisions de croissance <strong>des</strong> recettes (de Mello-e-Souza, 2004, p.6). Le second est la profitabilité au<br />

niveau <strong>des</strong> ventes (de Mello-e-Souza, 2004, p.6). Ces deux éléments sont soumis à incertitude. En<br />

effet, le modèle fait l'hypothèse que l'entreprise peut appartenir à deux classes de risques différentes<br />

163


selon une certaine probabilité (de Mello-e-Souza, 2004, p.6). Or chaque classe de risques correspond<br />

à <strong>des</strong> prévisions de croissance et une profitabilité différentes (de Mello-e-Souza, 2004, p.6). Dans le<br />

cadre du modèle, ces éléments pèsent évidemment sur la décision de l'entreprise de participer ou<br />

non à une amnistie.<br />

La présente sous section a proposé un traitement <strong>des</strong> principales innovations concernant les<br />

hypothèses sur le revenu. Il convient à présent de se pencher sur les éléments innovants concernant<br />

un paramètre directement lié à celui du revenu : celui de l'impôt.<br />

12.2.Les impôts<br />

Les premières tentatives de modélisation <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> ont démontré que le montant d'impôt<br />

dont le contribuable doit s'acquitter constitue un élément important de son comportement. En fait, le<br />

montant global d'impôt dépend principalement de trois éléments : le taux d'impôt, le montant de<br />

revenu déclaré et les intérêts . Or ces éléments sont parfois traités de manière réductrice dans les<br />

modèles de la troisième partie. Nous allons voir comment certains modèles peuvent dépasser<br />

certaines ces insuffisances.<br />

12.2.1.La progressivité du taux d'impôt<br />

Une limite <strong>des</strong> modèles de la troisième partie est de considérer le taux d'impôt comme strictement<br />

proportionnel. Or, dans la plupart <strong>des</strong> systèmes fiscaux modernes, les barèmes permettant le calcul<br />

de l'impôt sur le revenu <strong>des</strong> personnes physiques ou morales sont progressifs 1 , c'est-à-dire que le<br />

taux moyen augmente avec le revenu. Ainsi, certains modèles plus aboutis dépassent cette limite <strong>des</strong><br />

premières tentatives en considérant le taux d'impôt comme progressif (Marchese et Privileggi,<br />

2001, p.4). Une telle hypothèse signifie l'introduction de nouveaux paramètres par rapport aux<br />

premiers modèles d'amnistie fiscale afin d'assurer à la fois la progressivité de l'impôt et la cohérence<br />

du modèle, en particulier le fait que le montant d'impôt dû ne dépasse pas le revenu déclaré<br />

(Marchese et Privileggi, 2001, p.4). Malgré cela, l'introduction d'un taux d'impôt progressif répond<br />

plus à un souci de réalisme dans la perspective de pouvoir effectuer <strong>des</strong> tests empiriques qu'à une<br />

nécessité théorique. En effet, l'introduction d'un taux d'impôt progressif ne modifie pas<br />

fondamentalement les résultats théoriques.<br />

12.2.2.La prise en compte <strong>des</strong> intérêts<br />

Le dernier élément constitutif du montant dû d'impôt est constitué par les intérêts. Ceux-ci ont été<br />

définis dans la première partie comme reflétant la valeur temporelle <strong>des</strong> impôts. Or le cadre<br />

d'analyse adopté dans les premières tentatives de modélisation <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> est<br />

164<br />

1 Notons par exemple que, dans le contexte de vive concurrence fiscale que connaissent les cantons suisses, certains<br />

sont allé jusqu'à introduire un barème d'impôt dégressif pour les plus hauts revenus (Räber, 2006). Un tel système<br />

reste toutefois encore l'exception


essentiellement statique et ne permet donc pas une prise en compte <strong>des</strong> intérêts réellement<br />

pertinente. Sur ce point, aucun modèle n'améliore l'analyse de manière radicale par rapport aux<br />

premiers modèles. Toutefois, le modèle qui considère le comportement d'une entreprise face aux<br />

<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> incorpore un taux d'intérêt sur les impôts dûs (de Mello-e-Souza, p.18). De ce<br />

point de vue, il apparaît être le modèle le plus complet même si la majorité <strong>des</strong> modèles ignorent<br />

l'aspect <strong>des</strong> intérêts certainement dans la mesure où ils ne jouent pas de rôle essentiel eu égard aux<br />

objectifs visés (Graetz and Wilde, 1993, p.272). Le modèle du gouvernement monopoleur propose<br />

lui aussi une formalisation du taux d'intérêt mais il est en fait une partie intégrante <strong>des</strong> pénalités<br />

(Marchese et Cassone 2000, p.22). Il semble donc approprié de traiter ici <strong>des</strong> pénalités infligées par<br />

le gouvernment au contribuables convaincus d'évasion fiscale.<br />

12.3.Les pénalités<br />

Les pénalités sont un <strong>des</strong> instruments grâce auxquels l'évasion fiscale peut être réduite. Le modèle<br />

d'Allingham et Sandmo a démontré qu'en théorie cet instrument peut être fixé à un niveau tel qu'il<br />

fait disparaître l'évasion fiscale. Toutefois tel n'est jamais le cas en réalité car, pour <strong>des</strong> raisons<br />

institutionnelles, il n'est pas possible de fixer le taux de pénalité à un tel niveau. C'est pourquoi les<br />

premiers modèles, présentés dans la deuxième partie, faisaient l'hypothèse d'un taux d'impôt dont le<br />

niveau ne permettait pas d'annuler complètement l'évasion fiscale. En outre, ils faisaient l'hypothèse<br />

d'un montant de pénalité strictement proportionnel. Si cette hypothèse paraît réaliste, elle n'en<br />

demeure pas moins incomplète.<br />

12.3.1.Les sanctions non monétaires<br />

L'hypothèse d'un montant fixe de pénalité - En faisant l'hypothèse d'un taux de<br />

pénalité proportionnel au montant de revenu soustrait, les modèles de référence excluaient de facto<br />

les sanctions non monétaires pouvant être prises à l'encontre <strong>des</strong> contribuables ayant été reconnus<br />

coupables d'évasion fiscale (Allingham et Sandmo, 1972, p.325). Par exemple, les sanctions peuvent<br />

être déterminées par un tribunal qui a la liberté d'infliger par exemple <strong>des</strong> peines de prison et non<br />

seulement <strong>des</strong> sanctions monétaires (Allingham et Sandmo, 1972, p.325). Ainsi, d'un point de vue<br />

théorique, il serait erroné de formaliser ce type de sanctions comme un taux proportionnel au<br />

montant soustrait puisqu'il n'y est pas forcément lié. Certains modèles permettent de remédier à<br />

cette insuffisance. Marceau et Mongrain font par exemple l'hypothèse d'un montant fixe de sanction<br />

qui s'applique à tout criminel découvert par l'administration (Marceau et Mongrain, 2000, p. 261).<br />

Cette hypothèse a l'inconvénient de son avantage puisqu'elle ne permet pas de prendre en compte les<br />

sanctions monétaires qui sont fonction du revenu. Graetz et Wilde proposent, eux, une structure de<br />

pénalité à deux composantes (Graetz and Wilde, 1993, p.273). Une composante proportionnelle aux<br />

montants d'impôt soustraits et une composante fixe permettant d'inclure les coûts non-monétaires<br />

165


(Graetz and Wilde, 1993, p.273).<br />

Les sanctions non monétaires : résultats de statiques comparative – Le modèle de<br />

Graetz and Wilde (1993) permet une analyse différenciée de l'impact d'une diminution de la<br />

sanction suivant que celle-ci est proportionnelle au montant soustrait ou forfaitaire (Graetz and<br />

Wilde, 1993, pp. 276-279). Le modèle montre que le fait de considérer <strong>des</strong> sanctions non-monétaires<br />

et donc non-proportionnelles plutôt que <strong>des</strong> pénalités proportionnelles au revenu soustrait ne<br />

modifie pas radicalement les résultats de statique comparative. En effet, une augmentation du<br />

montant <strong>des</strong> sanctions provoque à la fois une hausse de la participation au système fiscal ainsi qu'à<br />

l'amnistie (Graetz and Wilde, 1993, pp. 277-279). La prise en compte de sanctions non monétaire<br />

permet donc surtout de rendre les modèles plus fidèles à la réalité mais ne modifie pas les résultats<br />

déjà obtenus.<br />

12.3.2.Les pénalités dans l'analyse dynamique<br />

Le cadre statique <strong>des</strong> premiers modèles d'amnistie fiscale ne permettait pas de formuler <strong>des</strong><br />

hypothèses sur le comportement de la pénalité dans le temps. Alors que les modèles dont la<br />

perspective est celle du contribuable font l'hypothèse d'un taux de pénalité constant dans le temps<br />

(Das-Gupta et Mookherjee, 1995, p.8, ou Macho-Stadler et alii, 1999), le modèle formalisant le<br />

gouvernment comme un monopole propose une hypothèse explicite sur le comportement de la<br />

pénalité dans le temps. Du point de vue du gouvernement, la pénalité est une recette fiscale. Dans le<br />

modèle de Cassone et Marchese formalisant le gouvernment comme un monopole discriminant, le<br />

bénéfice net attendu <strong>des</strong> pénalités est une fonction décroissante par rapport au temps (Cassone et<br />

Marchese, 2000, p.22). Cette hypothèse exprime le fait que l'octroi d'une amnistie comporte un coût<br />

d'opportunité dans la mesure où le gouvernement renonce à appliquer les pénalités aux<br />

contribuables participant à l'amnistie (Cassone et Marchese, 2000, p.22). Ainsi, plus l'amnistie est<br />

octroyée tôt dans le temps, plus ce coût d'opportunité est important et le gouvernement doit en tenir<br />

compte dans sa décision d'octroier une amnistie. En outre cette hypothèse exprime également le fait<br />

que l'efficacité <strong>des</strong> contrôles fiscaux et de la capacité de l'administration à prouver que le<br />

contribuable s'est soustrait à ses obligations <strong>fiscales</strong> se détériore dans le temps (Cassone et<br />

Marchese, 2000, p.22). Cela signifie qu'il est d'autant plus facile pour l'administration de découvrir<br />

et prouver la pratique d'évasion fiscale que le délit est récent (Cassone et Marchese, 2000, p.22).<br />

Cette hypothèse a l'ingéniosité de décrire à la fois l'évolution du montant de pénalité dans le temps<br />

mais également l'évolution de la procédure de contrôle fiscal. Cela démontre à quel point ces deux<br />

éléments de la politique fiscale sont étroitement liés. En effet, dans la mesure où la pénalité ne peut<br />

s'appliquer qu'après un contrôle du contribuable par l'administration fiscale, son impact sur la<br />

décision du contribuable ne dépend pas uniquement de son niveau intrinsèque, mais également de<br />

166


l'efficacité de la procédure de contrôle fiscal de l'administration. Ainsi, en toute logique, les<br />

hypothèses <strong>des</strong> prolongements concernant la procédure de contrôle fiscal font l'objet de la prochaine<br />

sous-section<br />

12.4.La procédure de contrôle fiscal<br />

Les modèles présentés dans la deuxième partie de ce travail ont démontré qu'un paramètre-clé<br />

concernant l'efficacité <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> et plus largement de la lutte contre l'évasion fiscale<br />

était la capacité de l'administration à contrôler les contribuables. Dans les premières tentatives de<br />

modélisation, le concept de contrôle fiscal était formalisé par le biais de la probabilité qu'un<br />

contribuable soit contrôlé et découvert, auquel cas il se voyait infliger une pénalité. La<br />

représentation de la procédure de contrôle fiscal à l'aide de ce paramètre unique, exogène et<br />

parfaitement connu du contribuable est à plus d'un titre simplificatrice. En effet, il est possible<br />

d'améliorer l'analyse <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> en formulant <strong>des</strong> hypothèses supplémentaires sur les<br />

déterminants ou le comportement dynamique du paramètre de contrôle fiscal. Ainsi la présente<br />

section montre comment certains modèles affinent la formalisation de la notion de contrôle fiscal<br />

afin de permettre une analyse plus pertinente <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>.<br />

12.4.1.Les déterminants de la probabilité d'être contrôlé<br />

Qu'elle soit considérée comme un paramètre pesant sur la décision du contribuable ou comme une<br />

variable de décision du gouvernement, les premières tentatives de modélisation ne formulent pas<br />

d'hypothèse, ormis le coût du contrôle, sur les éléments qui déterminent la probabilité d'être<br />

contrôlé. Ainsi certains modèles formulent <strong>des</strong> hypothèses explicites sur les éléments qui<br />

déterminent la probabilité d'être contrôlé ou son comportement dans un cadre dynamique.<br />

Le nombre de contribuables ayant soustrait <strong>des</strong> revenus - Les premières tentatives<br />

de modélisation <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> adoptaient le point de vue d'un contribuable type. Certains<br />

modèles plus aboutis dépassent cette limite en considérant <strong>des</strong> ensembles de contribuables. Cette<br />

configuration permet notamment de faire l'hypothèse d'une probabilité d'être contrôlé qui diminue<br />

lorsque le nombre de contribuables qui pratiquent l'évasion fiscale augmente. Une <strong>des</strong> justifications<br />

avancée pour cette hypothèse est que le maintien à un niveau constant de la probabilité qu'un<br />

contribuable soit contrôlé lorsque le nombre de contribuables ayant soustrait tout ou partie de leur<br />

revenu augmente nécessiterait une augmentation <strong>des</strong> ressources allouées au budget consacré aux<br />

contrôles fiscaux ou alors que le contrôle d'un contribuable ayant soustrait tout ou partie de son<br />

revenu soit moins coûteux que le contrôle d'un contribuable honnête (Macho Stadler et alii, 1999,<br />

p.445). Or le budget alloué aux contrôles fiscaux est considéré comme fixe et, de toute évidence, il<br />

est moins coûteux de contrôler un contribuable dont la déclaration est remplie conformément à la<br />

réalité qu'un contribuable qui cherche à se soustraire à ses obligations <strong>fiscales</strong> dont il faudra<br />

167


déterminer le montant exact de la fraude et éventuellement apporter les preuves du crime (Macho<br />

Stadler et alii, 1999, p.445).<br />

Les montants soustraits – L'hypothèse selon laquelle la probabilité d'être contrôlé<br />

dépend du nombre de contribuables ayant soustrait <strong>des</strong> revenus relie la probabilité d'être contrôlé à<br />

une mesure de l'ampleur de l'évasion fiscale. Dans le même ordre d'idée l'hypothèse est également<br />

formulée que la probabilité d'être contrôlé dépend de la part <strong>des</strong> montants qui n'ont pas été déclarés<br />

à l'administration (Macho Stadler et alii, 1999, p.445). Dans ce cas, lorsque la part <strong>des</strong> montants<br />

susceptibles d'être contrôlée diminue, alors la probabilité de contrôle augmente mais moins que<br />

proportionnellement (Macho Stadler et alii, 1999, p.445). La raison est similaire à la justification de<br />

l'hypothèse précédente dans la mesure où l'administration ne peut pas, a priori, réallouer les<br />

montants économisés afin de contrôler uniquement les contribuables ayant soustrait leur revenu<br />

(Macho-Stadler et alii, 1999, p.445). De facto une partie de ces ressources est "gaspillée" pour le<br />

contrôle de contribuables honnêtes (Macho-Stadler et alii, 1999, p.445).<br />

Le fait de déclarer la totalité du revenu ou non – Dans la lignée <strong>des</strong> éléments liés à<br />

l'ampleur de l'évasion fiscale, le comportement même du contribuable peut être un déterminant de<br />

la probabilité de contrôle. Ainsi, la probabilité qu'un contribuable subisse un contrôle peut dépendre<br />

du seul fait que le contribuable déclare ou non la totalité de son revenu. Dans un modèle dynamique,<br />

on trouve par exemple l'hypothèse qu'un contribuable qui avait soustrait une partie de son revenu en<br />

première période mais qui n'avait pas été découvert et qui déclare la totalité de son revenu en<br />

deuxième période verra la probabilité que le montant soustrait précédemment soit découvert<br />

diminuer par rapport à la probabilité courante (Graetz and Wilde, 1993, p.273). Ainsi, dans la<br />

mesure où le contribuable sait que la probabilité de détection <strong>des</strong> montants soustraits en première<br />

période diminuera ex post s'il déclare la totalité de son revenu en deuxième période, le contribuable<br />

est incité à ne pas déclarer une part plus importante en première période qu'il ne l'aurait fait en<br />

présence d'une probabilité d'être contrôlé supérieure (Graetz and Wild, 1993, p.275). L'hypothèse<br />

formulée est logique dans la mesure où l'administration ayant établi l'honnêté du contribuable pour<br />

la deuxième période, ne sera pas incitée à contrôler la situation passée du contribuable. Sous cette<br />

hypothèse, l'analyse de statique comparative de Graetz and Wilde montre que la participation du<br />

contribuable à l'amnistie (en deuxième période) peut être plus importante que sous l'hypothèse d'une<br />

probabilité de contrôle fixe sur les deux pério<strong>des</strong> (Graetz and Wild, 1993, pp.277-278).<br />

Le poids de la probabilité d'être contrôlé - Un autre déterminant de la probabilité<br />

d'être contrôlé découle de l'application de la théorie <strong>des</strong> perspectives à l'analyse <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong><br />

<strong>fiscales</strong>. Le comportement du contribuable y est décrit de manière à ce qu'il surpondère les<br />

événements dont la probabilité qu'ils surviennent est la plus faible (Alm et Beck,1991, p.443). Dans<br />

168


la mesure où une telle surpondération peut concerner la probabilité d'être contrôlé, cela aura un<br />

impact sur la décision de participer à l'amnistie fiscale. Toutefois cet impact n'est pas déterminé a<br />

priori puisque, selon la théorie <strong>des</strong> perspectives, le comportement de l'individu dépend du point de<br />

référence que l'on choisit pour la fonction de valeur (Alm et Beck, 1990, p.443).<br />

La technologie de contrôle - La technologie selon laquelle les contrôles fiscaux sont<br />

mis en place joue également un rôle dans la probabilité de contrôle. Certains modèles intègrent, en<br />

effet, un paramètre qui reflète la technologie à disposition de l'administration, par exemple la<br />

puissance du système informatique ou le nombre d'inspecteurs fiscaux employés (Macho-Stadler et<br />

alii, 1999, p.446). La relation entre la probabilité de contrôle et le niveau technologique de<br />

l'administration est évidemment a priori considérée comme positive (Macho-Stadler et alii, 1999,<br />

p.446). L'intérêt de ce paramètre est qu'il permet de déterminer l'impact d'une augmentation du<br />

niveau de technologie à disposition de l'administration sur l'efficacité d'une amnistie fiscale mais<br />

également de déterminer l'impact d'une amnistie sur l'efficacité d'un processus d'amélioration <strong>des</strong><br />

contrôles fiscaux (Macho-Stadler et alii, 1999, p.440). Ainsi Macho Stadler et alii montrent d'une<br />

part que sans une amélioration de la technologie de contrôle fiscale une amnistie n'a d'effet que si<br />

elle est extensive (Macho-Stadler et alii, 1999, p.454). D'autre part, ils montrent que les effets<br />

(positifs) liés à une amélioration de la technologie de contrôle peuvent être accélérés grâce à<br />

l'édiction d'une amnistie fiscale.<br />

Ces résultats théoriques montrent qu'une amnistie fiscale peut être utilisée comme un outil<br />

permettant d'accélérer la mise en place d'un système de contrôle fiscal plus performant et permettant<br />

de mieux lutter contre l'évasion fiscale. De ce point de vue, l'amnistie fiscale apparaît comme une<br />

mesure permettant indirectement de réduire l'ampleur de l'évasion fiscale dans une économie.<br />

12.4.2.La probabilité de découvrir les montants soustraits<br />

Après la présentation d'un certain nombre d'éléments déterminant la probabilité de contrôle, il<br />

convient de mentionner une autre limite <strong>des</strong> premières tentatives de modélisation <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong><br />

<strong>fiscales</strong> dans la manière d'appréhender les contrôles fiscaux. Ceux-ci font en effet l'hypothèse<br />

simplificatrice que, si un contribuable qui n'a pas déclaré la totalité de son revenu est contrôlé par<br />

l'administration, alors ce contrôle débouche avec certitude sur la découverte du montant soustrait<br />

(voir par exemple Andreoni, 1990, p.145). En fait, il est tout à fait plausible que, à l'issue d'un audit,<br />

l'administration conclut à l'honnêteté du contribuable alors que tel n'est en réalité pas le cas. Pour<br />

remédier à cette insuffisance, certains modèles distinguent formellement la probabilité pour le<br />

contribuable de subir un contrôle fiscal et la probabilité que ce contrôle débouche sur la mise à jour<br />

du délit (voir par exemple Macho-Stadler et alii, 1999, p.444). Le paramètre supplémentaire<br />

qu'implique cette hypothèse permet d'introduire de l'hétérogénéité dans le modèle. Chaque<br />

169


contribuable peut effectivement être caractérisé par une probabilité qu'il soit découvert qui lui est<br />

propre bien qu'il ait la même probabilité d'être contrôlé que les autres contribuables (Macho-Stadler<br />

et alii, 1999, pp.443 et 444). L'hétérogénéité ainsi introduite permet d'expliquer pourquoi certains<br />

contribuables participent à une amnistie et d'autres pas alors qu'ils ont tous la même probabilité<br />

d'être contrôlés. Cette hypothèse permet notamment de formaliser le fait que <strong>des</strong> contribuables<br />

peuvent soustraire deux types de revenu dont la source est de nature différente (légale vs illégale) et<br />

qui n'auraient par conséquent pas la même probabilité d'être découverts (Das-Gupta et Mookherjee,<br />

1995, p.6 et 1996, p.413). Pour illustrer cela, un exemple concret serait le fait qu'un agriculteur peut,<br />

en vendant ses produits au noir, dissimuler ses revenus plus facilement que ne pourrait le faire un<br />

employé de la fonction publique (Macho-Stadler et alii, 1999, pp.443).<br />

Sur le plan théorique, cette hypothèse implique que la probabilité pour le contribuable de subir une<br />

pénalité est plus faible que dans les modèles où uniquement la probabilité d'être contrôlé était<br />

considérée. En effet, la probabilité qu'un contrôle réussisse est désormais le produit de la probabilité<br />

de subir un contrôle et de la probabilité de découvrir le montant soustrait (Macho-Stadler et alii,<br />

1999, p.444). Par conséquent, l'évasion ex ante est toutes choses égales par ailleurs plus importante<br />

dans un modèle considérant aussi la probabilité que les montants soustraits soient effectivement<br />

découverts. Ce résultat accroît, toutes choses égales par ailleurs, le potentiel de succès d'une<br />

amnistie dans la mesure où il a déjà été mis plusieurs fois en évidence que l'évasion préexistante<br />

jouait un rôle déterminant dans le succès d'une amnistie.<br />

Malgré l'hypothèse d'une probabilité de contrôle et d'une probabilité d'être découvert différentes, la<br />

formalisation de la procédure de contrôle fiscale peut encore être affinée par rapport aux premières<br />

tentatives de modélisation <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>, notamment par la notion de la probabilité<br />

d'entreprendre <strong>des</strong> poursuites.<br />

12.4.3.La probabilité d'engager <strong>des</strong> poursuites envers le contribuable<br />

Une autre insuffisance <strong>des</strong> premiers modèles d'amnistie fiscale au niveau de la formalisation de la<br />

procédure de contrôle est qu'ils font l'hypothèse implicite que, une fois le contrôle effectué et la<br />

présence d'évasion fiscale attestée, l'administration va forcément engager <strong>des</strong> poursuites et les mener<br />

à leur terme. Un tel point de vue fait clairement abstraction du fait que l'engagement de poursuites<br />

implique <strong>des</strong> coûts pour l'administration qu'il n'est pas forcément économiquement justifié de<br />

supporter. Das-Gupta et Mookherjee (1995), par exemple, intègrent dans leur modèle deux<br />

paramètres qui pallient cette insuffisance. D'une part, en supplément de la probabilité d'être contrôlé<br />

et de la probabilité d'être découvert, un paramètre exprimant la probabilité d'engager <strong>des</strong> poursuites<br />

est introduit dans le modèle (Das-Gupta et Mookherjee, 1995, p.6). D'autre part ils intègrent un<br />

paramètre exprimant le coût découlant de l'engagement <strong>des</strong> poursuites et distinct du coût inhérent au<br />

170


fait d'exercer <strong>des</strong> contrôles fiscaux sur les contribuables (Das-Gupta et Mookherjee, 1995, p.6). Ces<br />

deux paramètres permettent, dans le cadre d'un modèle avec interaction stratégique, de formaliser le<br />

problème <strong>des</strong> agents de manière plus complète. Egalement en lien avec l'opportunité pour le<br />

gouvernement d'engager <strong>des</strong> poursuites, de Mello-e-Souza (2004) estime qu'une entreprise faisant<br />

l'objet de poursuites peut évidemment contester les accusations d'évasion fiscale à son encontre.<br />

Ainsi, cet argument est formalisé dans le modèle par l'introduction d'une probabilité que l'entreprise<br />

gagne son procès contre l'administration fiscale (de Mello-e-Souza, 2004, pp.5-6). Cet élément est<br />

important eu égard au succès d'une amnistie dans la mesure où la décision de l'entreprise de<br />

participer à une amnistie peut dépendre de la probabilité de succès au tribunal si elle fait recours<br />

contre la décision de l'administration (de Mello-e-Souza, 2004, pp.5-6).<br />

12.4.4.Le manque de crédibilité du gouvernement<br />

Une dernière hypothèse retenue dans les premières tentatives de modélisation et qui n'est pas<br />

forcément réaliste est le fait que le gouvernement soit parfaitement crédible eu égard à sa politique<br />

de contrôle fiscal (Andreoni, 1991, p.145). Cela signifie que le gouvernement met toujours à<br />

exécution exactement la politique qu'il annonce même ci elle ne permet pas de maximiser les<br />

recettes <strong>fiscales</strong> ex post (Andreoni, 1991, p.145, note 5). Par conséquent le contribuable croiera<br />

toujours à la politique annoncée (Andreoni, 1991, p.145, note 5). L'hypothèse de la crédibilité de la<br />

politique du gouvernement s'exprime dans le modèle à travers le fait que les éléments liés à la<br />

politique menée par le gouvernement sont fixés de manière exogène, certaine et sont parfaitement<br />

connus du contribuable.<br />

L'hypothèse d'asymétrie d'information et la notion de crédibilité - Un <strong>des</strong> modèles<br />

d'interactions stratégiques permet de lever l'hypothèse selon laquelle le gouvernement met en place<br />

exactement la politique annoncée au préalable. En effet, Stella (1991) fait l'hypothèse d'une<br />

asymétrie d'information entre le gouvernement et le contribuable. Dans ce modèle, la capacité du<br />

gouvernement à mettre en place une politique de contrôle fiscal efficace dépend de la fonction de<br />

coût <strong>des</strong> contrôles fiscaux. Or, l'hypothèse centrale du modèle est que la fonction de coût <strong>des</strong><br />

contrôles fiscaux n'est pas connue <strong>des</strong> contribuables a priori (Stella, 1991, p.389). L'asymétrie<br />

d'information ainsi introduite implique que le contribuable détermine le montant de revenu déclaré<br />

sur la base d'une estimation subjective de la probabilité que la fonction de coût du gouvernement<br />

soit d'une forme ou d'une autre, forme qui détermine elle-même la capacité du gouvernement à<br />

contrôler le contribuable (Stella, 1991, p.390). Dans la mesure où le jeu est dynamique, l'agent<br />

ajuste son estimation en fonction <strong>des</strong> nouvelles informations qu'il reçoit à chaque période, en<br />

l'occurence le taux d'audit (voir Osbourne, 2004, p.278). Le taux d'audit observé par le contribuable<br />

lui fournit une information sur la forme réelle de la fonction de coût du gouvernement. Le<br />

171


contribuable peut ainsi ajuster son anticipation. Cet ajustement se fait selon un processus de révision<br />

bayésienne (Stella, 1991, p.390) 1 . Au final l'importance de cette hypothèse tient au fait que le<br />

gouvernement peut, en annonçant une amnistie, amener les contribuables à croire que sa fonction de<br />

coût s'est réduite et sa capacité de contrôle accrue. L'amnistie joue donc comme un signal aux<br />

contribuables selon lequel le gouvernement va accroître sa capacité à les contrôler. Dans ce cas les<br />

contribuables déclarerons une part plus importante de leur revenu et l'évasion fiscale sera réduite<br />

(Stella, 1991, p.390). Ce résultat n'est toutefois pas garanti notamment parce que les contribuables<br />

sont conscients de la propension du gouvernment à adopter un tel comportement.<br />

Le manque de crédibilité du gouvernement et l'inefficacité <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> - Le<br />

modèle de Stella démontre finalement qu'une amnistie temporaire est peu à même de véritablement<br />

engendrer <strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong> additionnelles pour l'administration fiscale (Stella, 1991, p. 397).<br />

Seuls participeront à une amnistie les contribuables dont la peur de l'augmentation attendue <strong>des</strong><br />

mesures de contrôle fiscal dépassera la perte inhérente au fait de déclarer les montants soustraits par<br />

le passé (Stella, 1991, p.397). Or cette condition est difficilement remplie parce que d'une part les<br />

contribuables sont conscients que le gouvernement a intérêt à annoncer une politique de contrôle<br />

fiscal, en l'occurrence le taux d'audit, plus stricte que celle réellement mise en place (Stella, 1991,<br />

p.386). Par conséquent la probabilité que les contribuables craignent une augmentation future <strong>des</strong><br />

mesures de contrôle fiscal est faible. D'autre part, les contribuables ayant dissimulé d'importants<br />

montants par le passé sont particulièrement peu susceptibles de participer à l'amnistie dans la<br />

mesure où ils sont les contribuables pour lesquels la perte inhérente au fait de déclarer, dans le cadre<br />

de l'amnistie, les montants soustraits est la plus importante (Stella, 1991, p.397). Sous les hypothèse<br />

retenues dans ce modèle, Stella démontre donc que si l'on lève l'hypothèse selon laquelle le<br />

gouvernement met en place effectivement la politique qu'il a annoncé, l'efficacité d'une amnistie<br />

fiscale n'est pas assurée. Ainsi la crédibilité du gouvernement auprès <strong>des</strong> contribuables apparaît être<br />

un élément clé de la capacité d'une amnistie à atteindre ses objectifs.<br />

En plus d'apporter <strong>des</strong> précisions quant aux paramètres utilisés dans les modèles de référence,<br />

certains modèles plus aboutis proposent également <strong>des</strong> améliorations dans la mesure où ils prennent<br />

en compte <strong>des</strong> nouveaux paramètres qui peuvent être pertinents eu égard à l'analyse <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong><br />

<strong>fiscales</strong> mais qui avaient été omis dans les premiers modèles de référence.<br />

12.5.L'introduction de paramètres supplémentaires<br />

L'objectif de cette section est de présenter un certain nombre de paramètres ou conditions entourant<br />

les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> et qui ne sont formalisés dans aucun <strong>des</strong> modèles abordés dans la troisième<br />

1 On nomme inférence bayésienne la démarche logique permettant de calculer ou réviser la probabilité d'une<br />

hypothèse. Cette démarche est régie par l'utilisation de règles strictes de combinaison <strong>des</strong> probabilités, <strong>des</strong>quelles<br />

dérive le théorème de Bayes. (Voir http//fr.wikipedia.org/wiki/Inférence_bayésienne )<br />

172


partie. Dans la mesure où ces éléments jouent un rôle dans l'analyse <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> il<br />

convient de les mentionner également.<br />

12.5.1.Le financement de biens collectifs<br />

Dans les premières tentatives de modélisation <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>, l'intervention de l'Etat est<br />

appréhendée par trois paramètres : le taux d'impôt, la probabilité de contrôle et la pénalité. Cette<br />

approche signifie que le contribuable paye ses impôts pour l'unique raison qu'il craint les pénalités<br />

qui lui seraient infligées en cas de contrôle (Alm et Beck, 1990, p.442). Comme le soulignent Alm et<br />

Beck, Skinner et Slemrod 1 ou d'autres auteurs encore, il existe de toute évidence d'autres raisons<br />

pour lesquelles les contribuables paient leurs impôts que la seule peur d'être contrôlé et sanctionné<br />

(Alm et Beck, 1990, p.442). Certains auteurs introduisent par exemple la notion de bien collectif<br />

dans leur modèle. Les contribuables, en remplissant leurs obligations <strong>fiscales</strong>, permettent au<br />

gouvernement de financer la production de biens collectifs qui, selon la définition qu'en donne<br />

Samuelson 2 , profite à tous les citoyens, et par conséquent aux contribuables.<br />

Marceau et Mongrain formalisent la notion de bien collectif en faisant l'hypothèse que la<br />

soustraction de montants d'impôts par un contribuable inflige un coût à l'ensemble de la société<br />

(Marceau et Mongrain 2000, p.261). De manière plus intéressante Torgler et Schaltegger<br />

introduisent également dans leur modèle une structure de bien collectif (Torgler et Schaltegger,<br />

2004, p.2). Contrairement à ce qu'on pourrait attendre, ils ne formalisent pas la notion de bien<br />

collectif par la quantité de ce bien qui est produite mais par la somme <strong>des</strong> impôts payés par<br />

l'ensemble <strong>des</strong> contribuables (Torgler et Schaltegger, 2004, p.13). Ainsi l'utilité espérée d'un<br />

contribuable ne dépend pas seulement de son revenu diponible après impôts mais également de<br />

l'avantage qu'il retire du paiement de l'impôt par les autres contribuables. Par rapport aux premiers<br />

modèles d'amnistie fiscale, cette hypothèse implique que, toutes choses égales par ailleurs, le niveau<br />

d'évasion fiscale ex ante sera plus faible 3 . Par conséquent, plusieurs modèles ayant souligné<br />

l'importance de l'évasion fiscale préexistante pour le succès d'une amnistie, la probabilité qu'une<br />

amnistie permette d'augmenter les recettes <strong>fiscales</strong> est, toutes choses égales par ailleurs, plus faible<br />

dans un modèle intégrant la notion de bien collectif.<br />

12.5.2.L'introduction de la notion de norme<br />

Une autre raison qui pourrait expliquer pourquoi les contribuables paient leurs impôts est qu'il est<br />

socialement mal considéré de se soustraire à ses obligations <strong>fiscales</strong>. Le fait de ne pas déclarer la<br />

1 Voir Skinner, J. and Slemrod, J., "An economic perspective on tax evasion", National Tax Journal, no 38, pp. 345-<br />

53, 1985.<br />

2 Voir Samuelson, P.A., "The Pure Theory of Public Expenditures", Review of Economics and Statistics, no 36, vol.4,<br />

pp.387-389.<br />

3 Le facteur qui détermine la part du contribuable au bien collectif vient s'ajouter à la condition d'Allingham et<br />

Sandmo sur les paramètres, modifiant toutes choses égales par ailleurs, le niveau d'évasion fiscale (Torgler et<br />

Schaltegger, 2004, p.14).<br />

173


totalité de son revenu impose alors à l'individu un coût d'ordre psychologique qui au final diminue<br />

son utilité.<br />

La théorie <strong>des</strong> perspectives comprend un élément qui se rapproche du concept de norme. En effet, le<br />

modèle d'amnistie basé sur la théorie <strong>des</strong> perspectives nécessite la définition d'un point de référence<br />

du contribuable. Alors que les premièrs modèles d'amnistie fiscale font l'hypothèse implicite que<br />

l'évasion fiscale est la norme, cela n'est pas forcément le cas dans le contexte de la théorie <strong>des</strong><br />

perspectives. Le point de référence du contribuable peut dans ce cas tout aussi bien être le fait de<br />

payer ses impôts (Alm et Beck, 1990, p.443-445). Si, ex ante, le point de référence du contribuable<br />

est le fait de payer ses impôts, alors une amnistie, introduite ex post, n'aura que peu de chance de<br />

lever <strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong>. Par contre, rappelons que par la campagne d'information entourant<br />

l'amnistie, le gouvernement peut rendre les contribuables conscients du caractère criminel de<br />

l'évasion fiscale et du fait que payer ses impôts est la norme (Alm et Beck, 1990, p.446). De cette<br />

manière une amnistie peut indirectement augmenter la participation <strong>des</strong> contribuables au système<br />

fiscal.<br />

Cette idée se retrouve chez Torgler et Schaltegger qui formalisent la notion de norme par<br />

l'introduction d'un coefficient de morale fiscale dans la décision du contribuable (Torgler et<br />

Schaltegger, 2004, p 14) 1 . Plus ce coefficient est élevé, plus le coût moral d'une unité de revenu non<br />

déclarée supplémentaire est élevé (Torgler et Schaltegger, 2004, p 14). Dans la mesure où une<br />

amnistie peut avoir un impact sur ce coefficient, il paraît intéressant qu'il soit intégré dans le<br />

modèle. Toutes choses égales par ailleurs, le niveau d'évasion fiscale initial sera plus faible si l'on<br />

intègre le coût moral de l'évasion fiscale dans le modèle. Par conséquent, les possibilités de succès<br />

d'une amnistie seront réduites. Par contre, dans la même logique que dans le modèle de Alm et Beck<br />

(1990), l'information qui circule en parallèle à l'introduction d'une amnistie fiscale peut rendre<br />

conscient le contribuable de l'importance de payer ses impôts. L'augmentation du coût moral de<br />

l'évasion réduirait d'autant l'ampleur de l'évasion. A l'inverse, l'amnistie, en présentant l'évasion<br />

comme un fait pardonnable, pourrait aussi réduire le coût moral de l'évasion et entraîner une hausse<br />

de l'évasion fiscale.<br />

12.5.3.Les paramètres inhérents à une entreprise<br />

Les modèles de référence concentraient l'analyse sur le comportement <strong>des</strong> personnes physiques dont<br />

la décision est de déclarer une certaine part de leur revenu et qui, ainsi, cherchent à maximiser leur<br />

utilité. Une limite de cette approche tient au fait que les modèles initiaux ne sont pas pertinents<br />

lorsqu'il s'agit d'analyser le comportement d'une firme face à l'octroi d'une amnistie fiscale. En effet,<br />

les conditions ou paramètres qui pèsent sur la décision d'une personne physique ne sont pas<br />

1 L'introduction de ce coefficient modifie à nouveau la condition d'Allingham et Sandmo sur les paramètres, modifiant<br />

ainsi le niveau d'évasion fiscale (Torgler et Schaltegger, 2004, p.14)<br />

174


forcément les mêmes lorsqu'il s'agit d'une personne morale ou d'une entreprise.<br />

Un premier élément important est que l'activité d'une entreprise active sur un marché concurrentiel<br />

est par essence risquée. Cet aspect est introduit par de Mello-e-Souza (2004) dans la formalisation<br />

du comportement d'une entreprise face à <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>. Dans son modèle, il formalise<br />

l'hypothèse selon laquelle les entreprises font face à <strong>des</strong> niveaux de risque différents. La<br />

formalisation intervient par l'introduction d'une probabilité que l'entreprise appartienne à deux<br />

classes de risque possibles : les bons ou les mauvais risques (de Mello-e-Souza, 2004, p.6). En<br />

outre, suivant la classe de risque auquelle elle appartient, l'entreprise peut aussi subir une faillite.<br />

Ainsi de Mello-e-Souza intègre également dans son modèle une probabilité que l'entreprise fasse<br />

faillite étant donnée la classe de risque à laquelle elle appartient (de Mello-e-Souza, 2004, p.6 et p.<br />

19). Ces éléments sont en effet inhérents aux caractéristiques de l'entreprise et au milieu dans lequel<br />

elle évolue et ils jouent un rôle dans sa décision d'accepter ou non une amnistie. Sous l'hypothèse<br />

qu'une autre amnistie pourrait être octroyée ultérieurement, le modèle montre que l'entreprise aura<br />

d'autant plus tendance à rejeter la première offre d'amnistie que la probabilité qu'elle appartienne à<br />

la classe <strong>des</strong> bons risque augmente (de Mello-e-Souza, 2004, p.14).<br />

Le présent chapitre a proposé une retour sur les paramètres <strong>des</strong> modèles d'amnistie fiscale afin de<br />

présenté les différentes améliorations et innovations apportées par certains modèles plus aboutis que<br />

les modèles présentés dans la troisième partie. Avant de présenter une certains nombre de résultats<br />

issue d'étude empiriques et venant confirmer ou invalider certains résultats théorique, il convient<br />

encore de présentés les types d'<strong>amnisties</strong> appréhendés par certains modèles plus aboutis.<br />

175


176<br />

13.<strong>L'analyse</strong> de nouveaux types d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong><br />

Une formalisation judicieuse du type d'amnistie auquel le contribuable fait face constitue un<br />

élément crucial d'une analyse correcte <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>. Or les premières tentatives de<br />

modélisation <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> ne permettaient pas de prendre en compte toutes les formes<br />

d'<strong>amnisties</strong> telles qu'elles ont été recensées dans la typologie. Par ailleurs, le type d'amnistie<br />

appréhendé par ces modèles était le plus souvent implicite. Cette section présente les améliorations<br />

proposées par les modèles sous revue dans cette partie au niveau de la formalisation <strong>des</strong> types<br />

d'amnistie. Elle sera évidemment structurée en fonction <strong>des</strong> différents critères définis dans la<br />

typologie.<br />

13.1.L'éligibilité <strong>des</strong> contribuables dans le cadre de l'amnistie<br />

Les critères liés à l'éligibilité permettent de déterminer, parmi l'ensemble <strong>des</strong> contribuables, lesquels<br />

sont autorisés à participer à l'amnistie et lesquels ne le sont pas. L'éligibilité <strong>des</strong> contribuables a été<br />

définie selon les critères de la déclaration, de la poursuite et de la résidence. Il convient donc de<br />

présenter dans quelle mesure certains modèles permettent une amélioration au niveau de la prise en<br />

compte de la notion d'éligibilité par rapport aux premières tentatives de modélisation référence.<br />

13.1.1.Le critère de la résidence<br />

Les modèles appréhendés dans la troisième partie de ce travail ne formulaient aucune hypothèse à ce<br />

sujet et ne distinguaient pas les contribuables résidents dans le pays ou la juridiction concernés par<br />

l'amnistie <strong>des</strong> autres contribuables. Sur ce point, aucun modèle à notre connaissance ne permet<br />

d'amélioration significative. Aucun modèle n'adopte en effet le point de vue d'une économie ouverte<br />

avec <strong>des</strong> contribuables ayant la liberté d'en sortir ou la possibilité de placer leurs avoirs à l'extérieur<br />

de l'économie concernée. Cette limite commune à tous les modèles met en lumière une<br />

problématique ayant un intérêt potentiel pour l'élaboration de travaux futurs.<br />

13.1.2.Le critère de la poursuite<br />

Ce critère détermine si un contribuable qui a subi un contrôle fiscal, a été convaincu de pratique<br />

d'évasion fiscale et a fait l'objet de poursuites de la part de l'administration fiscale est autorisé à<br />

participer à l'amnistie. Dans l'affirmative, on parle d'une amnistie de poursuite. Un tel type<br />

d'amnistie n'était pas envisagé, ou du moins pas de manière explicite, dans les premières tentatives<br />

de modélisation <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>. Certains modèles offrent une formalisation explicite de ce<br />

type d'amnistie.<br />

L'amnistie de poursuite et le comportement d'une entreprise - Dans la modélisation<br />

du comportement d'une entreprise, de Mello-e-Souza (2004) analyse une entreprise envers laquelle<br />

le gouvernement a d'ores est déjà fixé un montant de pénalités et d'intérêts à payer sur ses arriérés


d'impôt (de Mello-e-Souza, p. 5). Le seul choix qui s'offre à l'entreprise est d'accepter ou non une<br />

amnistie. De facto, ce modèle ne tient compte que <strong>des</strong> contribuables faisant l'objet de poursuite et<br />

du type d'amnistie ad hoc. Formellement nous avons vu que de Mello-e-Souza introduisait la<br />

probabilité que l'entreprise perde le procès qui l'oppose à l'administration fiscale, auquel cas<br />

l'entreprise se voit imposer effectivement les pénalités. Dans ce modèle, si l'entreprise accepte<br />

l'offre d'amnistie, le risque de perdre le procès disparaît (de Mello-e-Souza, 2004, p.13). Le modèle<br />

permet effectivement de formaliser une amnistie de poursuite.<br />

L'amnistie de poursuite VS amnistie d'enquête - Franzoni modélise également une<br />

amnistie qui s'adresse aux contribuables dont le jugement n'a pas été définitivement prononcé et qui<br />

leur offre une réduction de la pénalité escomptée à condition qu'ils plaident coupables (Franzoni,<br />

1992, p.12). Ce type d'amnistie pose naturellement le problème de l'équité par rapport aux<br />

contribuables vis-à-vis <strong>des</strong>quels la procédure a été menée jusqu'au bout. Toutefois Franzoni<br />

mentionne que ce type d'amnistie revêt un avantage particulier pour l'administration dans la mesure<br />

où elle économise les ressources qu'elle aurait dû engager pour prouver la culpabilité du<br />

contribuable (Franzoni, 1996, p.12) 1 . Le désavantage est par contre l'encaissement de recettes<br />

<strong>fiscales</strong> moindres au titre <strong>des</strong> pénalités par rapport à une procédure qui aurait été menée jusqu'au<br />

bout (Franzoni, 1996, p.12). Cet arbitrage implique intuitivement que l'extension d'une amnistie aux<br />

contribuables faisant l'objet de poursuites n'est pas forcément désirable en terme de recettes <strong>fiscales</strong><br />

nettes. Pour démontrer cela, Franzoni confronte en fait l'efficacité d'une amnistie de poursuite à<br />

celle d'une amnistie d'enquête 2 . Il démontre que l'amnistie d'enquête est en général supérieure à<br />

l'amnistie de poursuite en terme de recettes <strong>fiscales</strong> nettes. Ainsi une amnistie de poursuite ne<br />

devrait être octroyée que dans certains cas particuliers, à savoir si le coût marginal du contrôle fiscal<br />

est très important, si l'administration fiscale atteind <strong>des</strong> limites de capacité ou alors si les montants<br />

soustraits sont déjà très importants (Franzoni, 1996, p.15p-16).<br />

13.1.3.Le critère de déclaration<br />

Le critère de la déclaration a pour objectif de déterminer si seuls sont autorisés à participer à<br />

l'amnistie les contribuables restés complètement en dehors du système fiscal ou les contribuables<br />

ayant seulement déclaré partiellement leurs revenus. Dans le premier cas, on parle d'amnistie de<br />

déclaration. Une telle amnistie a pour objectif d'intégrer de nouveaux contribuables dans le système<br />

fiscal. Les premiers modèles d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>, par le biais <strong>des</strong> conditions émises sur les<br />

paramètres 3 , restreignent de facto le cadre d'analyse aux contribuables qui déclarent partiellement<br />

1 N.B.le gain pour l'administration est d'autant plus important que l'amnistie est accordée tôt dans la procédure de<br />

poursuite<br />

2 Rappelons qu'une amnistie d'enquête est une amnistie qui offre aux contribuables une "immunité" contre une<br />

éventuelle enquête de l'administration quant au montant exact ou à l'origine <strong>des</strong> revenus déclarés.<br />

3 Voir équations (1.1.7) et (1.1.8)<br />

177


leurs revenus et excluaient par conséquent les <strong>amnisties</strong> de déclaration (Graetz and Wilde, 1993,<br />

p.272). A ce niveau, certains modèles dépassent les premières tentatives de modélisation en<br />

proposant une formalisation <strong>des</strong> amnistie de déclaration.<br />

La formalisation <strong>des</strong> contribuables stratégiques - Pour Graetz et Wilde (1993),<br />

l'observation <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> édictées au niveau <strong>des</strong> Etats américains laisse penser qu'un<br />

nombre important de participants potentiels à une amnistie sont <strong>des</strong> contribuables restés jusqu'ici<br />

complétement en dehors <strong>des</strong> rôles fiscaux, ils parlent alors de contribuables stratégiques (Graetz<br />

and Wilde, 1993, pp.271-272). Non seulement un grand nombre d'<strong>amnisties</strong> autorisent cette<br />

catégorie de contribuables à participer mais elle semble même être la catégorie <strong>des</strong> contribuables les<br />

plus susceptibles de participer à une amnistie (Graetz and Wilde, 1993, p.272). Pommerehne et<br />

Zweifel (1991) estiment même que le cas de la déclaration partielle de revenu n'est pas très pertinent<br />

en réalité (Pommerehne et Zweifel, 1991, p.156, note no 5). Afin de formaliser la situation où un<br />

contribuable dissimule la totalité de son revenu, certains modèles font donc l'hypothèse que le<br />

revenu déclaré est soit nul, soit total (voir Pommerehne et Zeifel, 1991, p.133 ou Graetz and Wilde,<br />

1993, p.272). Ces modèles permettent donc de déterminer dans quelles mesure une amnistie est<br />

capable d'induire ce type particulier de contribuables à participer.<br />

La participation <strong>des</strong> contribuables stratégiques à une amnistie – En terme de<br />

participation, le modèle de Graetz et Wilde prédit qu'une amnistie est capable d'induire les<br />

contribuables stratégiques à déclarer leur revenu mais qu'une part de ces contribuables auraient de<br />

toute façon déclaré leur revenu, même en l'absence d'une amnistie (Graetz and Wilde, 1993, p.278).<br />

Ce résultat est notamment dû au fait que le modèle comprend deux pério<strong>des</strong> et surtout qu'il fait<br />

l'hypothèse d'un revenu qui est aléatoire. Ces deux éléments impliquent qu'un contribuable resté<br />

hors du système fiscal en première période peut décider, après avoir obtenu effectivement un revenu<br />

différent de celui obtenu en première période, de déclarer le revenu de la deuxième période, malgré<br />

le risque que les montants soustraits en première période puissent être détectés (Graetz and Wilde,<br />

1993, pp.273-274). En effet, une importante variation du revenu d'une période à l'autre explique<br />

pourquoi le contribuable peut vouloir modifier son comportement en deuxième période. Ce résultat<br />

implique toutefois qu'une partie <strong>des</strong> recettes supplémentaires collectées dans le cadre d'une amnistie<br />

ne devraient pas être considérées comme telles puisqu'elles auraient été collectées de toute manière.<br />

Au niveau <strong>des</strong> résultats de statique comparative, l'augmentation ex post de la probabilité (courante<br />

ou rétroactive pour la période précédente) d'être détecté et l'augmentation ex post du taux de pénalité<br />

(monétaire et non monétaire) augmentent le taux de participation <strong>des</strong> contribuables stratégiques à<br />

l'amnistie (Graetz and Wilde, 1993, p279). A l'inverse, l'augmentation ex post du taux d'impôt<br />

provoque une diminution du taux de participation à l'amnistie (Graetz and Wilde, 1993, p 279). Ces<br />

178


ésultats impliquent que le meilleur moment, en terme de participation <strong>des</strong> contribuables<br />

stratégiques, pour octroyer une amnistie se situe avant une augmentation <strong>des</strong> pénalités ou de<br />

l'activité de contrôle fiscal ou avant une diminution du taux d'impôt (Graetz and Wilde, 1993, p<br />

279).<br />

Une approche globale de l'éligibilité - Malgré l'argument de Pommerehne et Zweifel<br />

selon lequel la dissimulation partielle <strong>des</strong> revenus n'aurait pas de pertinence empirique, il serait a<br />

priori difficile de prétendre sur le plan théorique qu'une partie de l'évasion fiscale n'est pas de cette<br />

nature. Or un <strong>des</strong> modèles considérés dans cette partie, offre l'avantage d'une approche plus globale.<br />

Le modèle de Marceau et Mongrain permet de tenir compte <strong>des</strong> deux types de contribuables. Ils<br />

expriment l'évasion fiscale en terme de gains directs qui ne dépendent pas du revenu déclaré<br />

(Marceau et Mongrain, 2000, p.261). Ainsi l'élément déterminant de l'éligibilité est alors le fait<br />

d'avoir commis un crime appelé "évasion fiscale" et non le degré du crime commis. Cette approche<br />

permet de tenir compte à la fois <strong>des</strong> contribuables ayant soustrait leurs revenus partiellement et les<br />

contribuables restés hors <strong>des</strong> rôles fiscaux. Au final, l'approche la plus pertinente dépend du<br />

contexte dans lequel on entend appliquer ces modèles ou de l'objectif du modèle théorique. Cette<br />

remarque est par ailleurs également valable en ce qui concerne la façon dont la base fiscale touchée<br />

par l'amnistie est appréhendée par les modèles.<br />

13.2.La base fiscale de l'amnistie<br />

Afin de définir la base fiscale qui est concernée par une amnistie fiscale, trois critères ont été<br />

mentionnés dans la typologie : la personne juridique, le type d'impôt et la période fiscale. Cette<br />

section présente donc les améliorations proposées par certains modèles dans la manière de<br />

formaliser le type d'amnistie par le biais de la base fiscale sur laquelle elle porte.<br />

13.2.1.La période fiscale<br />

Parmi les premières tentatives de modélisation <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>, seul le modèle de Alm et<br />

Beck formalisait le montant de revenu non déclaré accumulé par le passé (Alm et Beck, 1991,<br />

p.436). Toutefois, le modèle étant statique, l'aspect temporel de la base fiscale reste exogène au<br />

modèle. Comme il a été mentionné dans le chapitre dédié aux différents cadres théoriques <strong>des</strong><br />

modèles appréhendés dans cette partie, certains modèles replacent l'analyse dans un cadre<br />

dynamique. Ils permettent ainsi une introduction de la période fiscale dans le modèle. Das-Gupta et<br />

Mookherjee formalisent l'existence de montants dissimulés et accumulés par le passé sous la forme<br />

d'actifs détenus illégalement par le contribuable (Das-Gupta et Mookherjee, 1996, p.412). Le cadre<br />

dynamique de ce modèle permet ensuite d'endogénéiser les montants soustraits accumulés dans la<br />

mesure où tout montant soustrait à la période courante vient s'ajouter au stock d'actifs illégaux<br />

(Das-Gupta et Mookherjee, 1996, p.412). Le type d'amnistie analysé dans ce modèle est toutefois<br />

179


accordé au début de la seconde période (Das-Gupta et Mookherjee, 1996, p.415). Or, à ce moment,<br />

les montants soustraits accumulés sont encore considérés comme exogènes (Das-Gupta et<br />

Mookherjee, 1996, p.415). Par conséquent, la base fiscale concernée par l'amnistie est constituée par<br />

la somme globale <strong>des</strong> montants soustraits par le passé, c'est-à-dire les actifs illégaux, mais n'est pas<br />

précisément définie. Greatz et Wilde proposent un modèle à deux pério<strong>des</strong> sans faire l'hypothèse<br />

d'un montant d'évasion fiscale préexistant. L'amnistie offerte concerne clairement les montants qui<br />

ont été soustraits à la première période (Graetz and Wilde, 1993, p.275). Ici le type d'amnistie porte<br />

donc sur une période passée clairement définie. Cette période étant endogénéisée, la décision du<br />

contribuable de participer à l'amnistie et le succès de l'amnistie dépend de la décision de déclaration<br />

du contribuable prise en première période (Graetz and Wilde, 1993, p.274). Enfin le modèle de<br />

Macho-Stadler et alii présente une particularité inhérente au cadre d'analyse <strong>des</strong> générations<br />

imbriquées. Dans ce modèle, à chaque période, naît une nouvelle génération d'individus (Macho-<br />

Stadler et alii, 1999, p.443). En outre, ce modèle à générations imbriquées fait l'hypothèse que<br />

chaque individu vit deux pério<strong>des</strong> (Macho-Stadler et alii, 1999, p.443). La conséquence de ce cadre<br />

théorique est que seuls les "vieux contribuables", c'est-à-dire les contribuables ayant vécu plus d'une<br />

période, ont accumulé <strong>des</strong> sommes soustraites au fisc. L'amnistie ne peut donc concerner que les<br />

pério<strong>des</strong> passées puisqu'un contribuable ne se soustrait potentiellement à ses obligations qu'après<br />

avoir vécu une période (Macho-Stadler et alii, 1999,p.451).<br />

13.2.2.Le type d'impôt<br />

Les amnistie portant sur l'impôt sur les revenus du capital - Le type d'impôt traité<br />

par les modèles présentés dans la deuxième partie était l'impôt sur le revenu <strong>des</strong> personnes<br />

physiques. Il semble même que les modèles concentrent leur analyse sur les revenus du travail. En<br />

effet, Allingham et Sandmo estiment qu'un champs d'investigation digne d'intérêt concernant le<br />

comportement du contribuable serait de prendre en compte les décisions d'offre de travail.<br />

D'ailleurs, l'hypothèse, implicite ou explicite, retenue dans chaque modèle est une offre de travail<br />

fixe (Pommerehne et Zweifel, 1991, p.133). Ainsi, bien que l'offre de travail ne soit endogénéisée<br />

dans aucun <strong>des</strong> modèles d'amnistie fiscale sous revue, la formulation d'une hypothèse sur l'offre de<br />

travail détermine le type d'impôt concerné par l'amnistie. Das-Gupta et Mookherjee, en considérant<br />

les revenus du contribuable comme le rendement <strong>des</strong> actifs qu'il détient (Das-Gupta et Mookherjee,<br />

1996, p.412), formalisent de facto un type d'amnistie qui concerne l'impôt sur le revenu du capital.<br />

Les <strong>amnisties</strong> sur les impôts sur la consommation - Enfin, aucun modèle ne<br />

formalisent explicitement une amnistie qui concernerait les impôts sur la consommation. Toutefois,<br />

dans la mesure où se sont les entreprises qui sont, le plus souvent, formellement assujetties à ce type<br />

180


d'impôt 1 , il est possible de considérer que le modèle de de Mello-e-Souza (2004) pourrait très bien<br />

formaliser une amnistie d'impôt sur la consommation. En effet, ce modèle considère une entreprise<br />

ayant <strong>des</strong> arriérés d'impôt sans formuler d'hypothèse sur l'impôt au titre duquel ces arriérés sont dûs<br />

(de Mello-e-Souza, 2004, p.5). Par conséquent, il pourrait fort bien être considéré que ce sont <strong>des</strong><br />

montants dûs au titre d'un impôt sur la consommation. Toutefois, l'absence d'hypothèse formelle liée<br />

à la consommation ne permet pas, par exemple, de dériver <strong>des</strong> résultats en terme d'impact de<br />

l'amnistie sur la consommation. Une telle approche pourrait potentiellement faire l'objet d'un futur<br />

travail.<br />

13.2.3.La personne juridique<br />

Ce critère permet de déterminer si une amnistie est <strong>des</strong>tinée aux personnes physiques ou aux<br />

personnes morales. Les premières tentatives de modélisation formalisent le comportement d'un<br />

contribuable face à une amnistie fiscale en mobilisant la théorie de l'utilité espérée. Le recours à la<br />

notion d'utilité signifie que le contribuable considéré est une personne physique qui maximise son<br />

utilité. Parmi les modèles plus aboutis, le modèle de de Mello-e-Souza propose une formalisation du<br />

comportement d'une entreprise (de Mello-e-Souza, 2004, p. 4). L'amnistie proposée dans ce contexte<br />

porte donc sur les impôts concernant les personnes morales. Ce modèle est le seul qui formalise<br />

explicitement la réaction d'une entreprise face à une amnistie fiscale et traite particulièrement de ce<br />

type d'amnistie.<br />

13.3.La procédure d'édiction d'une amnistie fiscale<br />

Les premières tentatives de modélisation <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> ne formulaient pas d'hypothèse<br />

explicite sur la procédure d'édiction. L'amnistie est implicitement octroyée par le gouvernement ou<br />

l'administration fiscale. Toutefois certains auteurs centrent leur analyse sur un type d'amnistie dont<br />

la procédure d'édiction offre la possibilité aux contribuables de se prononcer dans le cadre d'une<br />

procédure de vote.<br />

La formalisation de la votation au sujet d'une amnistie - Pommerehne et Zweifel<br />

construisent, eux, un modèle théorique qui formalise explicitement un élément de la procédure<br />

d'édiction. En effet, ils modélisent non seulement la décision de l'individu en tant que contribuable<br />

mais également en tant que votant (Pommerehne et Zweifel, 1991, p.132). Ainsi le contribuable fait<br />

face à une double décision. D'abord il choisit de voter pour ou contre l'amnistie (Pommerehne et<br />

Zweifel, 1991, p.132). Ensuite, en fonction du fait que l'amnistie ait été acceptée en votation ou pas,<br />

il détermine s'il entend déclarer son revenu à l'administration ou non, sachant que l'amnistie inclut<br />

une modification de la probabilité de détection (Pommerehne et Zweifel, 1991, p.132). Ce modèle<br />

1 Voir par exemple Administration fédérale <strong>des</strong> contribution, "Assujettissement à la TVA", Brochure spéciale no 2,<br />

610.530-02, Publication de l'Administration fédérale <strong>des</strong> contributions, Berne, septembre 2000. [téléchargeable sous<br />

http://www.estv.admin.ch/data/mwst ]<br />

181


introduit donc une hypothèse explicite sur la façon dont l'amnistie est édictée sous la forme d'une<br />

probabilité dont la valeur varie de manière marginale en fonction du vote du contribuable<br />

(Pommerehne et Zweifel, 1991, p.132). Le modèle permet ainsi d'analyser une amnistie dont<br />

l'édiction dépend de la volonté du législateur, en l'occurence le peuple, et qui n'est pas prononcée de<br />

manière discrétionnaire par le gouvernement.<br />

La participation à l'amnistie et la procédure d'édiction - Le modèle de Pommerehne<br />

et Zweifel (1991) permet d'obtenir <strong>des</strong> résultats en terme de statique comparative au niveau du<br />

soutien à l'amnistie et de la participation à l'amnistie, étant donné le résultat du vote. Précisément le<br />

modèle analyse l'impact de la variation de différents paramètres sous la forme de divers chocs<br />

exogènes sur le soutien à l'amnistie dans le cadre de la votation et sur la participation du<br />

contribuable au système fiscal. Le tableau 13.1. présente l'ensemble <strong>des</strong> résultats obtenus par ce<br />

modèle.<br />

Tableau 13.1. – Résultats en terme de soutien et de participation à l'amnistie dans le cas d'une votation<br />

Soutien à l'amnistie Participation à l'amnistie<br />

1 Δ du taux d'impôt courant avant l'amnistie + +<br />

2 Δ du taux d'impôt ex post anticipé - -<br />

3 Δ de la différence entre le taux d'impôt courant et le taux ex post anticipé + +<br />

4 Δ du montant de revenu déclaré + -<br />

5 Δ du niveau moyen du revenu réel + +<br />

6 Δ du montant de revenu non déclaré + +<br />

7 Δ du taux de pénalité + -<br />

8 Δ de la probabilité de détection + -<br />

9 Δ de la probabilité de détection ex post anticipée - -<br />

Source : Pommerehne et Zweifel, 1991, pp. 135-142<br />

En terme de participation, le tableau 13.1. montre que l'intégration de l'hypothèse sur la procédure<br />

d'édiction modifie certains <strong>des</strong> résultats obtenus par les premiers modèles présentés dans la<br />

deuxième partie. En effet le modèle prédit que l'augmentation de la pénalité et de la probabilité<br />

d'être contrôlé par l'administration fiscale et d'être convaincu d'évasion fiscale (lignes 7 et 8 du<br />

tableau 13.1.) tendent à diminuer la participation à l'amnistie fiscale (P et Z, 1991, pp.141-142).<br />

Ceci s'explique en fait parce que les résultats en terme de participation sont donnés<br />

conditionnellement au fait que l'amnistie ait été acceptée dans le cadre d'une votation (P et Z, 1991,<br />

p.135). Ainsi, malgré l'accroissement <strong>des</strong> paramètres permettant au gouvernement de faire respecter<br />

la législation fiscale, le fait que les contribuables aient pu voter sur l'octroi de l'amnistie et que la loi<br />

d'amnistie soit passée incite les contribuables à ne pas déclarer leur revenu. Ce résultat suggère donc<br />

que le fait, pour les contribuables, de pouvoir se prononcer par un vote sur l'octroi d'une amnistie<br />

fiscale a un impact sur le succès de l'amnistie en terme de participation, en l'occurence négatif si<br />

l'amnistie est acceptée.<br />

182


Le lien entre votation sur l'amnistie et participation au système fiscal - Torgler et<br />

Schaltegger analysent l'impact de la possibilité de voter un projet d'amnistie sur la participation au<br />

système fiscal en général (Torgler et Schaltegger, 2004, p.1). Dans leur démarche, ils distinguent<br />

deux types d'<strong>amnisties</strong> supplémentaires. Ils distinguent les <strong>amnisties</strong> durant la procédure de vote<br />

<strong>des</strong>quelles <strong>des</strong> discussions entre contribuables-votants sont possibles <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> pour lesquelles<br />

de telles dicussions ne sont pas possibles (Torgler et Schaltegger, 2004, p.1). Il est important de<br />

mentionner que Torgler et Schaltegger ne formalisent pas techniquement ces éléments théoriques<br />

mais qu'ils les testent directement à l'aide de métho<strong>des</strong> expérimentales dont les résultats seront<br />

présentés dans le dernier chapitre. Le résultat théorique auquel s'attendent Torgler et Schaltegger est<br />

que la possibilité de voter au sujet d'une amnistie provoque un débat entre contribuable sur le fait de<br />

payer ses impôts et ainsi accroît la participation au système fiscal. En effet, de telles discussions<br />

rendraient les contribuables conscients de l'importance de contribuer au financement de biens<br />

collectif d'une part. D'autre part ces discussions augmente le coût moral lié au fait de dissimuler son<br />

revenu (Torgler et Schaltegger, 2004, pp.8-9).<br />

13.4.La temporalité <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong><br />

La temporalité d'une amnistie est l'ensemble <strong>des</strong> critères permettant de définir la dimension<br />

temporelle d'une amnistie. Ces critères sont la durée de l'amnistie, la fréquence de l'amnistie ainsi<br />

que son anticipation par le contribuable. Cette section propose de présenter dans quelle mesure<br />

certains modèles permettent une meilleure modélisation de la temporalité d'une amnistie que ne le<br />

permettait les premières tentatives de modélisation <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>.<br />

13.4.1.Le critère de la durée<br />

Les premiers modèles présentés dans la troisième partie cherchaient à aborder la problématique de<br />

la durée de l'amnistie, notamment en essayant de déterminer quel type d'amnistie est le plus efficace<br />

entre l'amnistie temporaire et l'amnistie permanente. Les modèles sous revue dans cette partie ne<br />

tranchent pas vraiment cette question car d'une part ceux qui modélisent une amnistie permanente<br />

ne formulent pas réellement d'hypothèses explicites 1 et d'autre part la majorité <strong>des</strong> modèles<br />

ultérieurs aux premières tentatives de modélisations se focalisent sur le problème <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong><br />

temporaires. En effet les <strong>amnisties</strong> temporaires apparaissent plus problématiques que les amnistie<br />

permanentes. Notamment les effets d'une amnistie temporaires apparaissent plus aléatoires en raison<br />

notamment <strong>des</strong> effets d'anticipation mais ce type d'amnistie est également plus difficile à mettre en<br />

place pour un gouvernement en raison de la difficulté liée au moment auquelle celle-ci devrait être<br />

accordée. Sur le plan théorique, il peut donc être considéré que les <strong>amnisties</strong> permanentes sont un<br />

183<br />

1 Dans certains cas l'amnistie modélisée peut être considérée comme permanente en raison du cadre d'analyse statique<br />

utilisé (voir par exemple Das-Gupta et Mookherjee, 1995, p. 5)


cas particulier <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> temporaires qui requière certaines conditions précises. Par exemple,<br />

Franzoni modélise deux types différents d'amnistie temporaire et recherche ensuite les conditions<br />

sous lesquelles il serait désirable de les introduire sur une base permanente (Franzoni, 1996, p.1).<br />

Finalement les résultats concernant les <strong>amnisties</strong> permanentes ne constituent qu'une extension <strong>des</strong><br />

résultats obtenus pour les <strong>amnisties</strong> temporaires.<br />

13.4.2.Le critère de la fréquence<br />

Le second critère permettant de définir la temporalité d'une ou plusieurs amnistie est la fréquence.<br />

Les modèles de la troisième partie, plus particulièrement celui proposé par Malik et Schwab (1991),<br />

permettaient d'obtenir <strong>des</strong> résultats intéressant en terme de fréquence grâce à l'introduction de la<br />

probabilité qu'une amnistie soit octroyée (voir Malik et Schwab, 1991, p.32). Toutefois la limite de<br />

cette approche tient au cadre théorique statique. D'une part <strong>L'analyse</strong> ne tient pas compte de<br />

l'évolution temporelle <strong>des</strong> résultats lorsque la fréquence varie. D'autre part un cadre d'analyse<br />

statique ne permet pas d'obtenir <strong>des</strong> résultats concernant le timing optimal <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong>.<br />

L'impact <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> intermittentes sur le comportement d'une entreprise – De-<br />

Mello-e-Souza, en introduisant dans son modèle la probabilité qu'une seconde amnistie soit<br />

octroyée dans le futur, propose une analyse <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> intermittentes dans un cadre dynamique<br />

(de-Mello-e-Souza, 2004, p.6). De Mello-e-Souza compare le comportement d'une entreprise d'une<br />

part lorsque celle-ci estime que l'amnistie offerte est unique et d'autre part lorsque celle-ci estime<br />

qu'une seconde amnistie sera potentiellement offerte ultérieurement. Dans ce contexte, une<br />

entreprise a le choix entre accepter la première amnistie, rejeter la première amnistie et accepter la<br />

seconde ou rejeter les deux <strong>amnisties</strong>. Le modèle de de Mello-e-Souza montre d'abord que la<br />

décision optimale du contribuable (en l'occurence une entreprise) n'est pas la même si la probabilité<br />

qu'une autre amnistie soit octroyée dans le future existe (de Mello-e-Souza, 2004, pp.14-15). En<br />

effet, il peut être valable pour l'entreprise de rejeter l'amnistie présente et d'attendre la prochaine<br />

même si celle-ci n'est pas certaine (de Mello-e-Souza, 2004, pp. 14-15). Le modèle démontre qu'une<br />

entreprise aura d'autant plus intérêt à rejeter une amnistie courante que la probabilité d'octroi d'une<br />

autre amnistie dans le futur est élevée. Par conséquent ce modèle démontre que si, au moment de<br />

décider de participer à une amnistie, les contribuables anticipent l'octroi d'autres <strong>amnisties</strong> dans le<br />

futur, ils seront incité à repousser leur décision de participation à une période ultérieure, réduisant<br />

d'autant l'efficacité de l'amnistie actuelle. Ce résultat confirme donc que, pour augmenter la<br />

probabilité de succès d'une amnistie, le gouvernement a intérêt à ce que l'amnistie soit perçue<br />

comme unique par les contribuables. Par ailleurs, en supposant que le gouvernement parvienne à<br />

assurer que cette condition soit garantie, le succès d'une amnistie dépend encore du moment auquel<br />

celle-ci est octroyée. Certains modèles permettent, par le cadre d'analyse dynamique qu'ils offrent,<br />

184


de traiter la question du timing optimal d'une amnistie fiscale.<br />

La maximisation <strong>des</strong> recettes fiscale et le timing de l'amnistie - Cassone et Marchese<br />

analysent l'octroi d'<strong>amnisties</strong> "périodiques" par un gouvernment dont le but est de maximiser les<br />

recettes <strong>fiscales</strong> nette (Cassone et Marchese, 2000, p.21). Le modèle de Cassone et Marchese est un<br />

modèle de discrimination par les prix intertemporelle. Par conséquent, le timing de l'amnistie, c'està-dire<br />

le moment auquel la discrimination prend place effectivement, est déterminant pour le succès<br />

de l'amnistie (Cassone et Marchese, 2000, p.28). Le modèle montre que l'amnistie devrait être<br />

octroyée à la date qui maximise la somme <strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong> ordinaires et <strong>des</strong> recettes de<br />

l'amnistie (Cassone et Marchese, 2000, pp. 25-26). La variable clé de ce point de vue est le taux<br />

d'intérêt courant. Celui-ci reflète les préférences intertemporelles du gouvernement (Cassone et<br />

Marchese, 2000, p.26). Par conséquent, une amnistie doit, toute choses égales par ailleurs, être<br />

octroyée d'autant plus tôt 1 que le taux d'intérêt est élevé (Cassone et Marchese, 2000, p.26). Elle<br />

doit également être octroyée d'autant plus tôt que, toutes choses égales par ailleurs, la proportion de<br />

contribuables pratiquant l'évasion fiscale est élevée ou le prix de réserve de ces mêmes<br />

contribuables est élevé (Cassone et Marchese, 2000, p.27). Au contraire une amnistie devrait être<br />

octroyée d'autant plus tard que, toutes choses égales par ailleurs, le taux de pénalité est élevé ou le<br />

prix de réserve <strong>des</strong> contribuables honnêtes est élevé (Cassone et Marchese, 2000, p.27).<br />

Les résultats qui viennent d'être présentés mettaient en évidence l'importance de la fréquence et du<br />

timing <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> sur leur efficacité. Au niveau de la temporalité <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>,<br />

la typologie mettait par ailleurs en évidence le fait que <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> adoptées de manière<br />

intermittentes finissaient par être anticipées d'une manière ou d'une autre par le contribuable. Le<br />

critère de l'anticipation constitue donc le dernier critère lié à la temporalité de l'amnistie.<br />

13.4.3.Le critère de l'anticipation <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong><br />

Egalement grâce à l'utilisation de la probabilité d'octroi de l'amnistie, les premières tentatives de<br />

modélisation <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> permettent une formalisation de la notion d'anticipation.<br />

Toutefois, la formalisation proposée <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> est incomplète. D'une part, lorsqu'une<br />

amnistie est anticipée par le contribuable, l'argument fréquemment avancé est que l'évasion fiscale<br />

augmente dans la période qui précède l'amnistie (Das-Gupta et Mookherjee, 1996, p.420). Un cadre<br />

d'analyse statique ne permet pas d'appréhender cet argument sur le plan théorique. En proposant un<br />

cadre d'analyse dynamique certains modèles plus aboutis permettent une prise en compte de cet<br />

argument.<br />

D'autre part le fait de formaliser le phénomène d'anticipation de la part <strong>des</strong> contribuables à l'aide<br />

d'une probabilité objective n'apparaît pas très réaliste. Il convient d'aborder tout d'abord brièvement<br />

185<br />

1 "tôt" signifie ici tôt par rapport à la période durant laquelle les impôt dûs sont exigibles par le gouvernement


cette question.<br />

La formalisation de la notion d'anticipation - L'élément déclencheur <strong>des</strong> effets<br />

d'anticipation chez le contribuable est le fait de considérer la probabilité qu'une amnistie soit<br />

octroyée comme non nulle. Or une limite <strong>des</strong> premières tentatives de modélisation <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong><br />

<strong>fiscales</strong> était de considérer cette probabilité comme une donnée purement objective. Si cette<br />

conception peut se défendre du point de vue du gouvernement, tel n'est pas forcément le cas pour les<br />

contribuables. Or ce sont eux qui sont concernées par les effets d'anticipation. Ainsi une approche<br />

en terme de probabilité subjective 1 concernant la probabilité qu'une amnistie soit octroyée serait<br />

plus pertinente du point de vue du contribuable. Une voie possible serait d'appliquer le processus de<br />

la révision bayésienne, utilisé par Stella au niveau de l'estimation par le contribuable de la forme de<br />

la fonction de coût <strong>des</strong> audits du gouvernement, à la probabilité d'octroi d'une amnistie dans un<br />

modèle dynamique. Des modèles sous revue dans ce travail, aucun ne mobilise le concept de<br />

probabilité subjective ou un concept qui s'en rapproche pour caractériser la probabilité qu'une<br />

amnistie soit octroyée.<br />

La relation entre l'anticipation et l'efficacité de l'amnistie fiscale - Particulièrement,<br />

Das-Gupta et Mookherjee proposent un modèle dynamique à trois pério<strong>des</strong> dans le cadre duquel ils<br />

déterminent les effets d'une amnistie fiscale anticipée sur le niveau d'évasion fiscale durant la<br />

période qui la précède (Das-Gupta et Mookherjee, 1996, p.419). Das-Gupta et Mookherjee<br />

proposent notamment une analyse de l'impact d'une amnistie lorsque celle-ci n'est pas anticipée dans<br />

un premier temps puis il font l'hypothèse inverse dans un deuxième temps. Le tableau 13.2. propose<br />

un aperçu synthétique <strong>des</strong> principaux résultats du modèle 2 .<br />

Tableau 13.2. - Les effets d'une amnistie sur l'économie souterraine<br />

Non-anticipée<br />

Anticipée<br />

T T+1 T-1 T T+1<br />

Participation + + – + +<br />

Recettes<br />

<strong>fiscales</strong> –<br />

Économie<br />

souterraine – –<br />

Source : Das-Gupta et Mookherjee, 1996, p.410<br />

+ –<br />

+ – –<br />

Le tableau 13.2. présente l'effet d'une amnistie temporaire sur les trois éléments que sont la<br />

participation <strong>des</strong> contribuables au système fiscal, les recettes <strong>fiscales</strong> et l'ampleur de l'économie<br />

souterraine. Lorsque l'amnistie n'est pas anticipée par le contribuable, l'amnistie permet d'augmenter<br />

la participation <strong>des</strong> contribuables au système fiscal et permet de réduire l'ampleur de l'économie<br />

?<br />

–<br />

186<br />

1 Une probabilité subjective est une estimation imprécise faite par l'agent au sujet de la chance qu'un événement se<br />

produise afin de pouvoir prendre une décision en contexte d'incertitude. (Mas-Colell et alii, 1995, pp.205-107)<br />

2 T-1, T et T+1 dénotes les différentes pério<strong>des</strong> du modèle, T étant la période durant laquelle l'amnistie est déclarée


souterraine (Das-Gupta et Mookherjee, 1996, p.418). Malgré cela, on constate que les recettes<br />

<strong>fiscales</strong> sont réduites. Cela est dû à l'hypothèse centrale du modèle qui veut que les actifs de<br />

l'économie formelle génèrent <strong>des</strong> revenus moins importants que les actifs de l'économie souterraine.<br />

La réduction de l'économie souterraine entraine donc une diminution <strong>des</strong> revenus "illégaux". Par<br />

conséquent les recettes <strong>fiscales</strong> diminuent à cause de la réduction <strong>des</strong> pénalités prélevées lorsque<br />

l'administration fiscale découvre <strong>des</strong> revenus accumulés illégalement (Das-Gupta et Mookherjee,<br />

1996, p.420). Malgré cela, le tableau 13.2. montre qu'en l'absence d'anticipation de la part <strong>des</strong><br />

contribuables, l'impact de l'amnistie fiscale est dénué d'ambiguité. Dès lors que l'hypothèse d'une<br />

anticipation de l'amnistie est formulée, le tableau 13.2. montre <strong>des</strong> résultats différents.<br />

Premièrement, le modèle montre que, lorsque l'amnistie est anticipée, l'impact global sur les recettes<br />

<strong>fiscales</strong> n'est pas déterminé a priori. En effet les recettes <strong>fiscales</strong> augmentent dans la période<br />

précédant l'amnistie ,malgré une réduction de la particiation au système fiscal, puis diminuent par la<br />

suite. Encore une fois cette augmentation initial est due à l'hypothèse sur les taux de rendement mais<br />

également au fait que l'ampleur de l'économie souterraine augmente dans cette même période.En<br />

effet, le modèle de Das-Gupta et Mookherjee tend à confirmer l'argument selon lequel l'évasion<br />

fiscale augmente lors <strong>des</strong> pério<strong>des</strong> précédant l'amnistie fiscale lorsque celle-ci est anticipée (Das-<br />

Gupta et Mookherjee, 1996, p.420). Notons que l'hypothèse selon laquelle l'amnistie est anticipée<br />

par les agents n'explique pas à elle seule ce phénomène. L'augmentation ex ante de l'évasion fiscale<br />

s'explique par le fait que les contribuables cherchent à profiter ultérieurement d'un taux d'impôt qui<br />

serait réduite dans le cadre de l'amnistie. Par conséquent, l'incitation qu'offre l'amnistie aux<br />

contribuables est, de ce point de vue également déterminante.<br />

13.5.L'incitation procurée par les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong><br />

Le dernier ensemble de critères permettant de caractériser une amnistie fiscale se rapporte à<br />

l'incitation qu'elle octroie. L'incitation étant l'élément central qui caractérise une amnistie, les<br />

premières tentatives de modélisation <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> se sont particulièrement attelées à<br />

formaliser cet aspect <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong>. Malgré de nombreux résultats théoriques pertinents, les<br />

différentes approches adoptées par ces modèles ne permettent toutefois pas d'appréhender tous les<br />

aspects de l'incitation d'une amnistie fiscale. Cette section a pour objectif de présenter dans quelle<br />

mesure d'autres modèles permettent de combler certaines insuffisances <strong>des</strong> modèles de référence.<br />

13.5.1.La réduction <strong>des</strong> intérêts<br />

La typologie avait permis de définir les intérêts comme la valeur temporelle <strong>des</strong> impôts dûs par le<br />

contribuable. Par conséquent, le cadre strictement statique <strong>des</strong> premières tentaives de modélisation<br />

<strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> ne permettaient pas de formaliser une amnistie qui porterait sur les intérêts de<br />

manière pertinente. Le modèle de de Mello-e-Souza propose la formalisation d'une amnistie<br />

187


éduisant les intérêts sur les impôts dûs. Ce modèle comprend effectivement un taux d'intérêt sur les<br />

arriérés d'impôt qui n'est appliqué que dans la mesure où l'entreprise décide de ne pas participer à<br />

l'amnistie (de Mello-e-Souza, 2004, p.19). L'amnistie traité par ce modèle procure donc<br />

effectivement une réduction <strong>des</strong> intérêt au contribuable qui en bénéficie. Toutefois, bien que<br />

plusieurs modèles traités dans ce chapitre offrent un cadre d'analyse dynamique, la plupart font<br />

l'hypothèse d'une valeur temporelle constante ou ignorent cet élément (Graetz and Wilde, 1993,<br />

p.272). La raison en est que, sur le plan théorique, cet élément ne joue pas un rôle déterminant dans<br />

l'analyse (Graetz and Wilde, 1993, p.272).<br />

13.5.2.La réduction du taux effectif d'impôt<br />

Les premiers modèles d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> s'arrêtaient à une formalisation <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> pures et<br />

partielles, c'est-à-dire les <strong>amnisties</strong> réduisant tout ou partie de la pénalité. Or, dans la première<br />

partie, la présentation <strong>des</strong> expériences <strong>des</strong> pays en matière d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> a montré qu'un grand<br />

nombre d'<strong>amnisties</strong> offre une réduction du taux effectif d'impôt. En outre, dans la mesure où ce type<br />

d'amnistie permet à certains contribuables de payer in fine moins d'impôt que les autres, les<br />

<strong>amnisties</strong> extensives sont les <strong>amnisties</strong> qui suscitent la plus grande controverse sur le plan de<br />

l'efficacité mais surtout sur celui de l'équité. Certains modèles proposent une formalisation<br />

d'<strong>amnisties</strong> extensives. Ce type d'amnistie n'est d'ailleurs pas formalisé de la même manière dans<br />

tous les modèles.<br />

L'amnistie extensive : une forme de discrimination - Dans le chapitre dédié au cadre<br />

théorique <strong>des</strong> différents modèles, nous avons montré que Cassone et Marchese formalisent une<br />

amnistie extensive à l'aide de la théorie du monopole discriminant. Par analogie à un monpole, le<br />

gouvernement peut maximiser ses recettes si, lorsque les contribuables sont hétérogènes, il pratique<br />

<strong>des</strong> "prix différents" (Cassone et Marchese, 2000, p.23). Cette forme de discrimination au niveau<br />

<strong>des</strong> taux d'impôt peut être vu comme l'offre d'une amnistie extensive. Dans la mesure où les<br />

résultats de ce modèle ont déjà largement été présentés, il apparaît inutile de les mentionner à<br />

nouveau.<br />

Les <strong>amnisties</strong> extensives VS <strong>amnisties</strong> pures – Les premiers modèles d'<strong>amnisties</strong><br />

<strong>fiscales</strong> mentionnaient le fait qu'un contribuable ne participera pas à une amnistie partielle ou pure<br />

si aucun paramètre du modèle ne change. Cet argument n'était toutefois pas démontré formellement.<br />

Le modèle de Macho-Stadler et alii (1999) permet une analyse <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> extensives dans la<br />

mesure où ils font l'hypothèse que le taux de pénalité peut prendre <strong>des</strong> valeurs négatives (et Macho-<br />

Stadler et alii, 1999, p. 452) 1 . De ce point de vue les contribuables sont "subventionnés pour<br />

participer à l'amnistie". Le modèle de Macho-Stadler et alii démontre, dans un cadre dynamique,<br />

188<br />

1 Das Gupta et Mookherjee formulent une hypothèse identique (Das-Gupt et Mookherjee, 1996, p. 413)


que seules les <strong>amnisties</strong> extensives sont capables, par elle-mêmes, d'induire les contribuables à y<br />

participer (Macho-Stadler et alii, 1999, p.441). Ils démontrent par la même occasion que, pour être<br />

efficaces, les types d'amnistie pures et partielles nécessitent une modification <strong>des</strong> paramètres,<br />

notamment une amélioration suffisament importante de la technologie de contrôle fiscal (Macho-<br />

Stadler et alii, 1999, p.441).<br />

Les effets de long terme <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> extensives – Enfin le cadre dynamique du<br />

modèle de Macho-Stadler et alii permet de déterminer les effets ex post d'une amnistie extensive.<br />

Sous l'hypothèse que l'amnistie n'est pas anticipée par les contribuables, les effets induits par<br />

l'amnistie en terme de participation ne sont que transitoires (Macho-Stadler et alii, 1999, p.441).<br />

Macho Stadler et alii formalisent une économie se trouvant et l'équilibre stationnaire. Or<br />

l'introduction d'une amnistie extensive dans le modèle montre que l'économie s'écarte dans un<br />

premier temps de cet équilibre pour ensuite revenir à cet équilibre (Macho-Stadler et alii, 1999,<br />

p.454). Ce résultat est extrêmement important dans la mesure où il montre que, à long terme et sous<br />

les hypothèse du modèle, une amnistie serait incapable de modifier le comportement <strong>des</strong><br />

contribuables et donc de lutter durablement contre l'évasion fiscale. Macho-Stadler et alii<br />

démontrent également que pour induire <strong>des</strong> effets durables, il est nécessaire que l'amnistie extensive<br />

soit acompagnée d'une amélioration de la technologie de contrôle fiscal (Macho-Stadler et alii,<br />

1999, p.441). En effet, seule une telle amélioration permet de faire passer l'économie d'un équilibre<br />

stationnaire à un nouvel équilibre stationnaire, c'est-à-dire à un équilibre où, toutes choses égales<br />

par ailleurs, le niveau d'évasion fiscale est plus faible.<br />

L'effet <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> extensives et la technologie de contrôle fiscale - Nous avons<br />

mentionné dans la section dédiéé aux paramètres de contrôle fiscal que les effets liés à une<br />

amélioration de la technologie de contrôle pouvaient être accélérés grâce à l'édiction d'une amnistie<br />

fiscale. Or Macho-Stadler et alii montrent que si le gouvernement veut mettre en place le nouveau<br />

régime de contrôle fiscal instantanément 1 , alors l'amnistie proclamée doit être extensive (Macho-<br />

Stadler et alii, 1999, p.456). Ainsi le modèle de Macho-Stadler et alii, en plus de démontrer que<br />

seule une amnistie extensive induit, en elle-même, une hausse (temporaire) de la participation, ils<br />

suggèrent qu'une amnistie fiscale extensive peut s'avérer être un instrument efficace lorsqu'il s'agit<br />

d'accompagner la mise en place d'une nouvelle technologie de contrôle fiscal.<br />

13.5.3.L'amnistie d'enquête<br />

Un dernier élément à caractère incitatif qui peut caractériser une amnistie est le fait qu'elle offre<br />

l'assurance au contribuable que l'administration n'enquêtera pas sur la source ou l'origine <strong>des</strong><br />

1 Dans le contexte du modèle de Macho-Stadler et alii (1999), "mettre en place instantanément le nouveau régime de<br />

contrôle fiscal" signifie faire passer l'économie à un nouvel équilibre stationnaire dans la durée d'une seule et même<br />

période<br />

189


evenus déclarés dans le cadre de l'amnistie.<br />

L'intérêt théorique d'une amnistie d'enquête - Le modèle de Das-Gupta et<br />

Mookherjee (1996) analyse formellement <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> qui constituent le seul moyen pour les<br />

citoyens de faire passer <strong>des</strong> actifs du secteur informel vers le secteur de l'économie formelle (Das-<br />

Gupta et Mookherjee, 1996, p.412). Or les actifs du secteur informel peuvent avoir été créés au<br />

moyen de revenus provenant d'activités dites illégales et qui sont condamnables pénalement comme<br />

le trafic de drogue, le vol... (Schneider et Enste, 2000, p.79). Par conséquent, afin d'inciter les<br />

contribuables à participer à l'amnistie, le gouvernement peut avoir intérêt à assurer les participants à<br />

l'amnistie que la source <strong>des</strong> montants déclarés ne sera pas inspectée (Das-Gupta et Mookherjee,<br />

1996, p.413) 1 . Une telle incitation est évidemment avantageuse pour les contribuables concernés<br />

mais elle l'est également pour l'administration qui n'a pas besoin d'engager les ressources qui<br />

auraient dû l'être pour inspecter la source <strong>des</strong> revenus déclarés.<br />

La supériorité de l'amnistie d'enquête sur l'amnistie de poursuite - Franzoni (1995)<br />

formule également un modèle d'amnistie d'enquête (Franzoni, 1996, p. 7). L'administration, en<br />

échange du paiement d'un certain montant, s'engage à ne pas contrôler l'origine <strong>des</strong> revenus du<br />

contribuable participant à l'amnistie (Franzoni, 1996, p. 7). En confrontant une amnistie d'enquête à<br />

une amnistie de poursuite 2 , Franzoni démontre d'abord que les deux mesures induisent la<br />

participation <strong>des</strong> contribuables manifestant la disponibilité à payer la plus importante (Franzoni,<br />

1996, p.3) 3 . Mais surtout, Franzoni démontre que la principale différence entre ces deux types<br />

d'amnistie est que, pour un même contribuable, la disponibilité à payer pour l'amnistie d'enquête est<br />

plus faible que pour l'amnistie de poursuite (Franzoni, 1996, p. 13). Cette différence s'explique par<br />

le fait que, dans le cas de l'amnistie de poursuite, le contribuable a déjà été contrôlé et s'est vu<br />

imposé <strong>des</strong> pénalités (Franzoni, 1996, p.13). Cela ne signifie toutefois pas qu'une amnistie de<br />

poursuite soit plus efficace en terme de recettes <strong>fiscales</strong>. Au contraire, Franzoni démontre que, dans<br />

les conditions du modèle, un montant forfaitaire optimal peut être déterminé pour l'amnistie<br />

d'enquête tel qu'il permet d'accroître les recettes <strong>fiscales</strong> (Franzoni, 1996, p.11). La détermination de<br />

ce montant doit prendre en compte l'arbitrage qui existe entre l'augmentation du nombre de<br />

participants et la baisse <strong>des</strong> coûts de contrôle fiscal d'une part et la diminution <strong>des</strong> recettes de<br />

190<br />

1 Le fait d'amnistier <strong>des</strong> revenus dont l'origine est potentiellement criminelle (drogue, armes...) ajoute une dimension<br />

éthique à la problématique économique <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> fiscale. Le traitement de cette dimension dépasse toutefois le<br />

champs d'analyse du présent travail.<br />

2 Rappelons qu'une amnistie de poursuite est une amnistie qui autorise une participation <strong>des</strong> contribuables qui ont<br />

déjà subit une contrôle positif de l'administration fiscale.<br />

3 En effet, un contribuable ne participera à l'amnistie que si il a une disponibilité à payer supérieur au montant dont il<br />

doit s'acquitter pour bénéficier de l'amnistie. Le concept de la disponibilité à payer utilisée dans ce modèle est donc<br />

cruciale concernant la participation <strong>des</strong> contribuables à l'amnistie. Elle permet notamment de dériver <strong>des</strong> résultats en<br />

terme de statique comparative concernant la participation <strong>des</strong> contribuables à l'amnistie. Ces résultats rejoignent<br />

toutefois ceux obtenus par les modèles présentés dans la deuxième partie.


l'amnistie et <strong>des</strong> recettes ordinaires d'autre part (Franzoni, 1996, p.11). Un résultat identique n'est<br />

pas systématiquement obtenu dans le cas de l'amnistie de poursuite (Franzoni, 1996, p.15). En effet,<br />

une amnistie de poursuite peut créer un surplus d'évasion fiscale ex ante qui n'est pas compensé par<br />

la participation à l'amnistie ex post et la réduction <strong>des</strong> coûts de contrôle fiscal ( Franzoni, 1996,<br />

p.15). Ce résultat est essentiellement dû au fait que les contrôles sont menés à un "moment fiscal"<br />

différent dans les deux <strong>amnisties</strong>. L'annonce par l'administration de l'octroi d'une amnistie fiscale<br />

pousse le contribuables à dissimuler un montant d'impôt plus important ex ante. L'amnistie<br />

d'enquête, parce qu'elle est offerte avant les contrôles, offre une assurance complète contre le risque<br />

d'être détecté et permet à tous les contribuables de participer. Par conséquent elle permet à<br />

l'administration de récupérer <strong>des</strong> montants plus importants et de réduire largement ses coûts. A<br />

l'inverse une amnistie de poursuite, en étant offerte après les contrôles fiscaux, ne permet qu'aux<br />

contribuables détectés de participer. Ainsi, une amnistie de poursuite n'est profitable que si le coût<br />

marginal du contrôle fiscal est très important, l'administration fiscale atteind <strong>des</strong> limites de capacité<br />

ou si les montants soustraits sont déjà très importants (Franzoni, 1996, p.15p-16). Le modèle de<br />

Franzoni montre donc que, de manière général, si une amnistie est capable d'accroître les recettes<br />

<strong>fiscales</strong> nettes, il est préférable qu'elle soit octroyée aux contribuables avant que ceux-ci ne soient<br />

contrôlés, autrement dit une amnistie d'enquête apparaît en règle générale plus efficace qu'une<br />

amnistie de poursuite en terme de recettes <strong>fiscales</strong> nettes.<br />

191


192<br />

14.La validité <strong>des</strong> modèles d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> : quelques tests empiriques<br />

Une dernière évolution de l'analyse économique <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> est la propension <strong>des</strong> divers<br />

auteurs à tester les résutlats ou les hypothèses de leurs modèles sur la base de données empiriques et<br />

à l'aide parfois de modèles économétriques. Ainsi il apparaît intéressant de se demander quels sont<br />

les résultats ou hypothèses les plus importantes dans l'analyse <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> qui ont été<br />

confrontés à la réalité <strong>des</strong> faits. Ainsi les hypothèse d'aversion au risque et d'hétérogénéité seront<br />

testés ainsi que le lien entre l'efficacité de l'amnistie et la procédure selon laquelle elle est octroyée.<br />

Ensuite, la capacité de l'amnistie à engendrer <strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong> supplémentaires sera plus<br />

directement abordée. D'une part <strong>des</strong> évaluations de la capacité d'une amnistie à réduire l'économie<br />

souterraine ainsi qu'à intégrer de nouveaux contribuables dans le système seront abordés.<br />

Finalement nous traiterons de l'importante question <strong>des</strong> effets de long terme <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong><br />

qui ont été identifiés par plusieurs auteurs comme une <strong>des</strong> questions les plus importants eu égard à<br />

l'efficacité <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>.<br />

14.1.Les hypothèses d'aversion au risque et d'hétérogénéité <strong>des</strong> contribuables : quelle<br />

pertinence empirique?<br />

L'objectif de cette section est de s'interroger sur la pertinence empirique de deux hypothèses<br />

centrales <strong>des</strong> modèles d'utilité espérée : l'hypothèse du contribuable-type (respectivement<br />

l'hypothèse d'hétérogénéité) ainsi que l'hypothèse d'aversion au risque du contribuable<br />

14.1.1.La pertinence empirique de l'hypothèse d'hétérogénéité <strong>des</strong> contribuables<br />

Une <strong>des</strong> limites mentionnées <strong>des</strong> premières tentatives de modélisation <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> était le<br />

fait de considérer un contribuable-type. Cette hypothèse, intuitivement simpliste, était par ailleurs<br />

levée par certains modèles théoriques plus aboutis. Au-delà de l'intuition de ces modèles, il convient<br />

de s'interroger sur la pertinence empirique de cette hypothèse.<br />

L'importance de l'hypothèse d'hétérogénéité – Sans revenir en détail sur les résultats<br />

<strong>des</strong> différents modèles présentés, rappelons que l'hypothèse d'hétérogénéité est fondamentale eu<br />

égard à certains résultats théoriques obtenus. Notamment cette hypothèse permet d'expliquer<br />

pourquoi certains contribuables retirent un avantage à participer à une amnistie. Ensuite elle permet<br />

d'expliquer, sur le plan théorique qu'une amnistie extensive permet au gouvernment, en discriminant<br />

les contribuables par les prix, d'accroître ses recettes <strong>fiscales</strong> par rapport à une situation où aucune<br />

amnistie extensive n'est octroyée. Par conséquent une validation empirique de l'hypothèse<br />

d'hétérogénéité permettrait de comprendre, du moins en partie, pourquoi les <strong>amnisties</strong> extensives<br />

peuvent se révéler être un succès en terme de participation et en terme de recettes <strong>fiscales</strong>. Ainsi,<br />

dans une étude empirique de 1995, Marchese et Cassone testent le lien entre hétérogénéité <strong>des</strong><br />

contribuables et participation à une amnistie extensive. Ils se basent pour cela sur les données de


l'amnistie fiscale italienne de 1982.<br />

L'amnistie italienne de 1982 – Le nombre de participants à cette amnistie s'éleva à<br />

1'209'652 contribuables dont 13,7 pour cent ont déclaré un montant additionnel de revenu<br />

correspondant à environ 55 pour cent du revenu déclaré initialement. Cette amnistie portait sur les<br />

pério<strong>des</strong> <strong>fiscales</strong> de 1974 à 1981. Elle a permis au gouvernement de collecter l'équivalent de 7,3<br />

milliards de dollars US (valeur 1995) soit 15 pour cent <strong>des</strong> recettes de l'impôt sur le revenu. Un trait<br />

particulièrement important de cette amnistie eu égard au test qui nous occupe est la façon dont est<br />

calculé le montant d'impôt dont les contribuables doivent s'acquitter dans le cadre de l'amnistie.<br />

D'une part, pour chaque période fiscale, les contribuables devaient verser 25 pour cent <strong>des</strong> impôts<br />

déjà payés auparavant. Ce système implique notamment que l'incitation à participer à l'amnistie, en<br />

l'occurence la réduction du taux d'impôt augmente lorsque le montant de revenu soustraits<br />

augmente. Autrement dit, l'amnistie discrimine les contribuables en faveur de ceux qui sont le plus<br />

enclin à ne pas déclarer leur revenu. D'autre part, les contribuables ayant complètement dissimulé<br />

leur revenu à l'administration fiscale se voyait accorder une annulation de l'impôt dû moyennant le<br />

paiement d'un montant fixe et, par ailleurs, mo<strong>des</strong>te. Ainsi, la question d'intérêt est ici de savoir<br />

dans quelle mesure ce système de discrimination par les prix et donc d'incitation à participer à<br />

l'amnistie explique le participation observée.<br />

Une analyse en données de panel – Afin de déterminer si la discrimination entre les<br />

contribuables au niveau de l'incitation explique la participation à l'amnistie, Marchese et Cassone<br />

utilisent une analyse en données de panel (Cassone et Marchese, 1995, p.62). Cette analyse cherche<br />

à expliquer "la participation" à l'amnistie (variable dépendante) à l'aide d'autres variables et<br />

notamment <strong>des</strong> différents systèmes d'incitation offerts par l'amnistie. La variable dépendante utilisée<br />

pour mesurer la participation à l'amnistie est le montant de recettes <strong>fiscales</strong> généré par tête (Cassone<br />

et Marchese, 1995, p.62). Les variables explicatives utilisées sont notamment une variable mesurant<br />

le niveau d'évasion fiscale et deux variables reflétant l'incitation accordée. Le modèle utilisé est par<br />

ailleurs un modèle à effet fixe permettant notamment de contrôler pour les différences structurelles<br />

observées entre les régions italiennes (Cassone et Marchese, 1995, p.63). Finalement, le modèle<br />

inclut <strong>des</strong> dummy variables concernant différents groupes de contribuables ainsi que <strong>des</strong> effets<br />

temporelles mais qui semblent secondaires quand au résultat de l'analyse empirique puisqu'elles ne<br />

sont que brièvement citées par Marchese et Cassone (Cassone et Marchese, 1995, p.64).<br />

La pertinence de l'hypothèse d'hétérogénéité et l'efficacité <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> extensives<br />

– Il ressort du modèle de Cassone et Marchese que les variables explicatives considérées dans le<br />

modèle permettent d'obtenir <strong>des</strong> résultats significatifs (Cassone et Marchese, 1995, p.64). Or ces<br />

résultats démontrent qu'une amnistie fiscale extensive permet de sélectionner les contribuables les<br />

193


plus enclins à ne pas déclarer leur revenu, contribuables qui sont clairement différents du<br />

contribuable moyen, médian ou plus généralement représentatif (Cassone et Marchese, 1995, p.64).<br />

Ainsi le résultat obtenu par Marchese et Cassone vient appuyer deux éléments importants de<br />

l'analyse théorique <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>. D'une part ce résultat suggère que le gouvernment peut<br />

effectivement augmenter les recettes <strong>fiscales</strong> en accordant une amnistie extensive, c'est-à-dire une<br />

amnistie qui, en réduisant le taux d'impôt, discrimine les contribuables. Mais surtout, le résultat de<br />

Cassone et Marchese amène une preuve, bien que relativement isolée, de la pertinence de<br />

l'hypothèse d'hétérogénéité concernant les contribuables. Ainsi, sur le plan théorique, l'étude<br />

empirique de Cassone et Marchese parle en faveur de l'hypothèse d'hétérogénéité pour analyser le<br />

comportement <strong>des</strong> contribuables face aux <strong>amnisties</strong> et appuye l'argument selon lequel un <strong>des</strong><br />

avantages <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dans la lutte contre l'évasion fiscale est la flexibilité qu'elle procure<br />

par rapport à d'autres outils de lutte contre l'évasion fiscale. En traitant de manière différente <strong>des</strong><br />

contribuables hétérogènes, l'amnistie fiscale permet ainsi d'atteindre un niveau de recettes <strong>fiscales</strong><br />

supérieur par rapport à une politique fiscale qui ne reposerait que sur les outils traditionnels que<br />

sont le taux d'impôt et le taux de pénalité.<br />

Un bémol doit toutefois être apporté à ce résultat. En effet, bien que l'étude en terme de données de<br />

pannel permet d'analyser les résultats pour plusieurs pério<strong>des</strong> <strong>fiscales</strong> passées, l'étude de Cassone et<br />

Marchese ne dit rien sur le niveau futur <strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong> ou la participation future <strong>des</strong><br />

contribuables au système fiscal. Or le modèle dynamique de Macho-Stadler et alii suggère<br />

notamment que l'impact d'une amnistie extensive en présence de contribuables hétérogènes n'est que<br />

temporaire sur le long terme. Nous verrons dans la section x que certaines étu<strong>des</strong> considèrent ces<br />

effet de long terme.<br />

14.1.2.Les preuves empiriques de la pertinence de l'hypothèse d'aversion au risque<br />

Rappel de l'importance théorique de l'hypothèse d'aversion au risque - Un <strong>des</strong><br />

enseignements théoriques essentiels <strong>des</strong> modèles qui ont été présentés, est le rôle central joué par<br />

l'hypothèse d'aversion au risque afin d'expliquer la participation d'un contribuable à une amnistie<br />

fiscale ainsi que l'ampleur de cette participation. Nous avons vu que le modèle le plus abouti de ce<br />

point de vue était celui de Marchese et Privileggi (1999 et 2001) qui, non seulement, fait l'hypothèse<br />

d'un contribuable averse au risque mais, de plus, précise comment le degré d'aversion au risque<br />

varie avec le revenu. Dans le modèle de Marchese et Privileggi, le degré d'aversion au risque du<br />

contribuable est lié à la courbure de la fonction d'utilité espérée exponentielle, se référant ainsi à la<br />

notion d'aversion au risque telle qu'elle est définie par Arrow et Pratt (voir encadré 7.1.). Nous<br />

avons vu que ce modèle permet de décrire le comportement d'un contribuable face à une amnistie et<br />

notamment de déterminer un seuil d'aversion au risque en deçà duquel (ainsi qu'un seuil de revenu<br />

194


au-delà duquel) le contribuable est intéressé à participer à l'amnistie. Ainsi, une question essentielle<br />

de l'analyse économique <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> est de déterminer si l'hypothèse d'aversion au risque<br />

du contribuable est pertinente sur le plan empirique. Marchese et Privileggi ont notamment cherché<br />

à tester leur modèle par rapport aux données <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> italiennes de 1991 et 1994.<br />

Les <strong>amnisties</strong> italiennes de 1991 et 1994 – En 1991, le parlement italien entérina une<br />

loi introduisant une amnistie fiscale générale sur tous les principaux impôts italiens et qui portait sur<br />

les pério<strong>des</strong> <strong>fiscales</strong> de 1985 à 1990 (Marchese et Privileggi, 1991, pp.5 et 8). Cette amnistie fut<br />

considérée comme un succès autant en terme de participation qu'en terme de recettes <strong>fiscales</strong><br />

(Marchese et Privileggi, 1991, p.5). En 1994, une seconde loi d'amnistie fut élaborée. Celle-ci ne<br />

s'adressait qu'aux entrepreneurs et aux indépendants. Pour les pério<strong>des</strong> <strong>fiscales</strong> de 1987 à 1990, elle<br />

ne permettait que les contribuables n'ayant pas participé à l'amnistie de 1991 de participer<br />

(Marchese et Privileggi, 1991, p 9). Cette amnistie fut également considérée comme un succès.<br />

La mesure de l'aversion au risque - La participation <strong>des</strong> contribuables à ces deux<br />

<strong>amnisties</strong> était conditionnée au paiement d'un certain montant calculé sur la base du revenu déclaré.<br />

La connaissance de ce montant ainsi que du revenu déclaré par les participants aux <strong>amnisties</strong><br />

permettent, sur la base du modèle, de calculer non seulement le pourcentage de revenu dissimulé par<br />

le contribuable concerné mais également le seuil d'aversion au risque en deçà duquel un<br />

contribuable est susceptible de participer à l'amnistie (Marchese et Privileggi, 1991, p 7). Autrement<br />

dit, ce seuil mesure le niveau d'aversion au risque du participant marginal à l'amnistie. Dans un<br />

premier temps le niveau d'aversion au risque est calculé pour un contribuable type, en l'occurence le<br />

contribuable correspondant au revenu déclaré net moyen (Marchese et Privileggi, 1991, p 8).<br />

Ensuite, l'aversion du contribuable marginal est obtenue en divisant le montant payé pour participer<br />

à l'amnistie par la sanction attendue (Marchese et Privileggi, 1991, p 9). Autrement dit, l'aversion au<br />

risque est mesurée par le nombre de fois qu'un contribuable est prêt à payer le montant de la<br />

sanction attendue afin d'éviter cette sanction, c'est-à-dire pour pouvoir participer à l'amnistie.<br />

La pertinence empirique de l'utilité espérée – Les résultats obtenus sur la base <strong>des</strong><br />

données de l'amnistie de 1991 montrent d'abord que le seuil d'évasion fiscale caractérisant le<br />

participant moyen à l'amnistie est d'environ 30 pourcent. Autrement dit, le participant moyen à<br />

l'amnistie fiscale est un contribuable ayant déclaré préalablement 70 pour cent de son revenu. Quant<br />

à l'aversion au risque, celle-ci se situe entre <strong>des</strong> valeurs de 5,24 et 6,29 suivant la période fiscale<br />

concernée ou le type de revenu déclaré (salaire, profit...) (Marchese et Privileggi, 1991, p8). Ces<br />

valeurs se trouvent par ailleurs toutes en deçà de la valeur de l'aversion au risque estimée pour le<br />

participant marginal à l'amnistie qui est de 6,64, c'est-à-dire que le participant marginal est prêt à<br />

payer 6,64 fois la pénalité attendue afin d'éviter cette sanction en participant à l'amnistie.<br />

195


Les données empiriques montrent que l'analyse en terme d'utilité espérée décrit plutôt bien le<br />

comportement <strong>des</strong> contribuables qui participent à une amnistie (Marchese et Privileggi, 1999, p.2 et<br />

2001, p.25). Les tests empiriques tendent à confirmer le modèle de l'utilité espérée quant à sa<br />

capacité d'expliquer le comportement <strong>des</strong> contribuables qui participent à une amnistie dans la<br />

mesure où les valeurs calculées sont tout à fait cohérentes avec les valeurs de l'aversion au risque<br />

calculées dans le cadre d'autres étu<strong>des</strong> empiriques (Marchese et Privileggi, 1999, p. 10 et 2001,<br />

p.22). Par ailleurs les données de l'amnistie de 1994 apportent une confirmation <strong>des</strong> résultats<br />

obtenus à l'aide <strong>des</strong> données de l'amnistie de 1991. De plus les résultats sont robustes si l'on passe<br />

d'une aversion absolue au risque constante (CARA) à une aversion relative au risque constante<br />

(CRRA)(Marchese et Privileggi, 2001, p.25). Il convient de noter que, si l'étude empirique de<br />

Marchese et Privileggi tend à démontrer la pertinence de l'hypothèse d'aversion au risque concernant<br />

la réponse <strong>des</strong> contribuables à une amnistie, les résultats obtenus ne peuvent pas être généralisés<br />

sans autre forme de procès. D'une part, l'étude empirique de Marchese et Privileggi se concentre sur<br />

deux cas bien précis d'<strong>amnisties</strong> édictées dans le contexte institutionnel italien. Les résultats obtenus<br />

ne peuvent ainsi pas être généralisés automatiquement dans le temps et dans l'espace. D'autre part,<br />

les modèles d'utilité espérée semblent toujours incapables d'expliquer à eux seuls le comportement<br />

<strong>des</strong> contribuables qui déclarent la totalité de leurs impôts dans le cadre du système fiscal ordinaire et<br />

donc ne participent pas à l'amnistie. En effet, selon les données italiennes, le modèle présenté<br />

impliquerait que les contribuables honnêtes soient caractérisés par une aversion au risque qui tende<br />

vers l'infini (Marchese et Privileggi, 1999, p.12). Or une aversion d'une telle ampleur est totalement<br />

irréaliste. Toutefois, apporter un éclairage au comportement <strong>des</strong> contribuables honnêtes et qui, par<br />

conséquent ne sont pas appelés à participer à une amnistie, dépasse les ambitions du présent travail.<br />

Néanmoins, dans la mesure où aucune autre étude dans l'état de notre connaissance et dans la limite<br />

de la litérature traité dans le présent travail ne vient invalider l'hypothèse d'aversion au risque dans<br />

le domaine <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> fiscale, l'étude empirique de Marchese est Privileggi peut être considérée<br />

comme une preuve, certes partielle et peut-être temporaire, de la pertinence de l'hypothèse théorique<br />

de l'aversion au risque. Par conséquent, il semble que l'argument selon lequel une amnistie fiscale<br />

peut fonctionner car elle constitue une forme d'assurance pour les contribuables ayant soustraits une<br />

partie de leurs revenus semble être un argument pertinent. Evidemment, l'élaboration et la prise en<br />

compte d'étu<strong>des</strong> empiriques supplémentaires reste nécessaire si d'aucun entend encore étayer cet<br />

argument.<br />

14.2.La procédure d'édiction et l'efficacité <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong><br />

Dans la première partie de ce travail, la typologie a démontré que les <strong>amnisties</strong> pouvaient varier<br />

quant à la façon dont elles étaient octroyées. Le pouvoir d'octroyer une amnistie peut en effet<br />

196


incomber au gouvernment, à l'administration, au parlement ou encore au peuple s'agissant <strong>des</strong><br />

systèmes de démocratie directe. Non seulement l'aspect de la procédure d'édiction permet de<br />

distinguer les <strong>amnisties</strong> entre elles, mais en plus certains travaux théoriques suggèrent que cet<br />

élément est susceptible de jouer un rôle important dans l'efficacité d'une amnistie. Il convient a<br />

présent de s'interroger sur la pertinence empirique de l'importance de la procédure d'édiction sur<br />

l'efficacité d'une amnistie. Etant donnée l'importance de cette question dans le contexte suisse, les<br />

résultats empiriques <strong>des</strong> travaux analysant la procédure d'édiction où intervient un vote du peuple<br />

sont présentés ici. En particulier nous présenteront les résultats issus de l'analyse <strong>des</strong> données<br />

concernant les <strong>amnisties</strong> suisses de 1964 et 1958 ainsi que l'analyse de résultats issus de l'analyse de<br />

données générées expérimentalement.<br />

14.2.1.La procédure d'édiction et les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> : quelques résultats empiriques<br />

Le modèle de Pommerehne et Zweifel, dont les résultats théoriques ont été présentés au chapitre 13,<br />

intègre une hypothèse selon laquelle le contribuable a la possibilité de voter sur le projet de loi<br />

d'amnistie et ainsi d'influencer, certes marginalement, la probabilité que l'amnistie soit octroyée.<br />

Ainsi, l'intérêt de ce modèle est de déterminer dans quelle mesure les résultats <strong>des</strong> premiers modèles<br />

d'amnistie fiscale sont effectivement modifiés par l'introduction de cette hypothèse. Pour cela, le<br />

contexte <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> suisses de 1964 et 1968 se prêtes particulièrement bien à l'analyse.<br />

Les données utilisées : les <strong>amnisties</strong> suisses de 1964 et 1968 - Afin de tester les<br />

résultats de leur modèle, Pommerehne et Zweifel utilisent les données issues <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> de<br />

suisses de 1964 et 1968. Le test du modèle de Pommerehne et Zwiefel sur la base de ces deux<br />

<strong>amnisties</strong> se prête particulièrement bien pour deux raisons. D'une part les deux <strong>amnisties</strong> ont fait<br />

l'objet d'un vote populaire. Alors que la première fut rejetée (42 pour cent de oui), la seconde fut<br />

acceptée (62 pour cent de oui). Cette configuration permet donc d'analyser les facteurs explicatifs de<br />

la différence constatés dans les taux d'adoption de ces deux lois d'amnistie. L'intérêt de cette<br />

question intervient dans la mesure où, dans un contexte de démocratie directe, une amnistie refusée<br />

par le peuple semble, a priori, être une amnnistie inefficace.<br />

D'autre part la Suisse est un pays fédéral comptant actuellement 26 cantons souverains 1 . Or, les<br />

données issues <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> ou les entourant sont disponibles par canton. Les différences<br />

<strong>des</strong> systèmes fiscaux cantonaux permettent ainsi une analyse de statique comparative concernant <strong>des</strong><br />

paramètres importants <strong>des</strong> modèles d'amnistie fiscale comme le taux d'impôt, le taux d'impôt<br />

attendu, la probabilité de contrôle etc. Ainsi, il est possible de tester dans quelle mesure une<br />

variation de l'un ou l'autre paramètre 2 permet d'expliquer d'une part le taux d'acceptation de<br />

1 Notons que la Suisse n'en comptait que 25 au moment <strong>des</strong> deux <strong>amnisties</strong>. L'actuel canton du Jura était alors partie<br />

intégrante du canton de Berne.<br />

2 Les paramètres <strong>des</strong> modèles théoriques comme le taux d'impôt ou la probabilité de contrôle deviennent évidemment,<br />

197


l'amnistie et d'autre part son impact sur la participation <strong>des</strong> contribuables au système fiscal. Notons<br />

encore que, outre la prise en compte <strong>des</strong> paramètres usuels <strong>des</strong> modèles d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>,<br />

Pommerehne et Zweifel rajoute <strong>des</strong> variables explicatives permettant de contrôler l'effet de certains<br />

éléments qui dépassent le cadre de la politique fiscale mais qui peuvent expliquer le taux<br />

d'acceptation ou la participation à l'amnistie 1 .<br />

Les métho<strong>des</strong> d'estimation utilisées – Afin d'estimer leur modèle, Pommerehne et<br />

Zweifel ont utilisés deux métho<strong>des</strong> différentes. Ils ont dans un premier temps utilisé <strong>des</strong> métho<strong>des</strong><br />

probit et logit ( Pommerehne et Zweifel, 1990, p.144 ). Dans un deuxième temps, ils ont procédé à<br />

une estimation par les moindres carrés ordinaires (Pommerehne et Zweifel, 1990, p.144 ). Le fait<br />

que les auteurs aient eu successivement recours à deux métho<strong>des</strong> d'estimation différentes est<br />

intéressant dans la mesure où cela donne une indication de la robustesse <strong>des</strong> résultats eu égard à une<br />

modification de la méthode utilisée. Or, les différences de résultat dues à une modification de la<br />

méthode se sont avérées faibles (Pommerehne et Zweifel, 1990, p.144 ).<br />

Test sur le taux d'adoption et la participation à l'amnistie : les principaux résultats<br />

- L'estimation du modèle de Pommerehne et Zweifel permet d'établir deux types de résultats : <strong>des</strong><br />

résultats concernant le taux d'acceptation d'une amnistie lorsque celle-ci est soumise au peuple et<br />

<strong>des</strong> résultats en terme de participation au système fiscal étant donné que l'amnistie a été acceptée en<br />

votation populaire.<br />

Les résultats en terme de soutien à l'amnistie viennent partiellement confirmer le modèle théorique<br />

de Pommerehne et Zeifel. Ils montrent notamment qu'un taux d'impôt futur anticipé élevé influe<br />

négativement sur le taux d'aprobation de l'amnistie. Le revenu déclaré, les sanctions ainsi que la<br />

probabilité d'être contrôlé qui règne avant le vote influent positivement sur le taux d'adoption. Par<br />

contre une augmentation de la probabilité d'être contrôlé attendue à la suite de l'amnistie, influe<br />

négativement sur le taux d'adoption de la loi d'amnistie (Pommerehne et Zweifel, 1990, p.150). De<br />

ces facteurs la probabilité future d'être contrôlé mais surtout le revenu déclaré apparaissent comme<br />

les facteurs décisifs pour expliquer le taux d'adoption de l'amnistie (Pommerehne et Zweifel, 1990,<br />

p.150). L'intérêt de ces premiers résultats réside surtout dans leur impact sur les résultats en terme<br />

de participation à l'amnistie et au système fiscal. Il est en effet intéressant de savoir si les prédictions<br />

<strong>des</strong> modèles théoriques qui n'incluent pas d'hypothèse sur la procédure d'édiction sont modifiés ou<br />

invalidés lorsqu'une telle hypothèse est considérée.<br />

Selon les résultats statistiques obtenus par Pommerehne et Zweifel, tous les résultats théoriques de<br />

leur modèle en terme de participation au système fiscal sont confirmés (Pommerehne et Zweifel,<br />

dans le cadre de cette étude économétrique, <strong>des</strong> variables explicatives.<br />

1 Ces variables sont le taux d'indépendants dans la population <strong>des</strong> votants, le contexte culturel, c'est-à-dire si le canton<br />

est un canton dit latin ou alémanique, le niveau d'éducation de la population, le degré de démocratie directe dans le<br />

canton et enfin les recommandations de vote <strong>des</strong> partis.<br />

198


1990, p.154). En particulier, ces résultats montrent que, la possibilité de voter concernant l'amnistie<br />

ayant été donnée, une augmentation du taux de pénalité et de la probabilité de contrôle ne permet<br />

pas d'améliorer la participation à l'amnistie et au système fiscal. Les résultats ainsi obtenus sont<br />

clairement différents de certains arguments théoriques avancés en faveur d'un renforcement <strong>des</strong><br />

mesures visant à faire respecter la législation fiscale. Les résultats de Pommerehne et Zweifel<br />

suggèrent surtout que l'introduction d'une hypothèse sur la procédure d'édiction de l'amnistie<br />

modifie l'analyse. En l'occurence la prise en compte d'un contexte dans lequel la population est<br />

invitée à décider de l'opportunité d'une loi d'amnistie montre, dans le cadre de cette étude, que<br />

l'amnistie fiscale peut constituer un outil de lutte contre l'évasion fiscale efficace et attractif par<br />

rapport au outils conventionnels que sont le taux de pénalité et la probabilité d'être contrôlé. En,<br />

effet, Pommerehne et Zweifel ont estimé que l'amnistie a permis de réduire l'évasion fiscale<br />

inhérente à l'impôt sur le revenu de 19 à 13 pour cent sur la période allant de 1965 à 1969 alors que<br />

ce taux aurait dû passer de 19 à 28 pour cent si l'économie avait continué à évoluer de la même<br />

manière mais sans amnistie (Pommerehne et Zweifel, 1990, p.155).<br />

A notre connaissance, l'étude de Pommerehne et Zweifel est la seule analyse de type économétrique<br />

réalisée sur les <strong>amnisties</strong> suisses de 1964 et 1968. Ainsi, malgré l'utilisation de différentes métho<strong>des</strong><br />

d'estimation, il serait intéressant de comparer les résultats obtenus notamment avec <strong>des</strong> étu<strong>des</strong> se<br />

basant sur un autre type de modélisation économétrique, par exemple un modèle permettant<br />

d'analyser une série temporelle plus importante <strong>des</strong> différentes variables. En effet, le modèle de<br />

Pommerehne et Zweifel ne dit rien sur l'impact à long terme de l'amnistie fiscale sur l'ampleur de<br />

l'évasion fiscale en Suisse. Or, sur le long terme, il semble que l'évasion fiscale concernant le revenu<br />

ait augmenté entre 1978 et 1995 pour se fixer à 22,3 pour cent en moyenne pour les 26 cantons<br />

(Feld and Frey, 2006, p.10). Ainsi, il pourrait être intéressant de s'interroger sur l'impact que<br />

l'amnistie fiscale de 1968 a pu avoir sur cette évolution.<br />

14.2.2.La démocratie directe et les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> : un test expérimental<br />

L'étude empirique de Pommerehne et Zweifel (1990) a suggéré que la procédure à travers laquelle<br />

une amnistie est édictée peut avoir une influence sur son efficacité. En particulier, le fait de<br />

permettre au citoyen-contribuable de s'exprimer sur l'opportunité d'une amnistie fiscale semble<br />

influencer l'efficacité de cette dernière. Afin d'étayer les résultats de l'étude de Pommerehne et<br />

Zweifel, il apparaît intéressant de présenter ici les résultats de l'étude expérimentale menée par<br />

Torgler et Schaltegger (2004).<br />

L'intérêt de cette étude est qu'elle analyse également l'effet que peut avoir la façon dont est décidée<br />

l'amnistie sur la participation <strong>des</strong> contribuables au système fiscal. Ainsi, sur le plan théorique,<br />

Torgler et Schaltegger estiment d'une part que la seule possibilité de voter à propos de l'amnistie<br />

199


fiscale permet d'accroître la participation au système fiscal. D'autre part, ils estiment que la tenu d'un<br />

débat entre les citoyen-contribuables préalablement au vote permet d'accroître encore la<br />

participation au système fiscal par rapport à une procédure de vote sans aucun débat préalable.<br />

Torgler et Schaltegger formule ces deux arguments sous la forme d'hypothèses qu'ils se proposent<br />

de tester dans le cadre d'une étude expérimentale.<br />

L'utilisation de données expérimentales – Les étu<strong>des</strong> empiriques abordées jusqu'ici<br />

peuvent être définies de "classiques" eu égard aux données considérées. En effet, ces étu<strong>des</strong><br />

reposent toutes sur <strong>des</strong> données issues directement de cas observés d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> et de leur<br />

environnement économique. Les données n'étant jamais générées par les auteurs <strong>des</strong> étu<strong>des</strong> qui les<br />

emploient, celles-ci posent souvent <strong>des</strong> problèmes lorsqu'il s'agit de tester <strong>des</strong> modèles théoriques<br />

car ce n'est pas là l'objectif premier pour lequel ces données ont été collectées. Par ailleurs, le test de<br />

certains modèles peut même parfois se révéler impossible du fait de l'absence totale de données.<br />

Une méthode permettant de générer <strong>des</strong> données ayant pour objectif précis de tester <strong>des</strong> modèles<br />

théoriques est proposée par l'économie expérimentale. Selon Laurent Denant-Boemont : "<br />

L'économie expérimentale consiste, en effet, en la reconstitution, en laboratoire, d'une situation<br />

économique simplifiée pour laquelle l'ensemble <strong>des</strong> variables est contrôlé par l'expérimentateur." 1<br />

Ainsi, afin de tester leurs hypothèses, Torgler et Schaltegger ont mis en place une expérience<br />

concernant 122 personnes dont 68 en Suisse et 54 au Costa Rica.<br />

L'expérience comparée du Costa Rica et de la Suisse – L'expérience effectuée par<br />

Torgler et Schaltegger avait pour objectif de générer <strong>des</strong> données permettant de tester l'impact de<br />

l'opportunité de voter sur la loi d'amnistie et de la présence ou non de débats lors de la procédure sur<br />

la participation <strong>des</strong> contribuables au système fiscal. Pour cela, dans chaque pays, l'expérience<br />

comprenait six sessions de vingt cinq phases chacune (Torgler et Schaltegger, 2004, p.12). D'une<br />

session à l'autre, l'expérience était menée pour <strong>des</strong> ensembles d'individus différents . Chaque session<br />

permet de modifier l'une ou l'autre <strong>des</strong> conditions entourant les individus durant l'expérience. Cela<br />

permet, toutes choses égales par ailleurs, de déterminer l'impact d'une telle modification sur leur<br />

comportement. A chacune <strong>des</strong> vingt cinq phases <strong>des</strong> six sessions, les participants à l'expérience<br />

recevaient un revenu constant et exogène. Afin d'introduire la notion de bien collectif dans<br />

l'expérience, la somme <strong>des</strong> impôts payés sur le revenu déclaré était doublée pui redistribuée à part<br />

égale entre les participants. Un taux d'impôt constant de 20 pour cent était considéré. En outre le<br />

<strong>des</strong>ign de l'expérience comprend une endogénéisation <strong>des</strong> règles selon lesquelles les contribuables<br />

sont contrôlés par l'administration (Torgler et Schaltegger, 2004, p.11). Cela signifie que, dans le<br />

cadre d'une session, l'administration fiscale utilise à chaque phase l'information collectée durant les<br />

200<br />

1 Voir http://perso.univ-rennes1.fr/laurent.denant-boemont/ecoexp.htm


phases antérieures afin de déterminer les contribuables qu'elle entend contrôler. Dans le cadre<br />

théorique d'un modèle d'utilité espérée cela signifierait par exemple que la probabilité pour un<br />

contribuable d'être contrôlé dépend du montant de revenu qu'il déclare. Enfin les gains de chaque<br />

contribuable sont déterminés par un modèle d'utilité espérée dont les principaux éléments ont<br />

largement été présentés dans les chapitres précédents.<br />

Les sessions qui revêtent un intérêt particulier par rapport aux hypothèses testées sont la première,<br />

la deuxième, la quatrième et la cinquième session . Lors de la première session, aucune amnistie<br />

n'est octroyée. A la deuxième session, une amnistie est introduite lors de la phase treize de la<br />

session, sans donner aux contribuables la possibilité de voter ou de débattre de l'amnistie (Torgler<br />

et Schaltegger, 2004, p.12). Lors de la troisième session, la possibilité est offerte aux contribuables<br />

de voter sur l'oppotunité d'une amnistie mais sans qu'ils puissent en débattre entre eux (Torgler et<br />

Schaltegger, 2004, p.12). Enfin, la cinquième session se déroule dans les mêmes conditions que la<br />

quatrième à la différence que la possibilité est données aux votant-contribuables de discuter entre<br />

eux au sujet de l'amnistie avant de donner leur vote (Torgler et Schaltegger, 2004, p.12).<br />

<strong>L'analyse</strong> <strong>des</strong> données expérimentales et les résultats – L'expérience, menée<br />

parallèlement en Suisse et au Costa Rica, a permis d'observer le revenu déclaré par chaque<br />

contribuable à chaque phase de chaque session. Le revenu réel étant connu, ces données permettent<br />

de calculer une mesure de la participation <strong>des</strong> contribuables au système fiscal en rapportant le<br />

revenu déclaré observé au revenu réel (Torgler et Schaltegger, 2004, p.15). A l'aide de l'ensemble<br />

<strong>des</strong> données, Torgler et Schaltegger régressent ensuite le taux de participation au système fiscal par<br />

rapport à différentes variables de contrôle, dont une dummy variable sur la possibilité de débattre de<br />

l'amnistie ou non . Afin de contrôler la robustesse <strong>des</strong> résultats, ils utilisent deux métho<strong>des</strong><br />

d'estimation différentes : la méthode de maximum de vraisemblance Tobit d'une part et les moindres<br />

carrés ordinaires d'autre part.<br />

<strong>L'analyse</strong> montre un résultat ambigu concernant la possibilité ou non de voter au sujet de l'amnistie,<br />

c'est-à-dire que, au vue <strong>des</strong> données collectée, le fait que les contribuables puissent décider au sujet<br />

de l'amnistie n'induit pas une augmentation de la participation au système fiscal (Torgler et<br />

Schaltegger, 2004, p.19). Par contre, l'analyse <strong>des</strong> données issues de l'expérience menée en Suisse et<br />

au Costa Rica débouche sur un résultat statistiquement significatif et positif concernant la possibilité<br />

accordée aux contribuables de débattre de l'amnistie (Torgler et Schaltegger, 2004, p.19). Bien que<br />

ces deux étu<strong>des</strong> doivent être comparées avec précaution, ce résultat vient en quelque sorte affiner le<br />

résultat suggéré par Pommerehne et Zweifel. En effet, l'étude de Torgler et Schaltegger tend à<br />

confirmer que la procédure selon laquelle une amnistie est octroyée a un impact sur son efficacité.<br />

Mais elle suggère que ce n'est pas tant la possibilité pour les contribuables de voter à son sujet qui<br />

201


importe mais plutôt les discussions publiques qui prennent place dans la période précédant le vote.<br />

Pour Torgler et Schaltegger, de telles discussions au sein du groupe augmentent le coût moral de ne<br />

pas déclarer la totalité du revenu et renforce le fait de payer ses impôts comme étant la norme<br />

(Torgler et Schaltegger, 2004, p.22).<br />

14.3.La réduction de l'économie souterraine et l'intégration de nouveaux contribuables<br />

La première partie a identifié l'obtention de recettes <strong>fiscales</strong> supplémentaires comme étant l'objectif<br />

principal <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>. Or cette objectif global englobe en fait différents objectifs.<br />

Notamment, les recettes <strong>fiscales</strong> peuvent être augmentés grâce à une réintégration vers l'économie<br />

formelle de certaines activités ou de certains actifs de l'économie souterraine qui échappaient à toute<br />

taxation. Un autre moyen et de chercher à réintégre <strong>des</strong> contribuables dans le système fiscal. La<br />

présente section propose de s'interroger sur la capacité <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> à remplir ces objectifs<br />

14.3.1.L'intégration <strong>des</strong> actifs dans l'économie formelle<br />

Un <strong>des</strong> objectifs énoncés <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> était l'augmentation de la croissance économique. La<br />

présentation <strong>des</strong> divers modèles théoriques a démontré que cet aspect <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> reste<br />

largement inexploré. Néanmoins, le modèle de Das-Gupta et Mookherjee (1995, 1996) intègre une<br />

hypothèse originale selon laquelle une amnistie peut constituer un moyen de réintégrer <strong>des</strong> actifs de<br />

l'économie informelle vers l'économie formelle. Sous l'hypothèse que les actifs de l'économie<br />

formelle ont un rendement plus élevé que ceux de l'économie informelle, une amnistie qui<br />

atteindrait son objectif de réintégration <strong>des</strong> actifs dans l'économie formelle permettrait une<br />

augmentation de la croissance économique. Le modèle de Das-Gupta et Mookherjee, comme nous<br />

l'avons vu, ne va pas aussi loin dans l'analyse. Leur modèle se concentre sur la question de la<br />

capacité d'une amnistie à réintégrer <strong>des</strong> actifs dans l'économie formelle et ainsi à accroître les<br />

recettes <strong>fiscales</strong>. Ce modèle théorique ne permettait malheureusement pas d'obtenir de résultat clair,<br />

notamment lorsque l'amnistie est considérée comme anticipée. Par conséquent, un test empirique de<br />

ce modèle s'avère nécessaire afin de déterminer dans quelle mesure une amnistie est réellement<br />

capable de réintégrer <strong>des</strong> actifs dans l'économie formelle (Das-Gupta et Mookherjee, 1995, p.2). Or<br />

une telle étude a été menée par Das-Gupta et Mookherjee (1995) sur les <strong>amnisties</strong> indiennes dont<br />

une <strong>des</strong> caractéristiques est justement de chercher à réintégrer <strong>des</strong> actifs dans l'économie formelle<br />

(Das-Gupta et Mookherjee, 1995, p.1).<br />

Données et méthode d'analyse – L'étude empirique de Das-Gupta et Mookherjee<br />

(1995) consiste à analyser les fluctuations d'année en année de séries temporelles concernant les<br />

recettes de l'impôt sur le revenu <strong>des</strong> personnes physiques en Inde entre 1965 et 1991 1 . <strong>L'analyse</strong><br />

202<br />

1 Pour les détails de la méthode employée, voir Das-Gupta, A., Radhika L. and Mookherjee, D., " Income Tax<br />

Compliance in India : an Empirical Analysis", National Institute of Public Finance and Policy, New Dehli, 1993.


consiste à identifier et isoler l'impact de toutes les variables influençant les recettes <strong>fiscales</strong> de<br />

manière significative. Les variables retenues sont le produit intérieur brut non agricole, le taux<br />

d'inflation, le taux d'impôt marginal effectif 1 , une variable reflétant les conditions d'exigibilité <strong>des</strong><br />

impôts, deux variables reflétant les mesures visant à faire respecter la législation fiscale, <strong>des</strong><br />

variables muettes sont utilisées pour isoler l'effet de phénomènes extraordinaires autres que <strong>des</strong><br />

<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> 2 (Das-Gupta et Mookherjee, 1995, p.26). L'effet <strong>des</strong> différentes <strong>amnisties</strong><br />

octroyées sur toute la période est capté à travers l'utilisation de variables muettes (Das-Gupta et<br />

Mookherjee, 1995, p.26).<br />

La réduction de l'économie souterraine par l'amnistie fiscale : <strong>des</strong> résultats mitigés<br />

– L'étude empirique de Das-Gupta et Mookherjee (1995) arrive essentiellement au résultat que les<br />

<strong>amnisties</strong> octroyées avant 1980 en Inde ont eu un impact positif sur les recettes <strong>fiscales</strong> alors que les<br />

<strong>amnisties</strong> octroyées après 1980 semblent avoir occasionné de sévères diminutions (Das-Gupta et<br />

Mookherjee, 1995, p.29). Plus précisément, l'amnistie de 1975 a eu un impact positif sur les recettes<br />

<strong>fiscales</strong> autant dans la période précédant l'amnistie que dans la période suivant l'amnistie (Das-<br />

Gupta et Mookherjee, 1995, p.29). L'amnistie de 1980 a eu un impact négatif sur les recettes <strong>fiscales</strong><br />

durant l'année de son octroi (Das-Gupta et Mookherjee, 1995, p.29). Les années après 1980 se<br />

situant entre deux <strong>amnisties</strong> sont caractérisées par <strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong> plus faibles (Das-Gupta et<br />

Mookherjee, 1995, p.29). Finalement les <strong>amnisties</strong> octroyées après 1980 ont toutes eu un impact ou<br />

négatif ou insignifiant sur les recettes dans l'années de leur octroi (Das-Gupta et Mookherjee, 1995,<br />

p.29).<br />

Pour Das-Gupta et Mookherjee, ces résultats s'expliquent par les caractéristiques et les conditions<br />

particulières de chaque amnistie. Le succès de l'amnistie de 1975 serait ainsi dû au fait qu'elle<br />

constituait un signal clair selon lequel le gouvernement allait renforcer les mesures visant à faire<br />

respecter la législation fiscale (Das-Gupta et Mookherjee, 1995, p.29). L'échec <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> de<br />

1980 et après serait dû au fait que, contrairement à l'amnistie de 1975, celles-ci ont été largement<br />

anticipées par les contribuables d'une part et au fait qu'elles auraient été octroyées par le<br />

gouvernment à une fréquence trop élevée (Das-Gupta et Mookherjee, 1995, p.29).<br />

L'étude empirique de Das-Gupta et Mookherjee suggère donc qu'une amnistie peut engendrer une<br />

augmentation de recettes <strong>fiscales</strong> supplémentaires en favorisant le blanchiment d'actifs détenus dans<br />

l'économie souterraine. Il suggère toutefois que ce résultat n'est pas acquis et qu'il dépend<br />

notamment de la crédibilité du gouvernment dans son intention de renforcer les mesures visant à<br />

faire respecter la législation fiscale, <strong>des</strong> effets d'anticipation ainsi que de la fréquence <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong>.<br />

Ces résultats suggèrent, de manière plus large, qu'une amnistie peut permettre d'accroître la<br />

1 Une moyenne <strong>des</strong> taux pour les diférentes classes de revenu est considérée<br />

2 Par exemple la démonétisation <strong>des</strong> billets de banque les plus élevés en 1978 (Das-Gupta et Mookherjee, 1995, p.26)<br />

203


croissance éconmique en permettant une réallocation <strong>des</strong> actifs vers le secteur de l'économie dans<br />

lequel les rendements sont les plus élevés. Toutefois, il est important de noter que à la fois le<br />

modèle théorique que l'étude empirique de Das-Gupta et Mookherjee se rapportent au contexte bien<br />

précis de pays en développement ou émergeants tels que l'Inde et qui font face à une importante<br />

économie souterraine. Par conséquent, la pertinence <strong>des</strong> résultats théoriques et empiriques de ce<br />

modèle doit être relativisée s'agissant <strong>des</strong> pays dits "industrialisés".<br />

14.3.2.L'intégration de nouveaux contribuables dans le système fiscal<br />

L'intégration de nouveaux contribuables : l'ambiguité <strong>des</strong> résultats théoriques - Un<br />

autre moyen par lequel une amnistie fiscale est capable d'engendrer <strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong><br />

supplémentaires passe par l'intégration de nouveaux contribuables au système fiscal. Sur le plan<br />

théorique, une <strong>des</strong> critique adressée au premières tentatives de modélisation était le fait qu'elles ne<br />

permettaient pas une prise en compte <strong>des</strong> contribuables restés complétement hors <strong>des</strong> rôles fiscaux<br />

jusqu'au moment de l'amnistie. Lors <strong>des</strong> chapîtres précédents nous avont démontré que certains<br />

auteurs comme Graetz et Wilde (1993) se sont attachés à pallier cette lacune. Les hypothèses de leur<br />

modèle permettaient effectivement de décrire le comportement de contribuables restés hors du<br />

système fiscal face à une amnistie. Or, ce modèle théorique arrivait au résultat qu'une amnistie est<br />

effectivement capable d'induire la participation de ce type de contribuable mais démontrait<br />

également que, dans certaines conditions, une partie <strong>des</strong> contribuables participant à l'amnistie<br />

auraient de toute façon déclaré leur revenu même sans amnistie. La capacité <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> à<br />

remplir cet objectif est donc soumis à une certaine ambiguité. Par conséquent, il convient de se<br />

tourner vers d'éventuels travaux empiriques qui permettraient d'éclaircir les ambiguités théoriques.<br />

<strong>L'analyse</strong> <strong>des</strong> participants à l'amnistie du Michigan de 1986 – Christian et alii<br />

proposent, dans une étude empirique de 2002, une analyse spécifique de la capacité <strong>des</strong> amnsities<br />

<strong>fiscales</strong> à intégrer de nouveaux contribuables dans le système fiscal (Christian et alii, 2002, p.704).<br />

Cette étude traite de deux questions centrales liées aux <strong>amnisties</strong>. D'une part cette étude cherche a<br />

déterminer le nombre de contribuables restés hors <strong>des</strong> rôles fiscaux et qui participent à une amnistie.<br />

D'autre part elle s'intéresse à la part de ces nouveaux contribuables qui, par la suite, restent dans le<br />

système fiscal. Pour mener leur étude, Christian et alii s'appuient sur les données de l'amnistie<br />

fiscale édictée par l'état américain du Michigan en 1986. Cette amnistie, approuvée par le parlement,<br />

couvrait tous les types d'impôt sur la période allant de 1968 à 1984 et a duré du 12 mai au 30 juin<br />

1986 (Christian et alii, 2002, p.706). L'amnistie s'étendait à tous les types de pénalité possibles mais<br />

ne permettait pas aux contribuables déjà poursuivis par l'administration fiscale de participer<br />

(Christian et alii, 2002, p.706). Cette amnistie fut en outre accompagnée d'un renforcement ex post<br />

<strong>des</strong> mesures de sanction à l'encontre <strong>des</strong> contribuables qui persisteraient à ne pas déclarer la totalité<br />

204


de leur revenu. Enfin une importante campagne d'information fut menée auprès <strong>des</strong> contribuables<br />

afin que ceux-ci soient tout à fait conscients de l'opportunité offerte par l'amnistie. <strong>L'analyse</strong> de<br />

Christian et alii repose sur un échantillonnage aléatoire simple de 10 pour cent effectué par<br />

l'administration fiscale du Michigan dans la population <strong>des</strong> contribuables ayant participés à<br />

l'amnistie (Christian et alii, 2002, p.704). Pour établir la représentativité <strong>des</strong> données de<br />

l'échantillon, Christian et alii les compare avec <strong>des</strong> données pour le Michigan concernant les impôts<br />

fédéraux 1 (Christian et alii, 2002, p.704).<br />

Une preuve empirique de la capacité <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> à intégrer de nouveaux<br />

contribuables – <strong>L'analyse</strong> effectuée sur l'échantillon issu <strong>des</strong> particpants à l'amnistie a permis à<br />

Christian et alii d'obtenir essentiellement trois résultats eu égard à la question qui nous occupe.<br />

Premièrement, sur les 75'000 contribuables ayant participé à l'amnistie, environ 5'500 étaient <strong>des</strong><br />

nouveaux contribuables qui ont pu être ajoutés aux rôles fiscaux (Christian et alii, 2002, p.704).<br />

Deuxièmement, la participation de ces nouveaux contribuable a permis à l'administration fiscale de<br />

collecter 3,4 millions de dollars supplémentaires. Troisièmement, il semble que ces nouveaux<br />

contribuables aient pu majoritairement être gardés dans le système fiscal. En effet, selon Christian<br />

et alii, plus de deux tiers <strong>des</strong> 5'500 contribuables ont pu être retenus dans le système (Christian et<br />

alii, 2002, p.704). En conclusion, l'étude de Christian et alii suggère que si l'amnistie a été un succès<br />

s'agissant de sa capacité à intégrer de nouveaux contribuables dans le système fiscal, l'impact en<br />

terme de recettes <strong>fiscales</strong> reste mo<strong>des</strong>te puisque les 3,4 millions de dollars ainsi collectés ne<br />

représentaient que 0,1 pour cent <strong>des</strong> recettes de l'Etat du Michigan au titre de l'impôt sur le revenu<br />

<strong>des</strong> personnes physiques. L'impact en terme de recettes <strong>fiscales</strong> reste, même à court terme, très<br />

faible. Il convient par ailleurs de noter que l'évaluation de la capacité de l'amnistie à réintégrer de<br />

nouveaux contribuables dans le système fiscal a été effectuée à très court terme. Par conséquent,<br />

l'étude de Christian et alii ne donne aucune indication sur la réelle intégration <strong>des</strong> nouveaux<br />

contribuables à long terme et de l'impact durable sur les recettes <strong>fiscales</strong>. D'autres étu<strong>des</strong> viennent<br />

de ce point de vue compléter le champ empirique de l'analyse économique <strong>des</strong> amnistie <strong>fiscales</strong>. Ces<br />

étu<strong>des</strong> sont présenté ci-après.<br />

14.4.Les effets de long terme <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong><br />

Les premières tentatives de modélisation <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> permettaient d'appréhender une <strong>des</strong><br />

prinicpales controverses concernant les <strong>amnisties</strong>, à savoir si celles-ci devaient être implémentées<br />

de manière permanente dans la législation fiscale ou si au contraire elles s'avéraient plus efficaces si<br />

elles étaient édictées sur une courte période et de manière exceptionnelle, la typologie parle à ce<br />

205<br />

1 Les données sur les impôts fédéraux sont issus d'une base de données élaborée par Ernst and Young (Christian et<br />

allii, 2002, p.708)


titre d'amnistie temporaire. Finalement, la litérature s'est peu à peu focalisée sur l'analyse <strong>des</strong><br />

<strong>amnisties</strong> temporaires dans la mesure où leur efficacité apparaît, toutes choses égales par ailleurs,<br />

plus aléatoire puisque ces <strong>amnisties</strong> sont notamment soumises à <strong>des</strong> problèmes d'anticipation, de<br />

durée et de timing que ne connaissent pas les <strong>amnisties</strong> permanentes. De ce fait, l'enjeu de l'analyse<br />

<strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> se réduit à démontrer l'efficacité <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> temporaires. Or, comme nous<br />

l'avons déjà mentionné, une évaluation objective de l'efficacité d'une amnistie fiscale en terme de<br />

recettes <strong>fiscales</strong> nécessite de prendre non seulement en compte l'éventuel surplus de recettes <strong>fiscales</strong><br />

qu'elle est capable d'engendrer à court terme mais également l'impact qu'elle peut avoir sur les<br />

recettes <strong>fiscales</strong> à long terme. Le modèle dynamique de Macho-Stadler et alii a démontré sur le plan<br />

théorique que l'effet d'une amnistie fiscale à long terme était au mieux transitoire. Il convient a<br />

présent de s'interroger sur la pertinence empirique de ce résultat théorique. A notre connaissance,<br />

deux étu<strong>des</strong> ont cherché à déterminer l'effet de long terme d'<strong>amnisties</strong> temporaires. Il s'agit de Alm<br />

et Beck en 1993 concernant une amnistie édictée par l'Etat du Colorado en 1985 et plus récemment<br />

Lopez-Laborda et Rodrigo (2003) ont procédé à une telle étude empirique concernant l'amnistie<br />

espagnole de 1991.<br />

14.4.1.Les effets de long terme de l'amnistie du Colorado de 1985<br />

La loi d'amnistie de 1985 - Le 6 juin 1985 une loi d'amnistie fiscale fut entérinée par le<br />

parlement de l'état américain du Colorado. L'amnistie courrait sur une période de deux mois entre le<br />

15 septembre et le 15 novembre 1985 (Alm et Beck, 1993, p.54). L'amnistie s'intégrait dans un<br />

programme plus vaste de lutte contre l'évasion fiscale ("Colorado Fair Share") qui prévoyait<br />

notamment un accroissement <strong>des</strong> mesures de sanction et <strong>des</strong> ressources mises à disposition pour<br />

faire respecter la législation fiscale une fois l'amnistie terminée (Alm et Beck, 1993, p.54).<br />

L'amnistie fut également acconpagnée par une large campagne d'information dont le coût s'éleva à<br />

145'000 dollars. Elle s'adressait aussi bien aux personnes morales qu'aux personnes physiques et<br />

concernait tous les types d'impôt dûs sur les pério<strong>des</strong> <strong>fiscales</strong> antérieures (Alm et Beck, 1993, p.54).<br />

Néanmoins 90 pour cent <strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong> collectées l'ont été au titre de l'impôt sur le revenu <strong>des</strong><br />

personnes physiques (Alm et Beck, 1993, p.54). Notons enfin que les contribuables poursuivis par<br />

l'administration fiscale fédérale au moment de l'entrée en force de l'amnistie étaient autorisés à<br />

participer alors que les contribuables poursuivis par l'administration fiscale du Colorado n'étaient<br />

pas autorisées à participer (Alm et Beck, 1993, p.54). L'objectif annoncé en terme de recettes <strong>fiscales</strong><br />

supplémentaires collectées s'élevait à 5 millions de dollars. Finalement, l'amnistie permit d'en<br />

collecter plus de 6.3 millions (Alm et Beck, 1993, p.55).<br />

<strong>L'analyse</strong> <strong>des</strong> données à l'aide de différentes métho<strong>des</strong> temporelles – Afin de<br />

déterminer l'impact à long terme de cette amnistie sur la collecte de recettes <strong>fiscales</strong>, Alm et Beck<br />

206


ont utilisé <strong>des</strong> données mensuelles concernant les recettes <strong>fiscales</strong> au titre du seul impôt sur les<br />

personnes physiques (Alm et Beck, 1993, p.54). Le fait de considérer uniquement ce type d'impôt se<br />

justifie dans la mesure où 90 pour cent <strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong> collectées dans le cadre de l'amnistie<br />

concernaient cet impôt. Les données considérées s'étendent du mois de janvier 1980 au mois de<br />

décembre 1989, c'est-à-dire cinq années avant l'amnistie fiscale et quatre années après. L'objectif de<br />

l'analyse est de déterminer si l'amnistie, au cours de cette période, a significativement influencé le<br />

niveau ou l'évolution <strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong> (Alm et Beck, 1993, p.54). L'intérêt particulier de l'étude<br />

de Alm et Beck est notamment qu'ils ont estimés les données temporelles à l'aide de différents<br />

modèles statistiques ce qui permet de réduire le risque que les résultats soient biaisés du seul fait de<br />

la méthode utilisée. D'abord Alm et Beck analysent les données pour l'ensemble de la période ainsi<br />

que pour les sous-pério<strong>des</strong> précédant l'amnistie et suivant l'amnistie à l'aide <strong>des</strong> moindres carrés<br />

ordinaires. Ensuite Alm et Beck utilisent un modèle mixte intégré autorégressif et de moyennes<br />

mobiles 1 . Ce modèle d'une part analyse le comportement <strong>des</strong> données, c'est-à-dire le processus par<br />

le quel sont engendrées les recettes, avant et après l'amnistie (Alm et Beck, 1993, p.56). Si ce<br />

processus apparaît identique, alors l'amnistie n'a pas d'impact. D'autre part, cette méthode permet de<br />

calculer <strong>des</strong> paramètres pour la période précédant l'amnistie sur la base <strong>des</strong>quels il est possible de<br />

formuler une prévision <strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong>. Si cette prévision se révèle exacte ex-post, cela signifie<br />

que l'amnistie n'a eu aucun effet (Alm et Beck, 1993, p.57). Enfin, Alm et Beck test les données à<br />

l'aide d'une variante de la précédante méthode. Cette méthode, appelée modèle mixte intégré<br />

autorégressif multivarié et de moyennes mobiles 2 , consiste à rajouter une hypothèse sur la forme de<br />

l'impact de l'amnistie sur les recettes <strong>fiscales</strong>. Alm et Beck testent trois hypothèses : l'amnistie a un<br />

impact durant la seule période où elle est édictée, que l'amnistie a un impact durant la période où<br />

elle entre en force puis un impact identique pour toutes les pério<strong>des</strong> suivantes considérées, enfin<br />

l'amnistie à un impact durant la période d'édiction puis durant les pério<strong>des</strong> suivantes, mais cet<br />

impact décline dans le temps (Alm et Beck, 1993, p.58).<br />

L'absence d'impact à long terme de l'amnistie du Colorado – Au final, quelque soit<br />

la méthode utilisée, l'étude empirique montre que l'amnistie fiscale de 1985 de l'Etat du Colorado<br />

n'a eu d'impact ni sur le niveau <strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong> ni sur leur évolution (Alm et Beck, 1993, p.58).<br />

Ce résultat empirique est important dans la mesure où il vient soutenir les résultats théoriques du<br />

modèle de Macho-Stadler et alii, c'est-à-dire que l'impact d'une amnistie fiscale à long terme est, au<br />

207<br />

1 En anglais, autoregressive integrated moving average ou ARIMA model. Ce type de modèle a été développé par Box<br />

et Jenkins (voir Box, G.E. And Jenkins, G.M., "Times Series Analysis, Forecasting and Control", Holden-Day, San<br />

Francisco, 1976).<br />

2 En anglais, multivariate autoregressive integrated moving average ou MARIMA model.Ce type de modèle a été<br />

développé par Box et Tiao ( voir Box, G.E. And Tiao, G.C., "Intervention Analysis with Application to Economic<br />

and Environmental Problems", Journal of the American Statistical Association, no 70, pp. 70-79, mars 1975)


mieux, transitoire. Dans le cas du Colorado, l'impact semble même avoir été inexistant. D'un autre<br />

point de vue, ce résultat signifie également que, à long terme, l'amnistie n'a pas entraîné une<br />

réduction de la participation, ex post ou ex ante, <strong>des</strong> contribuables au système fiscal, à cause d'un<br />

éventuel effet d'anticipation ou d'un sentiment d'injustice de la part <strong>des</strong> contribuables honnêtes.<br />

D'aucun pourrait donc penser que le résultat obtenu par Alm et Beck invalide ainsi certains résultats<br />

<strong>des</strong> modèles théoriques. Néanmoins, l'étude empirique de Alm et Beck ne permet pas de formuler<br />

une telle conclusion. En effet, l'amnistie du Colorado a été accompagnée d'un renforcement ex post<br />

<strong>des</strong> sanctions et <strong>des</strong> mesures de contrôle fiscal. Par conséquent, l'amnistie a pu avoir <strong>des</strong> effets, ex<br />

ante ou ex post, négatifs sur les recettes <strong>fiscales</strong> mais qui auraient été compensées par l'effet du<br />

renforcement <strong>des</strong> mesures visant à faire respecter la législation fiscale. Or, comme ils le<br />

mentionnent par ailleurs eux-mêmes, le modèle empirique utilisé par Alm et Beck ne permet pas<br />

d'isoler les effets de l'amnistie <strong>des</strong> effets <strong>des</strong> mesures visant à faire respecter la législation fiscale<br />

(Alm et Beck, 1993, p.58). Or, une étude empirique récente de Lopez-Laborda et Rodrigo (2003)<br />

reprend la méthode utilisée par Alm et Beck et l'améliore afin d'estimer l'impact à long terme de<br />

l'amnistie espagnole de 1991.<br />

14.4.2.Les effets de long terme de l'amnistie espagnole de 1991<br />

L'amnistie espagnole de 1991 et les données utilisées - Le chapitre dédié à<br />

l'expérience <strong>des</strong> états en matière d'amnistie fiscale a longuement décrit l'amnistie espagnole édictée<br />

en 1991. Sans revenir sur les détails de cette amnistie, rappelons simplement qu'elle s'inscrivait dans<br />

le cadre de la plus vaste réforme du système fiscal depuis la chute du général Franco en 1975. Elle a<br />

notamment été accompagnée, comme l'amnistie du Colorado, d'un renforcement <strong>des</strong> mesures de<br />

contrôle fiscal. De manière analogue à l'étude de Alm et Beck, Lopez-Laborda et Rodrigo utilisent<br />

les données mensuelles <strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong> au titre de l'impôt sur le revenu <strong>des</strong> personnes physiques<br />

pour effectuer leur analyse temporelle. Par contre leurs données s'étendent de 1979 à 1998, c'est à-<br />

dire 12 années avant l'amnistie et 7 années après l'amnistie (Lopez-Laborda et Rodrigo, 2003, p.<br />

79). Par conséquent, l'étude de Lopez-Laborda et Rodrigo se fonde sur un nombre d'observations<br />

plus important.<br />

L'amélioration de l'analyse de données en série temporelles – La méthode utilisée<br />

pour analysée les données en série temporelle repose sur un modèle mixte intégré autorégressif et de<br />

moyennes mobiles mais avec quelques améliorations par rapport à celui utilisé par Alm et Beck. En<br />

effet, la méthode utilisée par Alm et Beck permettait seulement de déterminer si l'amnistie fiscale<br />

avait un impact sur la série temporelle ou non. Lopez-Laborda et Rodrigo intègrent dans l'analyse<br />

208


une méthode de détection <strong>des</strong> valeurs aberrantes 1 ainsi qu'un test de type Bai et Perron 2 . Le recours à<br />

ces deux outils, permet de tester si la réforme fiscale introduite entre 1988 et 1991 a eu un impact<br />

sur la série temporelle considérée (Lopez-Laborda et Rodrigo, 2003, p. 80). Ainsi, l'innovation de<br />

l'étude de Lopez-Laborda et Rodrigo, par rapport à l'étude précédante, est qu'elle permet de dissocier<br />

les effets de l'amnistie <strong>des</strong> effets de la réforme fiscale, comblant ainsi une <strong>des</strong> lacunes de la méthode<br />

précédente.<br />

L'absence d'effet de long terme de l'amnistie espagnole – <strong>L'analyse</strong> <strong>des</strong> données<br />

montre dans un premier temps que la structure de la serie temporelle n'est pas permanente (Lopez-<br />

Laborda et Rodrigo, 2003, p.93). Cela indique qu'un événement a causé une modification du<br />

comportement <strong>des</strong> données temporelles et a introduit un effet permanent au niveau de la collecte <strong>des</strong><br />

recettes <strong>fiscales</strong> (Lopez-Laborda et Rodrigo, 2003, p. 94). Toutefois, l'analyse montre que cet effet<br />

ne peut pas être attribué à l'octroi de l'amnistie fiscale (Lopez-Laborda et Rodrigo, 2003, p. 94). En<br />

fait, l'analyse <strong>des</strong> données montre que la réforme fiscale introduite entre 1988 et 1991 est à l'origine<br />

de la modification du comportement de la série temporelle. (Lopez-Laborda et Rodrigo, 2003, p.<br />

94). Les résultats empriques obtenus par Lopez-Laborda et Rodrigo viennent ainsi renforcer ceux<br />

obtenus par Alm et Beck ainsi que les résultats théoriques obtenus par Macho-Stadler et alii (1999).<br />

Ainsi les travaux empiriques et théoriques les plus aboutis concernant l'impact <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong><br />

<strong>fiscales</strong> à long terme semblent indiquer que celles-ci sont incapables d'induire une réel modification<br />

de la participation au système fiscal. Les travaux qui viennent d'être cités poussent donc à conclure à<br />

une inefficacité <strong>des</strong> amnistie <strong>fiscales</strong> dans le lutte contre l'évasion fiscale. Evidemment un tel<br />

résultat est à prendre avec précaution dans la mesure où le développement la littérature théorique<br />

mais aussi empirique concernant les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> est encore à une étape peu avancée (Lopez-<br />

Laborda et Rodrigo, 2003, p. 74). Notamment, afin de confirmer ou d'invalider les résultats obtenus<br />

au niveau <strong>des</strong> effets de long terme, il conviendrait de confronter les résultats obtenus par les<br />

techniques présentées avec les résultats qu'obtiendrait un modèle structurel prenant en compte les<br />

principales variables susceptibles d'influencer les recettes <strong>fiscales</strong> (Lopez-Laborda et Rodrigo,<br />

2003, p. 74). Or une analyse <strong>des</strong> données portant sur les mêmes <strong>amnisties</strong> à l'aide de modèles dits<br />

structurels n'a, à notre connaissance, pas été effectuée par les auteurs précités.<br />

209<br />

1 Voir Chen, C., Liu, L.M.and Hudak, G.B., "Outliers detection and adjustment in time series modeling and<br />

forecasting", Scientific Computing Associates, Working Paper, 1990<br />

2 Voir Bai, J. and Perron, P., "Estimating and testing linear models with multiple structural change", Econometrica,<br />

vol. 28, pp. 591-605, 1998


210<br />

15.Conclusion<br />

15.1.Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> : un instrument de lutte contre l'évasion fiscale controversé<br />

Afin de conclure ce travail, il convient de revenir à la question qui a été posée dans le chapitre<br />

introductif : les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> constituent-elles, d'un point de vue économique, un bon outil de<br />

lutte contre l'évasion fiscale? Le premier enseignement général de ce travail est qu'il n'existe pas de<br />

réponse catégorique à cette question et ce essentiellement pour trois raisons.<br />

Premièrement, la tentative de définition <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> a démontré qu'il existe en réalité une<br />

énorme diversité au niveau <strong>des</strong> types d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>. Or, dans la mesure où différents types<br />

d'amnistie permettent d'atteindre <strong>des</strong> objectifs différents, le choix d'un mauvais type d'amnistie par<br />

un gouvernement peut avoir pour conséquence de ne pas atteindre l'objectif visé initialement. Ainsi,<br />

en raison de la nature même <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> et de la diversité <strong>des</strong> objectifs qu'elles poursuivent, leur<br />

efficacité n'est pas garantie a priori.<br />

Deuxièmement, la capacité <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> à atteindre leurs objectifs ne dépend pas<br />

seulement de leurs caractéristiques intrinsèques mais elle dépend également <strong>des</strong> conditions<br />

entourant leur édiction. Par exemple, la mise en place d'une réforme fiscale simultanément à une<br />

amnistie fiscale permettrait d'accroître l'efficacité de cette dernière. La dépendance de l'efficacité<br />

d'une amnistie fiscale aux conditions qui l'entoure est un élément supplémentaire suggérant que le<br />

succès d'une amnistie fiscale n'est pas garanti a priori.<br />

Troisièmement, le débat théorique dans la littérature autour <strong>des</strong> arguments permettant de justifier un<br />

recours aux <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> montre qu'il n'existe pas d'unanimité au sein <strong>des</strong> économistes. Alors<br />

que les arguments relevant <strong>des</strong> effets de signal <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> ainsi que de la flexibilité qu'elles<br />

permettent d'introduire dans le système fiscal sont <strong>des</strong> arguments clairement controversés, même les<br />

éléments liés aux coûts administratifs <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> et aux effets d'assurance, qui, a priori, parlent<br />

unilatéralement en faveur <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>, ne font pas clairement l'unanimité dans la<br />

littérature.<br />

Ainsi, tout au long de ce travail, la démarche a été de rechercher, de manière la plus exhaustive<br />

possible, autant dans la littérature empirique que théorique, <strong>des</strong> éléments de réponse sur les types<br />

d'amnistie ainsi que les conditions d'octroi permettant d'atteindre les objectifs visés. Par conséquent,<br />

afin de conclure ce travail, les principaux résultats théoriques d'abord, empiriques ensuite vont être<br />

présentés. Puis, cette conclusion se terminera par un récapitualtif <strong>des</strong> aspects liés aux <strong>amnisties</strong><br />

<strong>fiscales</strong>, restés, à notre connaissance, complétement hors du champs de l'analyse économique et qui,<br />

à notre sens, pourraient faire l'objet d'une recherche future.


15.2.<strong>L'analyse</strong> économique <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> : les principaux résultats théoriques<br />

Les résultats <strong>des</strong> premièrs modèles d'amnistie fiscale - Afin de lever les ambiguités<br />

concernant les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> et qui alimentaient la controverse dans la littérature économique, la<br />

démarche <strong>des</strong> auteurs a été, vers la fin <strong>des</strong> années huitante, de modéliser formellement les <strong>amnisties</strong><br />

<strong>fiscales</strong> à l'aide d'outils mathématiques. Les trois modèles d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> présentés comme les<br />

premières tentatives de modélisation reposent tous les trois étroitement sur le modèle fondateur en<br />

matière d'analyse économique de l'évasion fiscale, le modèle d'Allingham et Sandmo (1972). Les<br />

<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> ayant comme objectif global la lutte contre l'évasion fiscale, il paraît logique que<br />

les auteurs aient adopté comme point de départ de leur analyse ce modèle, basé sur la théorie de<br />

l'utilité espérée. Toutefois, afin d'obtenir <strong>des</strong> résultats pertinents, les auteurs <strong>des</strong> premiers modèles<br />

d'amnistie fiscale ont dû amender l'un ou l'autre aspect du modèle fondateur. En effet, ce modèle<br />

arrivait à la conclusion rédhibitoire pour les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> que celles-ci étaient à la fois inutiles<br />

et inefficaces. Inutiles car l'évasion fiscale pouvait être totalement résorber à l'aide <strong>des</strong> outils<br />

traditionnels de la lutte contre l'évasion fiscale que sont le contrôle fiscal et le taux de pénalité.<br />

Inefficaces car l'introduction d'une amnistie dans le modèle n'était pas de nature à modifier la<br />

décision du contribuable.<br />

Dans la mesure où ce double résultat était essentiellement dû à <strong>des</strong> hypothèses à la fois très<br />

restrictives et peu en phase avec la réalité, les premières tentatives de modélisation <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong><br />

<strong>fiscales</strong> ont consisté à adopter une approche critique du modèle d'Allingham et Sandmo tout en<br />

basant l'analyse sur le même cadre théorique. Les auteurs ont ainsi mis l'accent d'une part sur une<br />

meilleure modélisation du type d'amnistie en introduisant <strong>des</strong> hypothèses essentiellement sur le<br />

niveau d'incitation offert par l'amnistie ainsi que sur sa temporalité. Ils ont d'autre part rendu<br />

l'environnement du contribuable plus réaliste en introduisant un degré d'incertitude supplémentaire.<br />

Cette démarche a permis d'obtenir un certain nombre de résultats théoriques tout à fait pertinents.<br />

Ces modèles démontrent notamment qu'une amnistie est capable d'engendrer une modification ex<br />

post du comportement du contribuable.<br />

D'abord, ces modèles montrent que, lorsque l'incitation offerte par l'amnistie augmente, la<br />

probabilité qu'un contribuable y participe augmente également. Par conséquent ces modèles<br />

suggèrent qu'une amnistie peut atteindre un objectif en terme de participation <strong>des</strong> contribuables pour<br />

autant qu'elle offre une incitation suffisamment élevée.<br />

Ces modèles montrent ensuite que lorsque la fréquence <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> augmente, la<br />

participation <strong>des</strong> contribuables au système fiscal diminue. De plus, lorsque les recettes <strong>fiscales</strong> sont<br />

considérées comme fixées, une augmentation de la fréquence <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> engendre une<br />

hausse du taux d'impôt suggérant l'existence d'un risque de cercle vicieux "<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>-<br />

211


hausses d'impôt". Par conséquent ces modèles suggèrent que les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> ne devrait être<br />

octroyées que de manière exceptionnelle et très espacées dans le temps par les gouvernements.<br />

Finalement, un résultat auquel aboutissent les trois modèles d'amnistie fiscale présentés est le fait<br />

que l'octroi d'une amnistie fiscale induit un arbitrage entre la participation à l'amnistie fiscale et la<br />

participation au système fiscal ordinaire. Par conséquent, ces modèles ne permettent pas de<br />

déterminer l'effet net exact <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> en terme de recettes <strong>fiscales</strong>. Cette ambiguïté<br />

concernant l'effet exact <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> sur les recettes <strong>fiscales</strong> est due aux différentes limites<br />

<strong>des</strong> premiers modèles d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>, qui ont été mises en évidence et dont les principales<br />

sont : le caractère statique de ces modèles qui ne permet pas de prendre en compte les effets ex post<br />

et ex ante sur les recettes <strong>fiscales</strong>, le manque de précision concernant l'hypothèse d'aversion au<br />

risque ainsi que l'approche en terme de contribuable-type qui ne permet pas de déterminer l'effet<br />

global sur l'ensemble <strong>des</strong> contribuables ou encore le manque d'hypothèses explicites sur le type<br />

d'amnistie analysé ainsi que sur les conditions d'octroi.<br />

Afin de dépasser les limites <strong>des</strong> premiers modèles, les auteurs ont cherché à améliorer les modèles<br />

théoriques d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dans trois directions : premièrement ils ont cherché soit à améliorer,<br />

soit à modifier radicalement le cadre d'analyse théorique <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>, deuxièmement ils<br />

ont cherché a modéliser plus précisément les différents types d'amnistie et troisièmement ils ont<br />

cherché soit à améliorer les hypothèses sur les paramètres qui pèsent sur la décision du contribuable<br />

soit à introduire de nouveau paramètre pertinents pour l'analyse. Ces différentes améliorations ont<br />

permis non seulement de confirmer ou d'infirmer les résultats <strong>des</strong> premiers modèles d'<strong>amnisties</strong><br />

<strong>fiscales</strong>, mais elles permettent surtout d'obtenir <strong>des</strong> résultats concernant d'autres aspects <strong>des</strong><br />

<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>.<br />

Les résultats théoriques <strong>des</strong> développements récents <strong>des</strong> modèles d'<strong>amnisties</strong><br />

<strong>fiscales</strong> : modification du cadre théorique – La présentation de modèles d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> plus<br />

récents a montré que certains auteurs ont d'abord cherché à dépasser les premiers modèles en<br />

apportant <strong>des</strong> améliorations au cadre théorique de l'utilité espérée. Premièrement, ils ont levé<br />

l'hypothèse du contribuable-type pour la remplacer par un certain degré d'hétérogénéité <strong>des</strong><br />

contribuables. Cette hypothèse permet notamment de rendre l'analyse <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> plus<br />

réaliste en expliquant pourquoi certains contribuables participent à une amnistie fiscale et d'autres<br />

pas. Elle permet notamment de définir plus précisément les conditions dans lesquelles un<br />

contribuable participera à l'amnistie. L'hypothèse d'hétérogénéité amène par ailleurs les résultats les<br />

plus intéressants lorsque l'hétérogénéité porte sur l'aversion au risque <strong>des</strong> contribuables.<br />

Ainsi certains auteurs font non seulement l'hypothèse de contribuables hétérogènes mais pallient<br />

également une insuffisance <strong>des</strong> premiers modèles en précisant le comportement de l'aversion au<br />

212


isque du contribuable. L'hypothèse privilégiée était celle d'une aversion au risque relative et<br />

constante. Cette hypothèse débouchait sur le résultat théorique selon lequel seuls les contribuables<br />

dont le degré d'aversion au risque tombe dans un certain intervalle participent à l'amnistie fiscale.<br />

Ce résultat suggère donc qu'une amnistie est peu à même d'inciter les contribuables qui ont<br />

soustraits les plus gros montants à participer à l'amnistie et donc peu efficace s'agissant de collecter<br />

<strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong> supplémentaires.<br />

Enfin, certains auteurs se sont attelés à construire un modèle dynamique permettant de prendre en<br />

compte les effets dynamiques <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>. Le principal résultat théorique de ce type de<br />

modèle est que les effets de long terme d'une amnistie fiscale, même extensive, sont au mieux<br />

transitoires si l'amnistie n'est pas accompagnée d'un renforcement <strong>des</strong> mesures visant à faire<br />

respecter la législation fiscale (contrôles, sanctions...). Ces résultats théoriques montrent que les<br />

conditions d'accompagnement jouent donc un rôle crucial dans la capacité <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> à<br />

atteindre leurs objectifs.<br />

Une autre limite <strong>des</strong> premiers modèles d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> était le fait qu'ils modélisaient<br />

uniquement le comportement du contribuable et faisaient donc l'hypothèse implicite d'une absence<br />

d'interactions avec les autres agents concernés par les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>. Certains modèles dépassent<br />

cette limite en faisant l'hypothèse d'interactions entre les différents agents concernés.<br />

Principalement, l'hypothèse d'une interaction entre les contribuables au niveau de leur(s) décision<br />

(s) implique notamment une évasion fiscale préexistante moindre et donc une probabilité que<br />

l'amnistie collecte <strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong> supplémentaires moindre par rapport aux premiers modèles,<br />

toutes choses égales par ailleurs. Les modèles introduisant une interaction entre gouvernement et<br />

contribuable formalisent l'objectif du gouvernement en terme de maximisation <strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong><br />

nettes et montrent principalement que le gouvernement peut avoir intérêt à édicter une amnistie<br />

fiscale dans la mesure où celle-ci permet de réduire les coûts liés aux mesures visant à faire<br />

respecter la législation fiscale. Les modèles dynamiques ont toutefois démontré qu'un renforcement<br />

de ces mesures est nécessaire pour que les effets <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> ne soient pas transitoires. Les<br />

modèles théoriques font donc apparaître une claire opposition entre les objectifs de court et de long<br />

terme <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong>.<br />

La modélisation de l'interaction entre gouvernement et contribuable permet également de relâcher<br />

l'hypothèse selon laquelle le gouvernement met en place exactement la politique fiscale annoncée.<br />

Le relâchement de cette hypothèse permet d'analyser l'effet de signal <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> que le<br />

gouvernement peut utiliser pour faire croire au contriuable que sa capacité à détecter les<br />

contribuables délinquent est plus élevée qu'elle ne l'est en réalité. Les résultats montre toutefois<br />

qu'une telle utilisation <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> ne permet pas au gouvernment de collecter <strong>des</strong> recettes<br />

213


<strong>fiscales</strong> supplémentaires.<br />

Enfin, sur le plan du cadre théorique, certains auteurs ont mobilisé <strong>des</strong> outils d'analyse théorique<br />

radicalement différents de l'analyse en terme d'utilité espérée adoptée par les premiers modèles. Ces<br />

différentes approches ont permis d'obtenir <strong>des</strong> résultats innovants.<br />

L'approche par la théorie <strong>des</strong> perspectives a permis de mettre en lumière le fait que les modèles<br />

d'utilité espérée faisaient l'hypothèse implicite que le fait de ne pas payer ses impôts est la norme à<br />

laquelle se réfère le contribuable. La principale innovation du modèle basé sur la théorie <strong>des</strong><br />

perspectives est l'utilisation du point de référence permettant de définir la norme à laquelle se réfère<br />

le contribuable lorsqu'il prend sa décision. Ce modèle met ainsi en lumière l'importance de la<br />

campagne d'information entourant une amnistie et qui peut permettre de modifier la norme du<br />

contribuable afin de diminuer l'ampleur de l'évasion fiscale.<br />

<strong>L'analyse</strong> à l'aide de la théorie <strong>des</strong> options réelles a permis de mettre en evidence les caractéristiques<br />

propres à la réaction d'une entreprise face à une amnistie fiscale. Ce type particulier de contribuable<br />

était effectivement laissé hors du champs de l'analyse par les premiers modèles. Ce modèle montre<br />

que si les entreprises anticipent une seconde amnistie fiscale dans le future, alors le risque qu'elles<br />

ne participent pas à l'amnistie octroyée dans la période courante est plus élevé que si elles n'avaient<br />

pas formé une telle anticipation. Par conséquent, le recours fréquent à <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> en<br />

faveur <strong>des</strong> entreprises par un gouvernement réduira leur efficacité, du fait de l'anticipation par les<br />

entreprises de nouvelles <strong>amnisties</strong> dans le futur. Ce résultat vient confirmer le résultat obtenu par les<br />

premiers modèles pour les personnes physiques.<br />

Enfin, un modèle mobilise spécifiquement la théorie du monopole discriminant pour analyser<br />

l'efficacité d'une amnistie fiscale extensive. Ce modèle montre, qu'en présence de contribuables<br />

hétérogènes, il peut être profitable pour un gouvernement qui cherche à maximiser ses recettes<br />

<strong>fiscales</strong> nettes d'octroyer une amnistie fiscale qui réduit le taux d'impôt. Des taux d'impôt<br />

différenciés permettent de prendre en compte le fait que les contribuables sont différents.<br />

Une autre façon d'améliorer l'analyse économique <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> est de préciser les<br />

hypothèses sur les principaux paramètres pesant sur la décision <strong>des</strong> agents, voire d'ajouter <strong>des</strong><br />

paramètres pertinents et qui avait été laissés hors du champs de l'analyse par les premiers modèles<br />

d'amnistie fiscale. Ces améliorations permettent d'une part d'affiner les résultats <strong>des</strong> premiers<br />

modèles théoriques. D'autre part, ces améliorations ont également pour objectif de rendre les<br />

modèles plus réaliste dans l'optique ensuite de les tester à l'aide de données empiriques. Dans la<br />

mesure où la plupart de ces modifications et améliorations ne modifient pas radicalement les<br />

différents résultats, nous ne reviendront pas sur ces aspects <strong>des</strong> modèles.<br />

214


Les résultats théoriques <strong>des</strong> développements récents <strong>des</strong> modèles d'<strong>amnisties</strong><br />

<strong>fiscales</strong> : les nouveaux types d'amnistie – Une dernière façon d'améliorer les premiers modèles<br />

d'amnistie est la formulation dans le modèle d'hypothèses explicites permettant de prendre en<br />

compte de nouveaux type d'<strong>amnisties</strong>. En effet, les premiers modèles d'<strong>amnisties</strong> ne formulaient<br />

d'une que peu d'hypothèse explicite sur le type d'amnistie qui était analysé. D'autre part le type<br />

d'amnistie implicitement analysé se référait finalement au type d'amnistie apparues aux Etats-Unis<br />

dans les années huitante est qui ont inspiré les auteurs <strong>des</strong> premiers modèles. Ainsi, la modélisation<br />

de nouveau types d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> a permis d'obtenir <strong>des</strong> résultats intéressants sur le plan<br />

théorique.<br />

Parmi les principaux résultats qu'ils permettent d'obtenir, les modèles plus récents démontrent<br />

notamment qu'une amnistie d'enquête est en principe plus efficace qu'une simple amnistie de<br />

poursuite, celle-ci ne devant être octroyée que dans certains cas particuliers.<br />

En outre, les modèles plus récents démontrent également que le fait de formuler une hypothèse<br />

explicite sur la procédure selon laquelle l'amnistie est octroyée a un impact sur son efficacité.<br />

Notamment, contrairement à ce que démontraient les premiers modèles, lorsque les contribuables<br />

ont la possibilité de se prononcer dans le cadre d'une votation sur l'amnistie, une augmentation de la<br />

pénalité ou de la probabilité d'être contrôlé n'augmente pas automatiquement la participation à<br />

l'amnistie. Par contre certains modèles tendent à montrer que les débats qui pourraient prendre place<br />

entre les citoyens dans la période précédant la votation sur l'amnistie sont de nature à améliorer la<br />

participation au système fiscal.<br />

Au niveau de la temporalité <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>, les développements récents <strong>des</strong> modèles<br />

d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> ont démontré dans un cadre dynamique, que lorsqu'une amnistie fiscale est<br />

anticipée par les contribuables, alors le niveau d'évasion fiscale a tendance a augmenter durant les<br />

pério<strong>des</strong> précédant l'amnistie.<br />

Enfin, concernant l'incitation de l'amnistie, les développements récents <strong>des</strong> modèles d'amnistie<br />

fiscale viennent confirmer les premiers modèles en montrant que, sans changement dans<br />

l'environnement du contribuable, seule une amnistie fiscale extensive est capable d'induire une<br />

participation <strong>des</strong> contribuables. De plus, même une amnistie extensive, si elle n'est pas<br />

accompagnée d'un renforcement <strong>des</strong> mesures de contrôle, n'a qu'un effet transitoire sur les recettes<br />

<strong>fiscales</strong>. Ce résultat théorique est certainement un <strong>des</strong> plus importants de la littérature dans la<br />

mesure où il suggère qu'une amnistie fiscale n'engendre, à long terme, ni effets positifs, ni effets<br />

négatifs sur les recettes <strong>fiscales</strong>. Ils sont d'autant plus importants qu'ils semblent être confirmés sur<br />

le plan empirique.<br />

215


15.3. <strong>L'analyse</strong> économique <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> : les principaux résultats empiriques<br />

Les enseignements de l'expérience <strong>des</strong> pays - Sur le plan empirique, la partie dédiée à<br />

l'expérience <strong>des</strong> différents pays avait essentiellement une vocation illustrative afin de rendre plus<br />

concret les différents concepts abordés dans la première partie. Elle avait ensuite également une<br />

vocation informative et a permis de démontrer que, depuis 1970, un grand nombre et une grande<br />

diversité d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> ont été octroyés dans pratiquement toutes les régions du monde.<br />

Malgré tout, cette revue <strong>des</strong> différentes expériences <strong>des</strong> pays en matière d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> a<br />

permis non seulement une première vérification <strong>des</strong> différents arguments et résultats théoriques<br />

mentionnés dans la littérature mais également de suggérer un certain nombre d'éléments importants<br />

restés hors du champs de l'analyse économique <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> et que nous récapitulerons<br />

dans la dernière section.<br />

Les enseignements <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> européennes - La présentation <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong><br />

<strong>fiscales</strong> européennes a permis de montrer que la majorité (mais pas la totalité) <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong><br />

édictées dans les pays de l'Union européenne poursuivaient un double objectif d'augmentation <strong>des</strong><br />

recettes <strong>fiscales</strong> et de croissance économique par un rapatriement <strong>des</strong> capitaux. Le passage en revue<br />

<strong>des</strong> différentes expériences a permis de mettre en évidence un certain nombre d'exemples autant<br />

d'<strong>amnisties</strong> qui se sont avérées efficaces que d'<strong>amnisties</strong> ayant connu l'échec.<br />

Les exemples de succès d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>, comme l'amnistie irlandaise de 1988 ou l'amnistie<br />

autrichienne de 1991, ont permis de mettre en évidence un certain nombre de facteurs déterminant<br />

le succès de ces <strong>amnisties</strong>. Ceux qui reviennent le plus souvent sont l'octroi d'une incitation élevée,<br />

la couverture d'une large base fiscale, l'absence d'anticipation d'<strong>amnisties</strong> futures, la mise en place<br />

d'une important campagne d'information, la simplification du système fiscal ainsi que la baisse <strong>des</strong><br />

taux marginaux d'imposition ou encore une réforme structurelle de l'économie. Un certains nombre<br />

de facteur sont également liés à la pression qui est mise sur les fraudeurs comme l'augmentation ex<br />

post <strong>des</strong> pénalités, sanctions et intérêts de retard, la publication <strong>des</strong> noms <strong>des</strong> contribuables détectés,<br />

l'augmentation du nombre de contrôleurs et <strong>des</strong> pouvoirs qui leur incombent ou encore une réforme<br />

de l'organisation de l'administration fiscale visant à accroître sont efficacité.<br />

A l'inverse un certain nombre d'exemples d'échec d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> comme les <strong>amnisties</strong> belges<br />

de 1984 et 2004, l'amnistie italienne de 2001 ou encore l'amnistie allemande de 2004, ont livré un<br />

certain nombre d'enseignements sur les causes possibles de ces échecs. On peut mentionner<br />

notamment la faible incitation, comme par exemple l'absence d'amnistie d'enquête, la répétition <strong>des</strong><br />

<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>, l'absence de menaces sur les contribuables fraudeurs, la complexité du système<br />

fiscal et <strong>des</strong> taux d'impôt élevés, un projet de loi flou ou encore le manque de consensus politique<br />

sont <strong>des</strong> éléments récurrents dans les différents exemples.<br />

216


Malgré l'intérêt <strong>des</strong> enseignements issus d'une revue <strong>des</strong> expériences européennes en matière<br />

d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>, il convient de mentionner qu'une généralisation de chacun de ces éléments à<br />

toutes les <strong>amnisties</strong>, notamment européennes, est délicate tant le contexte économique et<br />

institutionnel européen est hétérogène. Par conséquent, une comparaison directe <strong>des</strong> expériences<br />

européennes peut débouché sur <strong>des</strong> extrapolations largement erronées. En cela l'expérience <strong>des</strong><br />

Etats-unis en matière d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> apparaît particulièrement intéressante dans la mesure où<br />

les différents états ont pratiquement tous eu recours aux <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> et que le contexte plus<br />

homogène <strong>des</strong> Etats-unis est plus favorable à une comparaison directes <strong>des</strong> diverses expériences.<br />

Les enseignements <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> américaines - La présentation de<br />

l'expérience <strong>des</strong> états américains montrent que les <strong>amnisties</strong> édictées avait principalement comme<br />

unique objectif d'accroître les recettes <strong>fiscales</strong> en réponse à une situation budgétaire précaire. Ainsi<br />

l'homogénéité du contexte américain ainsi que la similitude <strong>des</strong> type d'<strong>amnisties</strong> a permis une<br />

comparaison directe de programme d'amnistie et un classement selon la performance.<br />

Malheureusement, les données collectées et disponibles pour un grand nombre d'Etats ne<br />

comprenaient qu'un petit nombre de caractéristiques <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>. Toutefos l'expérience<br />

<strong>des</strong> états américains suggérait essentiellement que l'adoption d'un projet d'amnistie par la voie<br />

législative plutôt que par la voie exécutive ou administrative semble améliorer la performance de<br />

l'amnistie. Elle suggérait également que le fait d'étendre l'éligibilité aux contribuables ayant déjà fait<br />

l'objet d'un contrôle fiscal soit de nature à améliorer la performance de l'amnistie. Finalement,<br />

puisque <strong>des</strong> données sur la performance <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> étaient disponibles, il est apparu intéressant<br />

de traiter plus en détail le cas d'une <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> américaines les plus performante, en l'occurrence<br />

celle de New-York en 1985. L'enseignement essentiel de l'expérience New-Yorkaise est le fait que<br />

la coordination de l'amnistie avec le niveau de gouvernement local est décrit comme étant de nature<br />

à avoir accru le succès de l'amnistie.<br />

Le fait que la coordination d'une amnistie entre les différents niveaux de gouvernment pourrait en<br />

accroître l'efficacité est intéressante dans la mesure où à la fois les Etats-Unis mais également<br />

l'Union européenne et la Suisse connaissent une structure décentraliseé. Par conséquent,<br />

l'expérience New Yorkaise suggère que, si <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> devaient à l'avenir être édictées<br />

dans ces états, alors il serait possible d'en accroître l'efficacité en coordonant l'amnistie sur le plan<br />

verticale.<br />

Les enseignements <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dans les pays en transition – La<br />

présentation <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> octroyées dans les pays en transition a démontré que, malgré<br />

l'hétérogénéité qui caractérise ce groupe de pays, ces pays devaient faire face à un certain nombre de<br />

problème communs comme l'importance de l'économie souterraine et la faiblesse de leurs<br />

217


administrations <strong>fiscales</strong>. La plupart <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> édictées dans ces pays ont donc pour la plupart un<br />

double objectif d'accroissement <strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong> et de réintégration d'activités économiques dans<br />

l'économie formelle, ormis pour les pays d'amérique latine qui cherchaient à enrayer les fuites de<br />

capitaux.<br />

Les <strong>amnisties</strong> édictées en Russie furent semble-t-il <strong>des</strong> échecs notamment en raison du type<br />

d'amnistie inadéquat sur les plans de la durée et de l'incitation, l'absence de réforme autant du<br />

système fiscal que de l'administration. En amérique latine, alors que les <strong>amnisties</strong> argentines se sont<br />

montré inefficaces notamment en raison de l'importante fréquence <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> octroyées par le<br />

gouvernement, la Colombie a élaboré un projet d'amistie fiscale qui s'est révélé efficace notamment<br />

grâce à la pression qui s'est simultanément accrue sur les fraudeurs mais aussi en raison de la<br />

réforme fiscale qui l'a accompagnée. L'Inde offre un tableau relativement original notamment du fait<br />

que l'une <strong>des</strong> dernières <strong>amnisties</strong> en date (1997) octroyées par le gouvernement indien a connu un<br />

succès relativement important malgré le grand nombre d'<strong>amnisties</strong> octroyées par le passé. Les<br />

raisons à cela semblent avoir été l'importante baisse du taux d'impôt sur le revenu ainsi que la<br />

campagne d'information intensive qui a accompagné le programme d'amnistie.<br />

Les conclusions tirées de la <strong>des</strong>cription de cas d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> et de données brutes doivent être<br />

considérées avec la plus grande prudence. En effet, une telle analyse ne permet pas de contrôler tous<br />

les facteurs influençant tantôt les recettes <strong>fiscales</strong>, tantôt le comportement du contribuable, tantôt les<br />

flux de capitaux ou encore l'économie souterraine. Par conséquent, certaines <strong>amnisties</strong> décrites<br />

comme un succès pourraient se révéler nettement moins efficaces si elles étaient analysées à l'aide<br />

de modèles économétriques utilisant <strong>des</strong> métho<strong>des</strong> rigoureuses et reposant sur <strong>des</strong> hypothèse<br />

théoriques plus soli<strong>des</strong>. Comme nous l'avons montré, plusieurs auteurs ont effectués de telles<br />

analyse non seulement afin d'obtenir de meilleures mesures de la performance <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> mais<br />

surtout afin de tester la validité de certains modèles ou de certaines hypothèses théoriques.<br />

Les enseignements <strong>des</strong> tests empiriques – Deux hypothèses centrales de la plupart <strong>des</strong><br />

différents modèles abordés étaient l'hypothèse sur le comportement du contribuable face au risque<br />

ainsi que l'hypothèse d'homogénéité ou d'hétérogénéité <strong>des</strong> contribuables. Certains auteurs se sont<br />

donc attachés à tester ces hypothèses à l'aide de données issues de différentes <strong>amnisties</strong>. Ainsi,<br />

l'analyse de données de panel issues de l'amnistie italienne de 1982 suggère la pertinence de<br />

l'hypothèse selon laquelle les contribuables sont hétérogènes. Ce résultat vient donc appuyer le<br />

résultat théorique selon lequel le gouvernement peut avoir intérêt à discriminer les contribuables<br />

l'aide d'une amnistie extensive afin de maximiser ses recettes <strong>fiscales</strong> nettes. Ce résultat vient par<br />

ailleurs soutenir l'argument qui veut que l'attrait de l'amnistie fiscale vient notamment du fait qu'elle<br />

constitue un instrument flexible de politique fiscale.<br />

218


D'autres étu<strong>des</strong> ont par ailleurs cherché à tester la validité de l'hpothèse d'aversion au risque qui est<br />

l'hypothèse centrale <strong>des</strong> modèles se basant sur la théorie de l'utilité espérée. Ainsi une étude portant<br />

sur les données <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> italiennes de 1991 et 1994 vient confirmer la pertinence de<br />

l'hypothèse d'aversion au risque en ce qui concerne la participation <strong>des</strong> contribuables à l'amnistie.<br />

Bien que ce résultat nécessite encore d'être étoffé et confronté à d'autres étu<strong>des</strong>, celui-ci est<br />

extrêmement important dans la mesure où il suggère le bien fondé <strong>des</strong> modèles théoriques reposant<br />

sur cette hypothèse quant au comportement du contribuable. Ce résultat vient par ailleurs soutenir la<br />

justification du recours aux <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> selon laquelle l'amnistie fiscale constitue une forme<br />

d'assurance permettant aux contribuable de se protéger contre le risque d'un contrôle.<br />

Ensuite certains auteurs ont testé dans quelle mesure la procédure d'édiction d'une amnistie jouait un<br />

rôle quant à son efficacité. Une estimation basée sur les données de l'amnistie suisse de 1968<br />

suggère que si la population est appelée à voter au sujet de l'amnistie fiscale, alors celle-ci s'avèrera<br />

plus efficace relativement aux outils traditionnels de lutte contre l'évasion fiscale par rapport à une<br />

situation où la population ne se voit pas offrir une telle opportunité. A l'aide d'un test économétrique<br />

effectué sur <strong>des</strong> données expérimentale collectées en Suisse et au Costa Rica, une autre étude tend à<br />

montrer que, si <strong>des</strong> discussions prennent place avant le vote sur l'amnistie, alors l'efficacité de<br />

l'amnistie fiscale s'en trouvera accrue. Ainsi, ces étu<strong>des</strong> portant sur <strong>des</strong> pays à démocratie directe<br />

montre que la procédure selon laquelle une amnistie est écidtée a un impact sur son efficacité.<br />

Concernant l'objectif de réduction de l'économie souterraine, un étude économétrique effectuées à<br />

l'aide <strong>des</strong> données <strong>des</strong> différentes <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> indiennes aboutit à <strong>des</strong> résultats mitigés. Le<br />

recours fréquent aux <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> principalement semble expliquer ces résultats. Par contre,<br />

une analyse de la capacité d'une amnistie à intégrer de nouveaux contribuables dans le système<br />

fiscal a été effectué sur les données de l'amnistie du Michigan en 1986. Celle-ci suggère que, malgré<br />

le faible impact en terme de recettes <strong>fiscales</strong>, l'amnistie a été efficace s'agissant de la participation de<br />

nouveaux contribuables. Cette analyse ne permettait toutefois pas de déterminer si ces contribuables<br />

avaient pu être maintenus de manière durable dans le système fiscal.<br />

Finalement, et c'est là certainement <strong>des</strong> résultats parmi les plus importants s'agissant <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong><br />

<strong>fiscales</strong>, certains auteurs ont cherché à analyser dans quelle mesure une amnistie fiscale pouvait être<br />

efficace à long terme. Or <strong>des</strong> étu<strong>des</strong> basées l'une sur les données de l'amnistie du Colorado en 1985<br />

et l'autre sur les données de l'amnistie espagnole de 1991 arrivent au résultat que ces <strong>amnisties</strong> n'ont<br />

eu aucun impact, positif ou négatif, à long terme, sur les recettes <strong>fiscales</strong>. Ces résultats empiriques<br />

viennent donc confirmer les résultats théoriques <strong>des</strong> modèles dynamiques selon lesquels les effets<br />

induits par une amnistie fiscale sur les recettes <strong>fiscales</strong> à long terme sont au mieux transitoires. A<br />

contrario, ce résultat ne confirme pas l'argument souvent avancé par les opposants aux <strong>amnisties</strong><br />

219


selon lequel le recours à l'amnistie fiscale détériorerait à terme la participation au système fiscal. Il<br />

est toutefois important de mentionner que ces résultats demandent encore à être confirmés et étayés<br />

par d'autres étu<strong>des</strong> notamment dans la mesure où les étu<strong>des</strong> mentionnées reposent fondamentalment<br />

sur la même méthode économétrique.<br />

Le présent travail, sans pouvoir affirmer qu'il soit totalement exhaustif, a donc permis de passer en<br />

revue une part importante de la littérature économique <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>. L'intérêt d'une telle<br />

démarche a principlement été la possibilité de présenter les différentes problématiques liées aux<br />

<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>, qui ont été traitées par l'analyse économique et au sujet <strong>des</strong>quelles certains<br />

résultats, théoriques ou empiriques, sont disponibles. Mais un autre intérêt découlant d'une revue de<br />

la littérature la plus exhaustive possible est l'opportunité de mettre en lumière certaines<br />

problématiques actuelles <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> qui sont, en l'état de nos connaissances, restées en<br />

dehors du champs de l'analyse économique. Ainsi il apparaît intéressant de définitivement conclure<br />

ce travail en mentionnant un certain nombre de problématiques liées aux <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> et qui, à<br />

notre sens, pourraient faire l'objet d'un futur travail.<br />

15.4. Les aspects <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> restés hors du champs de l'analyse économique<br />

Outre les améliorations marginales encore possibles de certains modèles d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong><br />

notamment au niveau <strong>des</strong> hypothèses sur les paramètres ou de la formalisation <strong>des</strong> types d'amnistie,<br />

il reste certaines dimensions importantes <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> qui n'ont pas fait l'objet d'une<br />

analyse théorique formelle rigoureuse qui permettrait ensuite d'effectuer <strong>des</strong> tests econométriques<br />

plus ou moins complets. Au terme de se travail, essentiellement deux aspects liés aux <strong>amnisties</strong><br />

<strong>fiscales</strong> semblent pouvoir faire l'objet de futurs travaux : la dimension fédéraliste d'une amnsitie<br />

fiscale et les effets macroéconomiques d'une amnistie fiscale. Dans la mesure où il ne s'agit pas ici<br />

de débuter un nouveau travail, nous mentionnerons brièvement les principales questions que<br />

pourraient soulever ces aspects <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>.<br />

Les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> dans les états fiscalement décentralisés – Dans la mesure où<br />

l'Union européenne, la Suisse, les Etat-unis ou encore l'Inde et d'autres pays en transition ont une<br />

structure décentralisée avec un partage de la souveraineté fiscale entre les divers échelons de<br />

gouvernement, les questions liées à l'octroi d'une amnistie fiscale dans une structure décentralisée ne<br />

sont pas dénuées d'intérêt dans l'optique d'une analyse théorique. Les principales questions mise en<br />

lumière dans ce travail sont notamment : Quelle est le niveau de gouvernment le plus approprié pour<br />

une amnistie? Quels sont les critère permettant de le déterminer? Quel échelon est le plus approprié<br />

pour la mise en oeuvre de l'amnistie? Une amnistie fiscale est-elle plus efficace si elle est<br />

coordonnée, verticalement entre les divers échelons de gouvernement mais aussi horizontalement<br />

220


entre les différentes juridictions d'un même échelon? A notre connaissance, aucun modèle théorique<br />

n'aborde réellement ces questions. Or certains cas d'<strong>amnisties</strong> abordés dans ce travail suggèrent que<br />

ces questions peuvent s'avérer importantes quant à l'utilisation <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> de manière<br />

efficace.<br />

Les effets macroéconomiques <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> – Une autre dimension <strong>des</strong><br />

<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> qui, à notre sens et à la lumière <strong>des</strong> questions traitées dans ce travail, sont restées<br />

hors du champs de l'analyse, sont les effets macroéconomiques <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong>. Plus particulièrement,<br />

l'objectif de croissance, dont nous avons vu qu'il est souvent un objectif poursuivi par les <strong>amnisties</strong><br />

européennes, n'a pas, à notre connaissance, été traité de manière rigoureuse sur le plan théorique. En<br />

effet, dans le cadre de ce travail, aucun modèle qui traiterait l'octroi d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> comme une<br />

interaction entre le gouvernment d'un pays qui souffrirait de fuite de capitaux et d'évasion fiscale<br />

liée à ces capitaux et le gouvernment d'un pays qui attirerait ces mêmes capitaux n'a été présenté.<br />

Suivant les hypothèses retenues, un tel modèle permettrait de déterminer l'impact d'une amnistie en<br />

terme non seulement de recettes <strong>fiscales</strong>, mais aussi en terme de flux de capitaux entre les pays<br />

concernés et de taux de croissance. Les récentes <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> et les récents projets d'amnistie<br />

fiscale dans les pays de l'Union européenne et en Suisse suggèrent qu'une telle analyse pourrait<br />

apporter <strong>des</strong> résultats pertinent concernant l'efficacité <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>.<br />

Au final, dans la mesure où l'analyse économique <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> tend à démontrer l'absence<br />

d'effets à long terme <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>, d'aucun pourrait s'étonner que ce travail se termine sur<br />

un certain nombre de suggestions sur les aspects <strong>des</strong> <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> qui seraient susceptibles de<br />

faire l'objet de recherches ultérieures. La raison en est simple : les cycles électoraux durent, dans les<br />

pays à régime démocratique, environ 4 ans dans la plupart <strong>des</strong> cas. Par conséquent, rares sont les<br />

politiciens ou les groupes politiques qui ont un horizon temporel effectif allant au-delà de cette<br />

durée. Or, les <strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong>, comme l'a démontré ce travail, restent, à court terme et dans<br />

certaines conditions, un instrument potentiellement efficace pour lever <strong>des</strong> recettes <strong>fiscales</strong><br />

supplémentaires. Par conséquent, à chaque fois que la pression <strong>des</strong> résultats se fera sentir sur les<br />

épaules <strong>des</strong> responsables politiques et que les ressources à disposition se feront rares, <strong>des</strong> projets<br />

d'<strong>amnisties</strong> <strong>fiscales</strong> verront inéluctablement le jour. Dans cette perspective, il est souhaitable que les<br />

milieux scientifiques, souvent appelés à conseiller les responsables politiques, poursuivent les<br />

recherches afin qu'ils puissent, le moment venu, non seulement juger si les conditions pour le succès<br />

d'une amnistie fiscale sont réunies mais surtout préconiser la forme d'amnistie la plus efficace à<br />

mettre en place étant donnés les objectifs pousuivis.<br />

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