Peter Knoepfel Mirta Olgiati Politique de la mémoire ... - IDHEAP

24 MUSEE NATIONAL SUISSE
pratiques culturelles, une personne possédant des compétences approfondies pour chacune de
ces pratiques a été choisie et mission lui a été donnée de la préserver et transmettre en tant
qu’élément du patrimoine. Ainsi, la politique de la préservation du patrimoine national prévoit
également la mémorisation d’un patrimoine immatériel et vivant au moyen de « Trésors
humains vivants » 18 . Le choix coréen a donc été celui de conserver et transmettre un
patrimoine matériel (les objets mobiles et immobiles), mais également un patrimoine
immatériel.
Cet exemple, qui excède le domaine muséal strictu sensu, a été évoqué pour montrer qu’il
existe des formes de mémorisation de patrimoines immatériels qui participent d’une identité
nationale et dont il serait envisageable d’exposer des éléments dans un musée national, à côté
des objets usuels. Il serait donc erroné de croire que seul le patrimoine matériel, c’est-à-dire
les informations culturelles et historiques faisant intrinsèquement partie d’un support
physique, peut être patrimonialisé ou, selon notre terminologie, mémorisé. Il s’agit en réalité
d’un choix culturel, social et politique qui reflète notre attachement au monde matériel. Il est
néanmoins à noter que, en plus des objets eux-mêmes, le MNS collectionne d’une certaine
manière aussi un savoir sur ces objets : il s’agit de ce point de vue d’une forme immatérielle
de patrimoine.
2.2.2.2 Dignité à la mémorisation
Dans un musée le processus de patrimonialisation s’articule en premier lieu autour de la
politique de collection de l’institution : celle-ci définit en effet ce qui est digne d’être
mémorisé en lui ouvrant l’accès à l’institution muséale et détermine par la suite tous les autres
processus qui règlent la manière de collectionner. Comme dans toute véritable archive, une
collection appartenant à un musée historique comme le Musée national reste toujours
inaliénable et imprescriptible. Une fois qu’il est dans les collections du musée, un objet y
reste pour toujours.
S’agissant d’un groupe de huit musées, les objets conservés au Musée national suisse ne
sont pas le résultat d’une politique de collection strictement unitaire, mais sont la somme de
différentes politiques de collection organisées en ressorts et coordonnées par l’ensemble des
conservateurs·trices. Pour cette raison 19 , ce chapitre se focalisera sur la politique de collection
menée par les conservateurs·trices du Centre des recherches scientifiques, qui est en grande
partie représentative de la politique poursuivie par l’ensemble des musées du groupe et qui le
sera de plus en plus dans le futur.
La politique de collection poursuivie par le Musée national est décrite dans les grandes
lignes dans un document intitulé Sammlungskonzept et datant de décembre 1998. Il apparaît
que des changements ont eu lieu depuis, car la politique de collection évolue au fil des années
et s’adapte, mais le concept général reste néanmoins valable. Les critères de sélection du
Musée national vont du général au particulier, c’est-à-dire de sa philosophie globale de
collection, à des définitions plus restreintes, qui sont faites sur mesure selon le domaine
thématique ou la période historique qui définit la collection.
Le critère général de sélection de ce qui est digne d’être conservé par le MNS – et qui fait
justement de lui un musée national – est le suivant : sont collectionnés les objets produits
et/ou utilisés en Suisse et provenant de ses différentes régions. Etant néanmoins aussi un
18 Se référer à Dawnhee Yim, « Le système des trésors humains vivants et la protection du patrimoine culturel
immatériel : expériences et enjeux », Les nouvelles de l’ICOM, 4, 2004, 10-12.
19 Une autre raison est le fait qu’il n’a pas été possible dans le cadre de ce chapitre, rédigé suivant des délais
relativement courts, d’étudier séparément les politiques de collections de chacun des musées du groupe. Ceci
aurait en effet demandé de réaliser des entretiens dans chacune des institutions.